Le père Lagrange et son influence sur le père Eyquem par fr. Manuel Rivero, o.p., vice postulateur

Le père Joseph Eyquem, fondateur des Équipes du Rosaire, vénérait le père Lagrange qu’il avait connu au couvent royal de Saint-Maximin au mois de mars 1938, pendant ses études de théologie[1]. De retour de l’École biblique de Jérusalem au couvent de son noviciat pour des raisons de santé, le père Lagrange continua l’enseignement de l’exégèse par des cours donnés au studium des frères ainsi que par des conférences publiques aux laïcs.

Les jeunes frères observaient la prière de ce savant qui ne cachait pas sa dévotion mariale. Au retour de ses promenades, il avait l’habitude de cueillir quelques fleurs de manière à déposer un petit bouquet devant la statue de la Vierge Marie qu’il aimait invoquer à genoux sous le vocable d’Immaculée Conception. La prière du fondateur de l’École biblique était feu : véritable va-et-vient entre la Parole de Dieu scrutée dans l’étude scientifique de l’Écriture sainte et le Rosaire qui le plongeait dans un voyage intérieur riche en découvertes spirituelles accordées par l’Esprit Saint.

Grand travailleur, le père Lagrange se dévoua pour le salut des âmes jusqu’au bout. Quelques jours avant sa « pâque » vers le Père, le 10 mars 1938, il avait répondu positivement à l’invitation d’un groupe d’universitaires de Montpellier qui bénéficiait de ses travaux de recherche. Par ailleurs, il est possible de suivre son travail en cette année 1938, grâce aux cahiers qu’il remplissait de son écriture fine. En haut de chaque page figurait l’Ave Maria qui le reliait à la joie de Dieu et à son projet de Salut pour l’humanité. Malgré la fatigue et la maladie, le père Lagrange continua de préparer son cours sur l’évangile de saint Jean. Quelque temps avant sa mort, les lignes de son écriture s’effondrent annonçant par là l’effondrement de ses forces physiques. C’est entouré de ses frères, jeunes et moins jeunes, qu’il passa de ce monde à la Jérusalem céleste dans le doux abandon suscité par le Salve Regina si cher à son Ordre des prêcheurs, voulu par la Mère de Dieu pour faire connaître son Fils.

La foi et la fidélité du père Lagrange ont marqué des générations de jeunes frères dominicains. À la suite de son frère aîné, le père Eyquem aimait l’Église qu’il servait par la prédication. Soucieux de la justesse de son enseignement, il faisait corriger chaque mois les articles de son bulletin « Rosaire » par les frères de la Revue thomiste du couvent de Toulouse.

Lors d’un enseignement donné aux laïcs dominicains du Tiers-Ordre en France, le père Lagrange avait évoqué l’absence de la vie publique de Jésus dans la prière du Rosaire. Le père Eyquem, connaisseur de la longue et riche histoire de cette prière mariale susceptible d’intégrer toute la Bible par le biais de clausules, courtes phrases de l’Écriture insérées après le nom de Jésus dans l’Ave Maria, n’hésita pas à proposer de nouveaux mystères du Rosaire : « Sa présentation des mystères douloureux s’ouvrait au soir de la passion par le repas pascal, avec la dimension sacrificielle de l’eucharistie devenant évidente ; elle regroupait après l’agonie de Jésus sous le nom de Procès de Jésus, la flagellation et le couronnement d’épines. Et pour les mystères glorieux, il réunissait l’Assomption et le Couronnement de Marie dans le seul mystère de l’Assomption, pour que nous méditions en finale le Second avènement du Christ, là où nous dirige l’espérance. Mais le père Eyquem ne s’arrêta pas là : en 1977, il développa la série des mystères joyeux avec la Vie publique, pour nourrir la méditation grâce à l’Évangile. Il savait que ces questions se posaient depuis des siècles en lien avec la prière du Rosaire. D’où ces indications: Baptême de Jésus, Noces de Cana ; il désignait aussi la Transfiguration et l’Entrée messianique à Jérusalem comme mystères qui pouvaient être retenus. » [2]

C’est pourquoi le père Eyquem figure parmi les précurseurs des mystères lumineux choisis par le pape Jean-Paul II.

À travers le père Eyquem, le père Lagrange a façonné les Équipes du Rosaire. Leur attachement à la Parole de Dieu, expliquée et actualisée, leur souci de servir l’Église dans l’obéissance et la communion ainsi que leur liberté créatrice ont de qui tenir !

(La Revue du Rosaire, n° 230, janvier 2011)

Notes    (↵ returns to text)

  1. Hugues-François ROVARINO, Prier 15 jours avec le père Eyquem, fondateur des Équipes du Rosaire, Paris, Éditions Nouvelle Cité, 2010, p. 9-10.
  2. id., p. 57.

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