29 avril 2024
Pensée du jour
« L’humble, continuelle et fidèle prière. Cette prière est une mère, tout embrasée et enivrée du Précieux Sang ; elle nourrit les vertus sur son sein. » (Ste Catherine de Sienne. Lettres, Cartier, 2, 118.)
(P. Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel. Cerf. 2014, p. 83)
28 avril 2024
Parole du jour
« Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. » (Jean 15, 8)
Le fruit de la fête doit être un plus grand désir de connaître, d’aimer et d’imiter N.S. qui a daigné avoir une vocation apostolique que St Dominique a reproduite parfaitement.
(P. Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel. Cerf. 2014, p. 96)
25 avril 2024
Saint Marc. Évangéliste
Le précurseur
Commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu : Selon qu’il est écrit dans le prophète Isaïe : « Voici que j’envoie mon ange devant ta face, pour disposer ta voie, Voie de celui qui crie dans le désert : préparez la voie du Seigneur, rendez droit ses sentiers », Jean le Baptiste, fut dans le désert, proclamant un baptême pour la rémission des péchés. (Mc 1, 1-2)
Chacun des évangélistes a son symbole. Celui de Mars est le lion, parce que son évangile débute par la mission de saint Jean-Baptiste, dont la voix retentit comme celle du lion au désert. Dans le monde romain, la publicité se faisait naturellement dans les villes. Le magistrat annonçait « la bonne nouvelle » de l’avènement d’un empereur. C’est aussi dans les villes que Paul avait prêché la bonne nouvelle ou l’évangile du salut en Jésus Christ. Marc remonte plus haut : Le véritable début de l’évangile, c’est l’appel du Baptiste à la pénitence, avec l’annonce d’un baptême nouveau. Ou plutôt il faut remonter plus haut encore, avait annoncé le retour de la captivité de Babylone. Pressés de revenir à Sion, et craignant plus, conduits par le Seigneur Le prophète demandait qu’on lui préparât la route, à Lui, le guide d’Israël, et Malachie (3, 1) avait parlé d’un ange chargé de la mission de disposer la voie, quand plus tard viendrait le Seigneur. Marc réunit ces deux textes sous me nom d’Isaïe, le grand prophète du Messie. L’ange c’est Jean-Baptiste, et c’est lui qui a préparé la voie à Jésus. En effet, il prêchait dans le désert un baptême de pénitence en vue de la rémission des péchés qui devrait l’œuvre de Celui dont il était l’avant-coureur ou le précurseur. Après ces quelques mots qui font de Jean-Baptiste le lien avec les anciennes révélations et le salut annoncé par les apôtres, Marc trace les traits concrets du tableau. Ayant déjà posé le personnage de Jean dans son rôle historique, il montre l’ébranlement des foules de la Judée vers le Jourdain. Aucun Juif n’ignorait la loi qui dominait toute l’histoire nationale. L’épreuve, spécialement la sujétion envers des étrangers, était un châtiment qui supposait une faute. Au temps du Christ cette faute n’était pas comme sous les Juges, une apostasie générale. Le sentiment du péché personnel était plus développé. Chacun se sentait responsable, et comprenait que la pénitence était la première démarche pour obtenir le secours de Dieu en faveur de tous les fils d’Israël.
(Marie-Joseph Lagrange OP, Évangile de saint Marc, Librairie Lecoffre Gabalda, 1935)
20 avril 2024
Comment l’atteindre [Dieu] ?
Par l’eucharistie. Comment cela ? Vous constatez le contact pour l’électricité… pour le son, air battu… pour le parchemin qui transmet la pensée… L’eucharistie met en communication avec la vie divine… C’est une nourriture, mais non pas une nourriture que nous transformerions, c’est l’aliment qui nous transforme… C’est la vie divine… Non pas encore cet éblouissement du Verbe… Oh que c’est peu de chose, semble-t-il… La pensée, la vue que tout est voilé… Mais ce n’en n’est pas moins la vie qui travaille en silence […], ne croyez-vous pas que la vie agit en silence… c’est le mouvement, le mouvement de la foi, le mouvement de l’espérance, le mouvement de la charité.
Trois figures : goûte un peu de miel et ses yeux sont illuminés… ou bien les Israélites dans le désert, la manne… ou bien Élie, le pain apporté par le corbeau qui lui donne la force d’aller à Dieu… ainsi l’eucharistie nous donne la lumière au début de la vie spirituelle, nous soutient dans l’ennui de la vie, nous prépare au dernier voyage…
Le Dieu qui réjouit une jeunesse… quelle lumière sur l’amour de Jésus et sur l’amour de Dieu… sur le monde, sur les délices la vie cachée (elegi abjectus esse : Je préfère être négligé… (Psaume 84(83) 11), j’ai goûté un peu de nourriture, cette petite hostie, et mes yeux se sont illuminés ; je suis ce que Dieu veut… libre ?
Mais c’est aussi la manne… cette manne toujours de la manne et on en est fatigué… il semble que cela ne nourrit pas, ne donne pas de force… et cependant c’est la vie… Dieu a pu disparaître… c’est le désert, l’ennui… redoutable… les luttes, les Amalécites, mais le plus formidable c’est ce sable, ces occupations toujours les mêmes, le pied s’enfonce, il faut le soulever… et cette nourriture qui est fade (ne projicias me, …cum deficerit virtus mea (Ne me rejette pas, … quand décline ma vigueur… (Psaume 71 (70) 9)… non c’est le contact avec Dieu… c’est le mystère de la vie… sur une vie naturelle Dieu a greffé une vie surnaturelle… c’est un germe ; qu’y a-t-il de plus mystérieux qu’un germe : la parabole de Marc… l’homme a semé… et la moisson se prépare… Oui, c’est la foi qui s’affermit, c’est l’espérance, irritée par le voile, qui soupire… c’est la charité envers Dieu et le prochain… par l’union…
Enfin, c’est le pain d’Élie… bref… sentiments d’un saint Thomas d’Aquin. (P. 377..)
(Marie-Joseph Lagrange, o.p. Journal spirituel. Cerf. 2014.)
16 avril 2024
Nécessité de l’interprétation de la Bible par l’Église
Le but de l’inspiration n’est point d’enseigner immédiatement, mais de conserver avec une autorité divine ce qu’il nous importe de savoir, montre clairement que l’enseignement contenu dans la Bible, s’il est quelquefois donné directement et clairement, est souvent aussi une résultante, qu’il est infiniment délicat d’apprécier avec précision, et c’est pour cela que l’interprétation de la Bible est confiée à l’Église seule. Personne ne peut dire : je cherche la vérité religieuse dans la Bible parce que Dieu l’a inspirée pour m’enseigner immédiatement, sans aucun intermédiaire, toutes les vérités que j’ai besoin de savoir pour me sauver… Voilà ce que nous soutenons contre le protestantisme ; nous ajoutons que la Bible a surtout pour but la vérité religieuse… N’est-il pas étrange après cela que chacun dise avec assurance : Quant au reste, je n’ai besoin de personne. Dieu enseigne clairement. Tout ce que je lis, je le tiens pour une affirmation catégorique de l’auteur sacré ou plutôt de Dieu, et si vous trouvez étrange, inouï, invraisemblable, que Sara ait plu au Pharaon, roi d’Égypte, à l’âge de 90 ans, vous blasphémez outrageusement la véracité de Dieu. – Toute cette histoire que Dieu a voulu conserver était-elle donc exempte des imperfections de la vérité religieuse d’alors ? était-elle adressée plus directement de Dieu à nos âmes que la vérité religieuse elle-même sur laquelle nous attendons de l’Église un jugement définitif ?
(Marie-Joseph Lagrange, OP. La Méthode historique – La notion d’inspiration. Cerf. Coll. Foi vivante. 1966.)
12 avril 2024
Marie-Joseph Lagrange o.p. Un missionnaire sans cesse en mouvement
Témoignage de Georges Radet (1859-1941), épigraphiste, archéologue et historien français.
En 1907, à l’occasion de la sortie du livre Les Études sur les Religions sémitiques, Georges Radet écrit dans la Revue des Études Anciennes :
On ne peut séparer le P. Lagrange du P. Vincent, et puisque notre collaborateur Victor Chapot rend compte du récent travail de l’un, ce nous est une occasion toute naturelle de signaler à nos lecteurs l’excellent ouvrage de l’autre. Les Études sur les Religions sémitiques, qui appartiennent à la même collection que Canaan, rendent, elles aussi, l’inappréciable service de débrouiller un sujet horriblement touffu et complexe. Non seulement l’auteur possède l’énorme littérature relative à la question, mais à l’érudition livresque il joint cette qualité sans laquelle les plus savants commettent tant de fausses notes : la connaissance personnelle de la race et des lieux. Le P. Lagrange n’est pas un compilateur de cabinet : c’est un missionnaire sans cesse en mouvement, qui campe au milieu même des problèmes. De là, l’entrain et l’accent de son exposé. Ce manuel commode se termine par un choix de textes épigraphiques en langue phénicienne et en dialecte araméen : à signaler, d’utiles traduction du tarif de Marseille, des épitaphes de Tabnit et d’Echmounazar, de la stèle de Carpentràs, et de quelques-unes des inscriptions de Sendjirli.
10 avril 2024
Jour anniversaire du rappel à Dieu de frère Marie-Joseph Lagrange, dominicain, serviteur de Dieu.
Notre prière se joint à celle de Fr. Manuel Rivero, o.p. qui célèbre la messe de ce jour à la mémoire du P. Lagrange en confiant à son intercession les intentions particulières de chacun. « Que la sainteté de sa vie soit reconnue publiquement par l’Église et que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu. »
C’était le 10 mars 1855 après une vie donnée à l’étude de la Parole de Dieu. De santé fragile, il avait dû quitter Jérusalem pour le Couvent royal de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, aujourd’hui devenu un hôtel.
Infatigable dans sa mission de prêcher la Parole de Dieu, Fr. Marie-Joseph Lagrange ne cessait de répondre aux nombrables invitations que lui valait sa profonde connaissance des évangiles.
Le 1er mars 1938, par un temps exceptionnellement froid (-0°, couvent glacial), il revient d’une série de conférences aux étudiants de Montpellier. Il donne par la suite un cours sur la Passion aux étudiants dominicains de Saint-Maximin et fait la correction des épreuves de son article sur « L’authenticité mosaïque de la Genèse ». Le 8 mars, Fr. Marie-Joseph Lagrange, dans un état d’épuisement physique, est obligé de s’aliter : diagnostic congestion pulmonaire, qui empire rapidement. Le 10 mars 1938, le vénéré P. Lagrange, « le Père, le Maître, l’Ami », s’éteignait doucement entouré de ses frères.
8 avril 2024
L’Annonciation à Marie
Lc 1 26 Or, au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé de la part de Dieu dans une ville de Galilée nommée Nazareth, 27 à une vierge fiancée à un homme nommé Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie.
28 Et l’ange, étant entré chez elle, lui dit : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi » (Tu es bénie parmi les femmes.) »
29 Et elle fut troublée de ce discours, et se demandait ce que pouvait être cette salutation.
30 Et l’ange lui dit : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31 Et voici que tu concevras et que tu enfanteras un fils. Et tu l’appelleras du nom de Jésus. 32 Il sera grand et sera appelé fils du Très-Haut. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père : 33 et il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles. Et son règne n’aura pas de fin. »
34 Or Marie dit à l’ange : « Comment en sera-t-il ainsi, puisque je ne connais pas d’homme ? » 35 Et l’ange, répondant, lui dit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; et pour cela l’enfant né [sera] saint, il sera appelé Fils de Dieu. 36 Et voici qu’Élisabeth, ta parente, elle aussi a conçu un fils dans sa vieillesse, et celle qu’on appelait stérile en est à son sixième mois, 37 car rien n’est impossible à Dieu. » 38 Or Marie dit : « Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait selon ta parole. »
Et l’ange la quitta. (Lc 1, 26-38)
– L’apparition de l’ange Gabriel dans le Temple était une des dernières manifestations de la faveur de Dieu dans ce lieu saint avant les voix lugubres de la ruine et le fracas de l’incendie. C’était un suprême oracle dans le décor grandiose empreint de la majesté des siècles, pour annoncer le dernier des hérauts de Dieu. Nous sommes maintenant à Nazareth. Tout y sera, non pas plus divin, mais absolument divin, et tout y est beaucoup plus simple, dans le seul cadre qui convienne au Verbe incarné venu pour servir. Nazareth n’est nommée ni dans la Bible, ni dans Josèphe, ni dans les in-folio du Talmud. Les Vies de Jésus en font une description enchanteresse.
C’est en effet un des plus jolis endroits de Galilée, avec des maisons proprettes, adossées à une haute colline qui domine le sanctuaire de l’Annonciation. Mais, transporté au temps d’Hérode, ce tableau ne serait qu’un mirage, fort décevant.
Le problème est d’ailleurs très difficile à résoudre, et c’est à peine si, depuis quelques mois, on peut se former une idée exacte du développement de la petite cité. Les pères Franciscains reconstruisent leur couvent du sanctuaire. En établissant les fondations, le frère Jean, qui dirige les travaux avec une parfaite compétence, a cru d’abord pouvoir faire état du rocher qui paraissait solide, mais il s’est aperçu qu’il était perforé de cavernes artificielles, formant jusqu’à trois étages, de sorte qu’il a dû appuyer sa construction sur des piliers de ciment armé de neuf mètres de hauteur. Sa persuasion est que ces cavités, qui ne contenaient ni ossements ni poteries, étaient des magasins de graines (silohs), mis à l’abri, sinon dans une forteresse, du moins dans un lieu facile à défendre, dans l’intérêt des habitants des alentours.
Le lieu du sanctuaire, aujourd’hui en contrebas du village en était donc autrefois le point fort, comme ce fut le cas de l’ancienne Sion de Jérusalem, d’abord la citadelle, puis la ville basse par rapport aux puissants massifs du Temple et de la ville haute.
En suivant cette piste, on reconnaît que l’ancienne Nazareth était assise sur une élévation, à peine digne du nom de colline, nettement dessinée du côté de l’orient, mais peu détachée de la haute colline de l’ouest, et allant du sud au nord jusqu’à la source dite de la Vierge. C’est là sans doute la Nazareth du temps d’Hérode, et quand nous chercherons le site du sommet d’où l’on voulut précipiter Jésus, ce ne sera pas sur les points les plus élevés de la moderne Nazareth, mais à l’ancienne et modeste acropole, au point où elle se dresse au-dessus de la vallée de l’est.
En contact immédiat avec la basilique du Moyen Âge, le R. P. Prosper Viaud a découvert des grottes transformées en habitations, qui semblent bien représenter l’état de la maison de la Vierge avant qu’on l’ait transformée en crypte d’une église. Tel était sans doute le type le plus commun des habitations de Nazareth : il en existe encore de semblables dans les rues de la ville moderne, dissimulées par des maisons neuves. L’obscurité où était demeurée Nazareth nous oblige à croire que sa transformation ne s’opéra qu’aux temps chrétiens par l’attraction du sanctuaire. Aujourd’hui encore la cité de Marie monte toujours, jusqu’au sanctuaire de Jésus adolescent, et s’étend même sur la colline orientale, développant sa forme d’amphithéâtre d’où la vue s’étend sur la plaine d’Esdrelon, étalée à l’infini au pied de ses derniers gradins.
C’est donc vraisemblablement dans le plus modeste réduit que se trouvait celle à laquelle l’ange Gabriel vint adresser un message beaucoup plus auguste que celui qu’il avait apporté dans les lambris dorés du Temple de Jérusalem.
Elle se nommait Marie, en hébreu Mariam. Ce nom était alors assez commun, et, selon les analogies de la langue parlée, on l’interprétait probablement Dame ou Maîtresse. Nous disons encore Notre-Dame pour désigner la Mère de Jésus.
Elle était vierge, fiancée à Joseph, qui était de la maison de David, et elle-même appartenait à cette lignée, comme saint Luc le laisse entendre. Elle était cependant parente d’Élisabeth, qui était, comme son mari Zacharie, de la tribu de Lévi. Les unions d’une tribu à l’autre n’étaient point rares, et Élisabeth descendait sans doute, à un degré que nous ne savons pas, d’une mère de la tribu de Juda et d’un père lévite. C’était la seconde fois en six mois que l’ange Gabriel était chargé d’un message de Dieu. Tous les traits de la seconde entrevue relèvent sa grandeur intérieure bien au-dessus de la première. Tandis que Zacharie avait éprouvé du trouble et de la peur à la vue de l’ange qui ne l’avait pas salué tout d’abord, Gabriel aborde Marie chez elle, et lui dit : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous », paroles si souvent redites par les chrétiens ! C’était dire à Marie qu’elle possédait avec plénitude la faveur du Tout-Puissant. Alors seulement la Vierge se troubla, c’est-à-dire que son humilité s’étonna d’une salutation si glorieuse. Elle ne s’était pas effrayée, et cependant l’ange l’invite à ne pas éprouver de crainte, car le but de sa visite est une grâce de Dieu plus insigne que celles qu’elle avait déjà reçues. Elle enfantera un fils auquel elle donnera le nom de Jésus, en hébreu Iechoua, c’est-à-dire « Iaho (le dieu d’Israël) sauve ». Il sera grand et on le regardera comme fils du Très-Haut, et il sera fils de David, appelé par Dieu à régner sur le trône de son père, non pas comme lui pour quelques années, mais pour des siècles, car son règne n’aura pas de fin.
Ainsi Dieu avait choisi Marie pour être la Mère du Messie. Si élevé que fût le titre de Fils du Très-Haut, ce pouvait être une marque d’honneur décernée au Messie comme fils adoptif de Dieu. Ce que Marie voyait très clairement, c’est que le Messie qui naîtrait d’elle serait fils de David. Faudrait-il donc qu’il fût le fils de Joseph, son fiancé, qui précisément appartenait à la maison de David ? Le sens humain, qui s’estime volontiers le bon sens, aurait dit : Pourquoi non ? C’est dans le cours des choses. – Mais le cours des choses avait procédé autrement dès les jours de l’éternité, et le Fils de Dieu ne devait pas avoir d’autre père que Dieu le Père. Marie, elle, s’étonne et interroge : « Comment en sera-t-il ainsi, puisque je ne connais pas d’homme ? » Parole étonnante, assurément, si peu en situation que bien des critiques veulent la rayer du texte. Le résultat serait clair : il ne contiendrait plus rien de ce que saint Luc a voulu signifier, ce serait enlever le diamant pour ne laisser que la monture. Luc, écrivain délicat et coutumier des nuances, n’a pas entendu mettre sur les lèvres de la Vierge remplie de grâce une parole naïve à l’excès, une de ces banalités qu’on nomme truismes, pour l’enchâsser dans les discours divins. Marie a voulu dire qu’étant vierge, comme l’ange le savait, elle désirait demeurer telle, ou, comme ont traduit les théologiens, qu’elle avait fait vœu de virginité et entendait le garder. Elle n’osait pas cependant mettre sa volonté en contradiction avec celle que Dieu avait commencé de lui signifier. « Je ne connais pas », dans sa pensée, c’est : « Je désire ne pas connaître ». Elle ne dit donc pas : « Je ne connaîtrai jamais » pour ne pas traverser les desseins de Dieu ; elle attend la suite de cette ouverture.
Alors, ajoute le sens vulgaire, pourquoi était-elle fiancée à Joseph ? – Parce que, peut-on répondre, elle devait inévitablement l’être par la volonté de ses parents, surtout par la tyrannie de la coutume qui n’admettait pas le célibat volontaire d’une fille d’Israël. Ou bien, obligée de résister sans cesse, elle eût été engagée dans une lutte perpétuelle, elle seule contre tous, et comme ils penseraient, contre toute raison. Elle était fiancée, mais à Joseph. Une simple conjecture, fondée sur la suite des faits, suffit à expliquer comment son vœu de virginité se conciliait avec son propos de mariage, c’est que Joseph était dans les mêmes sentiments, où vivaient alors tant de ces personnages qu’on nomme les Esséniens. Unie par le mariage à cet homme juste, chaste comme elle, elle s’assurait une paix tranquille dans une vie toute consacrée à Dieu par deux âmes dignes de se comprendre et de s’aimer en Lui.
Aussi l’ange ne dit pas un mot pour la détourner de son intention de mariage qui servait si utilement le dessein de Dieu. Il lui révèle seulement que son propos de virginité y répond mieux encore, puisque cette naissance du Messie sera uniquement l’œuvre de Dieu et la sienne : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; et pour cela l’enfant qui doit naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. »
Cette fois, c’est la pleine lumière, celle du moins que projette dans la raison un mystère qui la surpasse. L’enfant qui doit naître n’aura d’autre Père que Dieu. Certes ce n’est pas l’opération divine dans le sein de Marie qui en fera ce qu’il est déjà, le Fils de Dieu. Sa génération est éternelle, et le Messie n’aura pas d’autre personnalité que Lui.
Mais cette opération donnant naissance à une nature humaine sans autre action humaine, on peut dire qu’elle sera la cause de la sainteté hors de pair de l’enfant, et la raison pour laquelle on lui donnera un titre auquel il a droit éternellement, celui de Fils de Dieu.
L’union du Fils de Dieu avec la nature humaine eût pu comporter une naissance ordinaire, – les théologiens ne le nient pas, – mais quelle suprême convenance à ce qu’il ne donne à personne autre qu’à Dieu le nom auguste de Père ! Quelle clarté plus grande sur le fait des deux natures unies en une personne ! Quelle dignité plus haute pour Marie, qui seule avec le Père peut dire : « Mon Fils Jésus ! » Quelle consécration de la vie de parfaite chasteté si féconde en biens spirituels parmi les hommes !
Marie avait donc, elle aussi, à consentir au mystère. Elle n’avait pas douté en s’informant, comme avait fait Zacharie. L’ange lui offre un signe, quoique d’un ordre très inférieur, un simple miracle, un indice de la Toute-Puissance de Dieu, et c’est qu’Élisabeth, sa parente, a conçu un fils dans sa vieillesse et que cette femme stérile en est à son sixième mois.
Alors Marie s’inclina, s’abandonna à la volonté de Dieu, et par là même donna le consentement qu’il daignait lui demander : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il m’arrive selon votre parole. » Et dès lors, le mystère de l’Incarnation s’accomplit dans son sein. Le salut du genre humain commençait. Cette bonne nouvelle fut aussitôt connue au ciel. Elle allait se répandre peu à peu sur la terre.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique. Artège. 2017.)
- Jésus a soulevé plus d’intérêt par sa conception, dont Luc livre un récit très travaillé, que par sa naissance rapportée avec une sobriété qui confine à l’apophatisme. Revendiquant d’avoir Marie comme source (Lc 2, 19.51). Luc relate l’événement dans un récit hautement stylisé dont l’enjeu est l’accomplissement des Écritures et l’institution de Marie comme signe donné à Israël de la Nouvelle Alliance. Comme Mt 1, 16, il rapporte à Marie seule l’origine humaine de Jésus. Il a laissé de nombreuses traces de sa composition, qui sollicite les conceptions miraculeuses de l’Ancient Testament, mais aussi des récits populaires. Il montre avec soin en Marie l’accomplissement de l’espérance qui a ciselé de l’intérieur la piété d’Israël.
(Dictionnaire Jésus. École biblique de Jérusalem. Édition établie sous la direction de Renaud Silly O.P. Collection Bouquins.)
7 avril 2024
Dimanche de la Divine Miséricorde
« La paix soit avec vous ! »
La miséricorde est le critérium du dernier jugement. Ceux qui cherchent dans la vie le dévouement pour soulager les autres ne sombreront jamais. Ceux qui cherchent la science, la gloire, même avec des vues élevées, peuvent sombrer, ceux-là non. Nous aimons à croire que les hommes miséricordieux seront sauvés, nous espérons que, s’ils sont incroyants, Dieu leur fera la grâce finale.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel. Cerf. 2014.)
https://www.vaticannews.va/fr/priere/chapelet-de-la-divine-misericorde.html
6 avril 2024
La notion de l’inspiration. L’inerrance de l’Écriture
La raison elle-même, comme la foi, oppose au bon endroit une barrière infranchissable. Il est impossible que Dieu enseigne l’erreur. Il est donc impossible, non pas que la Bible, où tout le monde prend la parole, contienne des erreurs, mais que l’examen intelligent de la Bible nous force à conclure que Dieu a enseigné l’erreur.
L’impie a dit : il n’y a pas de Dieu. Mais il est l’impie. Les idées sur Dieu peuvent paraître dans la Bible avec toute la gamme des couleurs, depuis la négation absolue, jusqu’à l’amour parfait, mais nous n’y trouverons pas une idée fausse sur Dieu – ou sur un sujet quelconque – qui puisse passer pour enseignée par Dieu.
(Marie-Joseph Lagrange O.P. La Méthode historique. La critique biblique et l’Église. Col. Foi vivante. Cerf. 1966.)
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