Echo de notre page Facebook : octobre 2022

30 octobre 2022

Dans l’évangile de ce jour : Zachée 19, 1-10 :

Jésus n’appuie pas son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu.

Ce récit évangélique se distingue des autres manifestations de la charité de Jésus envers les pécheurs par la condescendance encourageante du Maître

Jésus n’appuie son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu. C’est la mise en action des paraboles du ch. XV.

Dans les termes il n’y a rien de plus que de la curiosité, mais une curiosité mise en éveil par le bruit des miracles. Zachée voulait savoir comment était un homme qui avait la réputation de Jésus.

Il suffisait d’un peu d’avance pour grimper sur les branches basses d’un sycomore. […] Dans un pareil ébranlement du populaire, Zachée ne compromettait pas sa dignité. On devait plutôt applaudir la dextérité du petit homme. Un grand n’aurait pas grimpé si vite.

Sans doute Jésus aurait pu entendre parler de Zachée, demander son nom etc., mais le sens paraît bien être que le Maître a connu par sa science à lui le nom de l’hôte que son Père lui destine. Zachée doit descendre bien vite, pour le recevoir le jour même ; il aura le temps de le voir.

[…] Cette fois ce ne sont pas comme précédemment (v, 30 ; XV 2) les Pharisiens qui murmurent ; c’est la foule, et le détail a son intérêt. Ce n’est pas par un sentiment de jalousie puisque ceux de la foule ne pouvaient avoir tant de prétention ; on trouve mauvais qu’au lieu de descendre chez une personne de piété et de doctrine, Jésus demande l’hospitalité à un pécheur, puisque c’est un terme presque synonyme de celui de publicain (cf. encore VII, 34).

[Zachée] est simplement debout parce qu’il reçoit le Christ entrant chez lui, et il ne veut pas lui laisser la pensée pénible qu’il est auprès d’un homme sans probité. Ce qu’il a peut-être été, il ne veut plus l’être. Il y a plus, connaissant par la voix publique la doctrine du Sauveur sur les richesses, ou s’y conformant d’instinct par un mouvement intérieur, il fait un nouvel usage de sa fortune. Lui prêter qu’il a l’habitude déjà de donner la moitié de ses biens aux pauvres, serait transformer le publicain en Pharisien. C’est désormais, et par suite de la démarche de Jésus, que son cœur touché de reconnaissance et de repentir accomplit ce sacrifice. Cette première part n’est nullement présentée comme une restitution ; c’est la part des pauvres, un sage emploi des bien de ce monde (XVI, 9). Zachée n’a même pas la conscience d’avoir fait tort […], mais d’après le v. 10 on ne peut le tenir pour très scrupuleux. […] Zachée s’engage à réparer, et qu’il traite comme des « furta manifesta », punis par la loi romaine de l’amende du quadruple. […] Zachée fait donc les choses largement.

Le discours de Jésus s’adresse à tous les assistants. […] Il y est question non pas seulement de Zachée, mais de toute sa maison qui entre par sa décision dans une nouvelle voie, celle du salut, ou de la vie éternelle, promise aux pieux enfants d’Abraham.

Jésus en effet n’appuie pas son dire sur le principe qu’il est venu pour sauver tous les hommes, mais sur ce qu’il est venu pour sauver ce qui était perdu. C’est la mise en action des paraboles du chapitre XV.

Zachée, même s’il ne quitte pas son office était désormais un fidèle du Seigneur. Les Clémentines en font un compagnon de saint Pierre qui l’aurait établi évêque de Césarée, où il aurait eu pour successeur Cornelius, d’après les Constitutions apostoliques (VII, 46). D’après Clément d’Alexandrie, quelques-uns le nommaient Matthias. La France lui a rendu un culte spécial à Rocamadour (Lot) ; voir « Acta Sanctorum » au 23 août.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Luc, Gabalda, 1941.)

Illustrations : Zachée, descends vite ! et La Vierge noire de Rocamadour (12e)

26 octobre 2022

Appel à la Pénitence

« Et on viendra de l’orient et du couchant, et du nord et du midi, pour s’asseoir à table dans le royaume de Dieu. Et voici que [quelques-uns] des derniers seront les premiers, et que des premiers seront les derniers. » (Évangile de saint Luc 13, 29-30)

En effet, aux patriarches viennent se joindre des personnes appelées de tous les points cardinaux, qui ne sont point nécessairement ou seulement des Juifs dispersés (Is XLIII, 6 ss.), mais aussi les gentils comme dans Mt 7, 29.  Comment entreront-ils, puisque la porte est fermée ? Luc est plus attentif à conserver le texte de la parole de Dieu qu’à narrer avec l’aisance d’un inventeur. Il a pu supposer que la porte s’ouvrira à ces personnes, car la parabole ne met pas tant en lumière la nécessiter d’arriver avant le moment fatal, que de se présenter de façon à être admis. Aussi bien ce menu détail disparaît dans la solennité de la dernière mise en scène.

C’est une sorte de proverbe, dont l’application peut changer selon les circonstances. Dans Mc X, 31 et Mt XIX, 30, il s’agit de l’ordre du rang, dans Mt XX, 16, de l’ordre du temps.

Ici la situation est retournée en ce sens que d’ordinaire les premiers entrent et les derniers non ; ici il y a des derniers qui entrent, des premiers qui ont le lot réservé d’ordinaire aux derniers. […] Les catégories ne sont donc pas absolues, la règle ne s’applique pas à tous les individus, et en effet les patriarches venus les premiers sont demeurés tels. L’opposition est entre les Juifs contemporains et les gentils, car si ces deux groupes sont substitués par la pensée aux termes vagues de la parabole, il est clair que les Juifs étaient les premiers par l’appel de Dieu, par opposition aux gentils.

Si l’on cherchait une application aux circonstances de l’Église primitive, on aurait la perspective d’un royaume de Dieu d’où les Juifs s’étaient exclus par leur infidélité, tandis que les gentils y entraient de toute part. Dans cette voie on en viendrait à trouver une allusion à la résurrection du Christ. Mais ce serait transformer insensiblement le sens de tout ce passage et l’altérer par trop de précision, car il ne serait plus possible de trouver les patriarches et les prophètes dans l’Église chrétienne, où les Juifs ne demandaient pas à entrer. La véritable perspective est celle du jugement dernier, qui condamne les impénitents et admet au royaume de Dieu des hommes dignes d’être associés aux patriarches et aux prophètes, quelle que soit leur origine. Avis aux Juifs qui se croient et sont en quelque façon les premiers, de ne pas se réduire à n’être plus que les derniers, ceux auxquels d’ordinaire on ferme la porte. Si les images ne sont pas rigides, le sens est très clair, et la leçon redoutable. À la question sur le nombre de ceux qui peuvent se perdre, fussent-ils parmi mes compatriotes et mes familiers. Si l’inconnu était un pharisien, Jésus retourne contre ses Maîtres leur tableau des fins dernières : In mundo futuro mensam ingentem vobis sternam, quod gentes videbunt et pudefient (Schoettgen, hor. heb. p. 86, cité par Pl.) D’ailleurs plusieurs docteurs avaient des vues plus larges sur le salut des gentils.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, Paris, 1941. pp. 391-392.)

25 octobre 2022

Blog de Guy Musy

Le secret d’une vie. Le P. Lagrange. Augustin Laffay 09/01/21

https://dominicains.ch/blog-du-frere-guy-musy/marie-joseph-lagrange-350591

25 octobre 2022

Dans l’évangile de ce jour, Jésus disait : « À quoi le règne de Dieu est-il comparable, à quoi vais-je le comparer ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre, et les oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches. » Il dit encore : « À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ? Il est comparable au levain qu’une femme a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Luc 13, 18-21)

Le grain de sénevé : [le sénevé ou brassica nigra peut mesurer jusqu’à deux mètres de hauteur.] Les chardonnerets surtout, qui paraissent être très friands des grains de sénevé, viennent en foule se percher sur les branches de cet arbre » […], la pointe de la parabole est dans le contraste entre les humbles débuts et l’extension future du règne […]. Le règne de Dieu est encore petit, mais il deviendra grand. La graine, plantée dans le jardin du semeur, est peut-être allégorique pour indiquer la parole dans la Terre du peuple de Dieu. Peut-être aussi Luc a-t-il pensé que les oiseaux figuraient les gentils ? D’ailleurs la comparaison était traditionnelle (Ez 31, 6) pour un grand empire, qui abrite beaucoup de monde (Ez 17, 23 ; Dn 4, 9. 18).

Le levain […] L’allégorie consisterait à regarder les trois mesures de farine comme trois provinces de Palestine, ou comme trois parties du monde. Ce serait encore de l’allégorie de comparer le levain à la foi semée dans l’esprit de l’homme et dans ses trois puissances, ou la femme à l’Église etc. […] Jésus a parlé du feu qu’il est venu jeter sur la terre : tout indique que le levain signifie son action par la parole et par les miracles. Et c’est sans doute le sens du grain de sénevé. Pourquoi le Sauveur ne se serait-il pas occupé du développement sur la terre de la semence qu’il avait jetée ? […] On peut seulement dire que le contexte accentue dans le sénevé et le levain le caractère de grâce offerte, dont Jésus affirme, en face de l’aveuglement d’Israël, qu’elle fera son effet. (Marie-Joseph Lagrange o.p., Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, pp. 385-387)

25 octobre 2022

La mission dominicaine au cœur d’un Brésil encore inconnu

Dans son Journal spirituel, le P. Lagrange écrit : « Départ du P. Vilanova et du P. Carrérot pour le Brésil ». C’était le 20 septembre 1887. Ils étaient tous deux frères dominicains de la province de Toulouse.

Mais qui était le P. Carrérot ? Le P. Dominique Carrérot (1863-1933), fut un compagnon de noviciat du P. Lagrange, : « Il était parmi nous, et aussi attaché qu’aucun autre à la prière, cet héroïque père Gil Vilanova, l’explorateur intrépide des forêts du Brésil, poursuivant vainement les Indiens pour les amener à la foi, ou pour endurer de leurs mains le martyre. Et quand il les eut enfin atteints, il sut les grouper, véritable fondateur d’une bourgade nouvelle Conceiçâo, la petite cité de l’Immaculée-Conception… C’est aussi de Salamanque que sortit le futur évêque de la Mission dont la figure ouverte, presque avec des traits d’enfant, ne révélait pas alors l’indomptable énergie, et aussi leurs collaborateurs, les pères Blatgé, Wolztyniack, Llech, dont la vie entière, s’est passée au Brésil, le père Hyacinthe Lacomme qui, durant plusieurs années, a dirigé la mission. Le père Hilarion Tapie était à Salamanque professeur de philosophie et sous-maître des novices. Lui aussi se rendit au Brésil comme visiteur et en rapporta un livre fort agréable sur la vie des colons et des indigènes. Durant plusieurs années, et dans des temps très difficiles, il assura la direction de la Province et sut sauvegarder une existence alors très précaire. » (L’Écriture en Église. Souvenirs de Salamanque, Cerf, 1990.)

A l’occasion du centenaire de l’ordination épiscopale de Mgr Carrérot dans son homélie du 11 octobre 2012, Fr. Timothée Lagabrielle retrace le parcours de ce frère parti, en 1887, avec le P. Sébastien Thomas pour une mission dominicaine au cœur du Brésil inconnu

« Aujourd’hui, j’aimerais nous emmener faire un petit voyage dans le temps et revenir 100 ans en arrière, en 1912.

Nous sommes alors dans une époque troublée : notre église de la rue Espinasse est encore sous scellés depuis les expulsions de 1903, des ouvrages du Père Lagrange sont interdits dans les séminaires et au milieu de ces évènements difficiles, notre Province de Toulouse a aussi vécu une belle page d’histoire puisque c’est à ce moment, le jeudi 10 octobre 1912 … c’était hier ! – qu’a eu lieu dans la cathédrale Saint-Étienne, l’ordination épiscopale du fr. Dominique Carrérot.  C’est à propos de cette belle figure que je voudrais dire quelques mots.

Mgr Carrérot a été un ouvrier de la première heure : né à Pamiers en 1863, il entre à 14 ans à l’école apostolique que nos frères tenaient à Mazères. Là, comme tant d’autres jeunes garçons, sa ferveur va être habilement cultivée pour qu’il porte un beau fruit de grâce.

En 1880 il rentre au noviciat à Saint-Maximin mais les lois antireligieuses entraînent l’exil de la communauté et c’est à Salamanque qu’il va suivre toutes ses études jusqu’à l’ordination presbytérale.

Sitôt l’ordination reçue, il est envoyé au Brésil où il participe à la fondation de la troisième maison de la mission, à Porto Nacional. Dès son arrivée au Brésil il aura donc connu la vie la plus difficile : au cœur de la brousse et dans une communauté en formation.

En 1900, il quitte Porto Nacional pour aller encore plus avant dans les terres et rejoindre le père Gil Villanova à Conceição do Araguaya, l’embryon de ville qu’il a fondée en vue de l’évangélisation des Indiens. Fr. Dominique sera le compagnon puis le successeur de Frai Gil. Il va voir mourir tour à tour les trois frères qui l’avaient devancé à Conceição do-Araguaya. Aucun d’ailleurs ne mourra dans son lit, puisqu’ils seront emportés par les fièvres ou les eaux du Tocantins lors de tournées apostoliques.

En 1911, fr. Dominique est élu Délégué au chapitre provincial. Il quitte donc les rives de l’Araguaia, traverse la moitié du Brésil seul en pleine saison des pluies et rejoint la France qu’il n’a pas revue depuis 15 ans.

C’est là qu’il aura la surprise d’apprendre sa nomination comme premier prélat de Conceição. Son ordination épiscopale faisait de lui l’évêque d’un diocèse grand comme la France et pourvu en tout et pour tout de quatre prêtres (l’évêque y compris), tous Dominicains.

Au moment où les fêtes de son sacre battaient leur plein et où le Père Tapie, notre provincial, promenait fièrement “son” évêque dans une tournée de conférences, fr. Dominique ne pensait qu’à rentrer dans son couvent pour y reprendre la tâche apostolique avec encore plus de ferveur. Dans son discours après l’ordination, il mentionnera avec beaucoup de chaleur ses compagnons “encore à la peine, travaillant avec modestie et silence et qui ne se doutent guère de ce qui se passe [alors à Toulouse] “, ce qui est vrai puisque les nouvelles mettent environ trois mois à arriver à Concéição où on n’apprendra la nomination qu’un mois après son sacre !

De retour au Brésil, Mgr Carrérot continuera à travailler à l’évangélisation des Indiens et des autres habitants de son immense diocèse. En 1920, il quitte Conceição pour devenir le premier évêque de Porto Nacional où il poursuivra la même activité jusqu’à sa mort des suites d’une insolation lors d’une randonnée apostolique en 1933.

Le Père Audrin qui a passé de nombreuses années à ses côtés le décrivait par deux qualités : humilité et volonté.

Mgr Carrérot était humble, toujours prêt à obéir et à servir chacun, surtout les plus petits. Devenu évêque, il continuera simplement à suivre la vie des frères dans le couvent dominicain. Humble aussi parce qu’il se défiait de lui-même et était toujours insatisfait de ses œuvres.

Mais il a aussi été plein d’énergie et de volonté quand il le fallait, notamment, pour entreprendre ses nombreuses tournées apostoliques dans la brousse. Comme Notre Père S. Dominique, il savait aussi demeurer ferme dans les décisions qu’il prenait après un long temps de discernement.

Avec Mgr Carrérot, nous revivons les plus belles pages de l’âge apostolique quand nous le voyions accomplir par barque ou à dos de cheval de longues tournées pour visiter toutes les communautés chrétiennes de ses immenses diocèses, endurant pluie, chaleur, maladie, et toutes sortes de privations.

Que son souvenir et son exemple nous stimule encore ! Et confions à son intercession les diocèses de Conceição et Porto Nacional et leurs pasteurs.

Photo tiré du livre de R. Tournier, o.p., Plages lointaines de l’Araguaya, Missions dominicaines, 1934.

23 octobre 2022

La Prière, un cœur à cœur avec Dieu

Ainsi que le publicain dans l’Évangile de ce dimanche, « dans ses écrits, le père Lagrange nous dévoile sa relation avec Dieu dans la prière souvent à la suite des enseignements reçus au cours de retraites spirituelles. C’est à juste titre que le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, archevêque de Milan, parlait de “la prière de feu” du fondateur de l’École biblique de Jérusalem qui avait marqué les débuts de ses études d’exégèse. Le Journal laisse transparaître ce cœur à cœur avec Dieu qui fut la racine, le moteur et le but de la recherche biblique du “nouveau saint Jérôme” comme aiment l’appeler les biblistes et théologiens qui voient en lui un “docteur” que l’Église écoute et vénère. » (Journal spirituel du P. Lagrange, Avant-propos Manuel Rivero, o.p., Cerf, 2014)

« Je suis dans les choses spirituelles comme un pauvre idiot qui vient chaque jour présenter son écuelle pour avoir sa soupe : je dois tendre à Dieu mon écuelle avec confiance. La confiance ! Elle renferme toutes les qualités de la prière ; c’est elle surtout que Jésus nous recommande dans l’Évangile. C’est de confiance qu’on manque le plus parce qu’on ne sent pas toujours l’effet sensible de la prière. Et encore, quand prie-t-on avec courage, sans en sentir l’effet ! La fin de la prière vient mieux que le commencement, dit l’Esprit Saint. Il faut envisager avec courage les commencements de la prière, qui souvent ne sont pas sans amertume. L’aridité vient, ou de la fatigue, il n’y a qu’à se résigner ; ou de la tiédeur, il faut prier, crier, supplier ; ou d’une épreuve de la bonté divine, il faut en rendre grâce, et se rappeler toujours que la prière est invincible, que la prière est la voie royale du salut et le plus sûr moyen de glorifier Dieu comme Dieu. » M.-J. Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 7.)

22 octobre 2022

Bienheureuse Vierge Marie. Magnificat !

« La communication de Marie avec Dieu est le secret du Roi qu’il garde pour Lui seul.

Nous devons cependant penser qu’il en est d’elle comme de Jésus : au seuil de la vie divine du Sauveur, même dans son âme humaine, nous nous tenons prosternés en silence. Mais quand il a parlé, puisque ce fut toujours dans l’intérêt de nos âmes, nous écoutons sa voix, nous essayons de la comprendre. De même pour Marie dans son rang d’associée à l’œuvre de son Fils.

Ses paroles, celle du Magnificat surtout, sont comme une aurore de l’Évangile. Elles nous laissent apercevoir ce que fut la préparation dirigée par l’Esprit Saint en vue d’elle-même, et aussi des bons Israélites qui devaient suivre le Sauveur.

Trop souvent notre attention se détourne de ces âmes d’élite, parce que nos informations sont courtes. Ce qui nous émeut, c’est de voir le peuple d’Israël, le peuple de Dieu, sous la pression de ses chefs et dans son ensemble, méconnaître le Sauveur, le Messie qui lui avait été envoyé. Nous cherchons les causes de ce résultat lamentable d’une pédagogie que nous confessons divine. Elles ne peuvent être que dans l’aveuglement et l’obstination du peuple. Mais alors Dieu n’avait donc pas pris les bons moyens ? Sa révélation contenue dans l’Écriture n’était donc pas assez claire ? Il ne s’est donc trouvé personne pour justifier Dieu au chétif tribunal des humains ?

Assurément si, puisque son œuvre s’est faite. Mais elle ne s’est pas faite en dehors d’Israël. Le peuple chrétien est, d’après saint Paul, le véritable dépositaire des promesses faites à Abraham dans la personne de son fils, Isaac, figure de l’héritier de la promesse, le Christ et ceux de ses frères qui ont cru en Lui. Les premiers furent les apôtres, tous israélites, même saint Paul. Ce sont eux qui ont reçu cette lumière et qui l’ont transmise, qui ont été embrasés de cette charité pour tous les hommes et qui l’ont communiquée ? Au-dessus d’eux, avant eux, unie à Jésus, Marie est non le type, mais la vraie mère de ces âmes saintes, de cette élite exquise, que la révélation et la grâce avaient préparée, à laquelle il fut donné de la comprendre et de la suivre par une volonté droite et une fidélité inaltérée. C’est en Marie, à Nazareth, dans ces journées qui n’étaient remplies de rien, que cette harmonie s’était réalisée, que cette grande aurore avait brillé. » (Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile en Église, Marie à Nazareth, Cerf, 1990, pp. 150-151.)

Photo : Franz Anton Maulbertsch, Visitation of Virgin Mary (detail), Cathedral Vác, Hungary, 1771-1772

 

18 octobre 2022

Saint Luc (Evangéliste)

 

Dès le commencement ! Quel témoin a connu le commencement de l’évangile dont Jésus Christ était le sujet ? Une seule personne, Marie sa mère, dont Dieu a voulu avoir le consentement, avant de réaliser l’œuvre de la bonne nouvelle. Et lorsque Luc souligne, par deux fois (Lc 2, 19 ; 2, 51), que Marie conservait dans son cœur tout cela, paroles et faits, selon le sens compréhensif du terme hébreu, n’est-ce pas une manière délicate de nous dire qu’il reproduit les confidences de Marie, peut-être déjà écrites par un très ancien ami parmi les âmes choisies de Nazareth ou de l’entourage de Zacharie ?

C’est donc à saint Luc et par lui à Marie, que les âmes dominicaines doivent les cinq mystères joyeux qu’elles s’attachent à contempler. Une fois entrées en communication avec cet écrivain si éclairé sur ces mystères elles reconnaîtront dans le troisième évangile les mêmes touches émues et délicates qui attendrissent le cœur et le remplissent d’une immense espérance dans son Sauveur. (Marie-Joseph Lagrange, o.p., L’Écriture en Église, « Comment lire la sainte Écriture ? », « Lectio Divina » 142, Cerf, 1990, p. 195.)

 

13 octobre 2022

Le père Lagrange, un des pionniers de l’exégèse historico-critique.

Dies diem docet (Psaume 19, 2).

En 1991, Jean-Georges Heintz*, dans sa « Chronique d’Ancien Testament. Ancien Orient et Israël antique : des textes sémitiques aux traditions prophétiques en période d’exil », rappelait que « les perspectives ouvertes par les publications récentes nous avaient incité à souhaiter une approche plus systématique, en même temps que plus originale, de la cohérence narrative des cycles historiques, ainsi que de la densité thématique et de la signification métaphorique des oracles prophétiques ».

Et, en conclusion de son important article, J.-G. Heintz notait : « malgré la richesse des plus récentes perspectives de recherche ici évoquées, le meilleur « sommaire » s’en trouve sans doute déjà dans « le discours prononcé le 15 novembre 1980 pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem », par le P. Lagrange.

Voici un extrait de son exorde, donné dans le cadre de l’ancien abattoir – réhabilité ! – de la ville, la première salle de cours de la célèbre institution qui a su heureusement conserver l’esprit de cette « kénose » primitive :

« Il y a en histoire, en philologie, en archéologie, en morale, des problèmes qui ne seront pas de longtemps résolus, et qui nous touchent de si près que leur intérêt ne faiblit pas. Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité ». (cf. aussi M.-J. Lagrange, L’Écriture en Église, in coll. « Lectio Divina », Vol. 142. Paris, Éd. du Cerf, 1990, p. 104.)

Dans cette perspective, … Dies diem docet ! (Jean-Georges Heintz)

(Enseignement au jour le jour.)

* Jean-Georges Heintz (1939-), docteur ès sciences religieuses, professeur émérite d’Ancien Testament à l’université de Strasbourg.

11 octobre 2022

Saint Jean XXIII, le 11 octobre 1962, Jean XXIII ouvrait solennellement le concile Vatican II

Le P. Lagrange, précurseur du concile Vatican II

Une façon de saisir l’actualité du P. Lagrange aujourd’hui est de relire le Message du dernier synode sur la Parole de Dieu, qui s’est tenu à Rome du 5 au 26 octobre 2008. À titre d’exemple, on peut faire ressortir deux points particulièrement importants de cet examen. D’abord, on observe que le synode est animé par un souci constant d’éviter l’écueil du fondamentalisme. Il propose un voyage spirituel qui, partant de l’éternité et de l’infinité de Dieu, nous conduit « jusqu’à nos maisons et le long des rues de nos cités » ; avant tout, il réaffirme clairement que Jésus Christ est la Parole de Dieu faite chair, homme et histoire (I, 3). Le P. Lagrange ne disait pas autre chose.

En fait, l’orientation préconisée en exégèse par le P. Lagrange n’a été avalisée qu’après sa mort par le pape Pie XII, dans l’encyclique Divino afflante Spiritu, en 1943. Elle fut plus tard confirmée par le concile Vatican II, et le synode ne fait que reprendre cet enseignement. La Bible est chair, dit le synode, « elle exprime dans des langues particulières, dans des formes littéraires et historiques, dans des conceptions liées à une culture antique, elle conserve la mémoire d’événements souvent tragiques. […] Elle nécessite une analyse historique et littéraire, qui s’actualise à travers les diverses méthodes et approches offertes par l’exégèse biblique » (II, 5).

De plus, le synode encourage ouvertement une forme de dialogue œcuménique dont le P. Lagrange, avec ses limites, qui étaient réelles, fut à sa manière un précurseur. Ce deuxième point est lié au premier dans la mesure où il s’agit de regrouper toutes les forces s’opposant à un fondamentalisme qui nie l’incarnation. Confronté à la réalité d’un monde sécularisé, le synode rappelle que « dans la maison de la Parole, nous rencontrons aussi les frères et sœurs des autres Églises et communautés ecclésiales », et il conclut : « Ce lien doit toujours être renforcé par […] le dialogue exégétique, l’étude et la confrontation des différentes interprétations des Écritures » (III, 10).

(Un extrait de la recension de Pierre Gendron de l’ouvrage de Bernard Montagnes OP, Marie-Joseph Lagrange, Une biographie critique, Cerf, 2004. Source : Spiritualité 2000. Livre du mois : Décembre 2008. Responsable de la chronique : Jacques Sylvestre OP.)

Voir le texte entier https://www.mj-lagrange.org/?p=12312

Témoignage du P. Jacques Loew, dominicain

Étudiant Vatican II dans ses textes, j’ai été à nouveau saisi, ressaisi par la hauteur, et la largeur, et la profondeur du Mystère de notre foi, selon les mots de saint Paul. Nous avons là le pain quotidien de notre joie. Et j’ai parfois envie, sur chacune des colonnes de l’édifice de Vatican II, d’écrire le nom de ceux qui ont préparé ces grandeurs : un père Lagrange pour la Bible, un chanoine Cardijn pour l’apostolat, les grands liturgistes allemands et français des années 1930-1960.

(Jacques Loew. Le bonheur d’être homme. Entretiens avec Dominique Xardel, coll. « Les entretiens », éd. Centurion, 1988, Paris, p. 174.)

 

10 octobre 2022 – Jour-anniversaire

Comme chaque mois, le 10, https://www.mj-lagrange.org, la messe est célébrée pour le père Lagrange et pour ceux qui se confient à son intercession. Nous sommes nombreux à intervenir sur le site Facebook ce jour-là, (500 en juillet, 1050 en septembre) mais nous sommes peu nombreux à nous manifester pour préciser, par écrit, à manuel.rivero@free.fr nos demandes d’intentions ou de grâces reçues. Or cela est très important pour conforter le dossier du Postulateur Fr. Massimo Mancini o.p. à Rome.

Lors des « Journées Lagrange » à Rome, les 23 et 24 octobre 2015, la figure du P. Lagrange, ce pionnier de l’interprétation de la Bible, était considérée dans l’histoire comme un modèle dans l’harmonie de la foi et de la raison, de la culture et de la foi. Au terme de cette journée, lors de son homélie, Mgr Louis Bruguès, o.p., bibliothécaire et archiviste du Vatican, a relié la figure du père Lagrange à l’aventure de la foi et de la présence de Dieu célébrée dans la messe. Ce moment n’est-il pas le plus favorable pour nous exprimer ?

8 octobre 2022

La foi de Marie demeure un modèle et une référence pour le P. Marie-Joseph Lagrange o.p. :

« Si Jésus sur la Croix a dû subir l’abandon de son Père, pourquoi l’âme de Marie n’aurait-elle pas connu des épreuves mystérieuses qui la plongeaient dans une sorte d’obscurité ? Peut-être ? Cependant Luc n’aurait pas écrit cette phrase, si l’on n’en avait recueilli l’expression de la bouche de Marie. Au moment où la Mère de Jésus rappelait aux premiers chrétiens les souvenirs qu’elle avait conservés dans son cœur, elle pouvait bien dire que dans ces premiers et heureux temps elle n’avait pas compris tout ce que comportaient la nature et la mission de son Fils. Pourquoi avait-il dû se séparer d’eux pour être chez son Père ? Première douleur imposée à la Mère, qui en présageait bien d’autres. » Un extrait du Journal spirituel mentionné dans : Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire, Cerf, 2012, p. 38.)

Marie, Reine de la Paix, priez pour nous !

7 octobre 2022

Fête de la Bienheureuse Vierge Marie du Rosaire

Dans une conférence donnée aux laïcs dominicains et publiée à Saint-Maximin, le frère Lagrange définissait ainsi la prière du Rosaire la reliant à la lecture de la Bible dans une dialectique féconde, un renvoi permanent de la prière du Rosaire à la Bible et de l’étude de la Bible ou de la lectio divina à la prière du Rosaire :

« Le révélateur de la foi, la source de la grâce, c’est Jésus, mais on a recours pour s’unir à lui à l’intercession de sa très Sainte Mère. Vous entendez bien que c’est là tout le Rosaire. Le Rosaire est un résumé de l’Évangile, nous orientant vers la fin que nous font espérer l’Incarnation et la Passion de Notre-Seigneur Jésus Christ. (…) Mais alors le Rosaire supplée à la lecture de l’Écriture, et la rend inutile ? Disons plutôt qu’il la fait désirer, qu’il nous la rend même nécessaire, si nous voulons réellement avoir devant les yeux les mystères que nous devons méditer. » (M.-J. LAGRANGE, « Comment lire la sainte Écriture », « La Vie dominicaine », n°2, Saint-Maximin, 1936.)

6 octobre 2022

La vertu d’humilité du P. Lagrange dans son Journal spirituel

« Une humilité spéculative n’est pas difficile, les lumières de la raison suffisent. Dieu nous a donné l’être, l’intelligence, la volonté, la santé. Nous savons que nous n’avons pas à nous en glorifier. La vanité du cent-garde est puérile. Qui n’a vu maints enfants pleurer d’être petits ? Dieu nous a donné ces choses et nous les conserve, d’une façon positive, il entretient le flambeau de l’intelligence. On le sait, et cette humilité spéculative est facile, les philosophes y arrivent : misère de l’homme. L’humilité de N. S. est autre, c’est un acte de la vie. […] L’humble de cœur désire être aux yeux des hommes ce qu’il est aux yeux de Dieu. […] Il faut épouser l’humilité comme saint François a épousé la pauvreté, par un vrai mariage mystique. » Journal spirituel, 21 février 1879, Cerf, 2014, p. 15.

« Humilité, esprit de prière, s’humilier en tout ; la vraie humilité est magnanime, elle s’appuie sur l’amour de Dieu pour nous ; devenir enfant. » Journal spirituel, 16 mars 1880, Cerf, 2014, p.60.

« Humilité, douceur, charité, prière continuelle : se laisser guider par Marie. » Journal spirituel, 1er juin 1880, Cerf, 2014, p. 71.

« Ô mon Jésus, donnez-moi pour ceinture la chasteté angélique, pour souliers une humilité profonde, pour manteau nuptial la charité, pour couronne la dévotion à votre Mère, pour dot la vraie pauvreté et votre Croix. Ô Jésus, mon fiancé ! Mon grand Dieu, vous avez voulu me faire miséricorde ! Donnez-moi aussi, car je n’ai rien, la prière continuelle pour robe. » Journal spirituel, 26 septembre 1880, Cerf, 2014, p. 89.

« Ô combien grande devrait être mon humilité ! Et ma reconnaissance envers Jésus qui m’a pris du sein de la dégradation la plus complète pour me régénérer dans son sang et me faire vivre d’une vie nouvelle. » Journal spirituel, 19 avril 1882, Pâques, Cerf, 2014, p. 89.

« Il faut constater en moi ce défaut des vieillards : l’irascibilité. On se croit intelligent, et la comparaison poursuivie durant ma longue vie enracine ce contentement de soi. On a incontestablement acquis de l’expérience. Alors on juge avec dureté : c’est idiot, quel crétin ! Défaut où les jeunes ne tombent pas de la même manière : leur présomption est moins obstinée.

Il faut lutter, se montrer doux, et surtout l’être. D’autre part la vie, en effet, enseigne l’indulgence ; surtout une vie comme la mienne.

Que serais-je, ô mon Jésus, si vous n’aviez pas pris le soin de m’humilier ! » Journal spirituel, 15 juillet 1922, Cerf, 2014, p. 419.

1er octobre 2022

Belle fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus en ce 1er octobre 2022.
Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+1897)
Fr. Manuel Rivero O.P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange, dominicain.
Dans son Journal spirituel , le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».
L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».
Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir ’ . ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’. »
C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.
Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église. Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).
Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.
Neuvaine 2021 à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+30 septembre 1897)
Premier jour
« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)
Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance.
Deuxième jour
« J’allais derrière mon lit dans un espace vide qui s’y trouvait et qu’il m’était facile de fermer avec le rideau … et, là, je pensais. Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le bon Dieu m’instruisait en secret. » ; « Quelquefois j’essayais de pêcher avec ma petite ligne, mais je préférais aller m’asseoir seule sur l’herbe fleurie : alors, mes pensées étaient bien profondes et, sans savoir ce que c’était de méditer, mon âme se plongeait dans une réelle oraison. (…) La terre me semblait un lieu d’exil, et je rêvais le Ciel. » (sainte Thérèse)
L’oraison est le cœur à cœur avec Dieu. En silence, nous écoutons Dieu qui parle à notre âme. L’oraison est un mot d’origine latine qui veut dire « bouche ». Faire oraison équivaut à partager le souffle de Dieu, le bouche à bouche avec Dieu où nous recevons l’Esprit Saint. Véritable conversation avec Dieu, la prière représente une promenade avec Dieu dans le Paradis.
Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’oraison qui nous unit à Dieu.
Troisième jour
« Jésus a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette … J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes … Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le jardin de Jésus. » (Sainte Thérèse)
« Chacun va à Dieu par un chemin virginal », a écrit le poète espagnol Léon Felipe (+1968). Dieu aime l’unité mais pas l’uniformité.
Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de respecter et d’apprécier l’altérité, la différence des personnalités et des chemins pour arriver à Dieu.
Quatrième jour
« En sortant du confessionnal, j’étais si contente et si légère que jamais je n’avais senti autant de joie dans mon âme. Depuis je retournai me confesser à toutes les grandes fêtes et c’était une vraie fête pour moi à chaque fois que j’y allais. » (Première confession de sainte Thérèse à sept ans)
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de vivre le sacrement de la réconciliation.
Cinquième jour
Femme de miséricorde, sainte Thérèse intercède pour Pranzini, condamné à mort et exécuté le 31 août 1887. Juste avant sa mort, Pranzini saisit le crucifix présenté par l’aumônier. Thérèse y vit le fruit de sa prière. Elle appela ce condamné « son premier enfant ». Enfant de sa maternité spirituelle.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de la miséricorde et de la prière pour les pécheurs.
Sixième jour
Elle avait déclaré au chanoine Delatroëtte qui lui demandait « Pourquoi êtes-vous venue au Carmel ? » : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de vivre la miséricorde envers les prêtres et de prier pour eux.
Septième jour
En apprenant que son père est hospitalisé en psychiatrie, sainte Thérèse s’est exclamée : « Notre grande richesse ». Elle sait que cette maladie terrible demandera à la famille de s’unir davantage au Christ dans sa Passion. Il leur faudra davantage d’amour. Mais le Seigneur ne laisse pas les malades sans sa grâce.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, de discerner la présence du Christ Jésus dans les malades et de leur témoigner de notre foi et de notre solidarité dans la souffrance.
Huitième jour
Poème envoyé par sainte Thérèse à l’abbé Roulland parti missionnaire en Chine :
« Vivre d’amour, ce n’est pas sur la terre
Fixer sa tente au sommet du Thabor.
Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,
C’est regarder la Croix comme un trésor !
Au Ciel, je dois vivre de jouissance
Alors l’épreuve aura fui pour toujours
Mais exilée je veux dans la souffrance
Vivre d’amour. »
« À lui de traverser la terre,
De prêcher le nom de Jésus.
À moi, dans l’ombre et le mystère,
De pratiquer d’humbles vertus.
La souffrance, je la réclame,
J’aime et je désire la Croix …
Pour aider à sauver une âme
Je voudrais mourir mille fois. »
Poème envoyé le 16 juillet 1896, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, copatronne des missions avec saint François-Xavier, la grâce de devenir disciples-missionnaires de Jésus ressuscité.
Neuvième jour
Malade, Thérèse, à l’infirmerie, chante les miséricordes du Seigneur à son égard. Elle avoue à mère Agnès : « Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance : je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »
Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce d’une bonne mort dans la foi en sa miséricorde.

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