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30 novembre 2022

Saint André, apôtre

Lettre de saint Paul apôtre aux Romains (10, 9-18) avec le commentaire du P. Lagrange

9) Frère, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé.
10) Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut.

11) En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte.

12) Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent.

13) En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

14) Or, comment l’invoquer, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?

15) Comment proclamer sans être envoyé ? Il est écrit : Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles !
16) Et pourtant, tous n’ont pas obéi à la Bonne Nouvelle. Isaïe demande en effet : Qui a cru, Seigneur, en nous entendant parler ?

17) Or la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. 18) Alors, je pose la question : n’aurait-on pas entendu ? Mais si, bien sûr ! Un psaume le dit : Sur toute la terre se répand leur message et leurs paroles, jusqu’aux limites du monde.

À quelles conditions cette parole suffit au salut ? c’est ce qui nous est expliqué au verset 9.

9) L’ordre naturel est de croire, et ensuite de manifester sa croyance ; Paul y reviendra au verset 10 ; mais ici il suit l’ordre des termes mosaïques qu’il a empruntés ; c’est la raison donnée par tous. De plus il voulait répondre aux deux questions des vv. 6 et 7, dans l’ordre du temps, où l’Incarnation précède la Résurrection. Or la foi en l’Incarnation consistant à croire que Jésus est Seigneur [… prédicat], cette formule appelait l’idée d’une confession extérieure, car c’est par le culte public que s’est établi pour Jésus le titre de Seigneur […]. Il n’est pas question d’une confession de la foi devant des persécuteurs, mais de l’adhésion formulée au christianisme. Le deuxième article est la résurrection du Christ. Moyennant cela le salut est assuré.

10) Paul revient ici à l’ordre naturel. La foi est, comme toujours, une démarche qui conduit à la justice, qui obtient la justice, car elle procède du cœur, c’est-à-dire que la foi intellectuelle en Jésus est aussi une disposition de tout l’homme intérieur […].

(8-10) Ces trois versets ont été rattachés très justement par Aug[ustin] à ce qui est dit plus haut […] d’un côté des œuvres entassées sans profit, de l’autre la foi et le salut.

(11-13) Ces versets forment une chaîne de propositions liées qui traitent de la justice de la foi ou plutôt du salut qu’elle assure sous l’aspect de l’universalité. D’après le contexte, ce n’est pas un appel aux gentils, mais plutôt aux Juifs qui doivent aussi embrasser la nouvelle économie du salut.

11) Paul reprend le texte d’Isaïe (XXVI, 16) qu’il a cité plus haut et entendu du Christ, pierre de scandale pour les Juifs. […] Le nouveau régime est celui de la foi, et d’une foi qui confère à tous les mêmes droits au salut.

12) En affirmant qu’il n’y a pas de différence entre les Juifs et les Grecs ou les gentils, Paul combat la prétention des Juifs au privilège, quoique moins ouvertement que dans III, 29. Alors il disait que le même Dieu est le Dieu des gentils aussi bien que des Juifs ; maintenant il affirme qu’ils ont le même Seigneur, c’est-à-dire Jésus Christ […].

13) Aussi Paul n’hésite-t-il pas à appliquer au culte du Christ ce que Joël avait dit du culte de Iahvé (Joël III, 5) […] qui devient le nom du Christ. Rien de plus fort pour prouver la divinité de Jésus, l’existence d’un culte nouveau, l’obligation des Juifs de se joindre aux gentils dans l’union d’une même foi et d’un même culte rendu au Seigneur. Si ce Seigneur n’était clairement celui de l’A. T., on pourrait même parler d’une religion absolument nouvelle. Mais c’est bien toujours le Seigneur, que Joël avait dit qu’on invoquerait dans les derniers jours, le Christ descendu du ciel, issu d’Israël selon la chair.

(14-28) Les Juifs refusent de croire à l’Évangile

[…] Les Juifs ont méconnu la justice de Dieu et cependant elle était à leur portée, n’exigeant que la foi (vv. 6-13) ; il faut maintenant prouver qu’ils auraient pu faire cet acte de foi, et que s’ils ne l’ont pas fait, c’est manifestement leur faute. La foi exige une prédication autorisée (vv. 14-15a), mais elle a eu lieu, comme le prouve le texte d’Isaïe (v. 15b). Seulement tous n’ont pas obéi (vv. 16-17). Mais comme ils avaient entendu (v. 18) et compris (vv. 19-20), c’est leur faute s’ils n’ont pas cru (v. 21).

(14-15a) Gradation ascendante, qui procède ici par interrogations. L’interrogation est une autre figure de rhétorique (avec des subjonctifs), plutôt qu’une objection. L’ensemble est clair : le point de départ est l’invocation, dont la nécessité pour le salut est constatée au v. précédent. Pour invoquer il faut croire, pour croire il faut avoir appris ; on apprend par la prédication, et la prédication autorisée exige la mission de qui de droit ; dans ces conditions, on a tort de ne pas croire.  […] Donc Paul se demande comment on peut croire au Christ sans l’avoir entendu. Et c’est précisément parce qu’il sait bien que très peu de personnes encore vivantes l’ont entendu, qu’il demande ultérieurement comment on a pu entendre sans quelqu’un pour prêcher. Il fallait pour cela des prédicateurs envoyés : allusion aux apôtres envoyés par le Christ. C’est donc bien à lui comme Révélateur que remonte notre foi dont il est d’ailleurs l’objet ; c’est son témoignage qui nous sert de règle.

15b) Suit une citation d’Isaïe LII, 7, plutôt d’après l’hébreu que d’après les LXX, simple renvoi écourté à un passage bien connu : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager de bonne nouvelle qui proclame la paix, qui annonce la bonne nouvelle, qui proclame le salut ! qui dit à Sion : Ton Roi règne. » Paul se contente de la bonne nouvelle, et met le messager au pluriel, parce qu’il pense aux apôtres. Mais dans quel but cette citation ? Est-ce seulement pour prouver que le régime des messagers du salut était déjà prévu par l’A. T. ou est-ce pour affirmer dans les termes du prophète Isaïe la réalisation du fait dont la convenance vient d’être établie. La seconde opinion est préférée […].

16) L’affirmation de 16a est tout à fait générale, mais, d’après l’ensemble, il s’agit des Juifs. Il en coûte tant à Paul de constater leur situation qu’au lieu de dire : « peu ont cru », il dit par une figure qui adoucit la triste vérité : « tous n’ont pas cru ». […] La citation était très bien choisie pour prouver qu’un message envoyé par Dieu n’obtient pas toujours la foi, d’autant que ce message avait pour objet le serviteur de Dieu souffrant, objet de scandale pour les Juifs ; cf. Jn XII, 37.

17) […]. Isaïe, prophète, avait une mission, il a prêché, on eût dû le croire. On peut donc conclure de son texte la confirmation de ce qui a été dit plus haut sur la chaîne des actes qui conduisent à la foi : la foi dépend de la prédication, la prédication de la mission, et, en fait, la mission dont il s’agit vient du Christ. […] Plusieurs l’entendent d’un mandat, d’une commission, d’un ordre donné par le Christ, comme Lc V, 5. Je crois plutôt que c’est la parole révélée par le Christ (cf. v. 14). La parole « au sujet du Christ » serait en dehors du contexte.

18) Le début n’est pas une objection, mais bien plutôt Paul prévient l’objection. Diront-ils qu’ils n’ont pas entendu ? Allons donc ! […] La preuve est faite dans des termes empruntés au Ps XVIII (XIX), 5, d’après le grec qui rend bien l’hébreu. Ces termes signifient que les cieux annoncent partout la gloire de Dieu. Paul le sait sans doute et ne cite par l’Écriture comme autorité, ni pour le sens littéral, ni dans un sens prophétique typique précis. Il a dû y voir cependant je ne sais quel pressentiment. Cette belle phrase, dont l’expression métaphorique – les paroles des éléments inanimés ! – doit s’entendre proprement à propos de prédicateurs, les montrait faisant rayonner la gloire de Dieu jusqu’aux extrémité du monde. L’emprunt d’une phrase toute faite et la transposition du sens primitif suggèrent de ne pas prendre les choses trop à la lettre quant à l’étendue de la prédication. Le christianisme était en train de se répandre partout dans le bassin de la Méditerranée, les Juifs ne pouvaient décemment affecter l’ignorance.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Saint Paul. Épître aux Romains. Coll. « Études bibliques » Lecoffre Gabalda, cinquième mille, édition 1931.)

Photo : Saint Paul. Hora est jam et Saint Paul par El Greco

29 novembre 2022

La Révélation attendue est accordée aux disciples (Lire Luc 10, 23-24)

[…] Le contexte de Luc donne plus de profondeur aux paroles de Jésus. Ce qu’ils [les disciples] voient, ce ne sont pas seulement des miracles, c’est le secret du Fils, révélé à qui il veut, qui est placé sous leurs yeux, et c’est vers ce mystère que convergeait toute l’histoire d’Israël. […] Jésus prend ses disciples à part, puisqu’il s’agit d’un privilège, du moins momentané. […] Les disciples sont précisément ces enfants auxquels un mystère a été révélé, et ils doivent entendre que c’est la connaissance du Père et du Fils, manifestée par les actes et les paroles de Jésus. […] Jésus envoie ses disciples annoncer que le règne de Dieu est proche. Il est même commencé, puisque la prédication amène la chute de Satan. Cependant le Maître confirme expressément leur pouvoir, parce qu’ils en auront besoin dans leur lutte contre les puissances du mal, avant d’être admis dans le ciel. Puis il remercie le Père d’avoir révélé son secret aux humbles, secret qui n’est pas le jour du grand avènement, mais la connaissance mutuelle du Père et du Fils, révélée à ceux que le Fils choisit, et qui sont précisément ses disciples. Ils voient donc, ils entendent dès à présent ce que les prophètes ont tant désiré de voir et d’entendre, c’est-à-dire que le messianisme est inauguré et mis en acte par Jésus et par ses disciples. Dès à présent le Fils est là. La glorification du Fils de l’homme ne peut rien ajouter à ce qu’est le Fils par rapport au Père, puisqu’il a déjà tout reçu. C’est vraiment la théologie de l’Incarnation, rattachée à l’attente d’Israël, désormais réalisée. Théologie, mais sans expressions métaphysiques, telle qu’elle pouvait être enseignée aux « enfants ».

(Extrait du commentaire du P. Lagrange dans son étude l’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

27 novembre 2022

1er dimanche de l’Avent

Le temps presse ; il faut se mettre à l’œuvre (Lettre de saint Paul, apôtre. Épître aux Romains (13, 11-14)

Vous savez en quel temps nous sommes : c’est désormais l’heure de vous réveiller du sommeil, – car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi ; – la nuit est avancée, et le jour est proche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière. Marchons avec une tenue irréprochable, comme il sied en plein jour ; plus de festins licencieux ni d’ivresse, de coucheries ni de débauche, de querelles ni de jalousie. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ, et ne prenez pas [tant] de soin de la chair, [qui vous conduirait] à ses convoitises.

Note du P. Lagrange pour le verset 14 :

Il faut revêtir Jésus-Christ. C’était déjà fait par le baptême (Gal. III, 27), mais il dépend du chrétien de collaborer à ce qu’a fait la grâce, et ce travail doit durer toujours. Néanmoins il y a dans l’expression une allusion à la profession récente du christianisme, qui s’accorde parfaitement avec l’explication donnée plus haut du v. 13. Anciens et nouveaux convertis, les Romains doivent oublier les vices du paganisme et revêtir Jésus-Christ.

Revêtez le Christ, c’est une autre manière de dire : vivez dans son Esprit, ne vivez pas selon la chair (VIII, 12 ss).

[…] Le jour du salut est une splendeur qui éclaire la vie morale des chrétiens et qui doit l’éclairer toujours davantage. Déjà l’aurore luit… L’avènement du Christ correspond-il au lever du soleil ? on le croirait d’abord (12a) ; mais on voit bien que les chrétiens vivent en pleine lumière. Sera-ce donc midi ? Mais en vérité cette inquisition est superflue. Paul ne fixe point de moments sur le grand chronomètre du Cosmos. Pour lui la consommation du salut absorbe tous les degrés intermédiaires de perspective ; elle est proche, elle éclaire déjà l’horizon, elle fait rayonner nos armes. Ne comptez pas les jours et les années, cela est d’un autre ordre.

(Marie-Joseph Lagrange, Épître aux Romains, Lecoffre-Gabalda, 1931.)

 

25 novembre 2022

Signes de la proximité du règne de Dieu (Luc 21, 29-33)

[Jésus] leur dit une parabole : « Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils bourgeonnent déjà, à cette vue vous connaissez par vous-mêmes que déjà l’été est proche. De même aussi, lorsque vous verrez arriver ces choses, sachez que le règne de Dieu est proche. En vérité je vous dis que cette génération ne passera pas avant que tout ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.

Pour le P. Lagrange, saint Luc reproduit la parabole du figuier. Il a donc entendu cette parabole de l’aurore du règne de Dieu sur la terre. Le figuier a ses premières feuilles aux jours du printemps. Cette saison existe à peine en Palestine. L’été succède presque aussitôt à l’hiver. Or, l’été, pour saint Luc, c’est le Règne de Dieu. Cette génération n’aura pas tout à fait disparu, que déjà seront intervenus le règne et la délivrance : « Le ciel et la terre passeront », dit Jésus, « mais mes paroles ne passeront pas », ces paroles qui furent la prédication du règne, qui sont encore vivantes et efficaces, et qui le seront toujours. […] Luc dit clairement « sachez que le règne de Dieu est proche ».

(L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, pp. 524-525.)

24 novembre 2022

L’Avènement du Fils de l’homme (Luc 21, 25-27)

« Et il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre : une angoisse des nations inquiètes du bruit de la mer et de son agitation, les hommes expirant de terreur et d’anxiété sur ce qui arrive au monde habité. Car les puissances du ciel seront ébranlées. Eh bien, c’est alors qu’ils verront le Fils de l’homme venant dans une nuée, avec grande puissance et grande gloire. »

Le P. Lagrange commente :

Après cette détresse, qui sera surtout un débordement des forces mauvaises dans l’ordre religieux et moral, la nature elle-même entrera en branle. Le soleil sera obscurci, la lune ne donnera plus sa lumière, les astres tomberont du ciel, les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. Images grandioses, traditionnelles dans la prophétie, reprises dans les apocalypses, et qui ne se donnent pas comme des prédictions techniques, pas plus que l’abomination de la désolation. Ce n’est pas dans un cas où il se sert de termes consacrés que Jésus peut être censé s’être éloigné de sa pratique constante de ne pas parler des éléments en théoricien des systèmes du monde. À ces signes, il ajoute seulement « le signe du Fils de l’homme dans le ciel [cf. Mt 24,30] », où l’on peut reconnaître sa Croix, symbole de supplice, mais ensuite trophée de sa victoire. Enfin on verra le Fils de l’homme – et cela encore est une image traditionnelle depuis Daniel [cf. Dn 7,13] –, « venant dans les nuées, avec grande puissance et gloire. Et alors il enverra ses anges et rassemblera ses élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel ».

Le Fils de l’homme – quel disciple l’ignorait ? – c’était Jésus lui-même venant inaugurer le règne de Dieu à la fin des temps.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, pp. 523-524)

 

22 novembre 2022

Sainte Cécile, vierge et martyre, patronne des musiciens

Pensée du P. Lagrange :

« Ste Cécile, chantez maintenant pour Dieu seul ; obtenez-nous la grâce d’être purs de cœur et de corps, afin que cette grâce en attire une autre : que pouvons-nous demander à Dieu ? Gratiam pro gratia » (Grâce après grâce, Jn 1, 16).

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

20 novembre 2022                       

Le Christ, Roi de l’Univers, Roi de la Paix

Dans l’Évangile de ce jour saint Luc nous parle des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que Jésus.

« Or l’un des malfaiteurs qui étaient crucifié l’insultait, disant : « N’es-tu par le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous aussi. » Mais l’autre prenant la parole pour le faire taire, lui dit : « Tu n’as donc pas même la crainte de Dieu, toi qui endures le même supplice ? Et pour nous, c’est justice, car nos actes avaient mérité le châtiment que nous recevons ; mais lui n’a rien fait de mal. »  Et il ajoutait : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans [l’éclat] de ton règne ! » Et Jésus lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » (Lc 23, 39-43)

Le P. Lagrange commente : Le bon larron accepte sa condamnation et son supplice. La foi qu’il va témoigner à Jésus vient d’une âme repentante. Il est assez nature qu’un compagnon d’infortune se recommande à celui dont il pressent les brillantes destinées. Mais Jésus allait mourir, et le bon larron ne suppose pas qu’il va faire le miracle qu’on lui demande insolemment. Il voit que Jésus est innocent, et il croit qu’il est vraiment destiné à être le roi du royaume de Dieu, le sien. […] La leçon signifie « dans la possession, dans l’éclat de ton règne ». On dirait que le bon larron, sûrement un juif, pensait à l’avènement du Messie à la résurrection. […] Jésus accorde plus que le larron n’implore. C’est le jour même, au moment de sa mort, qu’il retrouvera le Christ. Plutôt que de chercher expressément ce qu’est ce paradis, si le bon larron est descendu aux limbes etc., Il faut se souvenir des paroles de saint Ambroise : Vita est enim esse cum Christo ; ideo ubi Christus, ibi vita, ibi regnum (La vie, c’est être avec le Christ, donc là où est le Christ, là est la vie, là est le royaume – trad. du rédacteur FB). Le mot « jardin délicieux » évoquait pour le bon larron l’image d’un lieu de bonheur.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile selon Saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, p. 591.)

Photo : Le Christ, Roi de l’Univers, Roi de la paix (source Diocèse de Belley-Ars – Diocèse de naissance du P. Marie-Joseph Lagrange o.p.)

Le bon larron avec Jésus par Bradi Barth (1922-2007)

En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous sommes invités à fêter le Christ, Roi de l’Univers. Mais de quelle royauté s’agit-il ?

Son institution : L’encyclique Quas Primas

Pour bien comprendre le sens de la fête, il est important de revenir aux intentions ce celui qui l’a voulue.

Un remède contre le « laïcisme »

Le Pape Pie XI, au terme de l’année sainte 1925 (11/12/25), au cours de laquelle on avait fêté les 1 600 ans du concile de Nicée (dont le Credo nous fait dire chaque dimanche : « et son règne n’aura pas de fin »), a institué la fête du Christ-Roi. Il l’a voulu comme moyen de favoriser la paix dans le monde en montrant à tous celui qui peut conduire toute l’humanité (nous sommes au lendemain de la Grande Guerre), et comme remède à la maladie du « laïcisme » qui tend à exclure le Christ de la vie des personnes, des familles et des sociétés. La foi doit avoir un rayonnement social.

Un titre biblique

Dans sa lettre, le Pape démontre combien ce titre du Christ est important. Dès l’Annonciation, Marie est prévenue que le règne de son fils n’aura pas de fin (Lc 1, 33-34). Au terme de sa prédication, Jésus lui-même se désigne comme roi jugeant le monde (Mt 25, 31-40). Dans sa Passion, il répond à Pilate que son Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18, 36-37). Et après sa Résurrection, il peut affirmer que tout pouvoir lui a été remis au Ciel et sur la terre (Mt 28, 18). Et encore, l’Apocalypse le désigne comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Ap 19, 16).

Un avertissement pour les « rois » de la terre

Il explique ensuite l’opportunité de mettre en valeur la royauté de Jésus. En rappelant que le Royaume du Christ n’est pas seulement spirituel (Roi des cœurs), mais aussi temporel (sauf que Jésus s’est abstenu d’exercer cette royauté pour la confier aux gouvernants), le Pape veut mettre en lumière la dignité de l’autorité temporelle comme venant du Seigneur. Il aide à faire prendre conscience, à ceux qui l’exercent, de l’exigence de vertu et de sagesse qu’elle implique, se souvenant qu’ils sont là pour servir et non pour être servis. Ils ne doivent donc pas s’opposer au règne du Christ ni empêcher l’Église d’accomplir sa mission. En effet, toute société bâtie sur des lois contraires à celle de l’Évangile tend à son écroulement, et alors, il vaut mieux se soumettre à Dieu qu’aux hommes.

Sa célébration

Les éléments de la célébration de la fête peuvent encore nous aider à en comprendre la portée.

Sa place dans l’année

Primitivement placée le dimanche avant la Toussaint (le Roi par son triomphe ouvre les portes du Royaume aux saints), la fête du Christ-Roi est célébrée, dans le calendrier issu de la réforme du concile Vatican II, le 34e et dernier dimanche de l’année (les lectures de cette période nous rappelant la fin des temps où le Christ triomphera de son dernier ennemi, la mort). Son culte est traditionnellement lié au culte eucharistique et au Sacré-Cœur (adoration solennelle, procession…).

Les lectures

Les évangiles lus sont successivement, l’année A, la parabole du jugement dernier (Mt 25, 31-46) qui montre la venue du Fils de l’homme, pasteur, roi et juge de l’univers, l’année B, la comparution de Jésus devant Pilate (Jn 18, 33b-37) où il déclare que sa Royauté n’est pas de ce monde, et l’année C, la Crucifixion (Lc 23, 35-43) nous montrant un roi couronné d’épines qui inaugurera son Règne dans la Résurrection.

Merci au P. Roch Valentin du diocèse de Belley-Ars pour ce partage.

19 novembre 2022

« Que les morts ressuscitent, Moïse lui aussi l’a fait entendre à l’endroit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous en effet, vivent pour lui. » Quelques-uns des scribes prirent la parole et dirent : « Maître, tu as bien parlé. » Car ils n’osaient plus l’interroger sur rien. (Luc 20, 37-40.)

Commentaire du P. Lagrange :

C’est ainsi que raisonne Jésus. « N’avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, à l’endroit du buisson ardent » – le buisson ardent du Sinaï – « comment Dieu lui parla, disant : Je suis le Dieu d’Abraham, et Dieu d’Isaac, et Dieu de Jacob ? Il n’est pas Dieu des morts mais des vivants. Vous êtes grandement dans l’erreur. »

Ces grands ancêtres, aux yeux de Dieu, sont toujours des vivants ; l’existence affaiblie des ombres est-elle vraiment une vie ? Est-ce donc là la récompense que Dieu donne à ses amis ? Ils ont soupiré après sa présence, lui aussi veut les avoir auprès de lui. S’ils ne sont pas ressuscités, ils vivent assez pour l’être un jour, et ils ne seront pas frustrés de la vie éternelle.

(Voir le texte en entier dans Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 492.)

Illustration : Le Christ dans le buisson bénit Moïse. Livre de prières d’Hildegarde de Bingen, vers 1190.

12-13 novembre 2022                       

Pensée du jour du P. Marie-Joseph Lagrange : « Rendre d’immenses actions de grâces à Jésus et à Marie, qui m’ont accordé tant de grâces, soutenu dans les tentations, accordé la persévérance. » (Journal spirituel, Cerf, 2014.)

10 novembre 2022  – Jour-Anniversaire    

Aujourd’hui nous prions particulièrement et nous confions à l’intercession du P. Lagrange, le frère François-Régis Delcourt o.p., victime d’un nouvel incident cardiaque. 

Il y a 84 ans, le 10 mars 1938, à Saint-Maximin (Var), le Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange « entrait pieusement et doucement dans la vie éternelle » au couvent royal de Saint-Maximin (Var) entouré de toute la communauté dominicaine.

Depuis quelques années, chaque mois, en ce jour-anniversaire, une messe est célébrée par Fr. Manuel Rivero, o.p., vice-postulateur. Cette messe nous unit à ce grand religieux auquel nous sollicitons son intercession pour obtenir les grâces dont nous avons besoin.

Avec la prière pour la glorification du P. Lagrange, « demandons au Père de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie ». Aujourd’hui, il ne manque qu’un miracle pour que sa Cause avance. Prière sur le site https://www.mj-lagrange.org

Pensée du P. Lagrange : Ô Marie Immaculée, ma Mère, vous seule avez tout conduit : je vous donne mon cœur, gardez-moi pur, et donnez-moi celui que nous attendons, le fruit béni de vos entrailles, Jésus. (Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Illustration : P. Lagrange 1924 et Vierge avec l’Enfant (15e) Ferrara. Master of the winking-eyes. Collection Grimaldi-Fava. National Museum.

Comme le tableau de Pontormo, la Vierge à l’Enfant (vers 1450) du Maître des yeux clignotants souligne le tempérament affectueux de Marie et son rôle de mère. Dans cette scène joviale, Mary chatouille son fils alors que son voile bleu couvre leurs deux têtes. Leurs expressions joyeuses et leur proximité physique saisissent la tendresse de la scène, tandis que le fond doré résume davantage l’interaction légère et ludique. En dépeignant de manière humaniste la Vierge riant avec son bébé, le Maître des yeux clignotants dépeint Marie comme une mère à laquelle on peut s’identifier, mettant en valeur son humanité. Son voile, drapé sur les deux têtes, symbolise la nature humaine que le Christ a héritée de sa mère ainsi que leur lien d’amour.

8 novembre 2022

Les serviteurs inutiles (Luc 17, 10)

« De même vous, lorsque vous aurez fait tout ce qui vous aura été ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire. »

Commentaire du P. Lagrange : Si la parabole était exactement balancée, nous aurions ici une vue sur les sentiments de Dieu. En effet, quoique les serviteurs ne représentent pas les hommes, ni le maître Dieu à la façon d’une allégorie, cependant il est fait application des rapports entre maître et serviteurs à ceux des hommes envers Dieu, et comme la parabole insiste surtout sur les procédés et les sentiments du maître, on s’attendait à apprendre que Dieu traite ses serviteurs de telle ou telle manière. Mais une fois de plus nous constatons que les paraboles ne procèdent point avec cette rigueur. C’est sans doute pour adoucir la transition : est-ce que ce serviteur regarde comme une faveur de sa part à lui d’avoir fait ce qui a été commandé. Au lieu donc de toucher le sujet du côté de Dieu, de dire comment il récompense ou ne récompense pas ses serviteurs, la parabole se dirige nettement vers le sujet de l’humilité. Le Sauveur ne refuse pas d’admettre qu’on ait observé tous les commandements.

Il ne dit pas non plus que ce soit peu de chose, encore moins qu’on demeure pécheur malgré cela. Il invite simplement les Apôtres à s’établir dans des sentiments d’humilité, exprimés par la formule : « nous sommes des serviteurs inutiles ».

[…] Le mot ne doit pas être analysé en toute rigueur, ni surtout comme un verdict de la part de Dieu. Les serviteurs de la parabole n’avaient point été inutiles dans la rigueur du terme, mais ils devaient s’estimer inutiles, et comme l’humilité doit avoir un fondement réel, ce fondement est indiqué : « nous avons fait ce que nous devions faire ».

(Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile selon saint Luc, Gabalda, 1941, pp. 455-457.)

5 novembre 2022

Parabole de l’économe infidèle (Jn 16, 9-15)

Commentaire : Ce qui résulte clairement des enseignements du Sauveur, c’est qu’on ne peut s’élever vers Dieu sans dégager son cœur de l’argent. Quand on ne possède pas de grandes richesses, le renoncement est plus facile. S’il est des pauvres dévorés de convoitise et des riches pauvres en esprit, à considérer l’ensemble des faits, la richesse n’est pas une bénédiction divine ; il est plus facile aux pauvres d’être les bénis et les amis de Dieu.

Or cette morale, déjà suggérée par beaucoup de psaumes, n’était pas enseignée par l’ancienne Loi, qui est le fort des scribes. Convention faite avec tout un peuple, qui n’a pas de destinées éternelles, la Loi avait promis les biens de la terre à Israël s’il observait les préceptes du Seigneur. Il est encore très vrai que la pratique des commandements de Dieu est pour une nation une cause de prospérité, même matérielle. Les pharisiens s’appliquaient individuellement cette morale sociale. Ainsi que les amis de Job, ils étaient persuadés que Dieu récompense toujours la vertu ici-bas, et spécialement par la richesse. Un serviteur de Dieu ne peut être longtemps condamner à souffrir, il ne doit pas mourir dans la souffrance. C’est encore le grand argument de l’Islam contre le christianisme : l’envoyé de Dieu n’a pas dû être rejeté et mis à mort, parce que Dieu a toujours raison, et sa raison, c’est la victoire.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 413.)

Illustration : Jacob Adriensz Bellevois 1620-1676.

2 novembre 2022

Commémoration de tous nos parents défunts, nos amis connus ou inconnus, qui malgré leur absence restent autour de nous.

« Pour eux, [ils sont heureux,] en prière pour nous. Peu à peu, le ciel se peuple des âmes que j’ai connues et aimées : le moment viendra de les rejoindre. » (M.-J. Lagrange o.p., Journal spirituel, Artège, 2014.)

« Je suis la voie, et la vérité, et la vie ; personne ne vient au Père si ce n’est par moi (Jn I, 6).

[…] Le premier terme seul est expliqué ici authentiquement : il est la voie parce que nul ne parvient auprès de son Père que par lui, ce qui doit s’entendre de la foi (III, 15) qu’on a en Lui, en lequel on connaît le Père (7). Les deux autres termes s’entendent avec le secours de passages du même ordre. Il est la vérité, parce que pour voir le Père comme il le voit (I, 18 ; VI, 46), et pour rendre ainsi un témoignage véritable, il faut être dans son sein et participer à sa nature qui est vérité, et lumière (I Jn I, 5). Il est la vie (I Jn I, 2) car, avant le temps, la vie était en lui (I, 4) ; et devenu homme il est vie et source de vie (XI, 25), étant le pain vivant (VI, 51) qui donne la vie éternelle. La doctrine de la voie est d’ailleurs la même que celle de la porte (X, 7-9), mais exprimée d’une façon plus sublime, au contact de ces termes non métaphoriques de vérité et de vie.

(M.-J. Lagrange o.p., Évangile selon saint Jean, Gabalda, 1941, p. 375.)

1er novembre 2022

Belle fête de tous les saints !

 

 

 

 

 

Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Elles sont précédées d’une introduction à tout le discours : 1-2 : « Voyant la foule, il monta sur la montagne. Et quand il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Et ouvrant la bouche il les enseignait, disant : »

Les Béatitudes sont comme le thème de tout l’enseignement de Jésus. Si donc elles figurent ici comme un prélude au sermon sur la montagne, elles forment aussi un corps distinct. Le thème « heureux celui qui » était connu par les psaumes (I, 1, etc.) ; mais ce qui est propre à Jésus, c’est d’avoir esquissé en même temps le bonheur du royaume des cieux et les conditions pour y parvenir, dans des phrases courtes et simples. Quelquefois la disposition morale exigée et la récompense sont sur le même plan : la faim est rassasiée, la miséricorde obtient miséricorde ; mais cette coïncidence n’est pas systématiquement poursuivie. Il y a comme un laissez-aller dans l’ordre et la correspondance des termes qui exclut tout arrangement trop rigoureux. Quand on reproche à Jésus de ne s’être pas expliqué sur le royaume des cieux, on oublie simplement les béatitudes. Explication qui ne pouvait être qu’une série d’indications analogiques sur le bonheur le plus complet que les hommes puissent concevoir, le bien le plus parfait qu’ils puissent posséder, une dignité plus haute que celle qu’ils pouvaient rêver. Et si ces termes n’étaient pas assez clairs pour donner l’idée d’un royaume divin, entièrement opposé aux espérances messianiques temporelles, les conditions imposées achèvent de faire pleine lumière : la soif de la justice, la miséricorde, la pureté du cœur trouveraient-elles la récompense qu’elles ambitionnent ailleurs que dans le Dieu de miséricorde et de sainteté ? Ces béatitudes sont le grand coup d’ailes qui place l’enseignement de Jésus au-dessus de tout ce qui est bonheur purement humain, gloire humaine, et qui engage les disciples à regarder vers la lumière de Dieu. Il n’est pas douteux que le règne de Dieu ne soit transcendant, celui que Judaïsme avait déjà entrevu, et qu’il ne soit proposé comme une récompense individuelle, promise à tous ceux qui seront pénétrés des dispositions requises. Ceux-là sont heureux, mais en espérance, cette espérance étant déjà pour eux un motif de béatitudes, surtout pour ceux qui sont déjà exaucés.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile selon saint Matthieu, Gabalda, 1941, p. 80. Lire aussi L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 166-169.)

Illustration : Le Sermon sur la montagne par Ole Henrik Benedictus Olrik (24 May 1830 – 2 January 1890) Sankt Matthæus Kirke, Copenhagen, Denmark.

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