Au mois de mai 1908, le père Lagrange écrit dans son Journal spirituel : « la pensée hardie du Bienheureux Grignion de Montfort : Marie est le moule où les âmes deviennent semblables à Jésus. Entrez dans ce moule [1] ! »
Il s’inspire de celui qui était à cette époque-là encore bienheureux : Louis-Marie Grignion de Montfort. Ce grand missionnaire breton est fêté dans la liturgie propre à l’Ordre des prêcheurs parce qu’il avait fait partie d’une fraternité dominicaine.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort s’inspire de la théologie de saint Augustin. Voici sa pensée exprimée dans son ouvrage Traité sur la vraie dévotion :
N° 219 : « Remarquez, s’il vous plaît, que je dis que les saints sont moulés en Marie. Il y a une grande différence entre faire une figure en relief, à coups de marteau et de ciseau, et faire une figure en la jetant en moule : les sculpteurs et statuaires travaillent beaucoup à faire des figures dans la première manière, et il leur faut beaucoup de temps. Mais à les faire dans la seconde manière, ils travaillent peu et les font en fort peu de temps. Saint Augustin appelle la Sainte Vierge forma Dei : le moule de Dieu .
Celui qui est jeté dans ce moule divin est bientôt formé et moulé en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en lui. À peu de frais et en peu de temps il deviendra Dieu, puisqu’il est jeté dans le même moule qui a formé un Dieu. »
N° 220 : « Il me semble que je puis fort bien comparer ces directeurs et personnes dévotes qui veulent former Jésus-Christ en soi ou dans les autres par d’autres pratiques que celle-ci, à des sculpteurs qui, mettant leur confiance dans leur savoir-faire, leurs industries et leur art, donnent une infinité de coups de marteau et de ciseau à une pierre dure, ou une pièce de bois mal polie, pour en faire l’image de Jésus-Christ.
Et quelquefois, ils ne réussissent pas à exprimer Jésus-Christ au naturel, soit faute de connaissance et d’expérience de la personne de Jésus-Christ, soit à cause de quelque coup mal donné qui a gâté l’ouvrage.
Mais pour ceux qui embrassent ce secret de la grâce que je leur présente, je les compare avec raison à ces fondeurs et mouleurs qui, ayant trouvé le beau moule de Marie, où Jésus-Christ a été naturellement et divinement formé, sans se fier à leur propre industrie mais uniquement à la beauté du moule, se jettent et se perdent en Marie pour devenir le portrait au naturel de Jésus-Christ. »
N° 221 : « Ô la belle et véritable comparaison ! Mais qui la comprendra ? Je désire que ce soit vous, mon cher frère, mais souvenez-vous qu’on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide : c’est-à-dire qu’il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie. »
(La Revue du Rosaire, n° 225, juillet-août 2010)
- Journal spirituel, inédit, deuxième cahier, 2 mai 1908.↵
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