“Trouver sa joie en Dieu : l’amour de complaisance par fr. Manuel Rivero, o.p.

La contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus[1]. Écoutons le curé d’Ars raconter cette touchante histoire : Entré un matin dans l’église pour faire sa prière avant d’aller dans les champs, un homme du village laissa sa pioche à la porte et s’oublia là, devant Dieu. Un voisin, qui travaillait vers le même endroit et qui avait l’habitude de l’apercevoir, fut étonné de son absence. S’en retournant, il s’imagina de pénétrer dans l’église, pensant qu’il y serait peut-être. Il l’y trouva en effet : « Que fais-tu là si longtemps ? » lui demanda-t-il. L’autre lui répondit : « J’avise le bon Dieu, et le bon Dieu m’avise ». Et à ce simple récit qu’il aimait à faire et qui lui amenait chaque fois des larmes, le curé d’Ars ajoutait : « Il regardait le bon Dieu et le bon Dieu le regardait. Tout est là, mes enfants ! »[2]

Dans son Journal, au séminaire d’Issy-les-Moulineaux en 1879, Albert Lagrange parle de l’amour de complaisance comme étant le fondement et la source de l’amour de bienveillance. Dans l’Évangile, Jésus trouve son bonheur dans la relation d’amour avec son Père.
La Loi révélée dans la Bible présente l’amour envers Dieu comme un commandement. L’homme contemporain se cabre souvent face aux commandements préférant rechercher le plaisir et le bonheur. Cependant, pour le croyant, le commandement représente une lumière plutôt qu’une contrainte.
« Dis-moi où tu trouves ton bonheur et je te dirai qui tu es », pourrions-nous dire. Tant qu’il n’y a pas de joie la vertu reste incomplète. La morale de Jésus comme celle de Confucius en Chine et des philosophes en Grèce est une morale du bonheur : l’homme agit à la recherche du bonheur. Le chrétien atteint sa perfection quand il accomplit le commandement de l’amour en y trouvant sa joie.
À travers la connaissance et l’accomplissement de la Loi, le chrétien trouve son plaisir et sa joie en Dieu. Transformé par cette union amoureuse avec le Père de Jésus, le chrétien aime autrui d’un amour de bienveillance. Homme de prière et de charité, Albert Lagrange jouissait de la présence de Dieu.

« Trouver sa joie en Dieu : l’amour de complaisance »

« Charité envers Dieu. Amour de complaisance : les témoignages d’amour de Notre Seigneur envers son Père sont très rares dans l’Évangile. Le but de Notre Seigneur était de nous ramener à son Père par les manifestations de son amour ; aussi l’Évangile parle plus de sa vie extérieure que de ses témoignages d’amour envers son Père ; ce devait être le partage des âmes saintes. Au milieu des Juifs endurcis, il fallait surtout qu’il affirmât son amour de bienveillance pour les hommes.
D’ailleurs il n’est peut-être pas très utile de distinguer en Notre Seigneur les deux amours.
St Matthieu XI, 25.
Confiteor tibi pater…… quoniam sic fuit placitum ante te[3] : c’est un tressaillement de l’amour de complaisance.
Même fait, St Luc X, 21 :
exultavit Spiritu sancto et dixit : confiteor tibi, Pater, etc. Etiam Pater, quoniam sic placuit ante te[4].
D’ailleurs cet amour de complaisance est toujours le principe de celui de bienveillance: St Jean 8. Ego quae placita sunt ei, facio semper[5] . – Nous n’avons pas une vue assez pure de Dieu pour nous complaire dans la vue de sa bonté : notre amour de bienveillance est bien souvent fondé par la foi et par l’espérance : tandis que Notre Seigneur ne pouvait pas avoir un amour de bienveillance qui ne fût fondé sur celui de complaisance. C’était le même amour. Ainsi au jardin des Oliviers, il semble se rattacher uniquement à la volonté de son Père, toujours devant ses yeux : la bonté, la beauté de son Père ne quittait jamais sa pensée.
Notre Seigneur était nécessairement le plus grand des contemplatifs
[6]. »

(La Revue du Rosaire, L’Année sacerdotale et le Père Lagrange,n° 220, février 2010)

Notes    (↵ returns to text)

  1.  Catéchisme de l’Église catholique, n. 2715.
  2. Mgr Francis Trochu, Le Curé d’Ars, Éd. Résiac, 2004.
  3. Matthieu 11, 25-26: «En ce temps-là Jésus prit la parole et dit: Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.» Traduction de la Bible de Jérusalem.
  4. Luc 10, 21 :« À cette heure même, il (Jésus) tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit: Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.» Traduction de la Bible de Jérusalem.
  5. Jean 8, 29: «Celui qui m’a envoyé est avec moi; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît.» Traduction de la Bible de Jérusalem.
  6. Marie-Joseph LAGRANGE, Journal spirituel (inédit), Premier cahier; transcrit par le frère Renaud Escande, révisé par le frère Bernard Montagnes, 28 mars 1879, au séminaire d’Issy-les-Moulineaux.

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