Témoignage du cardinal E. Pacelli

Extrait de l’article de Fr. Martin Gillet, o.p. Maître de l’Ordre, paru à l’occasion de la mort du père Lagrange dans « Dominicana » 23.2. – Juin 1938.
Dominicana est une publication Dominicaine des frères étudiants de la Province Saint-Joseph de l’ordre des Prêcheurs, Washington, D.C.

Cette lettre est mentionnée dans le livre de Fr. Bernard Montagnes : Marie-Joseph Lagrange. Biographie critique. Cerf, 2004, p. 454 et figure au début du livre « L’Évangile de Jésus Christ ».

Quand en 1930 le Père Lagrange publia la plus belle de ses œuvres L’Évangile de Jésus Christ, et l’offrit au Saint-Siège, il reçut du Secrétaire d’État la lettre suivante :

« Mon Très Révérend Père :

Il m’est particulièrement agréable de vous dire avec quelle bienveillance paternelle le Souverain Pontife a accepté l’hommage de votre beau travail intitulé L’Évangile de Jésus Christ.

Sa Sainteté vous remercie de tout son cœur pour ce témoignage de vénération filiale envers son Auguste Personne et vous félicite d’avoir ajouté à la série des « Études bibliques » ces pages qui sont un nouveau coup de sonde dans le domaine insondable de la Parole divine. En formant des vœux pour que votre « Évangile de Jésus Christ » donne au plus grand nombre possible d’âmes la nourriture dont on a un si grand besoin de nos jours. Le Souverain Pontife accorde de tout son cœur à l’œuvre et à l’ouvrier, comme gage de sa paternelle bienveillance et des meilleures faveurs d’en haut, une particulière bénédiction apostolique. Daignez accepter, mon très Révérend Père, l’assurance de mon affection religieuse.

E. Cardinal Pacelli. »

Après un tel témoignage, lequel, plus que tous les autres, fait honneur au père Lagrange, il ne reste qu’à recommander son âme à vos prières ; proposer sa vie comme exemple pour tous et de vous demander d’accepter, avec notre bénédiction paternelle, l’assurance de notre affection dévouée en saint Dominique.

Fr. Martin S. Gillet, o.p.
Maître Général
New York, Mars 28, 1938.

Témoignage : Le père Lagrange par Jean Guitton de l’Académie française

Un siècle, une vie
Éditions Robert Laffont, « collection Vécu »
Paris, 1988, pp. 190-199

Le père Lagrange

En janvier 1935, ayant obtenu un congé de trois mois, je gagnai Jérusalem pour voir le père Lagrange et préparer son édition de la Genèse.

Jean Guitton à Jérusalem, 1936.

Je passai trois mois à Jérusalem.

[…] Deux motifs puissants m’avaient conduit à Jérusalem. Le premier (jusqu’ici je ne l’ai point dit) était une mission assez secrète : il s’agissait de faire cesser le conflit du Vatican avec les pères dominicains, qui à Jérusalem, à la fin du dernier siècle, avaient fondé l’École biblique. Ils appliquaient pour la première fois la méthode critique à l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le père Lagrange, fondateur, était bien vivant en cette année 1935 où il fêtait ses quatre-vingts ans. Il souffrait d’une étrange aventure : les censeurs de Rome lui avaient interdit, à lui, le pionnier de la critique catholique, de publier ses travaux sur la Genèse.

[…] Le père Lagrange, de l’ordre de saint Dominique, me semblait le père de l’exégèse moderne, et comme une réédition de saint Jérôme. Mais je ne pouvais soupçonner qu’il deviendrait sans doute ce que l’Église nomme « un saint ».

[…] À Jérusalem, pendant trois mois, je questionnai chaque jour le père Lagrange.

Sous le froc blanc et noir du dominicain, le visage barré d’un grand nez comme d’un promontoire, les yeux presque éteints par la lecture, ponctués parfois d’étincelles d’irritation, il aurait pu servir de modèle à un peintre, pour saint Jérôme ou pour Melchisédech. Je le voyais travaillant sans arrêt, n’admettant pas le moindre dérangement, écrivant sur d’immenses feuilles de papier sans ratures – ce qui ne rend pas son style clair. Comme Jérôme, il pensait que la Terre sainte était un cinquième Évangile ; plus encore, un Évangile qui vérifiait les évangiles par une exactitude historique, géographique, archéologique. On ne peut éclairer les évangiles que par le contact quotidien avec les lieux mêmes où se sont passés les événements qu’ils racontent. C’est pour cela qu’il s’était fixé en Terre sainte, qu’il avait fondé l’École biblique.

Aucune localité de l’histoire de Jésus ne lui avait échappé. Cette histoire qui semble flotter dans une étendue vague prit peu à peu, au cours de cinquante ans de voyages, de fouilles, de vérifications, une sorte de consistance, de matérialité, d’exactitude, à travers les récits de Matthieu et de Marc, et même de Jean : au lieu d’un être humain lointain et décoloré, décomposé, reconstruit grâce à l’érudition et à l’imagination, il avait vu le véritable Jésus de Nazareth, qui prouvait son existence par son propre mouvement. Et en relisant sur les lieux mêmes l’Évangile le plus théologique, celui de saint Jean, il avait été frappé, comme Renan avant lui, par le fait que les lieux cités par saint Jean et absents des évangiles synoptiques avaient été vérifiés par les fouilles.

Il me disait que, dans les évangiles, tout est historique, sauf le miracle, et que pour nier le miracle historique il faut un a priori, car le miracle est témoigné comme le reste, et même le reste n’est témoigné que pour le miracle. Il me racontait qu’un de ses lecteurs d’esprit moderne lui avait dit : « Je croirai, mon père, à tout l’Évangile. Ce qui m’inquiète et ce qui me gêne, ce sont précisément les miracles. Prouvez-moi que les miracles n’existent pas, et alors je serai un parfait chrétien. » Et il racontait qu’il avait reçu dans son couvent la visite de Couchoud[1], qui pense que Jésus est un mythe, un Dieu fait homme, mais par les hommes. Alors il me disait : « Renan[2] croyait que Jésus est un homme fait Dieu. Couchoud croyait que Jésus est un Dieu fait homme ? En les mélangeant, on ferait un exégète catholique. » Il avait reçu un domestique très stylé, mal vêtu, sans se douter que c’était le vicomte Charles de Foucauld[3].

Le cardinal Tisserant

[…] Lorsque j’évoque Jérusalem désormais, je revois en esprit ces deux athlètes, Lagrange et Tisserant[4], qui ont poursuivi au XXe siècle, après un millénaire, l’œuvre de saint Jérôme.

[En 1962] Tisserant devait jouer au Concile un rôle puissant.

 

Jean Guitton
Un siècle, une vie
Éditions Robert Laffont, « collection Vécu »
Paris, 1988, pp. 190-199

[1] Paul-Louis Couchoud (1879-1959), philosophe, médecin, érudit et poète français.

[2] Ernest Renan (1823-1892), écrivain, philologue, philosophe et historien français.

[3] Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand, vicomte de Foucauld, O.C.S.O. (ordre cistercien de la stricte observance), béatifié le 13 novembre 2005 par Benoît XVI.

[4] Eugène Tisserant, cardinal (1883-1972), orientaliste, spécialiste d’assyriologie, études supérieures à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, en 1907.

Témoignage du cardinal Roger Etchegaray

Lettre du cardinal Roger Etchegaray à fr. Manuel Rivero
Rome, le 7 octobre 2008, Notre-Dame du Rosaire

« J’ai grand plaisir à recevoir Prier 15 jours avec le P. Lagrange. C’est à travers les écrits du P. Montagnes que j’ai découvert et aimé tout à la fois ce religieux, spirituel et exégète. Me trouvant à Jérusalem, il y a trois mois, je me suis recueilli profondément sur sa dalle, suppliant la Vierge Marie de nous le montrer un jour bienheureux. »

Témoignage du P. Maurice Gilbert, s.j. qui a collaboré au projet de béatification du père Lagrange, o. p.

Père Maurice Gilbert, s. j., ancien recteur du Biblicum de Rome, a collaboré au projet de béatification du père Lagrange,
 à Fr. Manuel Rivero, o.p.

« Je suis heureux que mes travaux sur le P. Lagrange vous aient rendu quelques services. Cette époque, d’il y a près de vingt ans, fut pour moi des plus intéressantes. Non seulement par la confiance de votre Ordre, mais pour les confirmations que j’ai reçues comme exégète d’un des maîtres les plus grands du siècle dernier. Comme vice-postulateur, vous aurez du travail et beaucoup, comme moi, comptent sur vous pour faire progresser le procès. Il serait temps que, dans l’Église, on reconnaisse l’importance pour la foi et la charité, de la recherche scientifique en exégèse. »

Témoignage du P. Maurice Gilbert, s. j. en remerciement d’un exemplaire du Journal spirituel du P. Lagrange

Témoignage du P. Maurice Gilbert, s. j. à fr. Manuel Rivero, o.p. en remerciement d’un exemplaire du Journal spirituel du P. Lagrange, courriel du 3 février 2015.

Vous avez eu l’obligeance de me faire envoyer votre dernier ouvrage où vous éditez le Journal spirituel du Père Lagrange. Je vous en remercie très cordialement et vous félicite pour cette belle édition d’un document important qui éclaire de l’intérieur la figure du Père. Je connaissais ce Journal. Votre édition très aérée en facilite la lecture et même la méditation. Pour un exégète, ce document est vraiment important. Les années que j’ai passées à lire les œuvres du maître m’ont confirmé dans ma vocation d’exégète : « je dois au Père Lagrange cette confirmation et aussi cette syntonie, si l’on peut dire ».

Félicitations aussi pour les notes abondantes et précises qui permettent de mieux comprendre les enjeux et les péripéties vécues par ce saint homme de Dieu.

Témoignage de Mgr Gilbert Aubry, évêque de La Réunion

Mgr Gilbert Aubry, évêque de La Réunion, à Fr. Manuel Rivero o.p., 2008.

« Merci de l’envoi de Prier 15 jours avec le Père Lagrange. Je ne doute pas qu’il va m’apporter des lumières sur cette personnalité hors du commun et qui a tellement contribué à permettre une lecture renouvelée de la Bible où spiritualité et science exégétique sont en dialogue au service de la Mission de l’Église dans la Tradition des apôtres. Merci d’avoir écrit ce petit livre qui fera un grand bien. »

Témoignage de Maurice Zundel sur l’oeuvre du père Lagrange

Si vous pensez au néant de l’exégèse catholique entre 1890 et 1900, à l’époque où le Père Lagrange fondait l’École biblique de Jérusalem, si vous considérez les conséquences de cet immense travail, si vous lisez la Revue biblique, si vous constatez qu’aujourd’hui, après soixante ou soixante-dix ans de travail, l’exégèse catholique est au premier plan de l’érudition, si vous voyez les résultats des travaux de l’Institut biblique de Rome, qui a suivi l’ École biblique de Jérusalem, et les autres Instituts qui se sont inspirés de la fondation du Père Lagrange, le pionnier en la matière, vous devez comprendre l’utilité d’un ordre savant, livré à des travaux de longue haleine qui ne peuvent être poursuivis avec continuité que par une équipe étroitement soudée et qui demeure, que la mort ne peut dévaster parce que, d’une génération monastique à l’autre, le flambeau est transmis.

(Zundel Maurice, Émerveillement et pauvreté, Éd. St-Augustin, 2009.)

Écho de notre page Facebook : avril 2021

29 avril 2021

 

Pauvreté, silence, exercice intérieur de l’esprit
C’est exactement la doctrine de sainte Catherine de Sienne.
(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 87.)

Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), tertiaire dominicaine à seize ans, grande mystique, première femme, docteur de l’Église. Patronne de l’Europe. Sa vie sera consacrée à la charité et à l’amour de l’Église.

Illustration : Autel Sainte Catherine de Sienne. Basilique Saint-Étienne. Jérusalem.

 

 

28 avril 2021
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716) Apôtre du Rosaire

La pensée hardie du Bienheureux Grignion de Montfort : « Marie est le moule où les âmes deviennent semblables à Jésus. Entrez dans ce moule ! » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014.) https://www.mj-lagrange.org/?p=412

 

 

26 avril 2021
Jean 10,7 : Jésus dit : Je suis la porte des brebis.

Avant lui, personne n’avait passé par cette porte ; ceux qui sont venus étaient des larrons, aussi les brebis ne les avaient pas écoutés. D’autres viendront en passant par lui, la vraie porte, qui conduiront les brebis aux pâturages. On ne pouvait méconnaître dans ces derniers les disciples de Jésus, ceux qui croiraient en lui et enseigneraient sa doctrine. Mais qui étaient les voleurs ?

Évidemment Jésus n’entend point qualifier ainsi ni Moïse, ni les prophètes, ni même les bons rois du passé. Israël avait eu de tout temps de bons pasteurs et aussi des bergers détestables, de véritables voleurs de brebis (Zacharie 11,15). La parabole ne vise pas ces temps éloignés.

Même parmi les contemporains de Jésus, les pharisiens, qui se croyaient pasteurs, s’ils ne l’étaient pas en réalité, avaient su se faire agréer des brebis.

Le Christ parle ici comme Messie, et ceux dont il blâme l’attitude sont donc ceux qui sans mandat se sont donnés comme Messies, par exemple Judas le Galiléen, Simon esclave d’Hérode, Athrongès, d’autres encore (voir Le Messianisme chez les Juifs, Lecoffre-Gabalda, 1909, p. 18 ss.). Ils avaient vainement essayé de soulever le peuple pour satisfaire leur ambition, ou, entraînés par leur fanatisme religieux, ils n’avaient abouti qu’à faire massacrer leurs partisans. Telle n’était point la mission de Jésus, venu pour que les hommes aient la vie, et une vie abondante.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, nvle édition, Artège, 2017, p. 340).

Illustration : Icône Je suis la porte des brebis.

 

22 avril 2021
« Je suis le pain de vie ; vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts ; c’est ici le pain descendu du ciel : celui qui en mange ne meurt point. C’est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra à jamais, et le pain que je donnerai est ma chair livrée pour la vie du monde » (Jean 6, 48-50).

Transition par la nécessité de manger le pain de vie pour obtenir la vie éternelle.
Reprise de la proposition du verset 35 (Jésus leur dit : « Je suis le pain de la vie : celui qui vient à moi n’aura pas faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »). Le Christ pain de vie, nourriture de l’âme par la foi, sera encore sa nourriture par sa chair et son sang.

Les pères sont morts, mais ceux qui consomment le pain de vie seront-ils affranchis de la mort naturelle ? Et s’il s’agit de la mort spirituelle, Moïse et d’autres ne l’ont pas encourue. Cette difficulté, exposée fortement par Augustin, l’a conduit à opposer moins le pain céleste à la manne, que les bonnes dispositions aux mauvaises. Mais il suffit pour rester dans le sens littéral d’entendre la mort naturelle dans le premier cas, la mort ou plutôt la vie spirituelle dans le second.

La manne était une nourriture ordinaire qui ne changeait rien aux conditions de la vie naturelle. Le pain du ciel donne la vie, une vie que la mort naturelle ne pourra détruire, et qui sera le principe de la résurrection.

(extraits de Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile selon saint Jean, Lecoffre-Gabalda, 1936.)

Illustration : Saint Thomas d’Aquin. Le docteur angélique – Panis Angelicum

 

20 avril 2021
« Seigneur Jésus, recevez mon esprit » (Actes des Apôtres 7, 59).

Et ils lapidèrent Étienne qui invoquait Jésus en disant : « Seigneur Jésus, recevez mon esprit », comme Jésus avait dit : « Père, je remets mon esprit entre vos mains » (Luc 23, 46). Il confessait une fois encore la divinité de Jésus auquel il rendait son âme comme au Créateur qui la lui avait donnée, puis il pensa, comme Jésus, à ses bourreaux. Jésus avait dit : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23, 34). Étienne plie les genoux et crie d’une voix forte : « Seigneur ne leur imputez pas ce péché ! » et disant ces mots, « il s’endormit ». Il s’endormit ! cette expression si douce convient bien à cette âme si forte.

[…] Saint Étienne n’a pas voulu s’associer à la haine. Il voulait bien se donner par la charité, assister les veuves, prendre des soins des faibles, prêcher aux ignorants, guérir les malades ; il faisait tout cela pour les fils de sa nation, pour les veuves d’Israël. […] Il savait que le règne de l’Esprit Saint était arrivé. Il était aussi hardi par le génie que généreux par le cœur. […] Dans cette mort endurée pour la vérité, les chrétiens ont vu une victoire, et les Pères, qui savaient peu de choses sur les origines d’Étienne, ont reconnu dans son nom même de Couronne, une harmonie préétablie dans les conseils de Dieu.

Pierre est la pierre sur laquelle Jésus Christ bâtit l’Église, Étienne (qui veut dire) (couronne) reçoit le premier la couronne du martyre.

C’était un symbolisme saisissant dans ce temps et chez des peuples qui employaient si souvent la couronne. Les vainqueurs des jeux olympiques se contentaient d’une couronne pour récompense (Pindare). On n’osait pas se présenter aux dieux pour prier sans avoir sur la tête une couronne de fleurs. Les orateurs ne paraissaient pas devant le peuple sans être couronnés.

La couronne, symbole de prière, d’éloquence et de victoire, convenait bien au premier martyr.

(Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs. Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem, éd. Alphonse Picard et Fils, Paris, 1894.)

 

19 avril 2021
Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » (Jean 6, 29)

La réponse du Sauveur ramène tout à l’unité. L’œuvre du Père c’est d’envoyer son Fils ; s’associer à cette œuvre, la faire en quelque sorte, c’est croire en son envoyé (cf. 1 Jean 3, 23). […] Mais on peut affirmer que si l’on n’avait pas étudié Paul avec le désir de comparer les doctrines, ce que faisaient les Pères, personne ne verrait ici une allusion à la distinction des œuvres et de la foi, d’autant que les œuvres du verset 28 (« Que devons-nous faire, pour procurer les œuvres de Dieu ? ») ne sont pas les œuvres de la Loi, et si cette distinction n’est pas exprimée, on n’a pas le droit de dire qu’elle est dépassée. En somme, aux Juifs qui le consultent sur les œuvres qu’il leur promet, Jésus demande de croire en lui. C’est la seule chose qu’il exige tellement qu’on peut la dire unique, quoique Jean ne prétende pas assurément laisser de côté d’autres œuvres, comme l’amour du prochain (Marc 9, 23 ; 11, 22 etc.) qui est en somme l’adhésion à Jésus (Matthieu 9, 28 ss.).

(Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs, L’Évangile selon saint Jean, 6e éd., Lecoffre-Gabalda, 1936.)

Illustration : Christ par Rembrandt (1648)

 

17 avril 2021
Ayant donc ramé environ vingt-cinq ou trente stades, ils aperçoivent Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque ! …. Et ils prirent peur. Mais il leur dit : « C’est moi ; n’ayez pas peur » (Jean 6, 19-20).

Le père Lagrange commente : – Cependant tous ces prodiges étonnaient les disciples sans les éclairer entièrement. Ils avaient eux-mêmes fait des miracles au nom de Jésus, ils avaient été les instruments de la multiplication des pains, ils l’avaient vu marcher sur les eaux : il avait donc plein pouvoir sur la nature. Mais à quoi aboutiraient tout cela, puisqu’il ne voulait pas se laisser acclamer roi par la foule ? Où donc les menait-il, exigeant d’eux une obéissance dont ils ne pénétraient pas les raisons ? Saint Marc parle d’une stupeur extrême, contenue dans leurs cœurs. On touchait à une heure critique. (L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, Paris, 2017.)

Illustration : Jesus walks on water – St Botolph without Aldersgate.

 

12 avril 2021
Deux éminentes et saintes figures dominicaines du XXe siècle. Deux expériences spirituelles. Tous deux avaient en commun leur amour pour la Vierge Marie et le Rosaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 26 mars 2021, à Lourdes, l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France a approuvé « l’ouverture de la cause en vue d’une éventuelle béatification du R.P. Marie-Étienne Vayssière », dominicain, qui fut pendant trente-deux ans (1900-1932) le gardien de la grotte de la Sainte Baume (Var), avant d’être nommé ensuite prieur provincial de Toulouse de 1932 à 1940.

L’estime du prieur provincial Étienne Vayssière o.p. (1864-1940) pour le frère Marie-Joseph Lagrange o.p. (1855-1938)

Une lettre inédite du prieur provincial Ét. Vayssière au P. M.-J. Nicolas, le 26 mai 1937, atteste l’importance que le P. Lagrange attachait à ce document : « Le P. Lagrange m’a fait taper, à votre intention, une lettre admirable du P. Colchen, qui prouve son rôle de premier plan et presque d’initiateur dans la création de l’œuvre de Jérusalem… Les deux provinciaux, de France et de Lyon, restèrent sourds à l’appel… Vous pouvez utilement lui donner place dans votre petite biographie [de Colchen]. Le cœur du P. Colchen vibrait toujours, me disait le P. Lagrange, quand il s’agissait des intérêts principaux de l’Ordre… » ADT, fonds Colchen. (Bernard Montagnes o.p. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, Paris, 2004, p. 62.)

Les dernières années de sa vie, le père Lagrange les a vécues à Saint-Maximin, et ses frères dominicains en formation, soulignait l’exemplarité du P. Lagrange. Exemplarité soulignée par un prieur provincial lui-même expert dans les voies spirituelles et qui a laissé une réputation de sainteté.

En 1938, le P. Gillet, maître de l’Ordre, soulignait que le fondateur de l’École biblique n’était pas seulement un exégète incomparable, un savant d’une rare culture, un esprit très fin, un travailleur acharné, mais aussi « qu’il fut en même temps et resta toute sa vie un saint religieux ».

De cet éloge, venu de la plus haute autorité de l’Ordre, le P. Vayssière tint à remercier le maître de l’Ordre (7 Mai 1938) :

« Je veux sans retard vous dire ma fidèle reconnaissance. Dieu l’avait donné à notre province ; il lui en avait conservé au cœur l’amour ; et il a voulu qu’il vienne y mourir, et trouver son suprême repos dans ce couvent de Saint-Maximin, berceau de son noviciat, pour que notre jeunesse religieuse qui s’y abrite trouve, dans son souvenir et la présence de ses restes, la grâce de ferveur dominicaine qui, sans défaillance, a animé sa vie si méritante et si glorieuse. Vous avez bien voulu, mon Rme Père, mettre en pleine lumière aux regards de l’Ordre cette prérogative accordée par Dieu à notre province. Nous en sommes grandement touchés, et permettez-moi, au nom de tous nos religieux, de vous en dire notre sincère reconnaissance. »

(Extraits de Bernard Montagnes o.p. Marie-Joseph Lagrange. Biographie critique. Cerf, Paris, 2014.)

 

10 avril 2021
Le 10 mars 1938, le P. Lagrange retournait vers le Père.

En ce jour-anniversaire, nous unissons notre prière à celle de Fr. Manuel Rivero o.p. au cours de la messe célébrée aux intentions des amis de l’association, de celles qui sont confiées à l’intercession du P. Lagrange dont la foi était rayonnante. Le P. Lagrange a voué son existence à la recherche de la vérité dans les Écritures. Que l’Église reconnaisse bientôt publiquement la sainteté de sa vie et l’héroïcité de ses vertus. Le P. Lagrange reste aujourd’hui, une référence et un exemple, quatre-vingt-trois ans après sa mort.

Le P. Lagrange écrit dans son Journal spirituel : « Dieu voulait aussi nous faire comprendre combien la prière lui est agréable ; ce qu’il a décidé, il veut que nous l’obtenions par nos prières ; c’est le grand mystère de l’intercession pour les prédestinés ». En effet, « le père Lagrange était un homme fervent, c’est-à-dire un homme dont la prière était feu ». Ce qui lui a permis d’accomplir une œuvre immense pour la compréhension des Écritures, la recherche sur le terrain et la création de l’École biblique et archéologique de Jérusalem qui continue son œuvre et la garde bien vivante.

 

7 avril 2021
Jésus et les disciples d’Emmaüs.(Luc 24, 13-35)

L’évangéliste qui seul a raconté la mission des soixante-douze disciples est aussi le seul qui ait fait une part aussi large à de simples disciples comme témoins de la résurrection. D’ailleurs ils auront hâte d’en référer aux Apôtres. Le récit est simple, et bien propre à produire la conviction ; les sentiments ne sont point décrits mais sortent avec un naturel exquis de l’âme affligée puis radieuse des disciples. Ce chemin d’Emmaüs rappellerait les bords de l’Illisos, si l’on pouvait comparer les agréables conversations, ou même les suggestions profondes de Socrate, à une si touchante manifestation du Sauveur du Monde.

« Reste avec nous, car le soir vient, et le jour est déjà à son déclin. »

Bientôt on se met à table, et on laisse l’étranger présider le repas. […] Les disciples d’Emmaüs le reconnaisse à la fraction du pain, mais ne le voient pas manger ; il mangera plus tard. Ainsi insistent-ils sur la fraction du pain. Pour donner à ce mot un sens précis, il suffit de supposer que Jésus avait sa manière à lui de rompre le pain après l’avoir béni, manière que les siens connaissaient. […] Le moment où leurs yeux furent ouverts n’est pas précisé, et il n’a pas été question de manducation. […] Le Christ a quitté les disciples en disparaissant soudain. […] L’importance de l’événement est telle que les deux disciples, renonçant au repos qu’on goûte si volontiers quand on est rentré chez soi, partent à l’heure même pour informer les Apôtres, qu’ils espèrent rencontrer encore à Jérusalem. Et de fait ils trouvent tout le groupe réuni.

(extraits de L’Évangile selon saint Luc par le P. Marie-Joseph Lagrange o.p., Lecoffre-Gabalda, Paris, 5° édition, 1941.)

Illustration : Disciples d’Emmaüs par Diego Velázquez, 1618. Museum Metropolitan, NY.

 

4 avril 2021
Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !
Sainte et Heureuse Pâques !

Jésus de Nazareth, martyr de la vérité religieuse

D’autres hommes s’étaient fait un nom glorieux dans la politique, dans les lettres, dans la guerre.

La philosophie, la poésie, les arts étaient la part d’Athènes. Alexandrie avait cultivé l’érudition et les sciences naturelles, inaugurées par Aristote. Rome faisait la conquête du monde méditerranéen et savait déjà l’administrer ; elle posait les fondements d’un droit universel grâce à la philosophie grecque. Jésus est étranger à tout cela.

Était-ce pour demeurer fidèle à l’idéal des prophètes ? Assurément les prophètes s’étaient présentés à Israël comme les envoyés de Dieu, porteurs de son message, uniquement préoccupés de ses intérêts. […] Lorsqu’on voulut le [Jésus] proclamer Messie, c’est-à-dire le roi libérateur d’Israël, il s’y refusa.

Il avait toujours pris soin dès le début d’éviter toute action révolutionnaire, et même recommandé de ne point divulguer ses miracles. Il se savait le Messie, promis par Dieu à son peuple, mais, le rôle du Messie, tel que Dieu le lui avait confié : d’instruire les hommes de leurs devoirs religieux, de les inviter à la pénitence, de leur prêcher l’amour de Dieu, l’abandon à sa Providence, la soumission à sa volonté, l’amour du prochain. C’était cela, le règne de Dieu.

Ce règne établi par sa mort, lui ressuscité et glorifié, il en serait le roi dans les siècles des siècles. (Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ, p. 652-653, Artège, 1017.)

Illustration : Anastasis – La Résurrection du Christ

 

Samedi saint 3 avril 2021
Le silence du Samedi saint

Pour les chrétiens, ce saint Samedi représente le temps de maturation du mystère pascal.
Le Christ accomplit l’union du repos du chabbat avec Dieu, par sa victoire sur la mort.

Par ce saint Samedi, les chrétiens vont connaître une étape nouvelle et définitive vers l’accomplissement. De Jésus aussi, il est vrai de dire que sa mort ne fixe aucune limite au Dieu vivant « qui ne laisse pas aux fidèles voir la fosse (Psaume 15,10) ».

Si, pour beaucoup, la mort est un voyage à l’horizon indéfini, pour les chrétiens, c’est Jésus qui rejoint notre enfer et nous relève resplendissants dans la re-création.

(extrait d’un très beau texte, « Le grand silence du Samedi saint », écrit en 2008 pour la Revue du Rosaire par Isabelle, amie de l’association des amis du père Lagrange.)

 

2 avril 2021

Vendredi saint

 

 

« Ayez pitié de nous Jésus, qui dans votre clémence avez souffert pour nous. »
(Marie-Joseph Lagrange o.p.)

Illustration : Crucifixion par Louis Brea (1512). Monastère de Cimiez. Nice.

 

 

 

1er avril 2021
Jeudi saint
Mon Dieu pardonnez-moi mes péchés, faites-moi la grâce de ne plus vous offenser !
Ô Dieu, sauvez la liberté de votre Église ! « Ne livre pas aux bêtes les âmes de ceux qui se confient en toi (Psaume 74 (73) 19). »
(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel)

Dans l’évangile de ce jour (Jean 13, 1-15), l’intention principale de Jésus était de donner à ses disciples un exemple d’humilité qui fût une leçon éternelle dans son Église. Ce qui hausse cette basse fonction jusqu’à l’héroïsme, c’est que lui, sorti de Dieu, et allant à Dieu, savait que Judas Iscariote, fils de Simon, l’un des Douze, songeait en ce moment même à le livrer. Et il lui laverait les pieds comme aux autres.

(L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique par Marie-Joseph Lagrange, Artège, 2017.)

Illustration : Lavement des pieds (source Radio-Maria)