Nouveau-Testament-Marie à Nazareth par Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs

Nouveau Testament

MARIE À NAZARETH

Marie à Nazareth par Marie-Joseph Lagrange des frères Prêcheurs [1] In L’Écriture en Église, 142, coll. Lectio divina, p. 149-157

Jérusalem, en la fête de sainte Élisabeth, 1933

Que faisait Marie à Nazareth ? Nous n’en savons rien. Savons‑nous seulement ce qu’y fit Jésus ? Il travaillait dans ce qu’on ose à peine appeler l’atelier de celui qui passait pour son père. Il allait à la synagogue le samedi. Il vivait dans la compagnie de Marie, sa mère, de saint Joseph, sans doute aussi de quelques parents et amis, puisque la sainte Famille n’était pas un monastère avec sa clôture. Ainsi Marie, dans son adolescence, s’occupait des soins du ménage, allait à la fontaine, la cruche couchée sur sa tête, en revenait, la cruche droite cette fois et bien en équilibre sur son front. Elle tissait peut-être et cousait. Quand nous aurions établi tout cela avec quelques textes du Talmud, nous serions plus en repos sur l’exactitude de ces traits de la vie d’une jeune fille à Nazareth ; nous ne saurions rien de plus de Marie… Et c’est cette insignifiance même, le vide apparent de ces journées grises – en dépit du beau soleil –, qui peine nos pèlerins les mieux disposés. Voici une fillette, déjà dressée à porter la provision d’eau de la famille ; elle va pieds nus, la démarche légère, elle sourit à ses compagnes, échange avec elles quelques propos… pouvons-nous nous figurer ainsi Notre-Dame, la Reine du Ciel, la très Sainte Vierge destinée à être l’auguste Mère de Dieu ? La foi de ces bons chrétiens ne chancelle pas, mais elle est dépaysée. Ils ont toujours contemplé Marie la couronne sur la tête, à moins qu’elle ne la reçoive à son entrée au ciel des mains de son Fils, aux yeux baignés par l’extase des saints transfigurés. Même ce petit Jésus, qui s’éloigne du sein de sa mère pour embrasser tous les traits d’un visage chéri, celui de Notre‑Dame du Marthuret, il la voit couronnée. Notre pèlerin de Nazareth relit la Bulle Ineffabilis : Marie, dès le premier instant de sa Conception, était enrichie d’une grâce plus haute que celle des séraphins… et c’est cette grâce qui habitait l’âme de cette enfant, gracieuse, mais vouée à l’obscurité ; de si grands dons dans une vie si ordinaire, disons si vulgaire. Volontiers il écarterait de Notre-Dame ces images, cette gaine de petites choses, l’existence commune d’une fillette dans un village ignoré, sans que rien ne la distingue d’une Rachel ou d’une Sarah, qui vont avec elle sur le chemin, dont le rêve est de trouver un Jacob ou un Lévi selon leur cœur. Alors notre pèlerin cherche un refuge dans ces gracieux récits où l’enfant pré-destinée, dont la grâce rayonne, admirée des prêtres pour sa sagesse, est nourrie par les anges d’une nourriture céleste dans le parvis du Seigneur[2]. Devant l’abîme de la condescendance divine, cet abaissement que saint Paul appelait un dépouillement, comme si le Fils de Dieu s’était vidé du seul être essentiel en prenant la condition d’esclave[3], il détourne les yeux vers des objets plus riants, espérant ainsi échapper au vertige. Ce qu’il est bien obligé de confesser de Jésus, il souhaiterait n’avoir pas à l’avouer de sa Mère. Qu’il entre plus au fond au contraire dans les profondeurs du mystère de l’Incarnation, et il acceptera cette apparence, cette réalité de bassesse extérieure, sauf à demander à Dieu sa lumière pour pénétrer dans l’intimité des âmes, de Marie comme de Jésus. Oui, toute la gloire de Marie est dans son intérieur. Mais par là aussi elle est un jardin fermé, une fontaine scellée. Qui osera pénétrer ce secret ? Celui qui en aurait le dessein permettrait de mesurer l’épaisseur de son sens profane. La communication de Marie avec Dieu est le secret du Roi qu’il garde pour Lui seul. Nous devons cependant penser qu’il en est d’elle comme de Jésus : au seuil de la vie divine du Sauveur, même dans son âme humaine, nous nous tenons prosternés en silence. Mais quand il a parlé, puisque ce fut toujours dans l’intérêt de nos âmes, nous écoutons sa voix, nous essayons de la comprendre. De même pour Marie dans son rang d’associée à l’œuvre de son Fils. Ses paroles, celles du Magnificat surtout, sont comme une aurore de l’Évangile. Elles nous laissent apercevoir ce que fut la préparation dirigée par l’Esprit Saint en vue d’elle-même, et aussi des bons Israélites qui devaient suivre le Sauveur. Trop souvent notre attention se détourne de ces âmes d’élite, parce que nos informations sont courtes. Ce qui nous émeut, c’est de voir le peuple d’Israël, le peuple de Dieu, sous la pression de ses chefs et dans son ensemble, méconnaître le Sauveur, le Messie qui lui avait été envoyé. Nous cherchons les causes de ce résultat lamentable d’une pédagogie que nous confessons divine. Elles ne peuvent être que dans l’aveuglement et l’obstination du peuple. Mais contenue dans l’Écriture n’était donc pas assez claire ? Il ne s’est donc trouvé personne pour justifier Dieu au chétif tribunal des humains ? Assurément si, puisque son œuvre s’est faite. Mais elle ne s’est pas faite en dehors d’Israël. Le peuple chrétien est, d’après saint Paul, le véritable dépositaire des promesses faites à Abraham dans la personne de son fils, Isaac, figure de l’héritier de la promesse, le Christ et ceux de ses frères qui ont cru en Lui. Les premiers furent les apôtres, tous israélites, même saint Paul. Ce sont eux qui ont reçu cette lumière et qui l’ont transmise, qui ont été embrasés de cette charité pour tous les hommes et qui l’ont communiquée. Au-dessus d’eux, avant eux, unie à Jésus, Marie est non pas le type, mais la vraie mère de ces âmes saintes, de cette élite exquise, que la révélation et la grâce avaient préparée, à laquelle il fut donné de la comprendre et de la suivre par une volonté droite et une fidélité inaltérée. C’est en Marie, à Nazareth, dans ces journées qui n’étaient remplies de rien, que cette harmonie s’était réalisée que cette grande aurore avait brillé. Encore une fois, nous ne parlons pas des grâces les plus sublimes, trop heureux si nous pouvions faire usage des sentiments exprimés à notre intention et fidèlement transmis par l’Église qui les met chaque jour sur nos lèvres, et souhaite qu’elles pénètrent notre cœur. Comment tracer en quelques mots les grandes lignes du rapprochement divin depuis Adam et Abraham, pour aboutir à l’Incarnation, la transgression réparée par la clémence, la misère comblée par le don ? Il faudrait d’abord sonder le penchant de l’homme à méconnaître Dieu, même lorsqu’il le cherche, et à s’adorer soi-même quand il prétend rendre hommage à Dieu. Ce péché est toujours actuel. Le R. P. Teilhard de Chardin, répondant à une enquête sur les raisons actuelles de l’incroyance[4], l’a diagnostiqué en termes scientifiques modernes, qu’on pourrait traduire dans un langage qui exprimerait toute l’Antiquité :

Le monde actuel […] n’est pas radicalement incroyant ou areligieux. Mais son pouvoir naturel d’adoration est présentement dérivé vers un objet, l’Univers. Et plus loin : L’Humanité, en quelques générations, s’est littéralement convertie, spontanément, à une espèce de Religion du Monde, confuse dans ses dogmes, mais parfaitement claire dans ses orientations […] l’Homme moderne ne peut plus reconnaître Dieu qu’en prolongement (pourrait-on dire : sous les espèces ?) de quelque progrès ou maturation universelle. Pour le Révérend Père, très au courant du mouvement des études, cela vient de « la découverte scientifique de l’unité naturelle et de l’énormité du monde » (p. 220). Je ne sais si la science démontre mieux que l’ancienne philosophie l’unité naturelle du monde, mais son énormité ne fait rien à l’affaire ; ce qui est le Tout est toujours énorme, et pour les anciens le monde était le Tout. C’était donc le Tout que l’homme adorait, en rendant un culte particulier à certaines de ses forces, et en prenant lui-même place dans ce Tout, étant sa partie pensante. S’il y a autre chose que le monde, à savoir son Créateur, plus le monde est reconnu grand, plus son créateur sera adorable ; l’énormité de ses œuvres n’est pas défavorable à Dieu. Mais le monde a-t-il été créé ? Aucun ancien n’a osé le dire[5], et c’est ce que la Bible dit dès la première page, c’est ce qu’elle proclame par la voix des martyrs du temps des Maccabées[6].

Dieu, le Dieu des juifs, le seul Dieu, avait créé le Soleil et la Lune, ces deux grandes divinités. Et si la Lune, reine des nuits orientales, avait pâli dans les brumes de l’Occident, ce fut encore le Soleil Invincible qui s’opposa dans le monde romain au triomphe du Dieu créateur révélé par son Fils. Distinct du monde, le Dieu créateur des Hébreux ne s’y mêlait pas, et tel était l’excès de son Être, même sur l’homme, que tout contact entre eux mettait le plus faible en péril certain de mort. La pensée qu’un mortel pût forcer la retraite inaccessible de Dieu ne pouvait venir à personne. Toute démarche devait venir du Saint, et cette sainteté était si redoutable que, même lorsqu’il invita son peuple à s’approcher de lui pour entendre sa voix, il lui prescrivit de poser des barrières et de ne les pas franchir « de peur qu’un grand nombre d’eux ne périsse[7] ».

Qui aurait jamais osé prétendre qu’il n’avait rien en soi qui ne risquât de déchaîner la violente réaction de la sainteté divine ? C’est seulement en s’abstenant de tout ce qui pouvait paraître impur, en prenant d’infinies précautions, qu’on se hasardait à affronter le voisinage de l’Être Saint, dans l’espérance de lui être consacré de quelque façon. Ce n’était pas, il faut l’avouer, le moyen de nouer des relations très cordiales, et il semble, au premier abord, que la piété païenne avait ici l’avantage. Avec quelle tendresse Épictète parle de ce Dieu qui est en lui ! Aussi le mot de saint n’est jamais prononcé. Entre eux aucune distance, à plus forte raison aucune décharge à redouter de la sainteté courroucée. Mais s’il n’y a pas de distance, c’est qu’il n’y a même pas distinction. En Dieu le Sage s’adore lui-même. S’il est en si bons termes avec Dieu, c’est qu’il fait partie de Dieu, au même titre que les dieux immortels. Pour réprimer cet orgueil, pour rappeler aux hommes qu’ils sont devant Dieu comme s’ils n’étaient pas, pour les mettre à leur place, il fallait dresser avant tout les barrières du Sinaï.

Elles avaient surtout leur raison d’être entre le peuple et son Dieu. Le peuple se rapproche de Dieu par le culte, qui a toujours quelque chose d’officiel et de solennel. Mais les âmes ? Il était commandé à chacun : « Tu aimeras ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta force[8]. »

Comment concilier cet amour avec le respect dû au Dieu tout-puissant et trois fois saint ?

C’est ce que les chefs d’Israël, au temps de Marie, ne savaient pas très bien faire. Ils insistaient sur les précautions à prendre vis-à-vis du Saint, avant d’épancher leur cœur avec l’ami. Et cependant, depuis les jours reculés de Moïse, depuis que la promesse faite à Abraham avait été renouvelée à David, depuis que le peuple emmené en captivité à Babylone, avait été ramené à Jérusalem par une protection si visible de Dieu, les fils d’Israël étaient invité par les prophètes encore plus à l’amour qu’à l’obéissance. C’était Lui, et non un autre, qui était personnellement leur Sauveur. Il ne demandait pas qu’on tentât à travers les cieux une ascension impossible, pour aboutir à un palais ou glacé ou brûlant ; c’est lui-même qui devait descendre, parce que l’antithèse entre la sainteté et l’union allait être résolue dans le baiser de la justice et de la paix, la miséricorde exécutant les promesses faites à David, misericordias David fideles (Is 55, 3).

Assurément, Marie jeune fille, pas plus que Jésus adolescent, ne dédaignait d’aller le samedi à la synagogue. Trop souvent l’explication du maître portait sur les règles de la pureté et de l’impureté, la pratique rigoureuse du sabbat, même au détriment du prochain, la nécessité de payer exactement la dîme. Mais on lisait aussi les Prophètes. Osons ici faire une conjecture. Notre-Seigneur a spécialement cité Isaïe. C’était évidemment son prophète de prédilection. Ne pouvons-nous pas supposer que c’était pour ainsi dire une dévotion de la sainte Famille ? N’est-ce pas Marie tout d’abord qui lui a appris à lire dans le prophète comment une fleur devait s’épanouir sur la tige de Jessé ? N’a-t-elle jamais exprimé son désir du salut par ces paroles enflammées :

 Regarde du haut du ciel, et vois,

de ta demeure sainte et glorieuse ;

Où est ton zèle et ta grande puissance,

l’émotion de tes entrailles et ta pitié ?

Ah ! ne te fais pas insensible !

Car tu es notre Père !

Abraham ne nous connaît pas,

et Israël ne nous reconnaît pas.

Toi, Iahvé, tu es notre Père,

notre Rédempteur, c’est ton nom en tout temps…

Oh ! Si, déchirant les cieux, tu descendais ![9]

À Nazareth, d’autres sans doute attendaient le Messie. Mais dans ce petit village on était, comme partout, absorbé par les soins de la vie. La récolte faite, un marché était ouvert aux étrangers. Sur les collines mûrissait le raisin, les Bédouins des terres basses apportaient le lait de leurs troupeaux. Tout ce monde allait se désaltérer à la source. Et Marie, songeant à la faim et à la soif de l’Esprit, se disait avec Isaïe que Dieu allait satisfaire aux vrais besoins des âmes :

Ô vous tous qui avez soif, approchez-vous des eaux,

même vous qui êtes sans argent !

Venez acheter du blé et mangez ;

venez, achetez sans argent,

sans payer, du vin et du lait…

Prêtez l’oreille, et venez à moi ;

écoutez et votre âme vivra ;

et je conclurai avec vous un pacte éternel !

(C’est) la faveur assurée à David[10].

Tendre compassion envers les besoins de l’âme devenus sensibles par la comparaison avec les exigences du corps. Cependant la sainteté demeurait dans sa pureté inviolable. Personne dans Israël n’eût osé l’outrager. Mais c’est elle qui se penchait vers la misère, étant devenue désormais la miséricorde. Elle se penchait vers les choses basses. Dieu est par soi-même aimant les choses basses, a dit à peu près M. Olier, inspiré par sa dévotion envers Marie. Nous nous scandalisions de cette petite existence, de cette bassesse. Et Marie, connaissant les goûts de Dieu, ne s’étonnait pas qu’il regardât la bassesse de sa servante. Où irait cette plénitude de bonté, si ce n’est sur la pente et vers le vide ? Si absolument bon qu’il soit, il ne peut se déverser sur cette sotte boursouflure de l’orgueil humain. Marie s’en apercevait bien, car elle n’ignorait pas dans sa bourgade méprisée, les tragédies qui remplissaient Jérusalem d’horreur et de larmes. Il était encore sur son trône, cet Hérode dont les crimes semblaient défier le ciel. Pour combien de temps ? Et lui-même avait renversé sur les marches du trône ses propres enfants. Lorsque, malgré la distance qui les séparait, elle s’entretenait avec sa cousine Élisabeth, elle écoutait avec déférence les paroles du prêtre Zacharie ; quand elle voyait grandir dans le cœur de Joseph, qui allait être son époux, la plus pure charité divine, elle comprenait où allaient les trésors de la miséricorde.

Dieu tout-puissant, Dieu très saint, Dieu Sauveur, Dieu infiniment miséricordieux, qui rassasie les pauvres qui ont faim, qui résiste aux superbes en les laissant à leur impuissance à s’approcher de sa Sainteté, Dieu clément et prompt à pardonner, Dieu qui avait promis le salut à Abraham dans son héritier et non dans une Loi dont ses interprètes ne comprenaient plus l’esprit, tel était le Dieu qu’adorait Marie dans les Écritures. La source était limpide dans son cœur. Une nouvelle révélation la fit jaillir, et ce fut le Magnificat. Notre pauvre érudition n’est pas toujours exempte de myopie. Nous pointons avec une diligence louable tous les mots du Cantique qui se trouvent déjà dans l’Ancien Testament. Avec plus de raison encore nous y cherchons des situations analogues, comme celle d’Anne, mère de Samuel. Mais nous ne comprenons pas assez à quel point le Magnificat exprime les sentiments suggérés par la Révélation ancienne, embrassée dans son esprit, au moment où elle va se dépasser elle-même par l’amour du salut, dans un tressaillement de joie.

D’où vient en effet cette joie, ce transport de joie ? Un ange a abordé Marie, non pas au milieu de ses compagnes, se chamaillant à qui passera la première à la fontaine, comme l’entend une tradition locale des Grecs, mais dans le silence de sa demeure, si simple qu’on pouvait à peine la nommer une maison. Et l’ange a proposé à Marie, au nom de Dieu, d’être la Mère du Messie. Marie a compris. Mais cela pouvait-il être d’accord avec le vœu que lui avait inspiré la sainteté de Dieu, qui ne s’unit qu’aux cœurs purs ? Elle apprend maintenant le secret des secrets, la merveille des merveilles, comment la sainteté de Dieu, qui se plaisait aux retranchements et aux abstentions de la créature, aujourd’hui dans ce miracle unique ferait œuvre de fécondité. En Marie, pleine de grâce, elle ne trouvait rien à détruire, et c’est précisément en tant que Saint que Dieu lui donnerait un fils. La Sainteté si redoutable dans l’intérêt de l’isolement de Dieu se communiquait, en envahissait même l’humanité. D’où cette parole étonnante : « et pour cela, l’enfant né [sera] saint, il sera le Fils de Dieu. » Le pas franchi, la Sainteté non seulement sauvegardée, mais prodiguée, le reste serait l’œuvre de la Puissance, à laquelle rien n’est impossible, et Marie n’avait plus qu’à dire : « Voici la servante du Seigneur, qu’il m’arrive selon votre parole. »

Si bien que Marie, consciente de ce qui s’était passé en elle, pouvait dire : « Le Puissant a fait en moi de grandes choses et son nom est saint. » Et elle glorifiait le Seigneur, en attendant que son Fils nous apprenne à demander que son nom soit sanctifié et que sa volonté soit faite. Elle continue. Partant de la bassesse du présent, prévoyant un avenir de gloire, elle arrête sa pensée sur ces attributs de Dieu que proclame la révélation, qui se manifestent dans l’histoire. À vrai dire, le pauvre exégète se demande si elle parle du présent, du passé ou de l’avenir. Elle met tout au passé, parce qu’il a émis la lueur qui désormais se projette sur l’avenir. La miséricorde, depuis des générations les plus anciennes, s’est exercée en faveur des humbles, en dispersant les orgueilleux, leurs ennemis, en donnant la première place aux humbles, non pas dans les situations de la terre et du temps, mais devant Dieu.

Marie sait que ce Père donnera aux affamés cette nourriture que Jésus les invitera à demander chaque jour. Le Notre Père sera plus clair et plus expressif encore ; saint Paul expliquera quels sont les vrais fils d’Abraham. Mais ne respire-t-on pas dans les paroles de la Vierge de Nazareth l’esprit de toute la prophétie[11] au moment où commence la réalité ?

Qui douterait que le soir même, si cela était exigé par les soins courants du ménage, elle n’ait repris sa cruche pour aller à la fontaine, la dernière plutôt que la première à se servir ?

Et déjà le Magnificat chantait dans son cœur. Voir la suite : https://mj-lagrange.org/wp-admin/post.php?post=8209&action=edit&lang=fr

 

www.mj-lagrange.org

[1] M.-J. Lagrange, O.P., R. Bernard, O.P., Maurice Brillant, Notre-Dame à Nazareth, Juvisy, Éd. du Cerf,  « Les Cahiers de la Vierge », n° 3, mai 1934, p. 53-55 et 59-63.

[2] Ce sont ceux des Évangiles apocryphes dont le centre est à Jérusalem. On ne s’appuie ici que sur les écritures canoniques sans exclure les renseignements qu’on pourrait tirer des autres. Autre chose est par exemple le fait de la Présentation de Marie au Temple et la description du séjour qu’elle y aurait fait.

[3] Philippiens, 2, 7.

[4] La Vie intellectuelle, octobre 1933, p. 218 s.

[5] Si ce n’est selon nous Platon, mais sans trouver d’écho.

[6] 2 M 7, 28.

[7] Ex 19, 21.

[8] Dt 6, 5.

[9] Isaïe, 63, 15-19, traduction Condamin.

[10] Isaïe, 55, 1-3

[11] Saint Augustin, qui a tant étudié l’Écriture par son génie et par sa foi, a résumé quelque part son enseignement dans cette parole : « Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. » Pensait-il à Marie glorifiant son Sauveur ?

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