J’ai rencontré son nom pour la première fois à la lecture de l’ Essai historique consacré au pape Pie X par Pierre Fernessole, en 1955. Le Père y était cité à propos de Loisy, avec quelques extraits de lettres de lui à Mgr Batiffol. Plus loin quelques lignes étaient consacrées à son œuvre de Jérusalem… sans préciser qu’il était le fondateur de l’École biblique mais en louant « ses grands ouvrages sur l’Ancien et le Nouveau Testament et sur l’Évangile »…sans faire état des tribulations du cher Père ! que je ne connaissais pas alors.
Les années qui suivirent me furent pénibles. J’avais eu des parents très croyants et bénéficié d’une solide éducation religieuse… et pourtant j’en vins à douter – non pas de Dieu Lui-même au fond de moi – mais de son Église et de ma religion, à cause de certains de leurs adeptes fiers comme le pharisien de l’Évangile, et pourvus de la bénédiction de celui de leurs ministres qui officiait alors dans ma paroisse. Pardonnez-moi si je n’en dis pas plus : c’est seulement que ce serait trop long à raconter et ce n’est pas le sujet de mon témoignage. Mais ce fut pour moi le miracle de ma rencontre providentielle avec le père Lagrange, dont je n’avais pas oublié le nom : je fus « poussée » mystérieusement à acquérir dans une brocante son Évangile de Jésus-Christ.
Ce livre merveilleux fut pour moi une révélation et ne m’a depuis jamais quittée : il fut à lui seul le premier miracle du père Lagrange pour la plus indigne de ses « enfants » posthumes, et j’en ai témoigné par écrit il y a 10 ans au promoteur de sa Cause à Rome, le père Venchi, sur le conseil du père Montagnes.
Parce que le père Lagrange m’a conduite au cher père Montagnes, et c’est la seconde des grâces que je lui dois. Peu de temps après ma bénie découverte de L’Évangile de Jésus-Christ, j’ai pu lire le merveilleux « Portrait » du Père, tracé par Jean Guitton en 1992 ; et ce livre annonçait « un ouvrage exhaustif » alors préparé par le père Montagnes : je l’ai acquis dès sa parution en 1995… et ne me lassai pas de le relire encore et encore, en restant toujours sur ma faim.
Troisième miracle : j’osai écrire au Père ! qui me répondit aussitôt, et dès sa deuxième lettre me conseillait de demander à Jérusalem, s’ils en disposaient à l’École biblique, un exemplaire des Souvenirs personnels du père Lagrange, qui fut aussitôt adressé par le père de Tarragon, avec une belle dédicace de sa main ! (9 octobre 2002). Grâce au cher père Montagnes encore, je pus obtenir à Rome, un exemplaire de sa Biographie critique avant qu’elle soit éditée par le Cerf ! – et j’obtins chez Gabalda un exemplaire de la Correspondance Cormier-Lagrange : j’étais comblée ! et je le suis chaque jour davantage. Ce qui précède vous dit « comment je l’ai connu » ; quant à « l’origine de mon admiration pour le père Lagrange », c’est son héroïque et merveilleuse soumission dans les terribles épreuves qui lui furent infligées, même par le père Cormier pour qui il voulut témoigner au « Procès » qui vient d’en faire un « Bienheureux » … et même par le Chef de cette Église « qu’il aurait voulu servir » – humble mention du texte, écrit par lui-même, de son image mortuaire – alors qu’il l’avait tant servi !
Moi qui n’osais plus mettre les pieds dans cette Église dont les « bons chrétiens » m’avaient jugée indigne, j’ai trouvai dans son exemple la force de pardonner… et j’ai eu honte de la rancune gardée durant tant d’années, au point de brûler l’épais dossier gardé de ce temps-là. Et je fais mienne la question posée par Jean Guitton : « L’encre des hommes d’Église ne peut-elle être l’équivalent du sang des martyrs ? » Oh, oui, elle le peut, quand « l’homme d’Église » s’appelle le père Lagrange ! Il devrait être canonisé comme les anciens martyrs, sans qu’il soit besoin d’un « procès »… ce qui ne m’empêche pas de prier chaque jour, avec toute notre chère association, pour que « l’Église reconnaisse publiquement la sainteté de sa vie ». Cela sans doute n’ajoutera rien à la récompense depuis longtemps acquise auprès de son Maître par ce bon et fidèle serviteur, mais cela serait si bénéfique à de pauvres pêcheurs comme moi !
Le miracle qu’il a fait pour moi, dans la gloire des autels tant d’autres – qui n’ont pas encore eu le bonheur de le rencontrer – pourraient le prier et l’obtenir par son intercession ! C’est important à l’époque où nous sommes, qui se monte en épingle que la fragilité de certains prêtres. Hélas, si « le bruit ne fait pas de bien », le bien, lui, ne fait pas de bruit !
C’est le mérite de Jean-Paul II d’avoir voulu la béatification du père Lagrange. Que n’a-t-il vécu assez longtemps pour la proclamer ! Et… vivrai-je assez longtemps pour la voir ? Ce n’est déjà pas rien que j’aie l’espoir d’avoir bientôt le « Vie », du cher père écrite par son fils de prédilection, comme j’ai pu lire ses Patriarches dont la publication avait encore été refusée à la veille de sa mort ! S’il m’est donné de lire encore son Journal … et pourquoi pas sa Genèse ! … je pourrai comme le vieux Siméon chanter mon Nunc dimittis !
En attendant, c’est avec joie que je vous ai donné ce témoignage. C’est avec une joie plus grande encore qu’à travers vous je l’ai rendu à la puissance de la paternelle intercession de mon cher père Lagrange… que j’espère bien mieux connaître encore au Paradis, si toutefois la miséricorde du Bon Dieu me permet d’y entrer un jour à sa prière, sans aucun mérite de ma part.
Avec ma reconnaissance, fidèlement à vous tous.
Marie-Ange-Petitgenêt