Écho de notre page Facebook : janvier 2022

23 janvier 2023
« Aujourd’hui est accomplie cette écriture (qui vient de retentir) à vos oreilles. » (Luc 1-21)

« Cette écriture » en parlant d’un passage comme Marc 12,10.

Jésus est donc celui qui était chargé d’annoncer les temps messianiques, et il les annonce. Incontestablement il se met en scène, sans dire cependant ouvertement qu’il est le Messie. Ce passage lui servit aussi dans sa réponse aux envoyés de Jean, mais développé d’une façon plus caractéristique v. 7,22 ; Mt 11,5. Probablement le v. 21 n’est que le sommaire des paroles que Jésus prononça alors.
Marie-Joseph Lagrange o.p., extrait de l’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, p. 140.

18 janvier 2022
Le sabbat (Marc 2, 25-28)

« N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui ? Comment il entra dans la maison de Dieu sous le grand prêtre Abiathar, et mangea les pains de proposition, qu’il n’est permis qu’aux prêtres de manger, et en donna à ceux qui étaient avec lui ? : ’Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat’. »

Le père Lagrange commente ces versets 25-28 : Si Marc a nommé Abiathar, c’est qu’il était plus connu comme grand prêtre contemporain de David. L’allusion au fait ancien n’est point un extrait de la Bible, mais un récit refondu par Jésus avec la mention expresse des compagnons de David, ajoutés pour que la décision s’entende plus directement des disciples.

Il ne restait plus qu’à appliquer le même raisonnement à la loi sur le sabbat. Il est des lois qui découlent de la nature des choses, et, en dernière analyse, de la nature de Dieu. Celles-ci ont une valeur éternelle. Mais il en est d’autres que Dieu a instituées pour le bien de l’homme. Tel est le sabbat, destiné à lui procurer un repos salutaire sanctifié par le souvenir des bienfaits divins. Une telle loi n’oblige plus si son observation devait tourner au détriment de l’homme. Conclure que l’homme est le maître du sabbat serait exagéré, car il n’a pas le droit d’abroger cette loi ou de s’y dérober arbitrairement. Mais on peut du moins conclure que le Fils de l’homme, envoyé par Dieu, est maître même du sabbat, et en tout cas s’en rapporter à l’interprétation qu’il en donne à ses disciples. Il est juste de dire que quelques grands docteurs Juifs, parmi lesquels Aqiba, ont admis le principe que « le soin de la vie dispense du sabbat » ; mais il n’en est pas moins certain que le plus grand nombre des Pharisiens, comme ceux qui figurent ici, s’en tenaient aux décisions les plus étroites.

(Marie-Joseph Lagrange, o.p., Évangile selon saint Marc, Lecoffre-Gabalda, 1935.)

Illustration, source : Dominicas de Lerma.

 

16 janvier 2022
Les noces de Cana
Évangile selon saint Jean (2, 1-11)

Jn 2. 1 Et le troisième jour, il se fit des noces à Cana de Galilée. Et la mère de Jésus était là.
2 Or, Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples.
3 Et ils n’avaient plus de vin, parce que le vin des noces était épuisé. Ensuite, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » 4 Et Jésus lui dit : « Qu’importe à moi et à toi, femme ? mon heure n’est pas encore venue. »
5 Sa mère dit aux serviteurs : « Quoi qu’il vous dise, faites-[le] ! »
6 Il y avait là six urnes de pierre, disposées pour les ablutions des Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures.
7 Jésus leur dit : « Remplissez d’eau les urnes. » Et ils les remplirent jusqu’en haut.
8 Et il leur dit : « Puisez maintenant et portez au maître d’hôtel. » Et ils [en] portèrent.
9 Lorsque le maître d’hôtel eut goûté l’eau changée en vin – et il ne savait pas d’où venait [ce vin], mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient –, le maître d’hôtel appelle l’époux 10 et lui dit : « Tout le monde sert d’abord le bon vin, et, quand on est ivre, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent ! »
11 Tel fut, à Cana de Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Extraits du commentaire de Marie-Joseph Lagrange o.p. Évangile selon Saint Luc, éd. Lecoffre-Gabalda, 1936.
« La mère de Jésus était là, non pas à demeure, mais comme invitée, comme le prouve le v. 2. En disant ‘la mère de Jésus’, sans lui donner son nom de Marie, connu de tous, Jean emploie la manière la plus honorable, aujourd’hui encore parmi les Arabes, pour nommer une femme qui a eu un fils. C’est par un dessein très réfléchi qu’il la met en scène avant le premier miracle de Jésus, comme elle sera présente au moment de sa mort.

Jésus aussi fut invité et ses disciples. Pourquoi inviter à Cana les disciples de Jésus, alors qu’on ne pouvait savoir qu’ils étaient de sa compagnie, attendu qu’ils appartenaient à une région assez éloignée ? On ne le comprend bien qu’en supposant que Nathanaël, qui était de Cana, les a amenés avec lui, et les a fait inviter à la noce, ce qui ne les détournait pas de Nazareth. On comprend aussi de la sorte qu’ils ne soient pas arrivés avec Marie venue du côté opposé et qui était déjà là quand Jésus fut invité. […]

La noce touche à sa fin ; le vin qu’on avait préparé est épuisé. De nouveaux convives arrivent. Leur présence rend la situation difficile : on voudrait faire honneur à ces hôtes. La bonne mère de Jésus se dit que son fils pourrait tout arranger. Elle se contente de le mettre au courant, mais dans l’esprit du récit, elle demande un miracle (Loisy), et si cela est conforme à la théologie de l’Incarnation, nous savons que Marie n’y était pas étrangère, non seulement par les récits de Matthieu et de Luc sur la conception virginale, mais encore par Jean puisque c’est en elle que le Verbe est devenu chair (v. 14). D’après Zahn, Marie ne pouvait se douter de rien, parce que Jésus n’avait pas encore fait de miracle ; elle lui fait seulement confidence de ses inquiétudes, selon sa coutume. Ce n’est pas ce que comprend Jésus qui, d’abord, refuse.

La réponse de Jésus comprend deux phrases, qui ne doivent pas être isolées, mais qu’il faut expliquer l’une après l’autre. Il est clair d’abord qu’il ne prétend pas nier qu’il soit le fils de celle que Jean présente comme sa mère. […] Ce n’est pas non plus une manière de dire : nous n’avons pas à nous en occuper. À l’opposé, Irénée y a vu un reproche […], mais comment Marie aurait-elle eu l’intention de prévenir les desseins de Dieu en s’abstenant même d’une demande explicite ? […] ‘Laissez-moi faire tout ira bien’. Cette manière de parler est bien celle de Cana, avec plus de dignité dans le ton, mais sans doute aussi plus d’affection dans l’accent. […] Cependant dans le cas présent le contexte indique bien clairement le temps de répondre au désir de sa mère, c’est-à-dire de faire un miracle. Cette heure il la connaît, elle est déjà fixée d’une certaine manière, c’est le moment où il doit se manifester, en attendant la manifestation plus éclatante qui suivra sa mort. Cependant il y a trop de gravité solennelle dans ces mots pour qu’on puisse entendre : Patience, ce n’est pas encore ; ce sera dans un instant. Marie doit s’en rapporter entièrement à Jésus. Elle n’a pas eu tort de s’intéresser aux convives, de s’épancher avec son fils, de recourir à lui. Elle ne savait pas que le temps n’était pas venu, ce qui ne peut lui être reproché. […]

L’étonnant est que Marie semble compter sur le miracle. C’est le fait d’une mère qui connaît le cœur de son fils. Plus attentive peut-être au ton de la voix, au regard, à l’accent des paroles qu’à leur sens matériel, elle est persuadée qu’il saura concilier son devoir avec le désir de lui plaire. […] Et de fait Jésus entre dans ses vues presque aussitôt. Comment ce qui n’était pas de saison est-il devenu opportun ? […] La seule explication est que l’humilité de Marie et son abandon ont obtenu ce qui d’abord lui avait été refusé. Et il faut bien dire que, après un refus, la puissance de son intercession paraît davantage. En cédant tout d’abord, Jésus aurait paru accorder à sa demande ce qu’il était tout disposé à faire. Non, l’heure n’était pas venue, et cependant il concède le miracle. […] Tout se passe ici dans une atmosphère de sentiments délicats ; c’est entrer dans l’esprit du texte que de le comprendre ainsi.

[…] Au moment où Jésus donne l’ordre de puiser, le miracle est accompli ou s’accomplit.

Le maître d’hôtel n’ignorant pas que le vin manquait, soupçonne sans doute qu’on est allé en chercher ailleurs ; les serviteurs se gardent bien de le mettre au fait, épiant l’inquiétude du dégustateur, qui n’était pas sans défiance. Il est joyeusement surpris, et appelle l’époux en particulier.

[…] En se montrant le maître de la nature dans une circonstance où le miracle était sollicité par sa Mère dans un sentiment de bienveillance et de gratitude pour des hôtes, Jésus ne donnait pas une vaine satisfaction à la curiosité ; il excitait et confirmait la foi des disciples. »

(Pour l’ensemble du commentaire, se reporter aux pages 54-62.)

 

10 janvier 2022 jour-anniversaire
Ce jour, la messe de fr. Manuel Rivero o.p. est célébrée à l’intention des demandes de grâces confiées par nos amis de l’association à l’intercession du P. Lagrange et pour la prochaine béatification de ce grand serviteur de Dieu.

Prière

Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu. À la lumière de la Loi de Moïse, des Prophètes et des Psaumes, il a scruté le mystère de Jésus Christ et son cœur est devenu brûlant. Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du rosaire. Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves.

Nous te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier : (préciser laquelle).

Nous te le demandons, Père, au nom de ton Fils Jésus Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen.

Envoyez vos demandes de grâces et celles obtenues à Fr. Manuel Rivero o.p. manuelrivero921881772@gmail.com

 

9 janvier 2022
Le baptême de Jésus par Jean le Baptiste

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (3, 15-16, 21-22)
En ce temps-là, le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »
Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Le peuple, le premier, lui posa la question : Son baptême n’était-il pas une première démarche du Messie ? Lui-même n’était-il pas le Messie ? Jean le Baptiste se hâta de les détromper, mais en proclamant en même temps que l’approche du règne de Dieu signifiait bien l’approche du Messie : « Il vient derrière moi, celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de me mettre à ses pieds pour délier la courroie de ses sandales. Je vous ai baptisé dans l’eau, mais lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » Saint Matthieu et saint Luc disent : « dans l’Esprit Saint et par le feu ». Le feu n’ajoute ici qu’une image, car on ne peut supposer un baptême plus parfait après celui de l’Esprit Saint. C’est le baptême dans l’Esprit Saint qui est comparé à un baptême dans le feu. L’eau nettoie, mais ne saurait avoir la vertu d’enlever toutes les taches. Ce qui passe dans le feu, s’il n’est pas consumé, est semblable à de l’or qui sort parfaitement purifié de la fournaise. Le baptême de l’Esprit est donc un baptême plus parfait, qui atteint les profondeurs de l’âme, car l’âme, devenue pure par le repentir, est comme une création nouvelle de l’Esprit Saint. […]

Celui qui baptisera dans l’Esprit Saint est semblable à celui qui séparera ensuite les bons des méchants ; car ce serait rompre tout enchaînement que de n’attribuer au Messie que le second rôle. Il domine tous les temps, revenant à la fin après une première action dont la durée n’est pas marquée, la période messianique de l’Esprit.

Alors que Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

[…] Jean (le Baptiste) comprit que désormais le baptême dans l’Esprit était fondé ; il savait que Jésus était l’élu ou le fils de Dieu, le Messie.

[…] Jésus venait au baptême comme tout autre homme, et il avait en effet la nature humaine dans toute sa réalité. Le moment était venu pour lui d’entreprendre une mission difficile jusqu’à l’héroïsme du dernier sacrifice. L’Esprit descend du ciel comme pour lui donner le signal. Parce qu’il a accepté cette humble attitude du baptisé, plus propre à gêner son initiative messianique qu’à l’imposer à l’attention, la voix de son Père lui témoigna sa satisfaction et affirme qu’il est toujours avec lui, d’autant qu’il est le Fils bien-aimé. Lui reçoit le signal de sa mission, il est désigné à d’autres comme investi des droits qu’il tient de son Père. […] Le baptême de Jésus sera proposé comme l’initiation par la foi à la vie divine de sa résurrection, et il sera donné au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, du Père qui l’a nommé au baptême son Fils bien-aimé, du Saint-Esprit qui s’est empressé vers lui avec amour.

Pour compléter la lecture : L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique par Marie-Joseph Lagrange, p. 96-97, Artège, 2017.

Fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 2021

Avent 2021 jevismafoi.com
L’Immaculée et l’Année saint Joseph, « le grand silencieux » 
Fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 2021

Fr. Manuel Rivero O.P.

Béni soit Dieu, le Père de Jésus le Christ, qui a comblé de grâce la Vierge Marie dès l’instant de sa conception dans le sein de sa mère, que la tradition appelle Anne et dont l’époux était Joachim !

Qui dit « Immaculée Conception » évoque un mystère caché aux yeux des hommes. Il arrive que des journalistes confondent « Immaculée Conception » et « conception virginale » de Jésus par Marie à l’Annonciation par l’action de l’Esprit Saint.

L’Immaculée Conception oriente notre réflexion vers un couple, Anne et Joachim, qui conçoivent leur enfant, Marie, dans l’union conjugale accomplie comme toutes les unions sexuelles des parents. C’est ainsi que la sainteté conjugale est reconnue et exaltée. Source de grâce et sacrement de l’union avec Dieu, l’union de l’homme et de la femme dans le mariage manifeste la volonté de Dieu qui a tenu à se révéler dans l’amour humain. Récemment, un homme marié déclarait avoir découvert la présence de Dieu dans le regard d’amour de son épouse.

Ce n’est que le 8 décembre 1854 que le pape Pie IX a proclamé le dogme de l’Immaculée Conception dans la bulle Ineffabilis Deus : « L’âme de la Vierge Marie, au premier instant de sa création et de son infusion dans le corps, a été, par grâce spéciale et privilège de Dieu, en considération des mérites de Jésus-Christ […] préservée de la tache du péché originel. »

Le péché originel, péché des origines de l’humanité, se trouve à l’origine du trouble de la concupiscence, du tiraillement intérieur entre le bien et le mal sans oublier l’aveuglement de l’esprit humain opposé à la connaissance de la foi.

Célébrer l’Immaculée Conception veut dire que Marie, comblée de grâce, n’a jamais laissé de place en elle pour le choix du mal. Il s’agit de la grâce de la foi qui agit par la charité. Au lieu d’échapper à l’aventure de la foi en Dieu, l’Immaculée Conception a enracinée Marie dans la foi en son Fils Jésus. Saint Luc a bien précisé que Marie et Joseph n’ont pas tout compris (cf. Lc 2,50).

Loin de représenter un privilège individualiste, l’Immaculée Conception annonce la plénitude de la grâce accordée à Marie pour une grande tâche : la maternité divine. Sa grâce rejaillit sur l’humanité entière par Jésus, en Jésus et avec Jésus. Chaque croyant devient alors bénéficiaire de l’Immaculée Conception. En effet, les dons de Dieu ont pour finalité le bien de tous les membres de l’Église, Corps du Christ, dont chaque baptisé en est membre.

Au cours de l’histoire de la théologie, ce dogme faisait problème à ceux qui défendaient l’universalisme du Salut en Jésus-Christ. Si Jésus était mort et ressuscité pour tous les hommes, l’Immaculée Conception ne contredisait-elle pas cette révélation catholique fondamentale ? La Vierge Marie aurait-elle échappé au besoin du Salut ? Aussi saint Thomas d’Aquin (+1274) n’adhérait-il pas à ce dogme, ce qui ne veut pas dire que la Vierge Marie aurait commis de péché. Pour le Docteur Angélique, Marie n’a jamais péché. Elle avait été purifiée de tout péché dans le sein de sa mère peu après sa conception.

Il reviendra au bienheureux frère franciscain, Jean Duns Scot, à la fin du XIIIe siècle d’apporter la lumière théologique qui va éclairer la foi des chrétiens habités par le « sensus fidei », le sens de la foi, grâce de discernement lié à la charité et reçue au baptême.

En réalité, la Vierge Marie est la plus grande des sauvés. Elle a été sauvée « par avance » par une grâce venant déjà du mystère pascal de son Fils Jésus, mort pour la rémission des péchés et ressuscité pour la divinisation de l’humanité.

Sainte Catherine Labouré, religieuse « Fille de la Charité », avait eu une apparition de la Vierge Marie, le 27 novembre 1830, lui confiant la mission de faire frapper la médaille miraculeuse sur le modèle de l’apparition : la Vierge écrasait un serpent et tendait les mains d’où jaillissent des rayons de lumière, avec l’invocation : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ».

À Lourdes, le 25 mars 1858, la Dame de la grotte s’était présentée à Bernadette Soubirous en utilisant le patois : « Que soy era Immaculada Councepciou »  (« Je suis l’Immaculée Conception »).

Se comparant aux anciennes pécheresses comme sainte Marie Madeleine qui avait été libérée de sept démons, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face (+1897) se reconnaissait pardonnée et sauvée par avance, c’est-à-dire par une grâce qui l’avait préservée de grands péchés.

Le pape émérite, Benoît XVI, a exposé de manière lumineuse la merveille divine de l’Immaculée Conception : « Le Peuple de Dieu précède donc les théologiens, et tout cela grâce au sensus fidei surnaturel, c’est-à-dire à la capacité dispensée par l’Esprit Saint, qui permet d’embrasser la réalité de la foi, avec l’humilité du cœur et de l’esprit. Dans ce sens, le Peuple de Dieu est un «magistère qui précède», et qui doit être ensuite approfondi et accueilli intellectuellement par la théologie. Puissent les théologiens se placer toujours à l’écoute de cette source de la foi et conserver l’humilité et la simplicité des petits ! Je l’avais rappelé il y a quelques mois en disant : « Il y a de grands sages, de grands spécialistes, de grands théologiens, des maîtres de la foi, qui nous ont enseigné de nombreuses choses. Ils ont pénétré dans les détails de l’Écriture sainte, […] mais ils n’ont pas pu voir le mystère lui-même, le véritable noyau […] L’essentiel est resté caché ! […] En revanche, il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous ; à sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible “non scientifique”, mais qui entre dans le cœur de l’Écriture sainte[1] ».

L’Immaculée Conception et l’année saint Joseph

Il y a juste un an, le pape François avait ouvert l’« Année saint Joseph ». Elle s’achève en la fête de l’Immaculée Conception (8 décembre 2020-8 décembre 2021).

La Vierge Marie a partagé la grâce de l’Immaculée Conception avec son époux, Joseph. Au cours d’un échange sur le couple, un mari en se demandant ce qu’un homme attend de la relation avec une femme, répondait comme ceci : « Ce n’est pas tant le sexe que l’inspiration. »

La Vierge Marie a inspiré saint Joseph. La grâce répandue par Dieu dans l’âme de Marie est passée dans l’âme de Joseph.

Le mystère de l’Immaculée Conception relève de la vie cachée en Dieu. La sainteté de saint Joseph aussi. Joachim et Anne ont conçu Marie dans la plénitude de la grâce divine. Cet événement ne figure pas dans les archives des bibliothèques mais dans le cœur de Dieu. La sainteté de Marie en a été sa manifestation au monde.

La vie intérieure de Joseph, « le grand silencieux », n’a pas noirci les registres des historiens mais elle a touché par sa sainteté le cœur du Peuple de Dieu, bénéficiaire de sa foi et de sa fidélité au service du mystère du Salut réalisé par son fils adoptif Jésus le Christ.

Visitation (15e)

« Tu es bénie entre les femmes » (Lc 1,28), s’est exclamée Élisabeth devant sa cousine Marie lors de la Visitation. Oui, Marie est source de bénédiction pour toute l’humanité. Bonheur d’Élisabeth, bonheur de l’Église. Béatitude de la foi à l’exemple de Marie.

« Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ».  

https://fr.zenit.org/2021/12/08/limmaculee-et-lannee-saint-joseph-par-le-fr-manuel-rivero-o-p/?fbclid=IwAR3Se4lWEZxZksWJTlmNWHVrzymaqKbx-3xPbrKAxHP7_M6oH2G3P3aamdQ

 Note : Dans le Journal spirituel du P. Lagrange, nous retrouvons de nombreuses fois l’invocation à saint Joseph, par exemple : Saint Joseph, priez pour nous.
Saint Joseph a caché Jésus et Marie, maintenant il les donne : il est le grand apôtre du ciel. 
Grâces soient rendues à saint Joseph qui m’a rendu la grâce de sentir la dévotion à ma Reine Immaculée.

[1] Benoît XVI, Homélie lors de la Messe avec les membres de la Commission théologique internationale, 1er décembre 2009 ; cf. ORLF n. 49 du 8 décembre 2009.

 

Écho de notre page Facebook : décembre 2021

 

 

28 décembre 2021
Évangile selon saint Matthieu (2, 13-18)

Un extrait du commentaire du P. Lagrange pour l’évangile de ce jour.

 

— La fuite en Égypte :
Tout indique que l’apparition (de l’ange) suivit de très près le départ des mages. : « Lève-toi et prends » … jusqu’à je te parle de nouveau, mais, en sous-entendant autre chose « jusqu’à nouvel avis ».

L’Égypte avait été souvent un lieu de refuge contre le pouvoir qui dominait à Jérusalem, cf. 1 Rois 11, 40.

 

 

— Le massacre des Saints Innocents :
C’était se jouer d’Hérode, du point de vue du tyran, que de se dérober par la fuite au lieu de répondre à son invitation et d’obéir à ses ordres. Il n’attendit guère pour s’informer des mages et apprit qu’ils avaient disparu. Assurément, selon les usages orientaux de la vie au grand air, tout Bethléem avait su où les mages étaient entrés. Mais la sainte Famille n’était plus là. On pouvait croire qu’elle n’était guère éloignée. Plutôt que de s’enquérir, Hérode fait tuer tous les enfants mâles dans la petite ville et dans ses limites. […] On estime à une vingtaine le nombre de victimes. Il n’y a pas lieu de franchir les bornes de la petite cité ; bornes parfaitement connues par l’usage.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Matthieu, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

 

26 décembre 2021
Fête de la Sainte Famille

Le P. Lagrange se plaira à placer sa naissance sous la protection de la Sainte Vierge

« Bourg est une ville placée sous le patronage de Marie… Le 7 mars 1855 était la première fête de saint Thomas après le dogme de l’Immaculée Conception, heureux événement qui réjouit si profondément le cœur de ma pieuse mère. »

Et jamais le père Lagrange ne séparera dans son cœur la dévotion à la Sainte Vierge du souvenir tendre de sa maman.

L’enfant grandit et devient robuste : il veut être prêtre et religieux dominicain. Son père lui demande d’attendre quelques années encore : en fils obéissant, il continuera ses études à Paris où il sera l’un des plus brillants avocats. Enfin libéré, après une année passée au Séminaire, il entre dans l’Ordre de saint Dominique, l’Ordre du Rosaire, le jour même de la fête de Notre-Dame du Très Saint Rosaire : on lui donne le nom de frère Marie-Joseph, en l’honneur de la Sainte Famille.

(extrait de : Le P. Lagrange par fr. Marie-Réginald Loew, o.p., disciple du Père Lagrange. https://www.mj-lagrange.org/?p=2537)

Image : La Sainte Famille par un artiste malgache.

 

25 décembre 2021
Fête de la Nativité du Seigneur

 

7Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. 8Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. 9L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte.

10Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : 11Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. 12Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. 13Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : 14« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Luc 2, 6-12)

Luc mentionne ici les bergers soit à cause du rôle des bergers dans l’histoire d’Israël (Jacob, Moïse, David, Amos), soit à cause des héros qui ont grandi parmi les bergers, comme Romulus et Cyrus, soit surtout pour représenter les pauvres et les ignorants selon les pensées de 1, 51-53 et de 7,22. Et sans doute en relatant cet épisode, Luc a dû songer à la prédilection pour les pauvres dont témoigne l’Incarnation […].

Un ange suffisait pour parler aux pasteurs. La scène change. C’est le ciel qui se réjouit d’un événement aussi favorable à la terre, et, par là même, glorieux pour le ciel ; aussi ne sera-t-il plus question du seul peuple d’Israël […]. Luc a toujours eu soin de marquer que le salut pour les hommes est une conversion et suppose certaines dispositions morales […]. La paix même la plus étendue, n’est donnée qu’à ce prix […]. Ce sens ne prétend pas nier la grâce, nécessaire pour que la volonté soit bonne, mais constate simplement que la paix sera le partage des hommes bien intentionnés […]. Il est certain que le nouvel ordre est désormais décrété dans le ciel et sa réalisation commencée, mais la réalisation complète est réservée à l’avenir. (Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941, extrait.)

Images : Gloria in excelsis Deo (détail D. Ghirlandaio-15e)
L’Adoration des bergers (détail) Georges de La Tour (1593-1652). Paris, musée du Louvre.

23 décembre 2021
Un enfant va naître pour nous ; on l’appellera Dieu-Fort ;
En lui seront bénies toutes les familles de la terre (cf. Is 9,5, Ps 71,17).

Jérusalem, 23 décembre 1901
Anniversaire de ma première messe, 23 décembre 1883 : les deux à l’autel de N.D. du St Rosaire.

Ô Marie, si cette retraite, si médiocre, a été la dernière, que mon dernier mot soit pour vous dire : Je suis vôtre, sauvez-moi ! (Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014.)

Image : Ange jouant du luth-Melozzo da Forli (15e) Fragment fresque-Musei Vaticani.

 

 

 

21 décembre 2021
La salutation de Marie à Élisabeth
« L’enfant tressailli dans le sein d’Élisabeth » (Luc 1, 41).

Marie put arriver le quatrième jour après avoir quitté Nazareth, et entrant dans cette maison amie elle rencontra d’abord Élisabeth. La première elle la salua avec la cordialité d’une parente, la déférence d’une jeune fille pour une femme âgée, une grâce souriante indiquant qu’elle n’ignorait rien.

Alors s’opéra ce qu’avait été annoncé » l’ange à Zacharie, que son fils serait rempli de l’Esprit Saint avant sa naissance : l’enfant tressaillit dans le sein d’Élisabeth. C’était comme un pressentiment obscur de l’approche de Celui dont il devait annoncer la venue parmi les hommes. Sa mère, elle aussi, fut remplie de l’Esprit de Dieu et pleinement éclairée sur la dignité de la Mère du Messie. Elle la salua donc à son tour en s’écriant dans un transport sacré : « Vous êtes bénie parmi les femmes, et le fruit de votre sein est béni ! Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Dès que le son de votre salutation est arrivé à mes oreilles, l’enfant a tressailli dans mon sein. Bienheureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui avait été dit de la part du Seigneur. »

Image : La Visitation (détail) – Giotto di Bondone (1306) – Cappella Scrovegni, Padua.

 

19 décembre 2021
Se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint
4ème dimanche de l’Avent
« Or, dès qu’Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillait dans son sein et Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint » (Luc 1, 41).

Élisabeth est éclairée par l’Esprit Saint, spécialement mentionné par Luc, pour expliquer ce fait d’une sorte de joie de l’enfant. C’est l’accomplissement de la parole de l’ange (v. 15 :
« Car il sera grand devant le Seigneur, et il ne boira ni vin ni boisson enivrante, et il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère »). […]

On a voulu voir dans les paroles d’Élisabeth un véritable cantique. […] Élisabeth a compris par l’inspiration de l’Esprit Saint que Marie est déjà la mère du Messie, et elle le nomme « mon Seigneur », comme le psaume 110 attribué à David. Il possède déjà une dignité surnaturelle. De la part d’une femme plus âgée, cette modestie est de l’humilité, dictée par le sentiment religieux. […] La foi de Marie est mise dans un entier relief. […] On voit que la conception surnaturelle est regardée comme un miracle tout à fait extraordinaire, non comme une vulgaire histoire à la grecque. Avant la prophétie de l’Emmanuel, Isaïe avait aussi fait appel à la foi (Is. 7,9). (Marie-Joseph Lagrange o.p., Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

Image : La visitation : enluminure des Grandes heures d’Anne de Bretagne par Jean Bourdichon (1457-1521). Source « Magnificat ».

 

14 décembre 2021
Mémoire de Saint Jean de la Croix (1542-1591), prêtre, grand auteur de poèmes mystiques, docteur de l’Église, réformateur de la branche masculine du Carmel à la demande sainte Thérèse d’Avila.

Octobre 1929. À Jérusalem, au terme d’une retraite prêchée par le P. Petitot, sur saint Jean de la Croix, le père Marie-Joseph Lagrange o.p. prend la résolution d’être fidèle à une méditation de 11.10 à 11.40… et à une lecture spirituelle, le soir. (Voir son Journal spirituel.)

Charles de Foucauld, futur saint de l’Église écrit un jour à Henri de Castries (1850-1924), explorateur et cartographe : Un de mes livres les plus chers est saint Jean de la Croix. Je pense souvent à vous en le lisant. Vous qui connaissez si bien les scolastiques, avez-vous lu les mystiques ? Une page ou deux – une goutte -– de saint Jean de la Croix, chaque jour, vous reposerait un peu dans vos travaux si fatigants du Maroc ; ce serait un peu d’eau fraîche au milieu d’une chaude journée de voyage. Bien des choses vous iraient, répondraient à votre cœur, dans ces pages où tout parle d’oublier tout le créé, pour se perdre dans l’immense, l’unique et l’éternel bien. (Voir Œuvres complètes – Jean de la Croix, DDB, 2007, t.1.)

 

10 décembre 2021

 

Comme tous les mois, le 10, jour de la naissance au Ciel du père Lagrange, grand savant et grande figure spirituelle dominicaine, Fr. Manuel Rivero, o.p., président de l’association, célèbre, à La Réunion, la messe aux intentions particulières de nos amis et pour la béatification du serviteur de Dieu, Marie-Joseph Lagrange o.p. Par la pensée, nous sommes en union de prière. Prions les uns pour les autres.

 

 

 

8 décembre 2021
L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie

Le P. Lagrange note dans son Journal spirituel :

« Ô Marie Immaculée, ma Mère, vous seule avez tout conduit : je vous donne mon cœur, gardez-moi pur, et donnez-moi celui que nous attendons, le fruit de vos entrailles, Jésus. »

En note, nous lisons :

Le 8 décembre 1854 marque la fête de l’Immaculée Conception. La célébration de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie – située dans les premiers jours de la nouvelle année liturgique et du temps de l’Avent –nous rappelle la destinée unique de cette femme juive, choisie par Dieu. Pour la foi chrétienne, Marie est indissociable de l’enfant qu’elle a porté, Jésus, en qui s’est totalement manifesté le Dieu vivant. Elle est appelée, depuis le concile d’Éphèse (431), « Mère de Dieu ». Dieu vivant. Selon la tradition catholique, depuis le dogme promulgué par le pape Pie IX, le 8 décembre 1854, elle est déclarée préservée du péché originel dès sa naissance.

Illustration : L’Immaculée Conception par Carlo-Francesco Nuvolone (1635).

 

5 décembre 2021
En ce 2ème dimanche de l’Avent
Par sa prédication, Jean prépare le ministère de Jésus.

2La parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. 3Jean parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète :
4Ainsi qu’il est écrit au livre des paroles d’Isaïe, le prophète : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparer le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. 5Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les chemins sinueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; 6et tout être vivant verra le salut de Dieu ». (Luc 3, 4-6.)

Dans un court extrait du commentaire de ces versets, le père Lagrange écrit : Luc a pris soin de distinguer le désert où la voix de Dieu a appelé Jean (v. 2) et le cercle du Jourdain où il a prêché (v. 3). […] Luc n’a pas hésité à reproduire la citation d’Isaïe. L’expression est d’ailleurs parfaitement exacte. Pour aboutir à l’idée importante du v. 6. Il a pu avoir en vue le sens symbolique. Les vallées comblées, ce sont probablement les affamés remplis de biens (1, 53) ; les montagnes abaissées, ce sont les puissants déposés (1, 52) ; désormais le Seigneur trouvera les âmes droites, et des chemins aisés pour pénétrer dans les cœurs. Luc omet : « et on verra la gloire du Seigneur », qui ne convenait ni pour caractériser le premier avènement de Jésus. Au contraire le dernier mot (v. 6) emprunté aux LXX (hébr. et toute chair ensemble la verra [la gloire de Iahvé]) [le salut de Dieu] répond parfaitement à la prophétie du vieillard Siméon touchant Jésus (2, 30 s.), et à l’idée mise en relief par Luc de l’universalité du salut (Ac 28, 28). (Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

3 décembre 2021
La guérison de deux aveugles ou l’importance de la foi
Alors, il toucha leurs yeux disant : « Qu’il vous soit fait selon votre foi ». Et leurs yeux s’ouvrirent. (Mt 9, 29-30)

Nulle part on ne trouve exprimée aussi clairement l’importance de la foi pour obtenir la faveur qu’elle a en vue. De sorte que si Matthieu avait raconté deux fois ce miracle, il faudrait dire que ce fut d’abord pour mettre en lumière cet enseignement. Après cela on comprendra mieux que Jésus n’ait pas fait de miracles à Nazareth à cause de l’incrédulité des habitants (12, 38). (Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Matthieu, Lecoffre-Gabalda, 1941.)

Mosaïque illustrant la guérison de deux aveugles – église du Saint-Sauveur de Chora à Istanbul.

La mort, néant ou expérience de Dieu par Fr. Manuel Rivero o.p.

4 novembre 2021.

Parler de la mort ne va pas sans sentiment de gêne. Que peut-on dire qui soit audible ? Même des croyants en l’au-delà craignent de sortir du « politiquement correct » qui consiste à ne pas dire grand-chose et à rester dans le flou.

Non sans une certaine angoisse, des enfants posent des questions sur la mort : où est pépé ?

Tout mortel se pose aussi la question de l’au-delà : « Que restera-t-il de moi après la mort ?

La Bible enseigne que Dieu n’a pas créé la mort. Elle est l’ennemi de l’homme que le Messie a vaincu dans la résurrection.

La foi chrétienne repose sur la mort et sur la résurrection de Jésus le Messie. Là où l’homme contemporain façonné par l’athéisme des maîtres du soupçon, Marx, Nietzsche et Freud, voit une dégringolade finale dans le néant, le chrétien voit dans la lumière de la foi une participation à la vie même de Jésus.

La mort comme connaissance.

Au sujet de la mort, saint Paul parle de manière précise. Il s’agit d’une connaissance du Christ Jésus : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. » (Épître aux Philippiens 3,10s). C’est-à-dire, la mort fait ressembler à Jésus dans l’acte du don absolu où l’homme remet le souffle vital reçu de Dieu. Le mot « conforme » exprime cette union de ressemblance à Jésus dans sa Passion et dans sa mort. L’homme est « formé » avec le Christ dans sa mort afin de lui ressembler. Connaissance par connaturalité. Jésus a pris notre nature humaine en toute chose sauf le péché.

Dans le livre de la Genèse, Dieu crée l’homme à son image et à sa ressemblance. Dans le mystère pascal, Jésus recrée l’homme à son image et ressemblance. Dans la mort, l’homme ressemble à Jésus qui meurt. Il le connaît par expérience dans l’acte suprême de la mort. En partageant la mort, le disciple de Jésus rejoint l’expérience de Jésus le Vendredi saint. Sur le sommet du Calvaire, le mystère de la Rédemption atteint son sommet dans l’acte de confiance absolue et d’amour total de Jésus envers son Père et pour le salut des hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

La mort, acte absolu de foi et d’amour.

Les paroles de la consécration à la messe mettent en lumière le sens de la mort de Jésus. Amour à mort. Amour plus fort que la mort. En Jésus, l’art d’aimer et l’art de mourir ne font qu’un. Aimer, c’est mourir à l’ego possessif et dominateur. Jésus se donne dans sa mort de manière parfaite : « Voici mon corps livré pour vous ; voici mon sang versé pour vous ». Les paroles qui rappellent la mort de Jésus renvoient aussi au mariage où les époux se donnent l’un à l’autre dans l’amour. C’est ainsi que la mort de Jésus accomplit « une alliance nouvelle et éternelle ».

À la suite de Jésus, le chrétien demande la grâce d’affronter la mort comme un acte absolu de foi et d’amour qui le rend parfait dans l’union à son Maître.

Si la mort ressemble à une chute, elle devient sommet. La Bible avertit l’homme de ne pas juger la valeur d’une existence avant la mort. Les saints en témoignent : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face).

Jésus glorifié dans notre mort

Pour saint Paul, le Christ est même exalté dans la mort de l’homme : « Le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure » (Épître aux Philippiens 1,20). Jésus trouve sa gloire dans la vie de l’homme : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » (Saint Irénée de Lyon).

Que répondre à l’enfant qui demande où sont ceux qui sont morts ? Dans l’azur ? Non ! Dans le Christ, oui ! « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Épître de saint Paul aux Romains, 6,8) ; « Si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. » (Rm 6,5).

La mort, béatitude des pauvres.

Dans la mort, le chrétien est appelé à faire sienne la première des béatitudes : « Heureux vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous » (Lc 6,20). Dans la mort, expérience de pauvreté absolue, l’homme attend la manifestation de la miséricorde divine : « Aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints a beaucoup de prix » (Ps 116,15) ; « Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ! » (Ap 14,13).

La résurrection, unification de la personne humaine dans la gloire

La mort de Jésus donne sens à notre mort : « Ainsi, ayant voulu sauver tout l’homme, le Sauveur avait pris un corps, une âme et un esprit : ces trois éléments ont été séparés au moment de la Passion et, au moment de la Résurrection, ils ont été réunis. Dans la Passion, ils ont été séparés : comment ? Le corps dans la tombe, l’âme dans les enfers, et l’esprit, il l’a remis entre les mains du Père ». (Origène, Colloque avec Héraclite, SC 57, Paris, 1960, p.68-70). Le Vendredi saint, Jésus est dans le tombeau, dans les enfers et dans les bras du Père. Sa résurrection unira sa dépouille mortelle, son âme humaine et son esprit divin dans l’union au Père qui donne la Vie, son Esprit Saint.

Nous avons tous rendez-vous avec le Vendredi saint. Jésus ressuscité donne rendez-vous à tous la nuit de Pâques : « Par sa mort, Jésus a vaincu la mort ; aux morts, il donne la vie », chantent les chrétiens dans la Veillée pascale.

Saint Augustin appelait le sacrement du baptême « salus », le « Salut », tandis qu’il désignait le sacrement de la messe comme « vita », la « Vie ».

Nous comprenons sans peine que le rituel des funérailles propose la célébration de la messe pour les fidèles. Source et sommet de la vie chrétienne, la messe unit dans l’Amour les morts au Seigneur Jésus, le Vivant, l’Église de la terre à celle du Ciel.

Au Ciel, il n’y aura pas de séparation !

Saint-Denis/La Réunion, le 30 octobre 2021.

Publié sur Zenit https://fr.zenit.org/2021/11/04/la-mort-neant-ou-experience-de-dieu-par-le-fr-manuel-rivero-o-p/

Chemin de Résurrection par fr. Manuel Rivero o.p.

5 novembre 2021
Chemin de Résurrection
Frère Manuel Rivero O.P., avec la Fraternité laïque dominicaine bienheureux père Lataste (1832-1869), apôtre des prisons.
Tananarive (Madagascar), le 4 novembre 2021.

1ère station : L’ensevelissement

De l’Évangile selon saint Jean 19, 38s :

« Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps. Nicodème – celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus – vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs. Or il y avait un jardin, au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n’avait encore été mis. »

Méditation :

À la suite de Jésus-Christ, l’Église vit l’option préférentielle pour les pauvres ; non pas parce qu’ils seraient meilleurs que les riches mais parce qu’ils en ont davantage besoin. Une maman de plusieurs enfants veille en priorité sur l’enfant tombé malade car il nécessite son attention et son amour. Jésus aime tous les hommes. Il soutient en premier les pauvres et les pécheurs dont la misère appelle la miséricorde divine.

Il reste à chacun d’accueillir la prédication de Jésus avec foi en délaissant l’orgueil et l’esclavage de l’ego. Joseph d’Arimathie a cru en Jésus. Il l’a suivi jusqu’au Calvaire. Au moment de la mort de son maître, Joseph honore la sainte dépouille mortelle de Jésus en apportant un linceul de lin pur, et après en la plaçant dans un tombeau neuf.

Prière : Prions pour ceux qui meurent seuls et abandonnés.

Prions afin que tout homme soit respecté et honoré dans sa vie et dans sa mort.

Prions pour les Équipes de la pastorale des funérailles qui accomplissent une belle œuvre de miséricorde et de prédication de la résurrection du Christ.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

2ème station : La garde du tombeau

De l’Évangile selon saint Matthieu (Mt 27,62-66)

Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate et lui dirent : « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, de son vivant : Après trois jours je ressusciterai ! Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : « Il est ressuscité des morts ! » Cette dernière imposture serait pire que la première. Pilate leur répondit : « Vous avez une garde ; allez et prenez vos sûretés comme vous l’entendez ». Ils allèrent donc et s’assurèrent du sépulcre, en scellant la pierre et en postant une garde.

Méditation :

Tout au long de sa vie publique, Jésus a reçu des insultes : séducteur du peuple, possédé du diable… Au moment de sa mort, il est traité d’ « imposteur ». L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction. De sa naissance à sa mort, Jésus a connu la menace, la jalousie et la persécution. L’évangile ne rime pas avec angélisme : « Tout le monde est beau ; tout le monde est gentil ». Au moment sublime de la mort et de la résurrection du Christ, zénith de l’histoire de l’humanité, instant de lumière divine, le mensonge, l’aveuglement et l’entêtement sévissent à Jérusalem.

Prière :

Prions pour les chrétiens persécutés dans le monde, victimes innocentes, témoins, martyrs du Christ.

Prions pour que les responsables politiques protègent les droits de l’homme dont le droit de pratiquer librement sa religion.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

3ème station : Le tombeau vide

De l’Évangile selon saint Luc (24,1-8)

Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes, disciples de Jésus, allèrent à la tombe, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau, mais, étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Et il advint, comme elles en demeuraient perplexes, que deux hommes se tinrent devant elles, en habit éblouissant. Et tandis que, saisies d’effroi, elles tenaient leur visage incliné vers le sol, ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici ; mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé, quand il était encore en Galilée : Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour ». Et elles se rappelèrent ses paroles.

Méditation :

Seigneur, comme à ces femmes, tu nous proposes une vraie rencontre. Elles trouvent la pierre roulée devant le tombeau en allant accomplir leur rituel. Quel choc face au vide du tombeau ! Quel choc aussi quand nous sommes face à nos tombeaux vides ou trop plein de détresse ! Par ta Résurrection, nos tombeaux sont vides…Il n’y a plus rien de nos histoires cachées, de nos secrets inavouables bien enfouis au plus profond de nous. Toi, Seigneur tu nous accueilles quelle que soit notre histoire, notre passé.

Le Bienheureux Marie-Jean-Joseph LATASTE, « apôtre des prisons », a porté la grâce de ta Résurrection auprès des femmes incarcérées de la Maison de Force de Cadillac. Il a proclamé que Dieu nous aime tels que nous sommes, sans nous juger. Il a témoigné des merveilles de Dieu qu’il a vues en prison : « Vous les aurez vues ces femmes relever doucement la tête comme des fleurs après l’orage quand le soleil vient les toucher ». Jadis prisonnières de leurs péchés, lieux de mort, elles ont été relevées par l’Amour chaleureux et vivifiant de Dieu.

Prière :

Seigneur, nos existences et nos vies personnelles sont faites de joies et de failles profondes. Isolées, exclues, en situation d’échec personnel, des personnes s’enferment dans l’alcool, la drogue et la pornographie….

Prière : Pousse, Seigneur, la pierre qui obstrue nos âmes et nos corps. Redonne-nous la liberté d’aimer le monde. Apprend-nous à regarder nos frères et sœurs marginalisés, avec ton regard, un regard qui relève.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

4ème station : L’apparition aux saintes femmes

De l’Évangile selon saint Matthieu (28,9-10)

Et voici que Jésus vint à la rencontre des femmes disciples de Jésus : « Réjouissez-vous », dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui. Alors Jésus leur dit : « Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront ».

Méditation :

Le christianisme a commencé avec l’annonce de la joie, accordée à Marie de Nazareth par pure grâce : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1,28). C’est le même mot grec « kairé » qui exprime le souhait de joie qui apparaît maintenant ici mais au pluriel « kaireté » dans l’apparition de Jésus aux femmes disciples : « Réjouissez-vous ».

Ces femmes disciples sont comblées de la joie pascale à la mesure de leur foi. Femmes fidèles et aimantes, qui se prosternent devant Jésus vivant qui leur apporte la bonne nouvelle de la résurrection.

Chargées de mission par Jésus lui-même, elles vont transmettre la nouvelle « aux frères de Jésus ». En effet, avant d’être leurs frères dans la foi, les autres fidèles qui ont cru en Jésus sont devenus « frères de Jésus », fils du même Père.

Nous avons à mettre en parallèle cette consécration prophétique et apostolique des femmes disciples avec la consécration apostolique et prophétique transmise à Marie-Madeleine dans le jardin du tombeau devenu le jardin de la Résurrection, annonce de la nouvelle création, et de la nouvelle alliance entre le Christ Jésus et l’Église, représentée et symbolisée par Marie de Magdala : « Va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).

« Allez ». Jésus, envoyé par le Père, envoie les femmes disciples en mission auprès des apôtres abasourdis et incrédules : « Comme le Père m’a envoyé moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21).

Prière :

Loué sois-tu, Seigneur, Jésus, pour l’allégresse pascale répandue dans les cœurs de tes disciples.

Loué sois-tu, Seigneur, Jésus, pour nous avoir associé à ta mission de Salut par la prière, le témoignage et l’annonce de la Parole de Dieu.

Loué sois-tu, Seigneur Jésus, pour la maternité spirituelle, prophétique et apostolique, des femmes que tu appelles et que tu envoies.

Loué sois-tu, Seigneur Jésus, pour la transmission de l’Évangile, accomplie par des femmes dans les familles, la catéchèse, l’enseignement de la théologie et la prédication.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

5ème station : Apparition à Marie-Madeleine

De l’Évangile selon saint Jean (20 ; 1,11-18)

Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau.

Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l’intérieur du tombeau et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds. Ceux-ci lui disent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur dit : « Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis ». Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai ».

Jésus lui dit : « Marie ! » Se retournant, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui veut dire : « Maître ».

Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ».

Marie de Magdala va donc annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a dit cela.

Méditation :

Marie-Madeleine se rend de grand matin au tombeau pour honorer son Maître. Jésus n’est plus là….. Le tombeau est vide ! Elle fond en larmes. Jésus était tout pour elle, son Sauveur, son Libérateur.

Comme elle, les filles de Cadillac attendaient la vraie Vie. Elles ne l’ont pas trouvée. Elles aussi se sont retrouvées devant des tombeaux vides. Un jour, Jésus les rejoint : le Frère Marie-Jean-Joseph LATASTE vient les visiter. Une à une, elles seront appelées par leur nom et elles reconnaîtront l’appel de leur « Rabbouni ». Dieu veut leur accorder son pardon et ainsi guérir leur cœur, leur donner la vraie Vie qu’elles pensaient ne plus mériter. Marie-Madeleine sera Apôtre des Apôtres. Des filles de Cadillac deviendront Sœurs de Béthanie.

Prière :

Seigneur, nous voulons aimer et être aimés. Donne-nous la sagesse de toujours reconnaître dans nos frères ce qui peut faire d’eux de grands saints. Aide-nous à prendre soin les uns des autres quelques que soient nos chemins de vie. Puissions-nous donner toujours la meilleure place aux faibles et aux pauvres.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

6ème station : Supercherie des chefs juifs

De l’Évangile selon saint Matthieu (28,11-15)

Tandis que les femmes disciples de Jésus s’en allaient, voici que quelques hommes de la garde vinrent en ville rapporter aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. Ceux-ci tinrent une réunion avec les anciens et, après avoir délibéré, ils donnèrent aux soldats une forte somme d’argent, avec cette consigne : « Vous direz ceci : Ses disciples sont venus de nuit et l’ont dérobé tandis que nous dormions. Que si l’affaire vient aux oreilles du gouverneur, nous nous chargeons de l’amadouer et de vous épargner tout ennui ». Les soldats, ayant pris l’argent, exécutèrent la consigne, et cette histoire s’est colportée parmi les Juifs jusqu’à ce jour.

Méditation :

La corruption ! Ce mot revient sans cesse dans la vie économique et politique. L’Évangile souligne aussi la corruption dans la vie religieuse, en l’occurrence chez les grands prêtres et les anciens, chargés de montrer le chemin de la vérité et de la pureté au peuple.

Mensonge et argent figurent au commencement et au terme de la vie de Jésus. Fourberie et mensonge du roi Hérode envers les mages (cf. Mt 2,8) : tromperie et corruption dans l’événement le plus important de l’histoire de l’humanité : la résurrection de Jésus le Messie.

Prière :

Prions pour toutes les situations de tromperies auxquelles nous sommes confrontés dans la vie publique ou personnelle. Que nos paroles et nos actions soient toujours accordées aux valeurs de l’Évangile. À la lumière du Christ ressuscité, qui est le cœur de notre foi, que nous soyons préservés de toute tentation d’une passion égoïste au détriment de la vérité et du bien commun.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

7ème station : Apparition aux disciples

De l’Évangile selon saint Jean (20,19-23)

Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ».

Méditation :

Les disciples se sont enfermés par peur, et Jésus pourtant a trouvé un chemin pour les rejoindre. Le père Marie-Jean-Joseph LATASTE a lui aussi rejoint nos sœurs à la prison de Cadillac. Quelles que soient nos enfermements, Dieu nous rejoint pour nous apporter la liberté et la paix.

Jésus a montré aux disciples ses plaies pour leur rappeler sa souffrance sur la croix et son humanité passée ; la vie nouvelle n’efface pas le passé mais elle laisse derrière la souffrance endurée, rappelée par des cicatrices ouvertes, devenues maintenant signes de victoire sur la mort. Le Christ nous appelle à assumer notre responsabilité dans la liberté de nos frères et à témoigner de sa miséricorde divine, offerte à ceux qui croient, sans autre condition que de croire en la compassion de Celui qui a souffert la Passion pour nous.

Prière :

Seigneur, donne-nous la force de pardonner l’égarement de nos frères qui nous blessent.

Quand nos limites humaines sont atteintes, puissions-nous obéir à l’Amour au point de tout pardonner, même quand cela semble impossible à nos forces.
Donne-nous d’accueillir notre frère dans ce qu’il est pour Toi, Seigneur, et de ne pas l’enfermer dans ce qu’il a fait !

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

8ème station : Apparition à l’apôtre Thomas incrédule

De l’Évangile selon saint Jean (20,24-29)

Or Thomas, l’un des Douze, appelé Didyme, n’était pas avec le groupe de disciples, lorsque vint Jésus. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ». Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l’intérieur et Thomas avec eux.

Jésus vient, les portes étant closes, et il se tint au milieu et dit : « Paix à vous ». Puis il dit à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant ». Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Jésus lui dit : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ».

Méditation :

« Heureuse faute d’Adam qui nous valut un tel Sauveur », s’exclamait saint Augustin. « La prison, un mal pour un bien », avouent certaines personnes détenues.

Alors que tout semble fini inexorablement lors de l’incarcération, le Seigneur ressuscité peut ouvrir un chemin de lumière dans le cœur et dans les relations sociales.

Un surveillant de prison aime à rappeler aux détenus qui arrivent en prison : « Ici, ce n’est pas la fin, ici, tout commence ».

Dans la logique du pouvoir définitif de la mort, l’apôtre Thomas affirmait ouvertement son incrédulité à l’égard des témoignages sur la résurrection de Jésus. Il voulait voir et toucher.

Saint Jean, l’évangéliste, ne précise pas si Thomas a mis sa main dans le côté transpercé de Jésus. Peut-être oui, peut-être non. Les chrétiens sont libres d’adhérer à l’une ou l’autre possibilité.

Ce qui s’est passé dans la rencontre avec Jésus vivant, seul Thomas le sait. En tout cas, il a connu un bouleversement intérieur reflété par sa confession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Prière que les fidèles sont invités à reprendre dans leur cœur au moment de l’élévation du Corps et du Sang du Christ à la messe. Dans ce grand moment d’adoration et de silence sacré, la prière de Thomas nous introduit dans le mystère : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Ce n’est pas par le toucher que Thomas a cru mais par la grâce de la foi qui guérit le cœur endurci et malade.

Prière :

Seigneur, accorde-nous la grâce de la foi en ta Résurrection.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

9ème station : Les disciples d’Emmaüs

De l’Évangile selon saint Luc (24, 13-27)

Et voici que, ce même jour, deux d’entre eux faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux ; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

Il leur dit : « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » Et ils s’arrêtèrent, le visage sombre. Prenant la parole, l’un d’eux, nommé Cléophas, lui dit : « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci ». « Quoi donc ? » leur dit-il. Ils lui dirent : « Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s’est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël ; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées ! Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S’étant rendues de grand matin au tombeau et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu ! »

Alors il leur dit : « Ô cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait.

Méditation :

Cet Évangile nous montre la pédagogie de Jésus. Il commence par faire route avec les disciples. En silence, il se met à leur écoute. Effacé, il ne se fait pas reconnaître tout de suite. Par des questions, il suscite le partage. Loin de leur faire la morale pour leur peu de foi, il favorise leur relecture du Vendredi saint, où Jésus est mort en croix. Un dicton dit qu’il faut « faire l’âne pour avoir du foin » ; Jésus pose des questions qui nous paraissent inutile : « De quoi, parliez-vous en chemin ? »

Petit à petit, il va les conduire au mystère pascal : « Ne fallait-il pas que le Messie endurât ses souffrances pour entrer dans sa gloire ? » Cette phrase représente le centre et le cœur de l’apparition aux disciples d’Emmaüs. Tout l’échange converge vers cette déclaration de Jésus. La vie nouvelle repartira de ce mystère de souffrance et de gloire.

Le moment est venu pour Jésus de faire une longue catéchèse sur le rôle et la personnalité du Messie, à partir de la Loi, des Psaumes et des Prophètes. La Parole de Jésus, Esprit et Vie, embrase l’esprit des disciples : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous alors qu’il nous expliquait les Écritures ? »

Les disciples pensaient que Jésus allait délivrer Israël par une puissance militaire. Ils n’imaginaient pas une vie nouvelle et céleste par le Christ et par la croix. Les explications catéchétiques de Jésus étaient nécessaires voire indispensables pour les faire passer d’une vision matérielle de puissance à la puissance de l’amour de Dieu.

La joie éclate. La ferveur et le zèle remplacent la tristesse et le scepticisme. Une vie nouvelle commence à grandir dans les cœurs des disciples d’Emmaüs.

Cette vie nouvelle et céleste, les femmes détenues de la prison de Cadillac l’ont pressentie dans leur cœur, dans leur âme dans le rayonnement spirituel de leur corps. Le Père LATASTE, à l’occasion de l’adoration perpétuelle qui a suivi ses catéchèses a témoigné : « Les détenues se relayaient non pas deux à deux, mais deux cents par deux cents, sur la moitié de la nuit, dans un silence impressionnant ». Ébloui par un tel recueillement, le prédicateur s’écrie : « J’ai vu des merveilles ! »

Si sainte Catherine de Sienne, la grande Mystique dominicaine, docteur de l’Église, s’était exclamée après un temps d’oraison, « j’ai vu des merveilles », le père Lataste a expérimenté les merveilles accomplies par Dieu dans la prison de Cadillac. Les femmes détenues l’ont évangélisé à leur tour, le faisant découvrir l’action de la grâce dans leur vie. Contemplation dans l’apostolat ! Loin d’opposer la vie contemplative à la vie apostolique ou d’en établir des hiérarchies, le père Lataste contemple dans l’apostolat et l’apostolat le plonge dans la contemplation du mystère de Dieu qui fait toutes choses nouvelles.

Prière :

Ne sommes-nous pas nous aussi les disciples d’Emmaüs, myopes voire aveuglés, dans nos mentalités uniquement humaines sans vision surnaturelle ?
Prions pour que nous sachions reconnaître sur nos chemins de croix le Christ Ressuscité.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

10ème station : Les cœurs brûlants

De l’Évangile selon saint Luc (24, 28-35)

Quand les deux disciples furent près du village où ils se rendaient, le Christ ressuscité fit semblant d’aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant : « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme ». Il entra donc pour rester avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais il avait disparu de devant eux. Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? »

À cette heure même, ils partirent et s’en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent : « C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! » Et eux de raconter ce qui s’était passé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.

Méditation :

Le pain rompu lors du dîner leur a rappelé le corps crucifié du Calvaire et la communion fraternelle.

Dans nos chemins de vie, nous sommes comme ces deux compagnons : nos chagrins nous aveuglent. Ce repas ce n’est pas juste du pain mais « Ta présence, la nourriture de notre âme et Ta personne même, dont tu nous fais cadeau aujourd’hui et pour toujours ».

Tout est grâce. Tu nous relèves comme l’avait annoncé le père LATASTE à ceux qui étaient tombés : « La main qui a relevé les unes est la même qui a préservé les autres de tomber ». Il n’y a pas d’un côté les pécheurs, la racaille méprisable, et de l’autre côté, les purs et les bons honorables. Tous les hommes sont pécheurs. Et saint Paul d’avertir ceux qui sont debout de ne pas tomber ! Nous sommes en réalité sur le même plan du Salut. Tombés, Dieu nous relève ; tentés, Dieu nous préserve souvent de chuter. « Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? », enseigne encore une fois saint Paul, l’apôtre des nations, qui venait de loin, ayant lui-même persécuté les chrétiens et croyant bien faire.

La Loi nous condamne tous car nous sommes incapables de l’accomplir. Amnistiés par le Christ qui a cloué l’acte de notre condamnation à sa croix, nous pouvons nous réjouir d’être aimés non pas à cause de nos mérites mais parce que Dieu est Amour et miséricorde.

Prière :

Merci Seigneur d’ouvrir nos yeux à la splendeur de ta grâce !

Viens nous libérer des prisons matérielles, psychologiques et spirituelles, bâties au long de nos histoires, personnelles, faites de blessures et de plaies restées ouvertes, de doutes visibles et d’espoirs intimes.

Seigneur, tu rejoins ceux qui sont perdus, repliés sur eux-mêmes, dans la peur, l’angoisse et la solitude. Envoie ton Esprit Saint sur tout homme. Puissent les fermetures de chacun devenir par ta grâce chemin de Résurrection.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

11ème station : Étonnement des disciples

De l’Évangile selon saint Luc (24, 36-43)

Tandis que les disciples disaient cela, le Christ ressuscité se tint au milieu d’eux et leur dit : « Paix à vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils pensaient voir un esprit. Mais il leur dit : « Pourquoi tout ce trouble, et pourquoi des doutes montent-ils en votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi ! Palpez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai ». Ayant dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Et comme, dans leur joie, ils ne croyaient pas encore et demeuraient saisis d’étonnement, il leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux.

Méditation :

Ressuscité, Jésus ne se détache pas de son humanité. Il la garde transfigurée par le passage de la mort à la résurrection.

Plus encore, Jésus tient à manifester à ses disciples son humanité blessée par les clous. Comme il l’a fait envers Thomas, l’incrédule, qui voulait voir et toucher pour croire, Jésus invite les disciples à le regarder et à le toucher. Le réalisme de son corps ressuscité apparaît au cours du repas lors duquel il mange un morceau de poisson grillé. Il importe de recevoir ce message de Jésus sur la dignité de notre corps humain qui ne saurait être réduit à une chose que l’on manipule. Alors que de nombreuses personnes déclarent préférer les animaux aux hommes, Jésus ressuscité montre l’amour de Dieu pour notre condition humaine.

« Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme », enseigne le pape Jean-Paul II. Par le mystère de l’Incarnation, les hommes contemplent le visage humain de Dieu. Par le mystère de la Résurrection, les croyants contemplent le visage divin de l’homme.

Prière :

La Vierge Marie conduit à croire en Jésus, Fils de Dieu, et pleinement homme né de sa chair de femme. Prions pour ceux qui ne croient pas en la résurrection de Jésus. Prions pour que la dignité sacrée du corps humain soit respectée et promue par les scientifiques et les politiques.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

12ème station : Apparition au bord du lac de Tibériade

De l’Évangile selon saint Jean (21, 1-14)

Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi.

Simon-Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais pêcher ». Ils lui dirent : « Nous venons nous aussi avec toi. » Ils sortirent, montèrent dans le bateau et, cette nuit-là, ils ne prirent rien. Or, le matin déjà venu, Jésus se tint sur le rivage ; pourtant les disciples ne savaient pas que c’était Jésus.

Jésus leur dit : « Les enfants, vous n’avez pas du poisson ? » Ils lui répondirent : « Non ! » Il leur dit : « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez ». Ils le jetèrent donc et ils n’avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons. Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C’est le Seigneur ! » À ces mots : « C’est le Seigneur ! » Simon-Pierre mit son vêtement – car il était nu – et il se jeta à l’eau. Les autres disciples, qui n’étaient pas loin de la terre, mais à environ deux cents coudées, vinrent avec la barque, traînant le filet de poissons. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apporte’ de ces poissons que vous venez de prendre ». Alors Simon-Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de gros poissons : cent cinquante-trois ; et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se déchira pas. Jésus leur dit : « Venez déjeuner ». Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? ». Sachant que c’était le Seigneur. Jésus vient, il prend le pain et il le leur donne ; et de même le poisson. Ce fut-là la troisième fois que Jésus se manifesta aux disciples, une fois ressuscité d’entre les morts.

Méditation :

Jésus n’est pas un éteignoir d’énergies. Ressuscité, il fait signe à ses disciples en multipliant leur pêche. Jésus rend la vie de l’homme passionnante, féconde, rayonnante. La pêche miraculeuse rappelle aux baptisés que la vie chrétienne représente un miracle permanent. Pour ceux qui mettent leur foi en Jésus, chaque jour est illuminé par des signes de la présence discrète mais agissante du Seigneur. Dieu est providence. Le hasard peut être lu comme l’action anonyme et cachée de Dieu qui soutient le monde et le recrée par la grâce pascale.

Jésus ne propose pas aux Apôtres une existence terne et stérile mais une aventure où l’Esprit Saint accomplit des merveilles qui dépassent ce que l’homme peut imaginer ou accomplir.

Prière :

Prions pour ceux qui s’interrogent sur le sens de leur vie. Prions pour les catéchumènes qui se préparent au baptême. Prions pour ceux qui reprennent contact avec l’Église après des années d’éloignement.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

13ème station : La triple confession d’amour

De l’Évangile selon saint Jean (21, 15-18)

Quand les apôtres eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Jésus lui dit : « Pais mes agneaux ». Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu » – « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t’aime ». Jésus lui dit : « Pais mes brebis ». Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu’il lui eût dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu », et il lui dit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». Jésus lui dit : « Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ».

Méditation :

L’amour au défi de la peur. Simon Pierre, le fils de Jonas, aurait-il pu vivre normalement avec ce sentiment de culpabilité après son triple reniement ? Du reniement à la faute, de la faute à la culpabilité, de la culpabilité au remord. Dans son reniement, Pierre se pose beaucoup de questions sur lui-même. Pourquoi ai-je fait cela ? Comment est-il possible ? Qui suis-je ? Que m’arrive-t-il ? En réalité, aux yeux du Seigneur, ce qu’il a fait ne représente qu’un moment de lui-même. La dignité de Pierre dépasse sa faute. Quand son cœur le condamne, Jésus se manifeste plus grand que son cœur.

Nous ressemblons à Pierre et peut-être en cet instant même. Peut-être, nous posons-nous les mêmes questions personnelles que Pierre sur le sens de notre existence et le ressort de nos actions, parfois folles, absurdes et délétères.

Au contact de Jésus, dans le dialogue, « un autre Pierre » a jailli : « le Pierre pardonné et aimé ». Cela peut nous arriver aussi. Comme Pierre, par le pardon de Jésus, nous pouvons devenir protagonistes d’une nouvelle vie animée par l’Esprit Saint au service de l’Église.

La triple confession de foi en réponse aux questions de Jésus a aboli le triple reniement de Pierre. Pierre est devenu la pierre sur laquelle Jésus fonde l’Église. Témoin de la miséricorde divine, Pierre ne renverra pas les païens à sa personne bien misérable mais au mystère de Jésus ressuscité.

Prière :

Seigneur, nous te confions tous « les Pierre » qui sommeillent en chacun de nous.
Nous te consacrons nos âmes et nos corps, dans le désir de renaître à ta vie nouvelle.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

 

14ème station : L’envoi en mission

De l’Évangile selon saint Matthieu (28, 16-20)

Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. Et quand ils le virent, ils se prosternèrent ; d’aucuns cependant doutèrent. S’avançant, Jésus leur dit ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde ».

Méditation :

Jésus envoie maintenant les disciples dans le monde entier leur partageant le pouvoir qui est le sien. Ainsi l’œuvre du Salut se poursuivra-t-elle partout et toujours par la prédication et le sacrement du baptême.

Cet envoi en mission a lieu en Galilée, là où Jésus a grandi. C’est dans la Galilée des nations, carrefour de peuples païens au cours de l’histoire d’Israël, que Jésus apparaît aussi à ses disciples pour illuminer les cœurs et ces lieux géographiques de sa lumière de Ressuscité. Le quotidien du travail deviendra fête par la présence permanente de Jésus ressuscité qui n’abandonne pas ses fidèles. Il leur donne son Esprit Saint afin que la Vie de Dieu le Père rayonne dans les âmes de tous ceux qui deviendront des disciples de Jésus, grâce au témoignage et à la catéchèse des chrétiens.

L’enseignement des disciples comprendra aussi un art de vivre nouveau en accord avec la mort et la résurrection de Jésus. Il s’agira de mourir à l’ego et au repli sur soi pour donner sa vie à Dieu et au service des hommes. Voilà la morale chrétienne : l’art de vivre heureux dans la relation avec Dieu, avec les autres et avec soi-même. Le Dieu révélé par Jésus n’est pas solitaire et lointain mais relation et proximité. C’est pourquoi, les chrétiens ne disent pas que tout est fini lors des épreuves comme la maladie, la prison ou l’échec sentimental ou professionnel. Là où l’incroyant voit un mur et un tombeau, le disciple de Jésus discerne un commencement, le commencement d’une nouvelle relation avec Dieu, avec le prochain et avec soi-même.

Bonne nouvelle que ce passage de la mort à la vie, de l’échec à la vie nouvelle en Jésus le Ressuscité !

Le père Lataste a été témoin de cette œuvre de résurrection spirituelle dans la prison de Cadillac, près de Bordeaux, où les femmes détenues sont devenues des créatures nouvelles, adorant Dieu à l’exemple des disciples qui s’étaient prosternés devant Jésus ressuscité en Galilée.

Ces femmes recréées par la foi en Jésus ressembleront aussi à sainte Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres, qui annonça la Résurrection aux apôtres sceptiques. Elles seront les apôtres de la miséricorde du Ressuscité.

Prière :

Seigneur Jésus, ressuscité pour notre salut, nous te rendons grâce pour tant de grâces reçues. Sans toi, nous ne pouvons rien faire. Viens à notre secours, afin que nous soyons témoins de ta miséricorde.

Chant sur la Résurrection : refrain-couplet-refrain
Notre Père. Ave Maria ou Regina Coeli ou Magnificat

Bénédiction finale

 

CANTIQUE DE MARIE
(Lc 1,46-55)

46 Mon âme exalte le Seigneur
47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
48 Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
50 Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
51 Déployant la force de son bras
il disperse les superbes.
52 Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
53 Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
54 Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour,
55 de la promesse faites à nos pères,
En faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.

 

SALVE REGINA

Salve Regina, Mater misericordiae !
Vita dulcedo et spes nostra, salve !
Ad te clamamus, exsules filii Evae.
Ad te suspiramus, gementes et flentes
in hac lacrimarum valle.
Eia ergo, advocata nostra,
illos tuos misericordes oculos
ad nos converte ;
et, Jesum, benedictum fructum ventris
tui, nobis post hoc exilium ostende.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria !

Salut, ô Reine, Mère de miséricorde :
notre vie, notre douceur
et notre espérance, salut !
Enfants d’Ève, exilés, nous crions vers vous.
Vers vous nous soupirons,
gémissant et pleurant
dans cette vallée de larmes
Ô vous, notre avocate, tournez vers nous vos regards miséricordieux.
Et après cet exil, montrez-nous Jésus,
le fruit béni de vos entrailles.
Ô clémente, ô miséricordieuse, ô douce Vierge Marie.

 

REGINA CAELI

Regina caeli laetare, alleluia :
Quia quem meruisti portare alleluia :
Resurrexit, sicut dixit, alleluia :
Ora pro nobis Deum, alleluia.

  1. Gaude et laetare, Virgo Maria, alleluia.
  2. Quia surrexit Dominus vere, alleluia.

Reine du ciel, réjouis-toi, alléluia,
car celui que tu as porté, alléluia,
est ressuscité comme il l’avait dit, alléluia,
Prie Dieu pour nous, alléluia.

  1. Soyez dans la joie et l’allégresse, Vierge Marie, alléluia.
  2. Parce que le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia.

 

Écho de notre page Facebook : novembre 2021

 

30 novembre 2021
1ère semaine de l’Avent

 

« Venez, Seigneur Jésus !
Nous attendons votre avènement dans nos âmes…
L’humilité, l’esprit de sacrifice, le don de soi,
Mais aussi l’énergie indomptable d’âmes qui se sont dévouées à vous,
Venez !
Ô Marie, Sainte Mère de Dieu, rendez-nous dignes de le recevoir.
Venez, Seigneur Jésus ! »

(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel.)

 

 

26 novembre 2021
Le temps de la ruine du Temple et celui de l’avènement du Fils de l’homme

« De même, vous aussi, quand vous verrez ces choses-ci arriver, sachez que le règne de Dieu est proche. En vérité, je vous dis que cette génération ne passera pas avant que tout ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. » (Luc 21, 31-33)

Au temps où saint Luc écrivait on ne le croyait pas. […] Il indique seulement que les premiers indices du fléau seront le présage de la délivrance pour les chrétiens. La menace qui courbe la tête des Juifs est pour les fidèles un espoir : « Redressez-vous, et relevez vos têtes, car votre délivrance approche ». Les douleurs font place à la joie ; l’Église est vraiment née sur les débris de la synagogue. (extrait d’un commentaire de Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 525)

24 novembre 2021

Saint André Dung-Lac

Saint André Dung-Lac et ses compagnons, Vietnam, (1745-1862)

 

C’est parce qu’ils ont aimé Dieu qu’ils ont sacrifié leur vie… ils sont morts pour la cause de la vérité, pour les droits de la conscience, et par charité aussi pour leurs frères exposés dont ils ont sauvé la foi. (Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014.)

 

 

 

 

23 novembre 2021
Évangile selon saint Luc 21, 6-7.
Discours sur la ruine du Temple

Saint Luc qui a compris les présages du temps a mis en termes plus clairs ce qui demeurait obscur chez ses devanciers (Matthieu et Marc). C’est donc chez eux surtout qu’il faut chercher la tradition la plus ancienne du discours, de préférence dans la juxtaposition d’un double thème qu’on pourrait disposer sur deux colonnes parallèles (voir RB (1906) ou sur le site L’avènement du Fils de l’homme). Dans la première, thème de la ruine du Temple, Jésus parle successivement du temps de détresse, de la façon dont devront se comporter les disciples, et (dans la deuxième, le thème) de la catastrophe. Les mêmes points sont repris dans l’instruction sur l’avènement. Et c’est seulement alors que l’opposition est marquée entre les deux thèmes quant au temps. (Voir le commentaire complet du P. Lagrange dans son livre : L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, éd. Artège, 2017, pp. 512-516.)

 

21 novembre 2021
Le Christ, Roi de l’Univers

Jésus répondit : « La royauté qui est la mienne, n’est pas originaire de ce monde. » (Jean 18, 36.)

Étonné et embarrassé de cette distinction, peu familier avec les notions spirituelles, Pilate s’en tient à son point de vue : « Alors tu es roi tout de même ». Jésus l’accorde, au sens qu’il a indiqué : « Tu l’as dit, je suis roi tout de même » ; et pour préciser sa pensée, il est venu dans monde pour rendre témoignage à la vérité : il entend régner d’abord sur les esprits, et ceux qui cherchent la vérité l’écoutent. (Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 593.)

 

17 novembre 2021
École Biblique et Archéologique Française
130 ANS DE L’ÉCOLE BIBLIQUE SOUS LE PATRONAGE DE SAINT ALBERT LE GRAND

« Cela fait exactement cent trente ans ce-jour-ci, jour de la fête d’Albert le Grand, que l’École biblique a ouvert ses portes pour la première fois. » annonçait, ce lundi 15 novembre, le fr. Anthony Giambrone, o.p. au début de son homélie.

En 1891, lors de l’ouverture de l’École, Albert n’était pas encore canonisé. Le choisir comme patron de l’École, non Saint Étienne, Saint Thomas, ou bien Saint Jérôme, n’était donc pas une évidence.

Pourquoi Albert le Grand comme patron de l’École biblique ? La réponse dans l’article de la semaine :

Version française : https://www.ebaf.edu/…/130-ans-de-lecole-biblique-sous…/

English version : https://www.ebaf.edu/…/130-years-of-the-ecole-biblique…/

17 novembre 2021
« Fr. Marc Leroy, o.p., Directeur de la Revue biblique, présente sa dernière livraison de la rentrée académique 2021-2022 : La revue aime aussi s’inscrire dans la tradition de l’École biblique de Jérusalem. Dans ce même numéro, le frère Michel Gourgues, o.p. (Collège universitaire dominicain d’Ottawa), ancien étudiant et professeur invité de l’École biblique, a voulu marquer le centième anniversaire du commentaire de l’évangile selon saint Luc du P. Lagrange, publié en 1921 ». (Nouvelles de Jérusalem, n° 102, Octobre 2021, p.25.)

(Pour consulter cet article dans le numéro de la Revue biblique : https://poj.peeters-leuven.be/content.php?url=article&id=3289518&journal_code=RBI.

En 2021, ce commentaire est toujours actuel et très riche d’enseignement.
Dans l’Avant-Propos de son important ouvrage, le P. Lagrange confie « Nous avons, hélas ! conscience d’offrir au lecteur un commentaire beaucoup plus littéraire que théologique. Sans oublier jamais le caractère sacré d’un livre dont Dieu est l’auteur, nous avons poursuivi, aussi avant que nous avons pu, l’étude du style, et l’humble sens grammatical des phrases et même des mots, essayant de comprendre tout le travail humain auquel saint Luc s’est livré. Rien ne nous serait plus flatteur et plus agréable que de voir un théologien accorder quelque crédit à cette étude, et s’en servir pour pénétrer plus avant dans l’intelligence de la Parole de Dieu. Non omnia possumus omnes ».En voici un extrait. Le P. Lagrange dans l’Évangile de ce jour (Luc 19, 11-28) écrit pour le verset 27 : « Les adversaires déclarés sont traités durement. En monarque oriental, le Roi procède à l’exécution séance tenante.

Luc n’ajouta pas un mot qui puisse orienter la parabole vers une application : elle l’est dès le début (v. 11), mais elle est conçue strictement comme un thème parabolique, sans aucun mélange des traits réels avec les figures. Ce sont deux situations qui sont comparées, et si l’on comprend aussitôt que le Roi figure le Christ, ce n’est pas cependant qu’il le représente directement. Les circonstances permettaient d’envisager la parabole comme une histoire qui avait en elle-même sa vraisemblance. Les adversaires ressemblent aux Juifs, les serviteurs aux disciples. La solution générale est claire : le règne de Dieu n’est pas imminent. Plutôt que de songer à s’y installer, il faut plutôt mettre à profit le temps pour y être admis plus tard, pour y régner avec le Christ. La grande place faite au paresseux est bien dans l’esprit de la parabole telle que l’expose Luc : ce paresseux est le type de ceux qui attendent bouche bée, au lieu de se mettre courageusement au travail pour Jésus ; l’esprit de crainte et de défiance n’est pas celui des disciples. Il résulte aussi de tout cela qu’on ne participera au règne de Dieu qu’après un jugement sur les œuvres ».

15 novembre 2021
Saint Albert le Grand (1200-1280), dominicain, théologien.
Patron de baptême d’Albert Lagrange

Albert Lagrange, séminariste (Souvenirs personnels:

Je pris la soutane le 21 novembre (1878), jour où les sulpiciens se consacrent chaque année à Marie. J’admirai leur simplicité, leur détachement des honneurs, même des influences, leur existence cachée et laborieuse, féconde puisqu’ils sont les apôtres des apôtres. Un moment, cette vie me parut si utile à l’Église, si sûre parce que si dépourvue d’éclat extérieur, que je proposais à mon bon directeur, M. Lafuge, de passer la petite porte qui conduisait à la Solitude, le noviciat des sulpiciens. Il m’en détourna parce qu’il jugeait que ma vocation à l’ordre des Frères prêcheurs venait de Dieu. Et, en effet, chaque fête dominicaine augmentait mon attrait : le doute ne m’était plus possible. En attendant, on me poussait à lire beaucoup l’Écriture sainte, et surtout l’Évangile. […] L’époque des ordinations arriva. Je fus tonsuré le 6 juin (1879) et mon nom inscrit dans un cœur d’or offert par les ordinands à Notre-Dame de Lorette. À ce moment, je pris ma résolution définitive.

 

12 novembre 2021
« Le jour où le Fils de l’homme doit être révélé. » (Luc 17, 30)

Quels en seraient les signes précurseurs ?

Jésus résolut de couper court à ces rêves qui auraient paralysé leur action dans une attente stérile. Entre les profanes qui ne songent qu’à leurs intérêts du temps ou à leurs plaisirs, et les illuminés qui se bornent à épier les signes du salut, ses disciples sont ceux qui vivent pour les espérances éternelles, mais, sachant que le Fils de l’homme ne viendra qu’à son heure, et sans prévenir, ils doivent agir en se tenant prêts pour le moment où ils seront invités à le rejoindre.

C’est le thème d’une instruction sur la venue du Fils de l’homme au dernier jour, qui ne se trouve avec ce caractère distinct que dans saint Luc.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 423.)

10 novembre 2021-Jour-anniversaire
Le 10 mars 1938, le serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange des Frères Prêcheurs, fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, s’éteignait au couvent des Dominicains à Saint-Maximin (Var), entouré de ses frères chantant le Salve Regina. Tous les 10 de chaque mois, nous faisons mémoire de ce grand serviteur de Dieu au cours d’une messe célébrée par Fr. Manuel Rivero o.p. Président de l’Association des Amis du père Lagrange. Confions à l’intercession du P. Lagrange la grâce dont nous avons besoin. Il ne manque plus qu’un miracle pour que la cause du P. Lagrange avance.

Avec toute la famille dominicaine, nous souhaitons que notre prière soit entendue !

https://www.mj-lagrange.org

9 novembre 2021
Vierge Marie Reine de la Sagesse

« Daignez donc, ô Mère de la Sagesse, instruire vos enfants : votre conversation n’a pas d’amertume, votre discipline est douce, vos leçons forment l’esprit et le cœur. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel.)

« Personne ne peut mettre en doute la grande part de la Mère de Dieu dans les services rendus par les vénérables Pères et Docteurs de l’Église, qui ont travaillé avec un zèle si remarquable à la défense et à la manifestation de la vérité catholique. C’est à Celle, en effet, qui est le Siège de la divine sagesse qu’ils rapportent avec reconnaissance la féconde inspiration de leurs écrits, et c’est par Elle, par conséquent, et non par eux-mêmes, que la malice des erreurs, comme ils le proclament, a été confondue. »

” Nessuno potrà mettere in dubbio quale grande parte abbia la Madre di Dio nei servigi resi dai venerabili Padri e Dottori della Chiesa, che tanto egregiamente lavorarono nel difendere e illustrare la dottrina cattolica. È infatti a lei, sede della divina sapienza, che essi attribuiscono, con riconoscenza, la feconda ispirazione dei loro scritti; è per opera della Vergine Santissima, e non per loro merito, come essi attestano, che la malizia degli errori fu debellata.”

(Leone XIII, Lettera Enciclica Adjutricem Populi-Lettre Encyclique Sur la réconciliation des Peuples séparés de l’Église, 5 septembre 1895.)

Illustration : Vierge Marie Reine de la Sagesse, chapelle de l’Oscott College, Birmingham.

5 novembre 2021
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains, verset 13 : « Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi, la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit ».

Le père Lagrange enseigne : « Croire donne la joie et la paix qui sont un gage anticipé du bonheur futur, et par conséquent une raison d’espérer, et cette espérance grandira en effet par la vertu de l’Esprit Saint. Paul demande tout cela à Dieu qui est le Dieu de l’espérance, parce qu’il en est l’auteur ». (Marie-Joseph Lagrange, Saint Paul, Épitre aux Romains, Lecoffre-Gabalda, 1922).

4 novembre 2021
La mort, néant ou expérience de Dieu ?
Fr. Manuel Rivero O.P.

Parler de la mort ne va pas sans sentiment de gêne. Que peut-on dire qui soit audible ? Même des croyants en l’au-delà craignent de sortir du « politiquement correct » qui consiste à ne pas dire grand-chose et à rester dans le flou.

Non sans une certaine angoisse, des enfants posent des questions sur la mort : où est pépé ?

Tout mortel se pose aussi la question de l’au-delà : « Que restera-t-il de moi après la mort ?

La Bible enseigne que Dieu n’a pas créé la mort. Elle est l’ennemi de l’homme que le Messie a vaincu dans la résurrection.

La foi chrétienne repose sur la mort et sur la résurrection de Jésus le Messie. Là où l’homme contemporain façonné par l’athéisme des maîtres du soupçon, Marx, Nietzsche et Freud, voit une dégringolade finale dans le néant, le chrétien voit dans la lumière de la foi une participation à la vie même de Jésus.

La mort comme connaissance.

Au sujet de la mort, saint Paul parle de manière précise. Il s’agit d’une connaissance du Christ Jésus : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. » (Épître aux Philippiens 3,10s). C’est-à-dire, la mort fait ressembler à Jésus dans l’acte du don absolu où l’homme remet le souffle vital reçu de Dieu. Le mot « conforme » exprime cette union de ressemblance à Jésus dans sa Passion et dans sa mort. L’homme est « formé » avec le Christ dans sa mort afin de lui ressembler. Connaissance par connaturalité. Jésus a pris notre nature humaine en toute chose sauf le péché.

Dans le livre de la Genèse, Dieu crée l’homme à son image et à sa ressemblance. Dans le mystère pascal, Jésus recrée l’homme à son image et ressemblance. Dans la mort, l’homme ressemble à Jésus qui meurt. Il le connaît par expérience dans l’acte suprême de la mort. En partageant la mort, le disciple de Jésus rejoint l’expérience de Jésus le Vendredi saint. Sur le sommet du Calvaire, le mystère de la Rédemption atteint son sommet dans l’acte de confiance absolue et d’amour total de Jésus envers son Père et pour le salut des hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

La mort, acte absolu de foi et d’amour.

Les paroles de la consécration à la messe mettent en lumière le sens de la mort de Jésus. Amour à mort. Amour plus fort que la mort. En Jésus, l’art d’aimer et l’art de mourir ne font qu’un. Aimer, c’est mourir à l’ego possessif et dominateur. Jésus se donne dans sa mort de manière parfaite : « Voici mon corps livré pour vous ; voici mon sang versé pour vous ». Les paroles qui rappellent la mort de Jésus renvoient aussi au mariage où les époux se donnent l’un à l’autre dans l’amour. C’est ainsi que la mort de Jésus accomplit « une alliance nouvelle et éternelle ».

À la suite de Jésus, le chrétien demande la grâce d’affronter la mort comme un acte absolu de foi et d’amour qui le rend parfait dans l’union à son Maître.

Si la mort ressemble à une chute, elle devient sommet. La Bible avertit l’homme de ne pas juger la valeur d’une existence avant la mort. Les saints en témoignent : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face).

Jésus glorifié dans notre mort

Pour saint Paul, le Christ est même exalté dans la mort de l’homme : « Le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure » (Épître aux Philippiens 1,20). Jésus trouve sa gloire dans la vie de l’homme : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » (Saint Irénée de Lyon).

Que répondre à l’enfant qui demande où sont ceux qui sont morts ? Dans l’azur ? Non ! Dans le Christ, oui ! « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Épître de saint Paul aux Romains, 6,8) ; « Si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. » (Rm 6,5).

La mort, béatitude des pauvres.

Dans la mort, le chrétien est appelé à faire sienne la première des béatitudes : « Heureux vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous » (Lc 6,20). Dans la mort, expérience de pauvreté absolue, l’homme attend la manifestation de la miséricorde divine : « Aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints a beaucoup de prix » (Ps 116,15) ; « Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ! » (Ap 14,13).

La résurrection, unification de la personne humaine dans la gloire

La mort de Jésus donne sens à notre mort : « Ainsi, ayant voulu sauver tout l’homme, le Sauveur avait pris un corps, une âme et un esprit : ces trois éléments ont été séparés au moment de la Passion et, au moment de la Résurrection, ils ont été réunis. Dans la Passion, ils ont été séparés : comment ? Le corps dans la tombe, l’âme dans les enfers, et l’esprit, il l’a remis entre les mains du Père ». (Origène, Colloque avec Héraclite, SC 57, Paris, 1960, p.68-70). Le Vendredi saint, Jésus est dans le tombeau, dans les enfers et dans les bras du Père. Sa résurrection unira sa dépouille mortelle, son âme humaine et son esprit divin dans l’union au Père qui donne la Vie, son Esprit Saint.

Nous avons tous rendez-vous avec le Vendredi saint. Jésus ressuscité donne rendez-vous à tous la nuit de Pâques : « Par sa mort, Jésus a vaincu la mort ; aux morts, il donne la vie », chantent les chrétiens dans la Veillée pascale.

Saint Augustin appelait le sacrement du baptême « salus », le « Salut », tandis qu’il désignait le sacrement de la messe comme « vita », la « Vie ».

Nous comprenons sans peine que le rituel des funérailles propose la célébration de la messe pour les fidèles. Source et sommet de la vie chrétienne, la messe unit dans l’Amour les morts au Seigneur Jésus, le Vivant, l’Église de la terre à celle du Ciel.

Au Ciel, il n’y aura pas de séparation !

Saint-Denis/La Réunion, le 30 octobre 2021.

 

 

1er novembre
Grande joie, nous fêtons tous les Saints qui sont dans la lumière de Dieu.
« Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui étaient avant vous (Mt 5, 12). »

Dans son Évangile selon saint Matthieu, le père Lagrange nous dit : Les Béatitudes sont comme le thème de tout l’enseignement de Jésus. […] Il y esquisse le bonheur du royaume des cieux et les conditions pour y parvenir, dans des phrases courtes et simples. […] [Dans le verset ci-dessus] : Le Sauveur a donc maintenu la notion du mérite des bonnes œuvres ; le royaume des cieux n’est cependant pas la récompense de services qu’on aurait rendus à Dieu, mais des humbles vertus enseignées par les béatitudes. (M.-J. Lagrange o.p., collection « Études bibliques », Lecoffre-Gabalda, 1941.)

Sur Zenit : Journées Lagrange – Angelicum – Rome 23-24 octobre 2015 par fr. Manuel Rivero o.p. : Le P. Lagrange, harmonie de la foi, de la raison et de la culture

3 novembre 2015

Journées Lagrange – Angelicum – Rome 23-24 octobre 2015 par fr. Manuel Rivero o.p.

Le Fr. Manuel Rivero O.P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange offre ici un compte rendu des « Journées Lagrange » organisées à Rome les 23 et 24 octobre 2015 par l’Institut Français (Centre Saint-Louis) et l’université pontificale Angelicum.

Site de l’Association des amis du père Lagrange : http://www.mj-lagrange.org/ (http://www.mj-lagrange.org/)
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

***

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, figure dans l’histoire comme un modèle dans l’harmonie de la foi et de la raison, de la culture et de la foi. Ces Journées ont présenté au public romain la vie et l’œuvre de ce pionnier dans l’interprétation de la Bible.

Le vendredi 23 octobre, mois très aimé par le père Lagrange, fervent de la prière du Rosaire, le recteur de l’Angelicum, le frère Miroslav Adam, a présenté le programme des Journées devant un auditoire composé de laïcs chercheurs de l’intelligence de la foi, de prêtres, de religieux et de religieuses sans oublier des représentants de la culture et de la diplomatie française, belge et suisse.

Le frère Manuel Rivero, vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange, a souligné les grandes étapes du parcours intellectuel et spirituel du père Lagrange, « le mystique de la Bible ».

Le père Olivier Artus, professeur à l’Institut catholique de Paris et membre de la Commission biblique pontificale, a mis en valeur l’apport du père Lagrange à l’histoire de l’exégèse : son dialogue critique avec Loisy, la méthode historico-critique…

Le frère Juric Stipe, doyen de la Faculté de théologie de l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, a montré l’influence du père Lagrange sur l’enseignement de l’exégèse à l’Angelicum en lien avec la théologie thomiste.

Le vendredi soir, l’ambassade de France près le Saint-Siège a rassemblé les différents intervenants et personnalités présentes aux Journées autour d’un dîner à la villa Bonaparte de Rome : manifestation des relations heureuses de la culture française et de la foi chrétienne.

 

Le père Lagrange, harmonie de la foi, de la raison et de la culture

« Les Journées Lagrange » à Rome, les 23 et 24 octobre 2015, par fr. Manuel Rivero o.p.

Le samedi 24 octobre, c’est au Centre Saint-Louis de l’ambassade de France que le père Paolo Garuti, dominicain et exégète, a mis en valeur l’enseignement critique du père Lagrange sur « la vie de Jésus » de plusieurs auteurs : Renan, Loisy, Mauriac…

Le professeur Thomas Romer, du Collège de France, a fait son intervention sur son livre L’invention de Dieu : parcours de la naissance de l’idée et des noms de Dieu en Orient et dans la Bible.

Les Journées ont trouvé leur sommet dans la célébration eucharistique en l’église Saint-Louis-des-Français, célèbre pour son tableau du Caravage sur la vocation de saint Matthieu. Monseigneur Jean-Louis Bruguès, bibliothécaire et archiviste du Vatican, a relié la figure du père Lagrange à l’aventure de la foi et de la présence de Dieu célébrée dans la messe.

Un grand merci au frère Serge-Thomas Bonino, doyen de la Faculté de philosophie de l’Angelicum et secrétaire de la Commission théologique internationale, pour l’organisation de ces Journées qui se sont déroulées dans un climat de rigueur intellectuelle et d’esprit cordial.

L’Angelicum et le Centre Saint-Louis ont réussi de leur côté la mise en place d’une logistique sans faille. La traduction simultanée a permis aux participants qui ne maîtrisaient pas la langue française de suivre aisément les exposés magistraux et les débats.

Le ciel, bleu et lumineux, a fait resplendir le temps et les lieux pour la joie de tous et particulièrement de ceux qui avaient traversé les océans pour rejoindre la Ville éternelle.

Paru sur Zenit : La cause de béatification du P. Lagrange o.p. Intervention de fr. Manuel Rivero o.p. relatée par Annie Bourdin

La cause de béatification du P. Lagrange, O.P.

Et les « Journées Lagrange » de Rome

Rome,  3 novembre 2015 – ZENIT

Le saint pape Jean-Paul II fut de ceux qui saluèrent l’œuvre biblique du P. Lagrange, dont il disait notamment : « L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs. »

Le Fr. Manuel Rivero O. P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, a fait le point sur l’avancée de la cause lors des « Journées Lagrange » organisées conjointement à Rome par l’Institut français et l’Angelicum, les 23-24 octobre.

« Que manque-t-il pour obtenir la béatification ? Un miracle évidemment », explique notamment le Fr. Rivero.

Voici l’intervention du Fr. Rivero, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

A.B.

La cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange

En commençant cette présentation de la cause de béatification du père Lagrange, je tiens à remercier Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, pour sa proposition de ces Journées à Rome dans le but de faire connaître le fondateur et le maître de l’École biblique de Jérusalem dans les milieux intellectuels et académiques romains. En effet, des congrès et des colloques ont eu lieu à Jérusalem et en France, tandis que cette figure pionnière de l’exégèse est restée dans l’ombre dans les universités de la Ville éternelle. Il s’agit ici de montrer l’apport du père Lagrange à l’intelligence de la foi, la sainteté de sa vie et l’intérêt de le mettre sur les autels comme modèle de foi chrétienne dans l’harmonie de la foi et de la raison.

Brève biographie 

Qui est le père Lagrange ? Albert Lagrange est né à Bourg-en-Bresse le 7 mars 1855 en la fête de saint Thomas d’Aquin. Le Docteur Angélique restera sa référence théologique tout au long de son parcours d’exégète. Sa mère, Marie-Élisabeth Falsan, marquera spirituellement l’évolution de son fils par son sens de la miséricorde envers les pauvres et par sa ferveur mariale. D’origine lyonnaise, elle a transmis à Albert la dévotion à la Vierge Immaculée, qui deviendra la patronne de l’École biblique. Son père, Claude-Pierre Lagrange, notaire à Bourg-en-Bresse, donnera à Albert le sens du travail consciencieux et de la droiture ainsi que l’amour de la patrie française. Son parrain de baptême, Albert Falsan, oncle maternel et géologue, éveillera chez Albert l’intérêt pour les couches géologiques. Plus tard, il s’intéressera aux couches rédactionnelles. Élève au petit séminaire d’Autun, étudiant en droit à Paris, Albert Lagrange reçoit l’habit de saint Dominique au couvent royal de Saint-Maximin (Var) le 6 octobre 1879 des mains du prieur provincial, le frère Hyacinthe-Marie Cormier, qui assumera par la suite la charge de Maître de l’Ordre et qui sera béatifié par le saint pape Jean-Paul II en 1994. Ses reliques continuent d’apporter des grâces en cette université pontificale « Angelicum ». Ordonné prêtre à Zamora (Espagne) le 22 décembre 1883 pendant l’exil de la Province de Toulouse, le père Lagrange, en religion frère Marie-Joseph, fonde l’École biblique le 15 novembre 1890, en la fête de son saint patron de baptême. Un mot clé apparaît déjà dans son discours inaugural : « progrès dans la vérité ». Pour le père Lagrange, Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité. Toute sa vie sera consacrée à l’étude et à l’enseignement de la Parole de Dieu. Malade à la fin de sa vie, il aimait citer Dante en italien pour évoquer son retour « au bercail où il avait été agneau », c’est-à-dire au couvent de Saint-Maximin, d’où il partira vers le Père le 10 mars 1938.

Un goût passionné pour la Parole de Dieu 

Alors que le modernisme menace de réduire la Bible à un texte simplement humain, à étudier comme les autres ouvrages de la littérature mondiale, sans aucune dimension surnaturelle, le père Lagrange manifeste dès le premier numéro de la Revue biblique en janvier 1892 sa vision de la révélation : « L’Écriture sainte, comme substance divine, comme manne de l’intelligence, dans son dogme et dans sa morale, dans ses conseils pratiqués par les religieux, et par conséquent connus dans leur saveur intime, est vraiment pour l’Église catholique, après l’Eucharistie, le Verbe de Dieu qui nourrit »[1]. Comment ne pas penser aux enseignements de l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini sur la sacramentalité de la Parole de Dieu[2] ?

Le but de tous ses travaux sera de montrer comment la Bible a le Saint-Esprit pour auteur tout en passant par la médiation des langues et cultures du peuple d’Israël. Aussi s’investit-il dans la connaissance des langues anciennes (hébreu, grec, araméen, latin, arabe, égyptien…) et modernes (allemand, anglais, italien, espagnol). École pratique d’études bibliques, l’École biblique de Jérusalem conjoint les recherches sur les documents et les monuments.

Dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile, le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear »[3], c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires. Dans son souci permanent du salut des âmes, le père Lagrange a enseigné en tirant du trésor de la Parole de Dieu du neuf et de l’ancien[4]. Aussi s’est-il heurté à des incompréhensions, voire des suspicions et des interdictions. Ayant commencé par le commentaire de l’Ancien Testament, il a vu son article sur le déluge[5] typographié et tout prêt pour sa publication dans la Revue biblique arrêté et condamné à l’attente dans un carton[6]. Ses réflexions sur l’universalité du déluge et sur la conception de l’histoire chez les Hébreux ont dû faire peur à certains. Le père Lagrange y apporte sa traduction à partir de l’hébreu et son commentaire riche en connaissance des religions et des civilisations orientales, pour aboutir au terme d’une étude technique du texte à des enseignements pour la vie spirituelle où « la miséricorde succède au temps de la justice » : « Enfin les Pères, prenant à la lettre l’universalité du déluge, ont fait de l’Arche le symbole de l’Église, et les théologiens aiment à y voir le type de la Conception Immaculée de Marie. Toutes ces vérités demeurent ; quoi qu’il en soit de nos conclusions en matière de critique littéraire ou d’histoire, elles demeurent comme l’objet des méditations de tous les chrétiens, à commencer par les exégètes. »

L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction

Il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait par ce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai »[7]. C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence »[8].

Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.

Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyé à Pie X le 10 juin 1911[9], ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.

C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem sans explication particulière après dix mois passés en France.

Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.

Ses idées développées dans La Méthode historique (1903), dans ses livres et articles passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires, notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu  en 1943 et dans Dei Verbum  (1965) du concile Vatican II.

Témoignages en faveur de l’œuvre du père Lagrange

Parmi les très nombreux soutiens aux intuitions et aux publications du père Lagrange, méritent d’être cités plusieurs papes[10]. Léon XIII (+ 20 juillet 1903) brille dans l’histoire de l’Église comme promoteur des études bibliques. Il avait pensé faire de la Revue bibliquel’organe officiel de la Commission biblique qu’il avait fondée. C’est lui aussi qui approuva la fondation de l’École biblique de Jérusalem. Pie XI (+ 1939) sera un fidèle abonné de la Revue biblique.

Le bienheureux pape Paul VI lui a rendu hommage lors de son discours aux membres de la Commission biblique pontificale le 14 mars 1974 : « Pour vous défendre des fausses pistes dans lesquelles l’exégèse risque de se fourvoyer, Nous allons emprunter les paroles d’un grand maître de l’exégèse, d’un homme dans lequel ont brillé de façon exceptionnelle la sagacité critique, la foi et l’attachement à l’Église : Nous voulons dire le père Lagrange »[11].

Le saint pape Jean-Paul II a fait ressortir son discernement dans des moments difficiles et sa critique saine : « Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu’il fallait rejeter des conclusions historiques, sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs »[12].

Les maîtres de l’Ordre des prêcheurs ont aussi soutenu le père Lagrange dans sa mission[13]. Lors de l’« exode » du père Lagrange vers Dieu le Père le 10 mars 1938, le frère Martin-Stanislas Gillet, maître de l’Ordre, envoya une forte et émouvante lettre à tout l’Ordre pour mettre en lumière la trajectoire intellectuelle et spirituelle du fondateur de l’École biblique : « Tout le monde sait qu’il fut un exégète incomparable, un savant d’une rare culture, un esprit très fin, un travailleur acharné, mais la plupart ignorent qu’il fut en même temps et resta toute sa vie un saint religieux »[14].

Plus récemment, le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, ancien recteur de l’Institut biblique de Rome, archevêque émérite de Milan, a manifesté sa reconnaissance envers le père Lagrange dont « la prière était feu » : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures »[15].

Une multitude de témoignages furent rédigés en hommage au père Lagrange. Ses élèves l’aimaient. Parmi eux figurent le cardinal Eugène Tisserant et Jean Guitton.

Le rayonnement spirituel du père Lagrange

Outre son influence sur l’exégèse, le père Lagrange a impressionné son entourage par son exemple au quotidien : vie de prière intense, combat spirituel, travail acharné, magnanimité dans les conflits, humilité… Ses disciples l’ont vénéré aussi comme un maître spirituel : le frère Louis-Hugues Vincent, O.P., le cardinal Eugène Tisserant[16], le philosophe et académicien Jean Guitton…

Parmi les témoignages d’admiration porteurs de symboles bibliques, je voudrais citer ici celui d’un frère dominicain espagnol, ancien élève du père Lagrange, le frère Vicente Berecibar : « Voici la silhouette du Maître vénéré, qui le 10 mars 1938 monta au Ciel, nous laissant comme un nouvel Élie, le riche héritage du merveilleux manteau de ses œuvres et de son esprit »[17] ; ainsi que le témoignage du poète Paul Claudel, qui malgré son approche si éloignée de l’exégèse littérale, comparait le père Lagrange à Néhémie restaurant les murs de Jérusalem au retour de l’exil, avec le concours du grand prêtre Elyashiv[18].

La sainteté du père Lagrange apparaît dans sa fidélité au travail. Par son travail, il a sanctifié l’exégèse ; il s’est sanctifié dans l’exégèse et il a sanctifié les autres par l’exégèse. C’est ainsi qu’il a incarné dans son existence la prière du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». Le Nom de Dieu a été sanctifié en lui et par lui à travers le labeur jour après jour de l’interprétation de la révélation biblique.

Son attachement à l’Immaculée Conception et à la prière du Rosaire ont touché le cœur de ses contemporains. Il vivait en présence de la Vierge Marie. Très souvent il commençait la rédaction de chaque feuille de travail en inscrivant en haut de la page, dans le milieu : « Ave Maria ». Au couvent Saint-Étienne de Jérusalem, le père Lagrange priait chaque après-midi le rosaire à genoux dans le silence de la basilique, ce qui édifiait ses confrères.

Sa vie spirituelle transparaît nos seulement dans ses Souvenirs personnels rédigés en 1926 et dans ses Journaux spirituels mais aussi dans ses commentaires exégétiques au service de la vérité de la foi chrétienne, sans oublier son ouvrage de vulgarisation qui a illuminé le chemin de foi de beaucoup de prêtres et de laïcs L’Évangile de Jésus-Christ et qu’il serait bon de rééditer avec la synopse des pères Lagrange et Lavergne[19]. La Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium enseigne que « la vraie dévotion procède de la vraie foi »[20].

Récemment, le journal italien L’Avvenire [21] l’appelait « le mystique de la Bible » à l’occasion de la présentation de son Journal spirituel inédit[22]. L’exégèse, la théologie, la prédication, la morale et la mystique trouvaient en cet homme complet unité et harmonie.

Étudiant en théologie au couvent de Salamanque, le père Lagrange aimait se rendre en pèlerinage à Alba de Tormes pour vénérer les reliques de la grande mystique espagnole, sainte Thérèse d’Avila. C’est à ses enseignements qu’il devait sa formation à l’oraison et son initiation aux voies de la contemplation.

Nous venons de célébrer à Rome le 18 octobre 2015 la canonisation des parents de la petite Thérèse Martin. Dans son journal spirituel, le père Lagrange s’émerveille de la simplicité de Thérèse et il lui confie des intentions de prière[23] : « Lu la vie de Ste Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets… on se sent si loin de S. Augustin ou de Ste Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est : ama et fac quod vis (‟aime et fais ce que tu veux”, saint Augustin). Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de choses qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… »[24]. Le père Lagrange, si sobre et scientifique dans ses propos, est entré par connaturalité dans l’âme mystique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

De nombreux témoignages venus des cinq continents arrivent à l’Association des amis du père Lagrange[25] dont le siège est au couvent de Nice. Des personnes appartenant à des milieux sociaux différents rendent grâce au Seigneur pour des grâces reçues dans leur vie spirituelle, familiale, professionnelle, ecclésiale. Nous aurions tort d’imaginer que les grâces attirées par le père Lagrange ne concernent que l’approche de la Bible ou l’adhésion au Christ, ce qui est déjà capital. Son témoignage de droiture et de fidélité éclaire aujourd’hui la conscience des employés devant de possibles injustices dans leur entreprise ou le choix à faire par des conjoints en crise. Il arrive que des malades témoignent des améliorations sans que cela ait pu devenir des cas de miracles reconnus par la science.

Où en est sa cause de béatification ?

L’intérêt pour sa cause de béatification a été exprimé par le chapitre général d’Avila en 1986. Le procès du diocèse de Fréjus-Toulon a été clôturé le 18 novembre 1992 et la Congrégation pour la cause des saints l’a validé en date du 3 décembre 1993. La Positio du père Lagrange a bénéficié des recherches du père Bernard Montagnes pour la biographie critique ; du père Maurice Gilbert, jésuite, pour le rapport théologique sur tous ses textes bibliques et théologiques et de Mgr Joseph Doré pour le rapport théologique sur ses vertus.

Que manque-t-il pour obtenir la béatification ? Un miracle évidemment. Il reste aussi un travail à accomplir pour actualiser et compléter la Positio sur le père Lagrange de manière qu’elle puisse passer après approbation à la Congrégation pour la cause des saints où sa vie et son œuvre seront examinées par des théologiens et des historiens.

Appelé « le nouveau saint Jérôme », des exégètes et des théologiens voient dans le père Lagrange non seulement un bienheureux et un saint mais aussi un docteur de l’Église.

 

Saint-Denis de La Réunion, le 7 octobre 2015, en la fête de Notre-Dame-du-Rosaire.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange

Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

 

[1] Revue biblique, janvier 1892, p. 8.

[2] Benoît XVI, La Parole du Seigneur, Verbum Domini, Exhortation apostolique, Paris, Bayard, Cerf, 2010. Voir le n°56 sur la sacramentalité de la Parole.

[3] Pape François, Exhortation apostolique La joie de l’Évangile, Paris, Téqui, 2013, n°24.

[4] Mt 13, 52 : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »

[5] Fr. Marie-Joseph Lagrange, Le Déluge, p. 109-138, Jérusalem, le 25 février 1899.

[6] Il est dommage que cet article soit resté sans publication car il mérite d’être porté à la connaissance des exégètes et des théologiens.

[7] Ch. Théobald dans « L’exégèse catholique au moment de la crise moderniste », in Le monde contemporain et la Bible, Éditions Beauchesne, 1985, p. 388.

[8] Jean-Michel Poffet, L’écriture de l’histoire : du P. Lagrange à Paul Ricœur, p. 5, in Cahiers de la Revue biblique 65. « La Bible : Le Livre et l’Histoire », Actes du Colloque de l’École biblique de Jérusalem et de l’Institut catholique de Toulouse (nov. 2005) pour le 150eanniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange O.P., sous la direction de J.-M. Poffet, O.P., directeur de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Gabalda, 2006.

[9] Bernard Montagnes, Lagrange dénoncé à Pie X en 1911, in Archivum fratrum praedicatorum, vol LXXVI, Istituto Storico Domenicano, Roma, 2066, p. 217-239.

[10] Bernard Montagnes, Les papes du père Lagrange, in La Revue du Rosaire, décembre 2007 (n°196) et janvier 2008 (n°197).

[11] Paul VI, Discours aux membres de la Commission biblique pontificale, le 14 mars 1974, Osservatore Romano, édition française du 22 mars 1974.

[12] Jean-Paul II, Discours aux membres de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 1992.

[13] Bernard Montagnes, Les maîtres généraux du père Lagrange, in La Revue du Rosaire, juin 2008 (n°202) et juillet-août 2008 (n°203).

[14] Lettre du Maître de l’Ordre Martin (Stanislas) Gillet O.P., New York, le 28 mars 1938. Aux T.R.PP. provinciaux, maîtres en sacrée théologie, prédicateurs généraux, prieurs, pères et frères de notre Ordre (Analecta S.O. Fratrum Praedicatorum, 46, 1938, p. 414-420). Il était demandé de la lire au réfectoire de tous les couvents.

[15] Lettre du cardinal Martini au frère Manuel Rivero en faveur de la béatification du père Lagrange, Jérusalem, 22 juillet 2007.

[16] Bernard Montagnes, « Eugène Tisserant (1884-1972) et les études bibliques ». Revue Biblique, 2010, tome 117, p. 92-119.

[17] Fr. Vicente Berecibar, El Padre Lagrange, Ciencia Tomista, Salamanca, n° 171-172, vol. 57, p. 183. Article écrit à Salamanque le 2 juillet 1938.

[18] Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth. Texte intégral de l’ouvrage de l’abbé Tardif de Moidrey, DDB, 1938, p. 23-24.

[19] Marie.-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique traduite par le père Lavergne, Paris, Libraire Lecoffre, 1954. Voir aussi Synopse des quatre évangiles d’après la synopse grecque du père M.-J. Lagrange par le père Lavergne. Paris, Éditions Lecoffre, 1942. Le père Lavergne cite souvent les écrits de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus pour illustrer l’enseignement de Jésus dans l’Évangile.

[20] Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium (1964), chapitre VIII « La bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église », n°67.

[21] L’Avvenire, 7 mars 2015, « Lagrange, il mistico della Bibbia », p. 22.

[22] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel (1879-1932), Paris, Cerf, 2012.

[23] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 427 : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin … Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… » (30 septembre 1924. Saint Jérôme).

[24] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 432. En date du 16 octobre 1925.

[25] Association des amis du père Lagrange, Couvent des Dominicains, 9 rue Saint-François-de-Paule, 06357 Nice Cedex 4.

( 3 novembre 2015) © Innovative Media Inc.

 

 

Paru sur Zenit : Les enjeux du « Dimanche de la Parole de Dieu » institué par le pape François par fr. Manuel Rivero o.p.

Les enjeux du «Dimanche de la Parole de Dieu» institué par le pape François

Pour des «cœurs brûlants»

OCTOBRE 10, 2019 13:39FR. MANUEL RIVERO O.P.

SPIRITUALITÉ, PRIÈRETHÉOLOGIE

Fr. Manuel Rivero O.P., président de l’Association des amis du père Lagrange O.P. – fondateur de l’École biblique de Jérusalem -, est curé de la cathédrale de Saint-Denis de la Réunion. Il examine les enjeux du «Dimanche de la Parole de Dieu» institué par le pape François, pour que les baptisés aient des «cœurs brûlants».

Le pape François vient d’instituer « le Dimanche de la Parole de Dieu[1] » qui aura lieu le 3e dimanche du Temps ordinaire, en 2020, ce sera le 26 janvier. Il a choisi la mémoire liturgique de saint Jérôme (350-419), traducteur et commentateur de la Bible, pour mettre en lumière la Parole de Dieu révélée aux hommes : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », enseignait-il.

Origine surnaturelle des Saintes Écritures

Jean Guitton (†1999)[2], philosophe, membre de l’Académie française, invité par le saint pape Paul VI au concile Vatican II, me disait lors d’un entretien à Paris sur le père Lagrange : « Nos contemporains ne croient pas en la dimension surnaturelle de la Bible ; c’est pourquoi il convient de mettre sur les autels le père Marie-Joseph Lagrange, le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, pour relier la foi et la science. » Disciple du père Lagrange à Jérusalem, Jean Guitton vénérait la figure de ce maître en exégèse.

Le cardinal Carlo Maria Martini (†2012), exégète et grand apôtre de la lectio divina, souhaitait aussi la béatification du père Lagrange, dont « la prière était feu », de manière à relier le renouveau de l’exégèse catholique au XIXe siècle avec la sainteté[3].

Le pape cite l’Évangile de saint Luc[1] pour montrer que les disciples ont eu besoin de Jésus pour leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des Écritures. Jésus qui avait ouvert les oreilles des sourds et les yeux des aveugles ouvre l’esprit fermé des disciples afin qu’ils reçoivent la lumière de la Révélation divine transmise par les Saintes Écritures. Il s’agit d’un miracle encore plus grand que les guérisons physiques. La présence de Jésus ressuscité ne suffit pas. Les disciples déconcertés et apeurés après le Vendredi saint ont besoin de recevoir le sens des événements par la catéchèse de Jésus qui a accompli les prophéties de l’Ancien Testament dans sa mort et dans sa résurrection : « en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem[2] ».

Jésus, exégète du Père

Jésus, l’exégète du Père, est venu expliquer le mystère de Dieu. Le Prologue de l’Évangile selon saint Jean utilise le mot grec[3] qui a donné en français « exégèse » pour manifester l’œuvre du Fils de Dieu qui par sa prédication « fait voir » et comprendre l’amour du Père que personne n’a jamais vu. Les explications de Jésus s’avèrent indispensables pour enraciner la Parole de Dieu dans les cœurs, autrement le diable parviendrait à arracher cette semence de vie divine restée à la superficie[4].

Sorti vivant du tombeau, Jésus rappelle aux disciples le sens de la croix et de la Passion. La croix devient la clé qui déverrouille les mystères fermés de l’existence humaine frappée par la souffrance, l’injustice, le mal et le malin. Le récit des disciples d’Emmaüs converge vers cette phrase de Jésus : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? [5] ». Pour entrer dans la gloire de la résurrection il n’y a qu’un seul chemin, le chemin de la croix. Saint Jean de la Croix (†1591), le grand mystique espagnol, faisait remarquer que nombreux sont ceux qui veulent arriver dans la gloire de Dieu en évitant les souffrances. Un proverbe canadien dit le même message d’une autre manière : « Tous veulent aller au paradis mais personne ne veut mourir. »

Messie crucifié

L’originalité de la foi chrétienne se trouve précisément dans la présence de Jésus au cœur des épreuves et de la mort. Folie et scandale de la croix, s’exclamait saint Paul devant des auditoires sceptiques voire révoltés à l’idée d’un Dieu qui souffrirait. Quand Jésus parle du besoin de la croix, il s’agit de la logique de l’amour. Saint Augustin prêchait : « Donnez-moi quelqu’un qui aime et il comprendra ce que je dis. » L’amour rend humble et petit. Ceux qui aiment sont prêts à souffrir et même à donner leur vie pour la personne aimée : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis[1] », enseigne Jésus. Par amour, le Très-Haut est devenu le très-bas, le tout-puissant s’est abaissé jusqu’à la faiblesse et la fragilité, Dieu grand s’est présenté comme un petit bébé à Bethléem. C’est dans l’abaissement et l’humilité que Dieu se révèle amour et qu’il nous apprend à aimer. Les grands saints ont aimé prier au pied de la croix pour y découvrir l’art d’aimer de Dieu.

Des sages humanistes proposent parfois aux chercheurs de Dieu de choisir la religion qui les rend meilleurs. À la lumière de l’Évangile de Jésus, non-violent qui aime jusqu’à la mort, le chrétien pourrait affirmer : « Choisis la religion où Dieu soit Amour et qu’Il te donne la grâce d’aimer sans domination ». Quel homme a-t-il osé dire « venez à moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes ? [2] ». Dieu ne se trouve pas dans la recherche du sentiment de puissance. Dieu est Amour tel que le décrit saint Paul : « L’amour ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal (…), il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. L’amour ne passe jamais[3] ».

Il arrive que des croyants d’autres religions que le christianisme disent aux chrétiens : « votre religion et la mienne, c’est la même chose. Il n’y a qu’un seul Dieu ». C’est vrai qu’il n’y a qu’un seul Dieu mais la manière d’aimer de Dieu n’est pas la même selon les religions. Aux antipodes de toute domination, Jésus révèle l’amour de son Père. D’après les différentes visions de Dieu il y aura diverses manières d’aimer.

La souffrance, la peur de souffrir et la mort font peur. Tout homme essaie d’y échapper. Combat naturel qui correspond à la volonté de Dieu. Dieu ne veut pas la mort des hommes. Dieu n’a pas voulu la mort. Celle-ci est entrée dans le monde par la jalousie du diable[1].

Paul Claudel (†1955), poète catholique, réagissait aux questions sur le mal en disant : « Jésus n’est pas venu expliquer le mal mais l’habiter et le vaincre ». Jésus est mort pour vaincre la mort. Son sacrifice a agi comme une arme fatale contre les pouvoirs de la mort. La puissance de l’Amour de Jésus s’est manifestée dans sa résurrection.

Présence de Jésus dans la souffrance et l’insécurité

Le contraire de la foi n’est pas à proprement parler l’athéisme mais la solitude. Chacun a peur de la solitude, de l’échec, de la prison et de la mort. La spécificité de la foi chrétienne apparaît dans la présence aimante de Jésus dans la maladie, l’injustice, l’échec et la mort. Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont témoigné de cette communion au Christ dans la persécution et la douleur. La foi chrétienne ne consiste pas à penser que Dieu existe. Par la foi, le chrétien contemple Jésus vivant et il s’unit à ses souffrances dans l’espérance de partager sa gloire. Nous comprenons alors le grand nombre de témoignages de baptisés, qui nous partagent leur expérience heureuse de communion avec Dieu dans des circonstances où tout ferait penser au vide et à l’absurde. Des malades témoignent des grâces reçues dans la maladie. Des personnes détenues injustement témoignent des grâces vécues dans le froid des cellules de prison. Le père Pedro Arrupe (†1991), ancien Général de la Compagnie de Jésus, se souvenait des journées passées injustement dans une prison japonaise, cœur à cœur avec Jésus, en le contemplant dans sa Passion, à Gethsémani, dans sa garde à vue dans la maison du grand-prêtre, flagellé, abandonné, insulté, couronné d’épines, crucifié. Le père Arrupe considérait ces jours de tristesse humaine comme de grands moments de sa vie mystique : « Il n’y avait rien dans ma cellule de prison ; j’étais seul avec le Christ[2] ». Là où le mal avait abondé, la grâce avait surabondé.

La Parole de Dieu engendre la foi. Le chrétien découvre alors son identité de fils de Dieu et de frère de Jésus. La Parole de Dieu révèle le mystère de la Trinité et elle révèle aussi l’homme à lui-même : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire qu’à la lumière de Jésus » (Concile Vatican II. Gaudium et spes n° 22). Le christianisme ne fait pas partie des religions du livre même s’il vénère les Saintes Écritures. Le Verbe fait chair est vivant. Le texte des bibles devient vivant par l’Esprit de Jésus ressuscité. Sans la grâce intérieure de l’Esprit Saint répandue dans le cœur des croyants, les enseignements des textes bibliques n’apporteraient pas la connaissance ni la vie de Dieu[1].

La Parole de Dieu établit « un dialogue constant de Dieu avec son peuple[2] ». Le mot « dialogue » comprend le mot « logos » qui dans le grec de l’Évangile selon saint Jean désigne le Verbe de Dieu : intelligence divine et Parole. Dans l’Ancien Testament, le mot hébreu « davar » qui signifie « parole » représente un événement. La Parole de Dieu ne saurait pas être réduite à un simple souffle mais elle est créatrice et marque l’histoire.

Ce n’est pas sans raison, que les chrétiens cherchent le dialogue avec les religions et les cultures. Dieu est dialogue dans l’altérité et l’unité. Le Père engendre le Fils et le Fils fait le Père. Sans Fils il n’y a pas de Père. Le Père s’entretien avec son Fils et le Fils rend grâces au Père dans la communion de l’Esprit Saint. Ce dialogue de Dieu « ad intra », dans le mystère de la sainte Trinité, se trouve à la source du dynamisme des dialogues religieux et philosophiques « ad extra » dans l’histoire de l’humanité.

Le Verbe et les mots

Seul Dieu parle bien de Dieu. Jésus, le Verbe fait chair, emprunte nos mots humains les plus justes pour manifester le mystère de Dieu. Le théologien espagnol, Cabodevilla, aimait à dire que « la Parole de Dieu s’est faite chair dans des mots[3] ». L’Incarnation du Fils de Dieu ne se réduit pas à la chair humaine de Jésus, à l’Enfant de la crèche, elle comprend la culture et la langue d’Israël. Les mots humains n’expriment pas toute la richesse des pensées et des sentiments mais ils demeurent la médiation indispensable pour la communication. Dieu est Esprit. Les mots de nos langues et les expériences humaines restent bien en-deçà de la grandeur de Dieu. Pourtant, les mots de la Bible et leur renvoi à la terre et aux travaux des hommes peuvent éveiller l’intelligence à la compréhension de Dieu. C’est ce que fait Jésus dans l’Évangile en parlant des vignes, des mariages, des bergers, des trésors … Dans les Saintes Écritures, les mots sont cent pour cent de Dieu et cent pour cent des hommes. Le pape François rappelle l’enseignement du Concile Vatican II dans la Constitution « Dei Verbum[1] » sur le principe de l’incarnation.

« Cœurs brûlants »

« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? [2] ». La Parole de Dieu fait grandir dans l’amour de Dieu. Il ne sert à rien de se plaindre de l’égoïsme des gens. La conversion passe par un long chemin où la Parole de Dieu joue un rôle fondamental. Les disciples d’Emmaüs marchaient tristes et découragés, le visage sombre. La catéchèse de Jésus, à partir de la Loi, des Prophètes et des Psaumes, a rempli leurs cœurs de la joie pascale.

Aujourd’hui, les catéchistes accomplissent aussi une mission extraordinaire source d’allégresse. J’aime à dire que catéchiste est le plus beau métier du monde. Métier, ministère, service, qui peut illuminer la route des adultes et des enfants à jamais. En tant qu’aumônier de prison, je récolte les fruits de la catéchèse. Souvent les personnes détenues ne se sont pas confessées depuis leur première communion mais les enseignements de la catéchèse gardés dans « le disque dur » de la mémoire remontent lors des événements douloureux.

L’homélie

Le pape François met en valeur l’homélie qui nourrit la foi des chrétiens, « elle possède un caractère presque sacramentel[3] ». L’homélie n’est pas une conférence ni un cours. Dans l’homélie, le prêtre actualise l’Évangile. « Aujourd’hui s’accomplit cette parole », s’était exclamé Jésus en refermant le rouleau du prophète Isaïe dans la petite synagogue de Nazareth. Dans les anciennes basiliques chrétiennes, l’existence de deux ambons, l’un pour l’Ancien Testament et l’autre pour le Nouveau Testament, mettait en évidence la différence et la relation entre eux pour les unir dans le mystère du Christ[4]. Le pape François commente l’accomplissement de l’Ancien Testament par le Christ : « L’Ancien Testament n’est jamais vieux une fois qu’on le fait entrer dans le Nouveau, car tout est transformé par l’unique Esprit qui l’inspire[1].

Le pape évoque « le caractère performatif de la Parole de Dieu[2] », c’est-à-dire qu’elle réalise ce qu’elle dit. Dans la liturgie de la Parole, l’Esprit Saint agit. D’où le symbole de la colombe dans les chaires de nos églises. L’Esprit Saint descend sur l’assemblée pendant la liturgie de la Parole de Dieu en prière pour faire grandir la foi et l’amour. Cette épiclèse fait des fidèles réunis en « un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Canon eucharistique n° III).

Victoria, ma sœur aînée, professeur des écoles pendant toute sa vie, appréciait particulièrement les homélies d’un prêtre de Bilbao qui commençait par une question et qui finissait par une question. Dieu s’adresse à l’intelligence. L’homélie cherche à éveiller l’intelligence. Dans l’Évangile, Marie se pose des questions : « comment[3] », « pourquoi ». L’homélie éclaire les interrogations de l’homme l’orientant vers des choix d’amour à faire dans la liberté. Chesterton (†1936), écrivain catholique anglais, disait avec humour : « Quand on rentre dans une église on est prié d’enlever le chapeau mais pas la tête ! ».

La sonorisation et l’articulation

Pour que l’homélie porte ses fruits, il s’avère indispensable de miser sur une bonne sonorisation. L’un des premiers investissements à prévoir dans une paroisse concerne la sonorisation. Trop souvent, les fidèles se plaignent de ne pas entendre ou de ne pas comprendre les lectures ou l’homélie à cause des défauts dans le système de sonorisation. Pour les nouvelles générations habituées à la perfection technique des media, une sonorisation défectueuse discrédite la valeur sacrée de la Parole de Dieu.

Il convient aussi de former les laïcs à l’utilisation des micros. J’aime à dire sous forme de boutade que « les micros sont comme les personnes, il faut leur parler et non pas les frapper. Si on les frappe, on les abîme ». Pourtant je continue de voir les habitués des paroisses taper sur les micros.

La lecture de la Parole de Dieu suppose aussi une préparation soignée. L’expérience prouve que les formations à la respiration, à l’articulation et à la lecture publique portent des fruits merveilleux et assez rapides. Les comédiens étudient cet art dont les églises ont bien besoin. Il serait bon d’organiser des sessions de formation avec des professionnels du théâtre, par exemple.

La Vierge Marie et la Parole de Dieu

Marie, la mère de Jésus, est louée dans l’Évangile à cause de sa foi en l’accomplissement de la Parole de Dieu en elle (cf. Lc 1, 45). Pour le pape François, cette béatitude de la foi précède les autres béatitudes sur la pauvreté, l’humilité, les artisans de paix …

Saint Ambroise de Milan (†397) partageait son expérience et celle d’une multitude de croyants quand il affirmait que dans la lecture priante de la Parole de Dieu l’homme se promène avec Dieu dans le paradis[1]. Lire les Saintes Écritures équivaut à écouter Dieu qui parle au cœur. Dialogue d’amour qui fait grandir la foi. Le bonheur de Marie a été précisément d’écouter et de prier la Loi, les Psaumes et les Prophètes. La foi ne consiste pas à penser que Dieu existe. Le diable le pense aussi. La foi jaillit de l’âme en réponse à la révélation de l’amour de Dieu dans les Saintes Écritures et dans la prédication. La grandeur de Marie se trouve dans sa foi. Le pape François de citer saint Augustin qui met en lumière Marie comme disciple de Jésus qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu.

Modèle de foi, Marie n’a pas tout compris. Saint Luc commente le recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem, quand il a expliqué à Marie et à Joseph qu’ « il devait être dans la maison de son Père » (cf. Lc 2, 49), en soulignant que ni Marie ni Joseph « ne comprirent cette parole ». La foi illumine la route des hommes mais elle comporte aussi un côté obscur qui fait penser à « la nuit de la foi » chantée par saint Jean de la Croix. Le père Marie-Joseph Lagrange a consacré son existence à la traduction et au commentaire de la Bible en reconnaissant aussi que « la Parole de Dieu pouvait être obscure ». Sans cette limite dans la connaissance de Dieu, la foi ne serait plus la foi mais la claire vision.

Saint Luc, l’évangéliste, montre Marie « qui garde fidèlement dans son cœur » (cf. Lc 2, 51) les événements et les paroles de son fils Jésus.

La prière plutôt qu’une action apparaît comme un état dans la vie de Jésus et des apôtres. À l’image de l’amour qui unit ceux qui aiment même s’ils n’y pensent pas, celui et celle qui prie vit en communion avec Dieu. Marie vivait en état de prière par sa foi. Saint Luc fait appel à deux mots importants de la vie spirituelle de Marie, mère et disciple de son Fils Jésus : « garder » et « fidèlement ».

Une mère porte son enfant dans son sein pendant neuf mois. Cette relation unit la mère et le fils d’une manière unique et définitive. Les généticiens disent que chaque enfant laisse dans le corps de sa mère quelques cellules. La mère qui a donné son corps à l’enfant garde quelque chose du corps de celui-ci en elle. Marie garde fidèlement les événements de la vie de Jésus dans son esprit. « Fidèlement » vient de « foi ». Il s’agit de la même étymologie. Toute l’existence de Marie ressemble à un pèlerinage de foi.

Le pape émérite Benoît XVI dans son Exhortation post-synodale « Verbum Domini » sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église « exhorte les chercheurs à approfondir le plus possible le rapport entre la mariologie et la théologie de la Parole[1] ». Marie, « Mère du Verbe de Dieu » et « Mère de la foi » apparaît comme un modèle d’écoute de la Parole de Dieu. À l’Annonciation, Marie écoute avec son cœur l’annonce de l’ange Gabriel. Le livre du Deutéronome présente l’écoute de la Parole de Dieu comme le premier des commandements et le fondement de l’amour de Dieu à vivre par le Peuple de Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (cf. Dt 6, 4).

Un proverbe africain dit « que la femme est fécondée par l’oreille ». Manière de relier l’écoute, l’amour et le don de la vie.

En Marie, femme juive, première chrétienne, l’Ancien Testament passe dans le Nouveau Testament pour s’accomplir en Jésus, née d’une femme (cf. Ga 4, 4) : « Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres ; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie[1] ». La Parole de Dieu devient matrice d’une nouvelle manière de penser, de prier, de parler et d’agir.

Marie et la Trinité

La Vierge Marie, temple de la sainte Trinité, rayonne de la lumière de Dieu. Fille du Père, source de la vie, Marie n’est pas une déesse mais une créature aimée et sauvée par Dieu. Mère du Verbe fait chair, Image du Père, Marie manifeste au monde l’infinie richesse de la connaissance de Dieu révélée par Jésus.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin (†1274) montre comment le Verbe s’est manifesté dans le mystère de l’Incarnation : « Rien n’est plus semblable au Fils de Dieu que le verbe que notre intelligence conçoit sans le proférer par les lèvres. Or, nul ne connaît le verbe tant qu’il demeure dans l’intelligence de l’homme si ce n’est celui qui le conçoit ; mais dès que notre langue le fait entendre, il est connu de nos auditeurs. Ainsi le Verbe de Dieu, aussi longtemps qu’il demeurait dans l’intelligence du Père, était connu seulement de son Père ; mais une fois revêtu d’une chair, comme le verbe de l’homme se revêt du son de sa voix, il s’est alors manifesté au dehors pour la première fois et s’est fait connaître. Selon cette parole de Baruch (3, 38) : « Ainsi il est apparu sur la terre et il a conversé avec les hommes. » Voici le deuxième exemple. Nous connaissons par l’ouïe le verbe proféré par la voix, et cependant nous ne voyons pas et nous ne le touchons pas ; mais si ce verbe nous l’écrivons sur un papier, alors nous pouvons le toucher et le voir. Ainsi le Verbe de Dieu s’est fait lui aussi, et visible et tangible, lorsqu’il s’inscrivit en quelque sorte dans notre chair. Et de même que le papier sur lequel est inscrite la parole du roi, nous l’appelons la parole du roi, de même l’homme auquel est uni le Verbe de Dieu dans une seule personne, nous le nommons le Fils de Dieu[2] ». Ici l’Incarnation du Verbe est comparée au papier. La Vierge Marie a été cette page blanche sur laquelle Dieu a écrit l’histoire du Salut. La page blanche évoque la disponibilité de Marie et l’absence de péché en elle. Par Marie, Dieu s’est rendu visible à nos yeux. La Vie de Dieu s’est manifestée en Jésus[3]. Qui voit Jésus voit le Père. De même qu’un récit fait voir l’histoire racontée comme si elle se déroulait devant nos yeux. Par l’Esprit Saint, la Parole de Dieu rend visible le visage du Christ dans la lumière de la foi : « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme[1] ».

Loin d’être une mère possessive, Marie conduit toujours à Jésus comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (cf. Jn 2, 5). Épouse de l’Esprit Saint, don de Dieu qui fait grandir l’Église, Marie contribue par son intercession à la croissance de la foi et du Corps du Christ, l’Église.

La maternité divine de Marie ne s’arrête pas à Noël. Elle se déploie jusqu’au Calvaire où Jésus la donne comme mère spirituelle à Jean, le disciple bien-aimé qui représente l’Église, et à la Pentecôte où l’Esprit Saint descendra sur les apôtres en prière au Cénacle et sur une multitude de croyants rassemblés à Jérusalem.

Sur le Calvaire, une épée a transpercé l’âme de Marie (cf. Lc 2, 35). Les icônes de la Mère de Dieu placent une étoile sur son front et sur ses épaules, symboles de la virginité avant, pendant et après l’accouchement. En revanche, sur le Calvaire, Marie a connu la déchirure de l’âme. La foi et la maternité spirituelle de Marie ne sont pas allés sans souffrance.

L’annonce de la Parole de Dieu pour que les âmes naissent à la vie de Dieu passe par la déchirure de l’accouchement. Sœur Inés de Jesús O.P., (†1993) moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Burgos, Espagne), a écrit que « les accouchements des âmes provoquent des déchirures » (Journal spirituel inédit, 28 août 1973). La maternité spirituelle, qui favorise la nouvelle naissance des âmes à la vie de Dieu, passe par les souffrances de l’accouchement de la nouvelle création comme l’enseigne saint Paul[2].

Glorifiée en son corps et en son âme la Vierge Marie, la Mère de Dieu, continue d’œuvrer aux côtés de son Fils pour la croissance du Christ total, la Tête, Jésus, et les membres, les baptisés et ceux qui croient en lui. Bossuet définissait l’Église comme le Christ répandu et communiqué.

Mère du Verbe fait chair en elle, Marie grandit dans sa mission de faire connaître et aimer son Fils qu’elle a accueilli et donné au monde. D’où son rôle dans l’évangélisation. De très nombreuses congrégations religieuses missionnaires ont choisi le patronage de la Vierge Marie, la Mère de la Parole de Dieu. Sur environ 400 congrégations féminines de vie apostolique 130 portent un nom marial[1]. Personne n’a aimé autant le Verbe fait chair que Marie. Nul n’a accueilli avec autant de foi et d’amour la Parole de Dieu que Marie.

Dans la vie d’un chrétien, il y a un va-et-vient entre la prière et l’approfondissement de la Parole de Dieu. Plus la Parole de Dieu est écoutée et priée et plus le fidèle a soif de chercher la richesse des sens de l’Écriture. Trésor inépuisable, source d’eau vive jamais tarie, comme le dit saint Ephrem cité par le pape François au début de cette lettre apostolique « Aperuit illis ».

Le père Marie-Joseph Lagrange (†1938), avait inauguré l’École biblique de Jérusalem avec une grande vision du sens et du futur de l’interprétation de la Parole de Dieu : « Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité ».

Le but de ce nouveau « dimanche de la Parole de Dieu » est de faire aimer davantage la révélation divine et de la mettre en pratique. En effet, la liturgie porte la Parole de Dieu à l’instar d’un écrin qui contient un bijou.

Le fondamentalisme représente un péché contre l’intelligence. La vérité évangélique ne ressemble pas à une statue en béton. La Vérité est Chemin et Vie en la personne de Jésus[2]. La Parole de Dieu ne cesse de grandir dans le cœur des chercheurs de Vérité qui l’écoutent et la lisent. La Parole de Dieu fait toutes choses nouvelles[3]. Elle éveille le désir et l’amour. C’est pourquoi la Bible s’achève avec l’Apocalypse en priant : « Maranatha ! Viens Seigneur Jésus » (Ap. 22, 20).

Saint-Denis (La Réunion. France), le 10 octobre 2019.

**********

NOTES

[1] Brigitte Waché, « Marie et les missions dans les congrégations féminines. Essai de typologie. 147. In Marie, première missionnaire. 64e session de la Société française d’études mariales. Paris, Médiaspaul, 2007.

[2] Cf. Évangile selon saint Jean 14, 6.

[3] Cf. Apocalypse 21, 5.

[1] Jean-Paul II. Ecclesia in America, n° 67.

[2] Saint Paul. Épître aux Romains 8, 28.

[1] Benoît XVI, Exhortation post-synodale « Verbum Domini », n° 27.

[2] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1969, n° 45.

[3] CF. Première épître de saint Jean 1, 2 : « La Vie s’est manifestée ».

[1] Benoît XVI, Exhortation post-synodale « Verbum Domini », n° 27.

[1] Saint Ambroise de Milan, Epistula 49,3 : PL 16, 1204. Cité dans « La Parole du Seigneur. Verbum Domini ». Exhortation apostolique post-synodale du pape Benoît XVI, Paris, 2010, n° 87.

[1] Pape François « Aperuit illis », n° 12.

[2] Pape François, « Aperuit illis », n° 2.

[3] Évangile selon saint Luc 1, 34 : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? », à l’Annonciation ; « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? » (Lc 2, 48), lors du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n° 9.

[2] Évangile selon saint Luc 24, 32.

[3] Pape François, « Aperuit illis », n°5. Citation aussi d’Evangelii Gaudium, n° 142.

[4] Commission biblique pontificale. Inspiration et vérité de l’Écriture sainte, Paris, Bayard, Fleurus-Mame. Cerf, 2014, p. 250.

[1] Cf. Enzo Bianchi, « Prier la Parole », in Précis de théologie pratique. Deuxième édition augmentée, Bruxelles, Lumen vitae, 2007, p. 379.

[2] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n° 2.

[3] J.M. Cabodevilla, Palabras son amores. Límites y horizontes del dialogo humano, Madrid, BAC, 1980, p. 251.

[1] Cf. Sagesse 2, 24.

[2] Pedro Miguel LAMET, Arrupe, una explosión en la Iglesia, Madrid, ediciones Temas de hoy, 1990. P.158.

[1] Évangile selon saint Jean 15,13.

[2] Évangile selon saint Matthieu 11,28-30.

[3] Épître de saint Paul aux Corinthiens, 13, 5-8.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n°1. Cf. Évangile selon saint Luc 24, 45.

[2] Cf. Évangile selon saint Luc 24, 48.

[3] Évangile selon saint Jean 1, 18.

[4] Cf. Évangile selon saint Matthieu 13, 19.

[5] Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24, 26.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis » du lundi 30 septembre 2019 en forme de « Motu proprio »,

[2] Voir aussi Jean Guitton, Portrait du père Lagrange. Celui qui a réconcilié la science et la foi. Paris, Éditions Robert Laffont, 1992.

[3] Il Cardinale Carlo Maria Martini, S. J.

Gerusalemme, 22 luglio 2007

Molto reverendo e caro padre Manuel Rivero o. p. ,

Le sono molto grato per la sua lettera dell’11 maggio 2007, consegnatami dal nuovo Padre Priore del convento di santo Stefano di Gerusalemme.

Mi dà grande gioia la notizia che la causa di beatificazione del padre Marie Joseph Lagrange, fondatore della Ecole Biblique di Gerusalemme, è già assai avanti. Personalmente non ho conosciuto il padre Lagrange, ma ricordo l’impressione grande che ricevetti dalla lettura del suoi primi articoli sulla Revue Biblique, lettura che feci all’inizio dei miei studi biblici. Anche in seguito ho tratto molto profitto dai suoi commenti ai vangeli, e, pur non conoscendo i particolari, ho ammirato la sua grande obbedienza nel vivere il suo carisma di esegeta in piena disponibilità a fare quanto gli veniva chiesto.

Ho sempre guardato con gratitudine a questa figura di studioso e di figlio devoto della Chiesa, e sono lieto di sapere che egli era anche un uomo fervente, un uomo la cui preghiera era fuoco.

Ritengo che il padre Lagrange sia come l’iniziatore di tutta la rinascita cattolica degli studi biblici. Il pensare che all’inizio ci sia stato un santo ci conforta nel vivere questi studi con l’attitudine di San Girolamo e degli altri esegeti santi, che hanno cercato nella scrittura il volto di Dio.

Sarò molto lieto nel sapere ulteriori notizie sullo sviluppo della causa e prego fin da ora perché essa serva a far conoscere questo uomo straordinario, questo figlio obbediente della Chiesa, questo umile servitore del Vangelo.

Suo in X.o

Carlo Maria Card. Martini

(La Revue du Rosaire, n° 193, septembre 2007)

 

Copyright 2019 – Fr Manuel Rivero O.P.

OCTOBRE 10, 2019 13:39SPIRITUALITÉ, PRIÈRETHÉOLOGIE

https://fr.zenit.org/articles/les-enjeux-du-dimanche-de-la-parole-de-dieu-institue-par-le-pape-francois/?utm_medium=email&utm_campaign=10102019+-+Linstitut+financier+du+Vatican+en+bonne+sant+1570731402+ZNP&utm_content=10102019+-+Linstitut+financier+du+Vatican+en+bonne+sant+1570731402+ZNP+CID_4963b649d20fb72f266ad834f551acdf&utm_source=Editions&utm_term=Les+enjeux+du+Dimanche+de+la+Parole+de+Dieu+institu+par+le+pape+Franois&fbclid=IwAR1IhhIsGEg4lci_PAJEXMxQ7ZcPwP60uC0Q9bVt4KK_C15kwlTodnlZ3kc

 

 

Paru sur Zenit : Saint Joseph ouvrier, antidote d’ « un catholicisme zombie » par fr. Manuel Rivero o.p.

27 avril 2021

Cause des Saints

Saint Joseph ouvrier, antidote d’ « un catholicisme zombie »
Fr. Manuel Rivero O.P.[1]

« Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu »

Le 1er mai, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, est célébré dans sa facette de professionnel responsable et compétent, au service de sa famille et du bien commun.

L’Évangile l’appelle homme « juste »[2], c’est-à-dire un homme juif qui connaissait la Loi de Moïse et qui la mettait en pratique. En unissant la foi et la science, la prière et le travail, saint Joseph a goûté l’union à Dieu en partageant les expériences heureuses et douloureuses d’Israël. Chaque samedi, il se rendait à la synagogue de Nazareth pour célébrer la Loi proclamée en hébreu et commentée en langue araméenne, sa langue maternelle. Combien de fois, Jésus, adolescent, l’a écouté avec un cœur brûlant.

Sanctifier la famille

Homme d’action, saint Joseph accomplit la volonté de Dieu. Silencieux, il médite dans la lumière de la foi les paroles de l’Ange du Seigneur qui l’exhorte à assumer sa responsabilité d’époux et de père adoptif de l’enfant que Marie porte en son sein par l’action de l’Esprit Saint. Homme fort, orienté vers l’avenir, il change son projet initial en réponse à la révélation de l’Ange. La mission que Dieu lui confie dépasse celle des prophètes et des chefs de son Peuple. Il doit accompagner, protéger et éduquer Jésus « qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21).

Avec son épouse, Marie, Joseph s’engage dans le service du salut de l’humanité par l’Incarnation du Verbe. Gardien du mystère de la maternité divine de Marie, partageant la même foi, Joseph fait preuve d’amour, de prudence et d’endurance.

En cette « Année de la famille », commencée le 19 mars en la fête de saint Joseph, le père adoptif de Jésus met en lumière la grandeur de la vie ordinaire. Le concile Vatican II a souligné l’appel universel à la sainteté dans l’Église[3]. Les chrétiens ont pour vocation la sanctification de la famille, du travail, de l’économie et de la politique.

La demande de la prière du Notre Père « que ton Nom soit sanctifié » correspond à cette sanctification de toutes les dimensions de la personne et de la vie sociale. Habité par la grâce de l’Esprit Saint, saint Joseph a veillé sur son épouse, Marie. À l’image du grand-prêtre de l’Ancien Testament qui veillait sur le Temple, saint Joseph a trouvé Dieu en aimant Marie, « nouvelle arche d’Alliance »[4], demeure de Dieu. L’Arche de l’Alliance contenait la manne et les tables de la Loi[5]. Marie portait en son sein Jésus, le Verbe fait chair, Loi nouvelle d’amour et Pain de Vie descendu du Ciel[6]. Dans un beau sermon, saint Bernard (+1153) a mis en parallèle le patriarche Joseph, fils de Jacob, et Joseph, époux de Marie. Si dans l’Ancien Testament, Joseph, intendant de Pharaon, avait mis les blés en réserve pour tout le peuple d’Égypte et non pour lui-même ; dans le Nouveau Testament, Joseph, père adoptif de Jésus  « reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier[7]. »

Pour le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, «Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère[8] ». Il me semble que les chrétiens peuvent en dire la même chose au sujet de saint Joseph. Par l’amour de son père adoptif, l’âme de Jésus a été imprégnée de la joie de Dieu le Père.

Sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, témoigner par le travail

Artisan charpentier-maçon, saint Joseph s’est sanctifié dans son atelier au service des clients qui avaient besoin d’une maison, d’une armoire, d’une table ou d’une chaise. Ses journées comportaient des hauts et des bas, des réussites commerciales et des heures de soucis économiques pour nourrir sa famille. Il a sanctifié la création l’imprégnant de son intelligence, de son amour et de sa prière. Ceux qui le fréquentaient dans les relations professionnelles ont été attirés vers Dieu par son témoignage.

Saint Josemaría Escrivá de Balaguer (+1975) a excellé dans la mise en valeur de la sainteté vécue au travail quotidien : « « Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail. C’est là que Dieu nous attend chaque jour : il y a quelque chose de divin qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir »[9] ».

Le primat de la personne sur le capital

Le philosophe chrétien Emmanuel Mounier (+1950) a développé une philosophie du personnalisme communautaire avec le primat de la personne sur le capital, le primat du spirituel sur le matériel, à l’opposé de l’individualisme. Il arrive souvent que la foi en Dieu soit remplacée non pas par l’athéisme mais par l’idolâtrie où le marché devient « dieu », la finance « une déesse » et le bien-être « un veau d’or ». La pensée de Mounier a inspiré l’enseignement du saint Pape Jean-Paul II sur le travail dans l’encyclique Laborens exercens du 14 septembre 1981 qui proclame le primat du travail sur le capital et de la personne sur la propriété privée. « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », clame la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.).

La destination universelle des biens

Le pape François évoque les trois T nécessaires pour la vie : un toit, une terre et un travail.

La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun sa dignité humaine sans déchoir dans la misère[10].

La foi vivante de saint Joseph représente un antidote contre « un catholicisme zombie[11] » qui n’aurait qu’une influence indirecte et vague sur les réalités familiales, économiques et politiques.

L’exemple de saint Joseph invite à commencer par la conversion personnelle avant de vouloir changer le monde, car la tentation est grande pour chacun d’aspirer à transformer la société mais sans vouloir se mettre en cause.

Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu. Il l’a fait avec réalisme, de manière intégrale, spirituelle et matérielle. Son travail et la transmission de son savoir-faire font partie du Salut de l’humanité par Jésus le Christ, ouvrier lui-même.

Saint-Denis (La Réunion), le 27 avril 2021.

NOTE

[1] Doyen de la Faculté des sciences sociales à DOMUNI Universitas (https://www.domuni.eu/fr/).

[2] Évangile selon saint Matthieu 1, 19.

[3] Voir Lumen gentium chapitre V.

[4] Voir Litanies de Lorette.

[5] Voir Épître aux Hébreux 9, 1-5.

[6] Voir Évangile selon saint Jean 6, 33-35.

[7] Saint Bernard, Homélie sur le « Missus est », 2, 16, PL 183, col. 55. Voir Jean-René Bouchet, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, Lectionnaire patristique dominicain, Paris, Les éditions du Cerf, 1994, p. 403, pour la fête de saint Joseph, le 19 mars.

[8] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

[9] Entretiens, point 114.

[10] Cf. Pape François, Un temps pour changer. Conversations avec Austen Ivereigh, Paris. Éditions de Noyelles, 2020, p.195.

[11] Voir l’étude d’Hervé Le Bras et d’Emmanuel Todd dans Le Mystère français (2013) qui évoquent un « catholicisme zombie » qui continuerait de marquer les relations sociales à l’image des zombies qui ont cessé d’exister.

Illustration : Saint Joseph © Vatican Media

Paru sur fr.zenit.org
Le 1er mai 2021