En posant la première pierre de l’École biblique de Jérusalem le 5 juin 1891, le père Lagrange avait confié cette fondation à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes. Il avait gravé aussi sur cette première pierre sa prière à Notre-Dame du Rosaire, patronne de l’école biblique. L’Ordre des Frères Prêcheurs et le diocèse de Fréjus-Toulon œuvrent officiellement en faveur de la béatification du père Lagrange.
C’est pourquoi il nous semble bon d’associer les lecteurs de La Revue du Rosaire à cette démarche qui nous renvoie à la source de notre foi : la Bible. Dès son noviciat le frère M.-J. Lagrange avait fait de la Bible son livre fondamental, voire unique, d’étude et de spiritualité avec l’accord de son père maître. Son âme se nourrissait de la lectio divina, de l’exégèse, de la prière liturgique et du rosaire, chacune de ses activités renvoyant aux autres et les nourrissant dans la réciprocité.
Il est bien connu que les Dominicains pratiquent rarement le culte de la personnalité. À la mort de saint Dominique lui-même, les frères n’avaient pas investi leurs forces dans la canonisation de leur fondateur mais dans la prédication de la résurrection de Jésus-Christ.
Pourquoi alors attirer votre attention sur l’enjeu d’une telle béatification ? Ne vaut-il mieux pas s’efforcer de vivre la sainteté aujourd’hui plutôt que de se souvenir de celle d’hier ? En son temps, le père Lagrange a su relever le défi difficile de la critique scientifique de la Bible. L’exemple de son aventure spirituelle et de son œuvre d’exégète s’est avéré fécond pour ceux qui connaissent des doutes et des épreuves.
Au couvent de Toulouse, le père Bernard Montagnes[1] a travaillé pendant plusieurs années pour nous offrir une biographie critique. Le père Lagrange a été salué comme un « nouveau saint Jérôme » pour la qualité et l’ampleur de ses études bibliques. Le philosophe et académicien Jean Guitton, élève du père Lagrange à Jérusalem, invité par le pape Paul VI au concile Vatican II, insistait sur la nécessité de mettre sur les autels le fondateur de l’École biblique qui avait su réconcilier la foi catholique et la critique textuelle de la Bible. À quoi bon se plaindre sans cesse du manque de foi de nos contemporains ? La foi ne vient-elle pas de l’écoute de la Parole de Dieu prise au sérieux ? Aujourd’hui encore des philosophes français agnostiques qui promeuvent l’enseignement du fait religieux dans notre société se tournent vers l’École biblique de Jérusalem pour y étudier l’histoire des textes dans leur contexte. Mais ce ne sont pas uniquement les intellectuels qui se disent touchés par l’exemple du père Lagrange. Des familles angoissées par la maladie grave de l’un de leurs proches, des couples en difficulté et des parents inquiets de l’athéisme de leurs enfants témoignent aussi des grâces reçues par l’intercession du père Lagrange.
Le pape Jean-Paul II voyait dans les célébrations de canonisation des nouveaux saints un acte de nouvelle évangélisation qui réveille le feu de la foi qui couve sous les cendres culturelles et religieuses des hommes d’aujourd’hui. Un saint est aussi une page de l’histoire d’un pays, d’une époque et d’un combat spirituel.
À l’heure actuelle il manque la reconnaissance officielle d’un miracle pour parvenir à la béatification. Nous vous invitons à vous confier à la prière du Serviteur de Dieu, le père Lagrange, et à demander au Seigneur sa glorification.
La Revue du Rosaire, octobre 2005, n° 172
- Bernard MONTAGNES, Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, éd. du Cerf, Paris, 2004.↵