23 mai 2013
9. 41Et quiconque vous donnera à boire un verre d’eau pour la raison que vous êtes au Christ, en vérité, je vous dis qu’il ne perdra pas sa récompense. 42Et quiconque scandalisera un de ces petits qui croient… il vaudrait mieux pour lui qu’on lui passe au cou une meule d’âne, et qu’on le jette dans la mer.
43Et si ta main est pour toi un sujet de scandale, coupe-la. Il vaut mieux que tu entres manchot dans la vie que d’aller, ayant les deux mains, dans la géhenne, au feu inextinguible. 45Et si ton pied est pour toi un sujet de scandale, coupe-le ; il vaut mieux que tu entres dans la vie boiteux, que d’être jeté dans la géhenne ayant les deux pieds. 47Et si ton œil est pour toi un sujet de scandale, arrache-le ; il vaut mieux que tu entres avec un seul œil dans le royaume de Dieu, que d’être jeté, ayant les deux yeux, dans la géhenne, 48où leur ver ne finit pas, et où le feu ne s’éteint pas. 49Car tous doivent être salés au feu. 50Le sel est bon ; mais, si le sel devient fade, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? Ayez en vous-mêmes du sel, et soyez en paix les uns avec les autres. »
Charité envers les disciples
41-42. Jésus reprend le fil du discours interrompu par Jean (Marc 38-40). Il parlait du mérite de ceux qui reçoivent les petits en son nom. Oui, même quand le service rendu ne serait qu’un verre d’eau offert au disciple altéré. Mais aussi le châtiment sera terrible, si on scandalise ces humbles croyants dont l’enfant est le type. La meule d’âne est une grosse meule en pierre, creusée en forme de vase. Une autre pierre, en forme de cône renversé s’y adapte, mise en mouvement par un âne, et broyant le grain placé entre les deux. La meule de dessous pouvait en effet être attachée au cou d’un homme pour l’entraîner au fond de l’eau, et ce genre de supplice n’était pas ignoré des contemporains (Suétone, Auguste 67). Le scandale est d’autant plus grave qu’il est donné de plus haut. Nouvelle raison de ne pas ambitionner le premier rang.
Le scandale
43-48. On risque de donner le scandale, c’est-à-dire d’être pour les autres une occasion de chute, soit par des paroles, soit par des exemples. Mais on risque aussi d’être entraîné… Il faut donc éviter toute occasion de pécher : quand il s’agirait d’extirper le sentiment le plus intime, de se séparer de la personne la plus chère, de perdre ce qu’on a de plus précieux. Tout cela est exprimé par une sorte de parabole. Rien ne nous est plus cher que les membres du corps, la main, le pied, l’œil… rien si ce n’est la vie elle-même, ou plutôt, comme Jésus l’a déjà enseigné, la vie dans le royaume de Dieu. Il faudrait donc à l’occasion sacrifier ces membres, mais non pas dans le sens littéral. Par exemple la perte d’un seul œil n’empêcherait pas les mauvais désirs de pénétrer par la vue, et la perte des deux ne serait pas suffisante pour dompter la concupiscence. D’ailleurs personne n’a le droit de se mutiler. L’intention est donc symbolique, ou plutôt parabolique, sans allusion précise au rôle de chacun des membres. À la vie, c’est-à-dire la vie éternelle dans le royaume de Dieu de l’au-delà, est opposée la géhenne. C’était, à l’origine, le nom (Gê-hinnom) d’une vallée de Jérusalem où l’on avait sacrifié des enfants à Moloch en les faisant passer par le feu. Dans la géhenne, « leur ver ne finit pas et leur feu ne s’éteint pas », comme dans Isaïe (66,25).
Le sel
49-50. Le verset 49 est difficile, même sans l’addition de la Vulgate : et omnis victima sale salietur, « et toute victime sera salée par le feu ». Ou bien : ceux qui n’auront pas fait les retranchements nécessaires seront salés par le feu. Mais pourquoi « tous » ? Ou bien : « tous », les uns dans le feu purificateur du retranchement, les autres dans le feu vengeur du châtiment. Ou bien : « tous » ceux qui veulent éviter la corruption, seront salés par le feu. De cette façon, le verset 49 entre déjà dans la pensée du verset 50. C’est le seul sens acceptable si l’on admet l’addition de la Vulgate, car un réprouvé n’est point une victime (offerte à Dieu). Il faudra donc être consumé par le feu du retranchement qui purifie et qui conserve comme le sel.
Cette mention du sel amène un autre avis. Le sel affadi n’est plus bon à rien. Il faut donc le conserver dans son intégrité. Ce ne peut être que par la charité envers Dieu, principe des sacrifices nécessaires : elle s’exercera naturellement envers le prochain en conservant la paix.
(éditions Lecoffre Gabalda, coll. Études bibliques, Paris, 1935.)
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