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14 septembre 2025

Fête de La Croix Glorieuse

Fr. Hugues-François Rovarino o. p.

Au détour d’une rue, dans la chaleur de l’été romain, vous avez peut-être eu la grâce de découvrir la basilique Saint-Clément. Elle reste étonnante dans la succession de divers cultes dont les lieux semblent presque s’être empilés au long des siècles qui se succèdent. Depuis le culte à la déesse Mithra qui connut son apogée à Rome dans les IIe et IIIe siècles, le culte chrétien, un temps contemporain à lui, l’a en effet recouvert.

De nos jours, au sortir d’un péristyle, entrant dans la basilique, nous découvrons une croix glorieuse. Sa splendeur sereine et vivante attire notre regard. Tout en exprimant ce que sont la Croix et la scène du Calvaire, cette mosaïque lumineuse en transmet le message vivifiant, prolifique, fécond au long des siècles. À la racine de cette Croix, le cerf peut enfin se désaltérer car il a trouvé la source d’Eau vive qui descend de la Croix et jaillit comme les rinceaux qui se déploient sans cesse, portant dans leurs bras les saintes et les saints qui sans cesse nous communiquent l’éternelle jeunesse de l’Évangile. Sous cette mosaïque de l’abside, des brebis convergent vers le Bon Pasteur : brebis marquées par la croix, et l’Église est le beau fruit venu de cette Croix en gloire, elle naît déjà en lien avec le don du Seigneur au Calvaire !

Vénérer ou célébrer la Croix glorieuse nous oriente vers cette eau de la grâce que le cerf a su trouver, le Christ Seigneur, que le psaume annonçait par son chant (psaume 41-42). Aujourd’hui, cette eau nous transfigure ! Lumineuse, la mosaïque que j’évoquais reflète ce qui peut advenir pour chacun de nous grâce à la Croix du Sauveur, et à la Gloire du Seigneur ! La Croix est devenue le signe fondamental des chrétiens : qui ne le sait ? qui ne le voit ?

Cependant un changement radical s’est opéré. On ne doit pas minimiser le scandale de la Croix. Si celle-ci est devenue glorieuse, et depuis plusieurs siècles est un objet d’art, offert comme bijou, il n’en fut pas d’abord ainsi pour les chrétiens ! La Croix est un instrument de torture et de mort. Si le dessein de Dieu l’enveloppe, il n’évacue pas ce Calvaire de Jérusalem ni l’image de mort qu’elle signifia par son emploi qui fut sans doute à des dizaines de milliers d’exemplaires dans l’Empire romain.

Avec une citation, nous pouvons en mesurer l’horreur : le Père Marie-Joseph Lagrange, dominicain, pouvait ainsi commenter l’Évangile :

« C’était l’usage romain de dresser les croix à l’entrée des villes, où le terrible spectacle était étalé aux yeux de tous ceux qui entraient, sortaient, ou prenaient l’air. On s’arrêta donc là pour crucifier les trois condamnés.

La vue d’un crucifix est toujours pitoyable. Pourtant les artistes chrétiens lui ont donné une sorte de dignité. Le Christ est debout sur un socle solide, les bras étendus, mais dans un équilibre parfait, les épines de la couronne sont régulièrement tressées sur la tête droite et assurée contre le bois bien ajusté.

Les premiers chrétiens avaient horreur de mettre le Christ en croix, car ils avaient vu de leurs yeux ces pauvres corps complètement nus, attachés à un pieu grossier surmonté en forme de T par une barre transversale, les mains clouées à ce gibet, les pieds fixés par des clous, le corps s’affaissant sous son propre poids, la tête ballante, des chiens attirés par l’odeur du sang dévorant les pieds, des vautours tournoyant sur ce champ de carnage, et le patient épuisé par les tortures, brûlant de soif, appelant la mort par des cris inarticulés. C’était le supplice des esclaves et des bandits. Ce fut celui qu’endura Jésus.

Selon un usage qui voulait être compatissant, dernier vestige d’humanité dans la barbarie, on offrit à Jésus du vin aromatisé de myrrhe ou d’encens. On croyait que ce mélange enivrait et faisait perdre connaissance. Jésus y trempa les lèvres, mais le refusa : ce n’était pas le calice qu’il avait promis à son Père de boire. On le crucifia donc, clouant d’abord ses mains au gibet, qu’on éleva ensuite sur le pieu droit, en secouant sans s’en inquiéter son corps endolori. Les Pères [de l’Église] ne se sont point scandalisés d’une nudité complète. Cependant, comme les Juifs en préservaient même les suppliciés, il est à croire que les Romains respectèrent la coutume. Quand on commença de crucifier Jésus, il n’était guère que midi. » [Marie-Joseph Lagrange « L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, pp. 605-606.]

Glorieuse, la croix put le devenir ! Une immense résonance rayonne dans l’univers : le Fils unique, mort en croix, en l’an 30, en un lieu hors de Jérusalem, heure horrible et mortifère, procura l’accès pour toujours et pour tous en la vie de Dieu. Qui ne comprendrait qu’elle soit fêtée par l’Église du Christ ! La fécondité de la Croix est proclamée comme universelle : « Tu as voulu, Seigneur, que tous les hommes soient sauvés par la Croix de ton Fils ; permets qu’ayant connu, dès ici-bas ce mystère, nous goûtions au ciel les bienfaits de la rédemption. » Avec sagesse, c’est en recevant Marie comme Mère, en l’accueillant chez nous, comme nous le montrent la scène du Calvaire et la Vierge Marie, Notre-Dame de Compassion et de Douleur, que nous avancerons recevant le Christ, sa Parole, ses Gestes, sa Grâce !

La Revue du Rosaire, septembre 2010, n° 226.

Illustrations : La Croix Glorieuse-Basilique St-Clément-Rome

Détail : Le cerf altéré

La Crucifixion-Fra Angelico

 

8 septembre 1880. Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

Anniversaire de ma première arrivée à Saint-Maximin. Il me semble que ma Mère Immaculée me recommande une grande fidélité à mes petits devoirs, la docilité, l’union à Jésus Crucifié, la prière continuelle, l’étude de la Sainte Écriture pour y voir l’amour de Dieu, beaucoup de surnaturel dans mes affections, même pour mes parents, voire les âmes. « Mon Seigneur Jésus, donnez-moi, la Très Sainte Vierge pour Mère ». (Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel)

Confions à l’intercession de la Vierge Marie la cause de béatification du Père Lagrange.

Extrait du discours du pape Léon XIV lors du congrès de l’Académie pontificale mariale internationale le 6 septembre 2025 au Vatican.

La Vierge Marie, Mère de l’Église, nous enseigne à être le peuple saint de Dieu ; d’où aussi l’importance de cette Académie pontificale, un cénacle de pensée, de spiritualité et de dialogue dont la tâche est de coordonner les études mariologiques et les amoureux de la mariologie, au service d’une pietas mariale authentique et féconde.

Au cours de ce 26e Congrès, vous vous êtes demandé si une Église au visage marial est un vestige du passé ou une prophétie de l’avenir, capable de secouer les esprits et les cœurs de l’habitude et du regret d’une « société chrétienne » qui n’existe plus. Vous avez discuté des objectifs et des valeurs que le culte marial propose aux croyants, pour vérifier s’ils sont au service de l’espérance et de la consolation que l’Église a la tâche d’annoncer. Vous avez reconnu dans le jubilé et dans la synodalité deux catégories bibliques et théologiques pour dire efficacement la vocation et la mission de la Mère du Seigneur.

En tant que femme « jubilaire », Marie nous apparaît toujours capable de repartir de l’écoute de la Parole, selon l’attitude décrite ainsi par saint Augustin : « Chacun te consulte sur ce qu’il veut, mais il n’entend pas toujours la réponse qu’il veut. Ton serviteur le plus fidèle, c’est celui qui ne cherche pas à entendre de toi ce qu’il veut, mais plutôt veut ce qu’il entend de toi » (Confessions, X, 26). En tant que femme « synodale », elle est pleinement et maternellement impliquée dans l’action de l’Esprit Saint, qui appelle à marcher ensemble, comme des frères et des sœurs, ceux qui pensaient auparavant avoir des raisons de rester séparés dans leur méfiance mutuelle et même dans leur inimitié (cf. Mt 5, 43-48).

Une Église au cœur marial conserve et comprend toujours mieux la hiérarchie des vérités de la foi, intégrant la raison et l’affection, le corps et l’âme, l’universel et le local, la personne et la communauté, l’humanité et le cosmos. C’est une Église qui ne renonce pas à se poser des questions inconfortables à elle-même, aux autres et à Dieu : « Comment cela se fera-t-il? » (Lc 1, 34) – ni à suivre les chemins exigeants de la foi et de l’amour – « Voici, je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38).

Une pietas et une praxis mariales orientées vers le service de l’espérance et de la consolation libèrent du fatalisme, de la superficialité et du fondamentalisme ; elles prennent toutes les réalités humaines au sérieux, à commencer par les laissé-pour-compte et les rejetés ; elles contribuent à donner voix et dignité à ceux qui sont sacrifiés sur les autels des idoles anciennes et nouvelles.

Puisqu’il est possible de lire la vocation de l’Église dans la vocation de la Mère du Seigneur, la théologie mariale a la tâche de cultiver dans tout le peuple de Dieu, en premier lieu, la disponibilité à « recommencer » à partir de Dieu, de sa Parole et des besoins du prochain, avec humilité et courage (cf. Lc 1, 38-39) ; et aussi le désir de marcher vers l’unité qui découle de la Trinité, de témoigner au monde de la beauté de la foi, de la fécondité de l’amour et de la prophétie de l’espérance qui ne déçoit pas. Contempler le mystère de Dieu et de l’histoire avec le regard intérieur de Marie nous protège des mystifications de la propagande, de l’idéologie et de l’information malade, qui ne sauront jamais apporter une parole désarmée et désarmante, et nous ouvre à la gratuité divine, qui seule permet aux personnes, aux peuples et aux cultures de marcher ensemble dans la paix (cf. Lc 24, 36.46-48).

Voilà pourquoi l’Église a besoin de la mariologie ; a besoin qu’elle soit pensée et proposée dans les centres académiques, les sanctuaires et les communautés paroissiales, dans les associations et les mouvements, dans les instituts de vie consacrée ; ainsi que dans les lieux où se forgent les cultures contemporaines, valorisant les innombrables suggestions offertes par l’art, la musique, la littérature.

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