Paru sur Zenit : Qui est sainte Marie-Madeleine, disciple missionnaire par fr. Manuel Rivero o.p.

22 juillet 2021

Spiritualité

Qui est sainte Marie-Madeleine ?

Disciple-missionnaire

Fr. Manuel Rivero O.P.

Les évangiles présentent sainte Marie-Madeleine comme disciple-missionnaire de Jésus-Christ.

Possédée par sept démons, libérée du mal par Jésus, Marie-Madeleine fait partie de la communauté apostolique formée par Jésus (cf. Lc 8).

Modèle de foi, d’amour et d’espérance, saint Thomas d’Aquin (+1274) l’appelle «la femme nouvelle », « la nouvelle Ève ». Dans le jardin de la résurrection, Jésus, « le Nouvel Adam », et Marie-Madeleine, « la nouvelle Ève », symbolisent la rencontre du Christ et de l’Église dans la joie pascale. Les pleurs de tristesse se changeront en larmes de joie quand Jésus l’appellera par son prénom « Marie ». En peu de mots, elle exprimera sa foi et son attachement au Maître : « Rabbouni ! » (Jn 20, 16). « Plus l’amour est grand et plus le langage se fait court », disait le père Lacordaire O.P..

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem,  « Marie Magdeleine était consacrée l’apôtre des apôtres [1]» par Jésus. Consacrée prophète par l’appel et l’envoi divins : « Va trouver mes frères pour leur dire aux je monte vers mon Père et votre Père » (Jn 20, 17), Marie-Madeleine accomplit sa mission en annonçant la résurrection du Seigneur aux apôtres sceptiques. En réponse à son témoignage « J’ai vu le Seigneur », les apôtres parleront de « radotage » (Lc 24, 11) et « ils ne la crurent pas ».

Marie et Marie-Madeleine

Le peintre Fra Angelico O.P. (+1455), le patron des artistes, a uni sur le Calvaire Marie, la mère de Jésus, la toute sainte, et Marie-Madeleine, l’ancienne pécheresse. Alors qu’une épée traverse l’âme de Marie en contemplant son Fils Jésus mis en croix, Marie-Madeleine, à genoux, étreint le corps virginal de la Mère de Dieu, pour qu’elle demeure debout dans la douleur.

La Vierge Marie n’a pas reçu le charisme apostolique mais la grâce de la maternité divine et de la maternité spirituelle. Avant de mourir, pour achever l’œuvre de la Rédemption, Jésus a donné Marie, sa mère, comme mère spirituelle à son disciple bien-aimé, Jean, figure de la communauté croyante. Et le disciple la prit « chez lui » (Jn 19,27). La Vierge Marie agit en mère spirituelle par son intercession et sa présence toute proche, pleine de miséricorde. Chacun connaît la profondeur et la puissance des pensées et des actions d’une mère.

Sainte Marie-Madeleine a reçu la grâce prophétique, apostolique, pour annoncer le mystère pascal. Par la résurrection de Jésus, le Père Jésus devient le Père des fidèles. Jésus appelle ses disciples « ses frères » et non les frères de Marie-Madeleine. Le mystère pascal transforme les relations avec Dieu et entre les hommes. Une nouvelle création a surgi du tombeau. Une nouvelle fraternité apparaît sur la terre.

Marie-Madeleine fait partie du peuple de Dieu « sacerdotal, royal et saint » (I Pierre 2,9). Les trois vertus théologales brillent en elle. Par son amour, Marie-Madeleine s’est levée dans la nuit pour honorer la dépouille de celui que son âme aimait (cf. Ct 3) ; par sa foi, elle a obéi à son maître en annonçant la joie pascale ; par son espérance, elle s’est tournée vers le Père de Jésus devenu son Père.

Grandeur et plénitude de la vocation chrétienne

L’exemple de sainte Marie-Madeleine met en lumière la vocation baptismale et les charismes communs aux disciples-missionnaires de Jésus. Il ne convient pas de présenter la vocation religieuse ou presbytérale comme « un plus » mais plutôt comme un « comment » pour accomplir la volonté de Dieu, chacun selon son appel. Les baptisés risqueraient de se démobiliser en sous-estimant leur mission et leur charisme. Saint Augustin prêchait à ses fidèles que son titre de gloire et son salut se trouvaient dans son baptême tandis que son épiscopat représentait une charge et un service. Les charismes sont interdépendants et complémentaires dans l’Église, Corps du Christ.

 

NOTE

[1] Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 631-632.

Illustration : Apparition du Christ Ressuscité à Marie-Madeleine, Fra Angelico. ©Musée San Marco (Florence)

Paru sur fr.zenit.org

le 22 juillet 2021

Paru sur Zenit : Octobre, le mois de la prière du Rosaire par fr. Manuel Rivero o.p.

1er octobre 2020

 

Marie

Octobre, le mois de la prière du Rosaire par fr. Manuel Rivero o.p.

« N’abandonnez jamais la prière du Rosaire », conseillait le pape François lors de la clôture du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 2017.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Invisible, mais, proche et agissant, Dieu est invoqué particulièrement dans les épreuves. Alors que d’aucuns demandent « où est Dieu dans nos souffrances ? », la prière s’avère source de grâces. La Bible révèle un Dieu caché qui déploie sa puissance dans l’effacement. Maître Eckhart, le grand mystique dominicain du XIVe siècle, enseignait que « le Fonds de la Déité se trouve dans la puissance d’effacement de soi »[1]. Le mystère de l’Incarnation, fondement du christianisme, manifeste l’humilité et l’abaissement du Fils de Dieu, qui, par amour envers l’humanité, est devenu l’un de nous. La Vierge Marie l’a accueilli dans la foi en notre nom. D’où l’attachement des chrétiens à la figure de la Mère du Messie.

Prière face à la pandémie

En ces temps difficiles de pandémie et de crise économique, l’Église se tourne vers la Mère de Dieu, comme elle le fit en 1571 lors de la bataille de Lépante. Le saint pape Pie V, O.P. confia alors l’Église à l’intercession des confréries du Rosaire. La victoire obtenue fut saluée comme une grâce de Dieu à travers la prière de la Mère de Jésus. D’où la célébration de la fête de Notre-Dame de la Victoire, le 7 octobre, connue sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Dans le rayonnement de cette fête mariale, tout le mois d’octobre porte la marque du Rosaire.

L’Église se tourne vers Jésus qui est venu pour les malades. Les catholiques se confient à l’intercession de la Mère de Dieu. L’une des prières mariales les plus anciennes évoque la confiance des chrétiens dans la miséricorde de la Vierge Marie : « Sous ta miséricorde, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu ».

Prière contemplative, le Rosaire consiste à prier Jésus, le seul Sauveur et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes pour la foi chrétienne, avec la foi de Marie, qui est la foi de l’Église. Le fidèle regarde Jésus avec les yeux et le cœur de sa Mère, la Vierge Marie.

La prière du Rosaire a pour centre et pour but Jésus le Christ. Ceux qui égrènent le chapelet rejoignent le cœur de Marie pour y méditer les événements et les paroles de Jésus. L’évangéliste saint Luc précise que Marie gardait dans son cœur tout ce qu’elle découvrait du mystère de son Fils.

Le Rosaire conduit les disciples de Jésus jusqu’au cœur de sa Mère pour le contempler dans la lumière de la foi juive accomplie dans le mystère de la mort et de la résurrection du Messie.

Sans la Vierge Marie, « l’Église devient un orphelinat », s’exclame le pape François. Mais les chrétiens ne sont pas orphelins. Ils reçoivent l’Esprit-Saint promis par Jésus. Ils reçoivent aussi la Mère de Jésus pour Mère spirituelle. C’est elle qui veille sur les disciples de son Fils, comme elle a collaboré à sa naissance et à sa croissance en tant qu’homme. Éducatrice de Jésus, Marie joue aussi son rôle de Mère spirituelle, par son exemple de foi et par son intercession, auprès de son Fils Jésus.

Cela ne relève pas d’une dévotion inventée, mais d’une volonté du Sauveur lui-même manifestée sur le Calvaire quand il a dit à sa mère « Voici ton fils » (Jn 19) tout en orientant son regard vers l’apôtre bien-aimé, Jean. À celui-ci, le saint crucifié a déclaré : « Voici ta Mère ». Et l’apôtre fidèle la prit chez lui, c’est-à-dire dans sa maison et dans son cœur.

Précisions de vocabulaire

Le mot chapelet provient du mot « chapeau » ou « couronne » de roses que les amoureux offraient à leurs bien-aimées, et, que les dévots de la Vierge Marie plaçaient sur la tête des statues de la Mère de Jésus.

Le mot Rosaire rappelle le choix de cette fleur offerte en signe de foi à la Vierge Marie

Le bienheureux Alain de La Roche O.P. (1428-1475) préférait appeler cette prière « Le psautier de Notre-Dame » plutôt que Rosaire, en lien avec les 150 Psaumes qui trouvaient leur équivalent dans les 150 Ave Maria du Rosaire quand les trois séries du Rosaire (5 joyeux, 5 douloureux et 5 glorieux) comportaient 150 grains en tout. L’arrivée des mystères lumineux, décidée par le saint pape Jean-Paul II, a élevé à 20 mystères le cycle de la prière qui inclue ainsi la vie publique de Jésus, outre l’Enfant, la Passion et la Gloire de la vie de Jésus.

Voyage intérieur

En égrenant le chapelet, le croyant voyage en esprit vers Nazareth, Bethléem, Jérusalem …

Une marseillaise avait déclaré un jour à Mgr Roger Etchegaray : « Avec le chapelet, je fais le tour du monde à l’œil et sans bouger ».

Quand nous visitons un pays nous tenons à bénéficier d’un bon guide local qui connaisse l’histoire, non seulement par l’étude, mais aussi par expérience. Qui mieux que la Vierge Marie peut nous introduire dans la connaissance de son Fils Jésus ?

Nous pouvons l’appeler Notre-Dame des commencements, car Marie apparaît dans les Évangiles lors des événements fondateurs : l’Incarnation, la Visitation, Noël, Calvaire, Pentecôte …

Silence intérieur

Certaines personnes s’interrogent sur le sens de la répétition des Ave Maria. Mais le but de cette reprise des paroles de l’archange Gabriel à Marie n’est rien d’autre que le silence intérieur. Pour calmer, voire effacer le bruit intérieur, les discours et les films, toujours les mêmes dans la tête, il convient de se laisser purifier et habiter par la Parole de Dieu. En reprenant les Notre Père et les Ave Maria, le fidèle parvient à faire silence en soi pour faire de la place dans son cœur à Jésus le Christ.

À l’image du vol des oiseaux qui en refaisant toujours le même mouvement de leurs ailes s’élèvent vers le ciel, ceux qui prient reprennent les mêmes prières, mais jamais au même endroit, car leurs âmes se déplacent vers Dieu et vers leurs frères en humanité.

Plasticité de cette prière

Le chapelet permet l’intégration de toute la Bible par le moyen des clausules, c’est-à-dire des citations de l’Écriture sainte, à la suite du nom de Jésus dans la première partie de l’Ave Maria : « Je vous salue Marie … et Jésus, qui sauve les malades, est béni », par exemple.

Dans la deuxième partie de l’Ave Maria, il est possible d’actualiser la prière « et à l’heure de notre mort », en la remplaçant par « et à l’heure de la maladie », « et à l’heure de la recherche d’emploi », « et à l’heure de l’examen » …

Prière qui rassemble

La prière du chapelet facilite l’union à Dieu dans la solitude. Elle rassemble aussi les chrétiens comme le prouve l’existence séculière des Confréries du Rosaire, des Équipes du Rosaire ou de la Légion de Marie.

Au Japon, des communautés chrétiennes ont gardé la foi en l’absence de prêtres pendant deux siècles grâce à la prière du Rosaire. À partir de 1614, des missionnaires dominicains connurent le martyre. Au XIXe siècle, lors de la reprise de l’évangélisation, les missionnaires découvrirent, avec émerveillement, que les chrétiens continuaient de célébrer le Christ Jésus au Japon en priant ensemble les mystères du Rosaire.

Le chapelet des enfants

Élément matériel, en bois ou en plastique, le chapelet aide à prier. Nombreux sont les enfants qui entrent dans la paix du cœur par cette prière.

Les systèmes éducatifs font rarement de la place à l’intériorité. Des méthodes de méditation, pour les enfants, deviennent à la mode dans le souci de les calmer au milieu d’une multitude d’activités et de sollicitations. La prière du chapelet offre une paix habitée par Jésus. Plutôt que de dire « om », les enfants chrétiens prient le nom de Jésus, source de l’Esprit Saint.

Enfant, à l’âge de sept ans, j’ai reçu comme cadeau pour ma Première communion un chapelet en argent. Il est beau. La date de cet événement heureux fut gravée sur la croix. C’est avec joie et gratitude que j’aime le reprendre et le prier bien des années après.

Pourquoi ne pas penser à offrir comme cadeau, pour la Première communion et la Confirmation, un beau chapelet que l’enfant gardera peut-être toute sa vie ?

Prière qui illumine

La foi est lumière dans les ténèbres de la maladie et de la mort. En tant que prêtre, je demeure admiratif devant la puissance pédagogique et spirituelle du chapelet lors de la maladie et du deuil.

Aux malades et aux personnes détenues en prison, je leur rappelle leur mission de prier pour l’Église et pour le monde. Ils deviennent ainsi acteurs de l’histoire car les événements relèvent aussi de la Providence qui répond à la prière.

Lors des veillées funéraires, la méditation des mystères douloureux et glorieux fait passer les familles de la tristesse à la lumière de la foi, de la fatigue à la force de la grâce, du désespoir à la communion avec Dieu et avec les proches qui partent.

Loin d’être « la dégringolade finale » d’une vie, la mort représente le sommet de l’existence et le passage, la « pâque », de ce monde au Père.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, fervent de la prière du Rosaire, « Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère »[2], même au cours de sa Passion.

Ce fut le cas sur le Calvaire, lors de la mort de Jésus, cela l’est aussi pour ceux qui se confient à l’intercession de la Mère de Jésus en devenant « fils et filles de Marie ».

Fr. Manuel Rivero, O.P.

Saint-Denis/ La Réunion, le 1er octobre 2020

 

[1] Cité par François Varillon, L’humilité de Dieu, Bayard, 2017, p. 31.

[2] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

Illustration : Chapelet, à la Porte de l’Aurore (Vilnius 2018)  @ Vatican News

 

Paru dans fr.zenit.org

Le 1er octobre 2020

Diffusé également sur le site : Centre Romand de l’Apostolat Mondial de Fatima

https://ndfatima.com/2020/10/04/octobre-le-mois-de-la-priere-du-rosaire-par-le-fr-manuel-rivero-o-p/

Paru sur Zenit : La Vierge Marie, Mère de l’Église par fr. Manuel Rivero o.p.

11 mai 2021

Marie

La Vierge Marie, Mère de l’Église

Mémoire liturgique : lundi de Pentecôte, le 24 mai 2021

C’est le bienheureux pape Paul VI qui a tenu à vénérer la Vierge Marie sous le vocable de « Mère de l’Église » au cours du Concile Vatican II, le 21 novembre 1964, lors du discours d’approbation de la Constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium », tout en ne faisant pas partie de celle-ci. De son côté, le Catéchisme de l’Église catholique a intégré officiellement dans la foi catholique ce vocable riche en signification théologique, même s’il n’a pas été le résultat d’un vote lors de ce Concile. Le Catéchisme cite ce vocable dans le commentaire de l’article du Credo sur l’Église : « Je crois à la sainte Église catholique ». À la suite de « Lumen Gentium » au chapitre VIII qui situe la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Église, le Catéchisme reprend l’expression « Mère de l’Église » dans le contexte de la vie du Sauveur et au cœur de l’Église. Il convient de se souvenir qu’un certain nombre d’évêques conciliaires avaient souhaité un texte sur la Vierge Marie à part entière. Dans le souffle de l’Esprit, les pères conciliaires choisirent de présenter la Vierge Marie plongée dans le mystère du Christ et comme membre éminent de l’Église.

L’Église, Mère des chrétiens

Au cours des premiers siècles de l’histoire de l’Église, les grands théologiens sont africains. Les Pères de l’Église ont mis en lumière la maternité spirituelle de la Vierge Marie envers les chrétiens. C’est ainsi que saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr en 258, déclarait : « On ne peut pas avoir Dieu pour père quand on n’a pas l’Église pour mère[1] ».

Plus tard, saint Augustin (+430) prêchera à ses fidèles : « Nul ne peut compter sur la grâce de Dieu son Père, s’il méprise l’Église sa mère[2] ».

Au VIIIsiècle, en Angleterre, saint Bède le Vénérable, écrira : « Toujours à nouveau l’Église engendre le Christ, chaque jour l’Église engendre l’Église[3] ». Par le sacrement du baptême, par la prédication et le témoignage, l’Église donne naissance au Christ dans le cœur des hommes. En engendrant le Christ, elle s’engendre elle-même.

L’Église, Corps du Christ

Saint Paul, célèbre le Christ « Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église » (Col 1,18). Dans son épître aux Colossiens, l’apôtre des nations appelle l’Église « Corps du Christ » (Col 1,24). L’image du corps humain avec la tête et ses membres correspond au Christ total, qui rassemble dans l’unité le Christ, sa Tête, et les chrétiens, ses membres. Dans son épître aux Corinthiens (1 Cor 12,12.27), saint Paul explique la dépendance des membres du même corps avec ses différentes fonctions, image qui s’applique à l’Église, « le Christ répandu et communiqué », selon la belle formule de Bossuet, où chaque baptisé participe à la vie du Fils de Dieu en tant que membre vivant de son Corps.

Le Christ ressuscité est devenu inséparable de son Église. L’Église n’existe qu’unie au Christ, sa Tête. Le Christ et l’Église forment le Christ total : sa Tête et ses membres. Inutile de parler du Christ sans son Église. Erreur que d’imaginer l’Église comme existant sans le Christ.

La Vierge Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église

La foi de l’Église trouve sa naissance dans la Bible. La prière de l’Église manifeste aussi le projet de salut de Dieu pour l’humanité : « Lex orandi, ex credendi » (« La loi de la prière est la loi de la foi »). C’est pourquoi il convient de faire appel à la liturgie de l’Église pour comprendre le mystère de la Vierge Marie. À l’Annonciation, la Vierge Marie est devenue la Mère du Fils de Dieu fait homme, qui recevra le nom de Jésus. L’événement de l’Annonciation représente non seulement la nouveauté de l’Incarnation mais aussi le commencement de l’Église. La liturgie de cette fête appelée par certains Pères de l’Église « la fête de la racine », car cachée et fondatrice, exprime le mystère de l’accueil du Fils de Dieu « par la foi de Marie » et sa tendresse maternelle envers le corps de son fils Jésus (cf. Préface de la messe) tandis que la prière sur les offrandes met en lumière la naissance de l’Église, Corps du Christ : « L’Église n’oublie pas qu’elle a commencé le jour où ton Verbe s’est fait chair ».

Si Marie est mère de Jésus, elle est aussi la mère de l’Église. Étant la Mère de la Tête du Corps elle demeure aussi la Mère du reste du Corps, les membres unis au Christ par la foi et le baptême. S’il n’est pas possible de séparer la Tête du Corps ; il n’est pas possible non plus de séparer la maternité divine de Marie de sa maternité spirituelle envers le Corps de son Fils Jésus, l’Église.

Un théologien du XIIe siècle, Isaac de l’Étoile[4], moine cistercien, a su mettre en valeur l’union du Christ et de l’Église, la maternité de Marie envers le Christ et à l’égard de l’Église : « ʺCe que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare donc pas. Ce mystère est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église.ʺ Garde-toi bien de séparer la tête du corps ; n’empêche pas le Christ d’exister tout entier ; car le Christ n’existe nulle part tout entier sans l’Église, ni l’Église sans le Christ. Le Christ total, intégral, c’est la tête et le corps. [5] »

Dans un autre sermon sur l’Assomption, Isaac de l’Étoile élargit sa réflexion à l’union de Marie et de l’Église dont elle est la figure : « Les hommes, en eux-mêmes, par leur naissance selon la chair, sont une multitude ; mais par la seconde naissance, la naissance divine, ils ne sont avec lui qu’un seul. Le seul Christ, unique et total, c’est la tête et le corps.

Et ce Christ unique est le Fils d’un seul Dieu, dans le ciel et d’une seule mère sur la terre. Il y a beaucoup de fils, et il n’y a qu’un seul fils. Et de même que la tête et le corps sont un seul fils et plusieurs fils, de même Marie et l’Église, sont une seule mère et plusieurs mères, une seule vierge et plusieurs vierges. L’une et l’autre ont conçu du Saint-Esprit, sans attrait charnel (…) L’une a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps ; l’autre a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps pour la tête. L’une et l’autre sont mères du Christ, mais aucune des deux ne l’enfante tout entier sans l’autre. Aussi c’est à juste titre que, dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit en général de la vierge mère qu’est l’Église, s’applique en particulier à la Vierge Marie ; et ce qui est dit de la vierge mère qu’est Marie, en particulier, se comprend en général de la vierge mère qu’est l’Église.

De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde. Ainsi donc c’est la Sagesse même de Dieu, le Verbe du Père, qui désigne à la fois l’Église au sens universel, Marie, dans un sens très spécial et chaque âme croyante en particulier.

C’est pourquoi l’Écriture dit : « Je demeurerai dans l’héritage du Seigneur ». L’héritage du Seigneur, dans sa totalité, c’est l’Église, c’est tout spécialement Marie, et c’est l’âme de chaque croyant en particulier. En la demeure du sein de Marie, le Christ est resté neuf mois ; en la demeure de la foi de l’Église, il restera jusqu’à la fin du monde ; et dans la connaissance et l’amour du croyant, pour les siècles des siècles[6] ».

Au XIIIe siècle, le grand théologien dominicain, saint Thomas d’Aquin voit dans les noces de Cana l’image de l’union mystique du Christ et de l’Église, union commencée à l’Annonciation : « Ces épousailles eurent leur commencement dans le sein de la Vierge, lorsque Dieu le Père unit la nature humaine à son Fils dans l’unité de la personne, en sorte que le lit nuptial de cette union fut le sein virginal … Ce mariage fut rendu public lorsque l’Église s’est unie au Verbe par la foi[7] ».

Le Docteur Angélique s’inspire de la pensée de saint Augustin pour qui le sein de la Vierge Marie est une chambre nuptiale où s’unissent dans la personne du Verbe la nature divine et la nature humaine. Pour saint Augustin, le corps de Jésus s’unit à l’Église formant ainsi « le Christ total, Tête et Corps[8] ».

L’Incarnation comporte une dimension ecclésiale. Marie a accueilli le Verbe au nom de l’humanité et pour l’humanité. Marie, nouvelle Ève, accomplit la prophétie du livre de la Genèse en écrasant la tête du serpent par sa foi (cf. Gn 3,15). Elle est aussi la femme de l’Apocalypse qui enfante une nouvelle humanité (cf. Ap 12).

La Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps « Gaudium et spes » enseigne que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (n°22,2). Par conséquent, la Vierge Marie est devenue aussi mère de cette humanité ce qui peut expliquer en partie la dévotion des croyants des religions non chrétiennes qui se rendent en pèlerinage dans les sanctuaires mariaux comme Lourdes ou Notre-Dame de la Garde à Marseille.

Vénérer la Vierge Marie

Plus récemment, le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin : « La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule Personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance[9] ».

L’histoire de l’Église montre aussi comment la fréquentation de la Vierge Marie dans la prière loin d’éloigner les fidèles du Christ les a rapprochés avec justesse de leur mystère.

Aussi le Concile Vatican II exhorte-t-il les chrétiens à vénérer la Vierge Marie avec amour, en lui adressant des prières d’invocation et en cherchant à imiter sa foi[10].

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens qui ont subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ, le seul médiateur entre Dieu et les hommes.

Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).

NOTES

[1] Saint Cyprien de Carthage : « Habere non potest Deum patrem qui ecclesiam non habet matrem », De catholica ecclesiae unitate, 6 (CSEL 3/1,214).

[2] Saint Augustin, Sermo 92 : De Alleluia (Miscellanea Agostiniana I, Rome, 1930, 332-333).

[3] Saint Bède, Expl. Apoc., 11,12 (PL 93, 166D)

[4] Isaac de l’Étoile (1100-1178), moine de Pontigny, puis abbé de l’Étoile en Poitou, ami de saint Thomas Becket.

[5] Sermon d’Isaac de l’Étoile. Liturgie des heures IV. Temps ordinaire. 23e semaine.

[6] Sermon d’Isaac de l’Étoile pour l’Assomption. Marie et l’Église. La liturgie des heures I. Avent – Noël. II Samedi de l’Avent.

[7] Saint Thomas d’Aquin, In Ioan. 1, n°338.

[8] Cf. Jean-Pierre TORRELL, Le Christ en ses mystères. La vie et l’œuvre de Jésus selon saint Thomas d’Aquin, tome I. Paris. Desclée. 1999.  PP. 76-77.

[9] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16 novembre 1880. P. 104.

[10] Concile Vatican II. Lumen gentium. Chapitre VIII. « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église ». n°66-67.

Illustration : Marie à la Pentecôte, P. Marko Ivan Rupnik s.j. Église S. Jean-Paul II, Lagiewniki, Cracovie, Pologne ©Centroaletti.it.

 

Paru sur fr.zenit.org

Le 11 mai 2021

Paru sur Zenit : Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897) par fr. Manuel Rivero o.p.

Spiritualité
le 9 septembre 2021

Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938)
et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897)
Par le Fr. Manuel Rivero O.P., 
président de l’association des amis du père Lagrange

 

Et une neuvaine originale à sainte Thérèse

Dans son Journal spirituel[1], le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».

L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».

Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque[2] des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne[3] a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir[4]’ . ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’.[5] »

C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.

Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit[6] ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église.  Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).

Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.

 

Neuvaine 2021 à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+30 septembre 1897)

Premier jour

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance.

Deuxième jour

« J’allais derrière mon lit dans un espace vide qui s’y trouvait et qu’il m’était facile de fermer avec le rideau … et, là, je pensais. Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le bon Dieu m’instruisait en secret. » ; « Quelquefois j’essayais de pêcher avec ma petite ligne, mais je préférais aller m’asseoir seule sur l’herbe fleurie : alors, mes pensées étaient bien profondes et, sans savoir ce que c’était de méditer, mon âme se plongeait dans une réelle oraison. (…) La terre me semblait un lieu d’exil, et je rêvais le Ciel. » (sainte Thérèse)

L’oraison est le cœur à cœur avec Dieu. En silence, nous écoutons Dieu qui parle à notre âme. L’oraison est un mot d’origine latine qui veut dire « bouche ». Faire oraison équivaut à partager le souffle de Dieu, le bouche à bouche avec Dieu où nous recevons l’Esprit Saint. Véritable conversation avec Dieu, la prière représente une promenade avec Dieu dans le Paradis.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’oraison qui nous unit à Dieu.

Troisième jour

« Jésus a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette … J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes … Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le jardin de Jésus. » (Sainte Thérèse)

« Chacun va à Dieu par un chemin virginal », a écrit le poète espagnol Léon Felipe (+1968). Dieu aime l’unité mais pas l’uniformité.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de respecter et d’apprécier l’altérité, la différence des personnalités et des chemins pour arriver à Dieu.

Quatrième jour

« En sortant du confessionnal, j’étais si contente et si légère que jamais je n’avais senti autant de joie dans mon âme. Depuis je retournai me confesser à toutes les grandes fêtes et c’était une vraie fête pour moi à chaque fois que j’y allais. » (Première confession de sainte Thérèse à sept ans)

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de vivre le sacrement de la réconciliation.

Cinquième jour

Femme de miséricorde, sainte Thérèse intercède pour Pranzini, condamné à mort et exécuté le 31 août 1887. Juste avant sa mort, Pranzini saisit le crucifix présenté par l’aumônier. Thérèse y vit le fruit de sa prière. Elle appela ce condamné « son premier enfant ». Enfant de sa maternité spirituelle.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de la miséricorde et de la prière pour les pécheurs.

Sixième jour

Elle avait déclaré au chanoine Delatroëtte qui lui demandait « Pourquoi êtes-vous venue au Carmel ? » : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de vivre la miséricorde envers les prêtres et de prier pour eux.

Septième jour

En apprenant que son père est hospitalisé en psychiatrie, sainte Thérèse s’est exclamée : « Notre grande richesse ». Elle sait que cette maladie terrible demandera à la famille de s’unir davantage au Christ dans sa Passion. Il leur faudra davantage d’amour. Mais le Seigneur ne laisse pas les malades sans sa grâce.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, de discerner la présence du Christ Jésus dans les malades et de leur témoigner de notre foi et de notre solidarité dans la souffrance.

Huitième jour

Poème envoyé par sainte Thérèse à l’abbé Roulland parti missionnaire en Chine :

« Vivre d’amour, ce n’est pas sur la terre
Fixer sa tente au sommet du Thabor.
Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,
C’est regarder la Croix comme un trésor !
Au Ciel, je dois vivre de jouissance
Alors l’épreuve aura fui pour toujours
Mais exilée je veux dans la souffrance
Vivre d’amour. »
« À lui de traverser la terre,
De prêcher le nom de Jésus.
À moi, dans l’ombre et le mystère,
De pratiquer d’humbles vertus.
La souffrance, je la réclame,
J’aime et je désire la Croix …
Pour aider à sauver une âme
Je voudrais mourir mille fois. »

Poème envoyé le 16 juillet 1896, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, copatronne des missions avec saint François-Xavier, la grâce de devenir disciples-missionnaires de Jésus ressuscité.

 

Neuvième jour

Malade, Thérèse, à l’infirmerie, chante les miséricordes du Seigneur à son égard. Elle avoue à mère Agnès : « Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance : je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce d’une bonne mort dans la foi en sa miséricorde.

 

[1] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.

[2] Synopsis EvangelicaTextum graecum quattuor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.

[3] Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.

[4] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.

[5] Ibidem, chapitre VIII.

[6] Saint Thérèse de ‘Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.

Illustration : Sainte Thérèse De L’Enfant Jésus Et De La Sainte Face @Carmel De Lisieux

 

Paru sur fr.zenit.org

Le 9 septembre 2021

Paru sur Zenit : « L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ » : le p. Lagrange et le card. Tauran par fr. Manuel Rivero o.p.

Spiritualité

21 octobre 2020

« L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ » : le p. Lagrange et le card. Tauran

L’enseignement du bibliste et du cardinal bordelais

Au terme et au sommet spirituel de son livre de vulgarisation sur l’exégèse des quatre évangiles, le père Lagrange écrit : « Il y a là un envahissement des choses divines, qui étonne la raison. C’est l’insertion de la divinité dans l’humanité, la nature humaine participant par la grâce à la nature divine, une telle prodigalité de dons, des exigences si hautes qu’une raison trop courte en est écrasée plutôt qu’attirée. On est tenté de dire que c’est trop beau !

Mais en dehors, il n’y a rien, rien qui compte pour nous, rien qui porte la marque de l’infini. Nous voilà en face du néant. Où aller, Seigneur ? Il ne reste qu’à se renfermer dans un doute fastueux – ou désespéré. Ou plutôt à se serrer autour de Pierre qui dit toujours : « Vous avez les paroles de la vie éternelle », et à s’abandonner à l’étreinte de Dieu en Jésus Christ [1] .»

 

Le card. Jean-Louis Tauran © Vatican Media

De son côté, le cardinal Tauran partage la même expression « étreinte de Dieu » pour exprimer l’union du Fils de Dieu avec l’humanité dans le mystère de l’Incarnation et de la Croix : « Pour le grand apôtre (saint Paul), le centre de l’unité, vers laquelle l’humanité doit nécessairement converger, est la personne du Christ. Souvent, il se plaît à souligner le rôle non seulement cosmique, mais salutaire de la Croix et de la Pâque qui ont fait du Christ le Kyrios, Seigneur de l’humanité et de l’Histoire. En outre, c’est dans le « mystère » de la Croix que Paul voit l’étreinte de l’humanité tout entière, réconciliée après les déchirements et les divisions qui, de son vivant, étaient représentées par la double réalité du monde religieux hébraïque et du monde religieux gréco-romain [2] .»

C’est ainsi que Jésus le Christ s’unit à tout homme accomplissant le mystère de la Rédemption par l’Incarnation et la Croix. Ce mystère commencé dans le sein de la Vierge Marie s’accomplit dans l’élévation de la croix et dans la mort de Jésus. En partageant la condition humaine jusqu’à la mort, le Fils de Dieu, qui a pris sur lui le mal et le malheur de l’humanité entière, partage la gloire de sa divinité à ceux qui mettent leur confiance en Lui.

L’humanité de Jésus le Christ semblable à celle de tous les hommes, excepté le péché, constitue le commun dénominateur de Dieu avec le genre humain : « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22).

La Croix et la mort de Jésus représentent le sommet de l’amour de Dieu plus fort que la mort.

Ressuscité d’entre les morts le matin de Pâques, Jésus accomplit sa prière sacerdotale à la veille de sa Passion : « Père, qu’ils soient un comme nous » (Jn 17, 11) ; « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17,26).

Religion par excellence du corps, le christianisme célèbre l’étreinte de Dieu avec l’humanité réalisé dans le corps de Jésus, corps douloureux dans la Passion, lumineux dans sa résurrection, avec l’énergie de l’Esprit Saint envoyé par le Père.

Le corps glorieux de Jésus intègre les croyants en son nom qui en deviennent ses membres, le Christ total, formé de la Tête et des membres : les fidèles.

Si pour certaines religions, il est impensable que Dieu assume un corps humain dans sa vulnérabilité, et encore moins qu’il subisse la douleur ou la mort, le christianisme accueille la révélation déployée par Jésus le Christ. Dieu s’unit à la nature humaine pour que la nature humaine s’unisse à Dieu. Fruit de la grâce et de la miséricorde divine, Jésus ressuscité le manifeste à Marie-Madeleine dans le jardin de Jérusalem : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).

Renversé sur le chemin de Damas par la lumière éblouissante de Jésus ressuscité, Paul de Tarse vit l’expérience de la présence aimante de Jésus vivant qui s’identifie aux chrétiens persécutés (cf. Ac 9).

Pharisien, formé à Jérusalem par le grand maître Gamaliel, Paul commente ainsi les versets de la Genèse : « ‘L’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Ep 5,31-32).

Dans le Cantique des Cantiques, la bien-aimée s’exclamait : « Son bras est sous ma tête et sa droite m’étreint » (Ct 2,6). Par l’amour du Christ Jésus, l’Église célèbre l’étreinte avec Dieu. Les paroles de la prière eucharistique au cours de la messe mettent en lumière cette union humaine et divine : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton alliance ; quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Prière eucharistique III).

Fr. Manuel Rivero O.P.

Saint-Denis/ La Réunion, le 21 octobre 2020.

NOTES

[1] Marie-Joseph LAGRANGE O.P., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas Lavergne O.P. Préface de Jean-Michel Poffet O.P. ; présentation de Manuel Rivero O.P. Paris, Éditions Artège/Lethielleux, 2017, p. 675.

[2] Cardinal Jean-Louis Tauran, Je crois en l’homme, « Les religions font partie de la solution, pas du problème », Paris, Bayard, 2016, p. 37. Présentation du « Codex Paoli », Rome, le 18 juin 2008.

Paru sur fr.zenit.org

Le 21 octobre 2020

Paru sur Zenit : L’amour du père Lagrange pour le Coeur de Jésus par fr. Manuel Rivero o.p.

Cause des Saints

9 juin 2020

L’amour du p. Lagrange pour le Cœur de Jésus par fr. Manuel Rivero o.p.

La première pierre de l’École biblique de Jérusalem en la fête du Sacré-Cœur

La première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Le parchemin de l’inauguration signalait que cette École était destinée à développer les études bibliques sous le patronage de Notre-Dame du Rosaire. Le père Lagrange avait averti que dans les fondations de l’École les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[1].

Le pape Léon XIII pensait que cette consécration au Sacré-Cœur s’harmonisait avec le lieu de la lapidation de saint Étienne, sur lequel était bâtie l’École biblique et la basilique Saint-Étienne. Le pape Léon XIII exhortait le père Lagrange et les frères dominicains en ces termes : « Oui, consacrez toute votre œuvre et l’église au Sacré-Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur ne peut être mieux que là, car lorsque saint Étienne voyait les cieux ouverts et Jésus debout à la droite de son Père, Jésus se montrait à lui avec ses plaies, celles de ses pieds et de ses mains, celle de son cœur ! »[2].

Dans sa prière personnelle, le frère Marie-Joseph, étudiant à Salamanque en 1881, se confie à l’intercessions de la Vierge Marie, sa « très douce Reine », lui demandant de le conduire à Jésus : « Conduisez-moi au Cœur-Sacré de Jésus »[3]. En 1881, au début de la même année, il avait choisi comme patron de l’année le Sacré-Cœur de Jésus en citant saint Bernard : « Enlevez la volonté propre et il n’y aura plus d’enfer »[4].

En 1924, au moment de rédiger son avant-propos à la traduction et au commentaire de l’Évangile selon saint Jean, le père Lagrange dédicace son ouvrage à ses confrères en choisissant la fête symbolique du Sacré-Cœur, dans la communion de l’amour de Jésus si bien transmis par le disciple bien-aimé : « Je prie mes collaborateurs de l’École biblique d’agréer l’hommage cordial et fraternel de cet ouvrage, en souvenir d’une vie dominicaine commune qui nous fut toujours douce. (…). Demandons tout simplement à Notre-Seigneur la grâce de mettre en pratique son commandement promulgué par saint Jean : Aimons-nous les uns les autres. Jérusalem, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, 27 juin 1924. »[5]

Dans ce même avant-propos, le fondateur de l’École biblique avait évoqué le cœur de Jésus et le geste fraternel de Jean qui y avait trouvé le repos de l’amour et l’intelligence du mystère de Jésus à la dernière Cène : « Il sied d’être timide à la suite d’Origène : « Osons le dire : les évangiles sont la part choisie de toutes les Écritures, et l’Évangile de Jean est la part choisie parmi les autres : nul ne peut en acquérir l’esprit s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus, et s’il n’a reçu de Jésus Marie pour sa mère. » Il s’agit bien d’une connaissance dans l’amour qui passe par les sens du corps et non d’une étude livresque de l’enseignement de Jésus. C’est du cœur de Jésus que jaillit l’esprit nécessaire pour interpréter l’Évangile à partir de la lettre comme révélation de l’Amour de Dieu.

La dévotion au Sacré-Cœur renvoie à la condamnation injuste de Jésus et au supplice de la croix exécuté par l’armée romaine qui occupait Israël. Rien de douceâtre dans cette image qui exprime la douleur de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. La lance du soldat romain transperce le cœur de Jésus qui vient d’expirer après une affreuse agonie.

Nombreux sont ceux qui ont prié le Sacré-Cœur de Jésus pendant la guerre. Ce fut le cas de mon propre père qui avait porté l’image du Sacré-Cœur dans la poche de sa veste pendant la guerre civile espagnole de 1936-1939. Les malades aussi se sont tournés vers le Sacré-Cœur dans la souffrance et la crainte de la mort. Marseille, la cité phocéenne, a été la première ville à être consacrée au Sacré-Cœur lors de la peste en 1720 qui réduit de moitié le nombre de ses habitants.

Multiples sont les grâces reçues dans cette dévotion qui introduit les croyants dans le mystère du corps souffrant de Jésus qui guérit les hommes par ses saintes plaies.

Loin d’être une image morbide ou macabre de mauvais goût, le Sacré-Cœur de Jésus manifeste le triomphe de l’Amour de Jésus sur les puissances de mort : la jalousie, la haine, l’injustice, l’oppression, la maladie, l’abandon, la mort elle-même …

Du côté transpercé de Jésus ont jailli l’eau et le sang, symboles des sacrements du baptême et de l’Eucharistie, qui donnent la Vie de Dieu. Un vitrail de l’église de l’ancien couvent des Dominicains d’Annecy (France) représente le Christ en croix. Le disciple bien-aimé, Jean, fidèle au pied de la croix, soulève le calice vers le Cœur transpercé de Jésus. Quand l’eau et le sang sortis du Sacré-Cœur tombent dans ce calice, le serpent, image du diable, en sort vaincu. Le Sacré-Cœur de Jésus déploie sa puissance d’exorcisme en ceux qui le prient avec foi.

Le Sacré-Cœur de Jésus annonce au monde l’humilité du Christ Jésus qui s’est dépouillé de la gloire qui était la sienne avant la fondation du monde jusqu’à mourir sur une croix, « aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père »[6].

Disciple et bon connaisseur de saint Thomas d’Aquin, le père Lagrange partage sa vision théologique du cœur de Jésus comme symbole des saintes Écritures tel que le Docteur Angélique l’enseigne dans son commentaire aux Psaumes : « Par le cœur du Christ on entend la Sainte Écriture qui révèle son cœur. Mais ce cœur était fermé avant la Passion, parce que l’Écriture était obscure ; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à présent considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées »[7].

Le cœur ouvert de Jésus ouvre l’esprit des disciples à l’intelligence des Écritures. C’est pourquoi Jésus ressuscité s’était manifesté aux disciples d’Emmaüs en leur ouvrant l’esprit par une longue catéchèse sur le Messie souffrant annoncé par le prophète Isaïe : « Ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? »[8]. La compréhension du Cœur transpercé de Jésus a rendu brûlants les cœurs de Cléophas et de l’autre disciple d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? »[9].

À l’apôtre Thomas, l’incrédule, Jésus ressuscité proposera d’avancer sa main et de la mettre dans son côté transpercé afin de devenir croyant. C’est devant ce côté transpercé, plaie ouverte du Cœur percé par une lance le Vendredi Saint, que Thomas s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu »[10]. Cette phrase de l’incrédule Thomas est entrée dans la tradition de la prière chrétienne au moment de l’élévation du Corps et du Sang du Christ au cœur de la consécration eucharistique. Les fidèles dans le silence de leur cœur s’exclament : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Le Sacré-Cœur de Jésus continue d’ouvrir l’esprit des chrétiens à l’intelligence du mystère pascal célébré à chaque messe : la mort et la résurrection de Jésus.

Il importe de souligner l’apport de saint Thomas d’Aquin au Sacré-Cœur de Jésus que le Catéchisme de l’Église Catholique s’est plu à citer : « Le cœur[11] du Christ désigne la Sainte Écriture qui fait connaître le cœur du Christ. Ce cœur était fermé avant la passion car l’Écriture était obscure. Mais l’Écriture a été ouverte après la passion, car ceux qui désormais en ont l’intelligence considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées »[12].

Le Sacré-Cœur de Jésus apparaît ainsi comme le symbole qui résume la révélation de l’Amour de Dieu aux hommes. Nous pourrions utiliser le mot « logo » pour dire en langage contemporain la puissance symbolique du cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur figure comme le « logo » du christianisme. Les artistes chrétiens ne se sont pas trompés en le représentant souvent dans les tableaux et les vitraux ou en le chantant comme le message de l’amour humilié et fidèle de Dieu envers l’humanité.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin relie le cœur ouvert de Jésus à l’ouverture du Paradis : « Quand le côté du Christ fut ouvert, la porte du paradis le fut aussi : et par l’effusion de son sang la souillure du pécheur fut effacée, Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine expiée et les exilés rappelés dans le royaume. C’est pourquoi le Christ déclara aussitôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23,32) : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis ». Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David ; mais « aujourd’hui », c’est-à-dire, dès que la porte du paradis fut ouverte, le bon larron implora son pardon et l’obtint. »[13].

Le Sacré-Cœur de Jésus, symbole et « logo » de la miséricorde divine, ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures et le Paradis aux pécheurs.

Saint-Denis (La Réunion. France), le 9 juin 2020.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Président de l’Association des amis du père Lagrange.

 

NOTES 

[1] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.

[2] LAGRANGE (Marie-Joseph), Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem. Paris. Alphonse Picard et fils, éditeurs. 1894. P. 173.

[3] Marie-Joseph LAGRANGE, des Frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de Fr. Manue Rivero O.P. Paris. Éditions du Cerf. 2014. Journal du 2 mai 1881. P. 140.

[4] Marie-Joseph LAGRANGE, des Frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de Fr. Manue Rivero O.P. Paris. Éditions du Cerf. 2014. 1er janvier 1881. P.118.

[5] Évangile selon saint Jean, par le P. M.-J. Lagrange, des Frères prêcheurs. Paris. J. Gabalda, éditeur. 1927.

[6] Épître de saint Paul aux Philippiens 2, 9-11.

[7] Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Psaumes. Introduction, traduction notes et tables par Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy, osb. Éditions du Cerf. 1996. P. 267. Commentaire au Psaume 21,15 : « Mon cœur est devenu comme une cire fondant au milieu de mon ventre ».Cité par le Catéchisme de l’Église Catholique au n° 112.

[8] Évangile selon saint Luc 24, 26.

[9] Évangile selon saint Luc 24, 32.

[10] Évangile selon saint Jean 20, 28.

[11] Cf. Psaume 22,15 : « Mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères ».

[12] Catéchisme de l’Église Catholique n° 112.

[13] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Lettres Latines. Paris. 1969. P. 101.

Illustration : L’Esprit Saint Et Le Coeur De Jésus © Soeur Anh Duyên O.P.

Paru le 9 juin 2020 fr.zenit.org

 

Écho de notre page Facebook : octobre 2021

30 octobre 2021
Bienheureuse Vierge Marie

 

 

Vierge préférée du P. Lagrange, toujours à la place d’honneur sur sa table de travail. Elle a son enfant dans ses bras comme la fleur repose sur sa tige… Devant elle il s’agenouillait avant de se livrer à l’étude. Elle était la confidente de ses joies, de ses peines, de ses efforts et de ses luttes au service de l’Église. (M.R. Loew, « Fils de Marie » Le Père Lagrange. Revue du Rosaire, 1939.)

Illustration, L’image de la Vierge d’Autun qui figurait sur le bureau du P. Lagrange

 

 

 

27 octobre 2021

Nouvelles de la santé de fr. Timothy Radcliffe o.p. recueillies sur la page Facebook de Roxana Sanchez de Abraham o.p.

Continuons de confier notre prière pour son rétablissement à l’intercession du père Marie-Joseph Lagrange o.p.

Ecco l’ultimo aggiornamento sulle condizioni di salute di fra Timothy scritto di suo pugno!

**********

Cari familiari e amici,

Grazie più di quanto io possa significarvi per la grande marea di messaggi che continuo a ricevere assicurandomi le vostre preghiere e chiedendomi come sto. Quindi, anche se non ci sono molte novità da segnalare, ecco un piccolo aggiornamento. Perdonatemi per non aver risposto di persona a tutte le vostre e-mail.

La gente mi assicura che il mio parlare è più comprensibile, il che è incoraggiante, soprattutto perché all’inizio non lo era affatto!

Piano, piano, riesco a gestire zuppe un po’ più dense e la mia gioia ogni mattina sono le uova strapazzate molto liquide. Il cibo solido sembra ancora molto lontano, ma spero di mangiarlo un giorno prima del Regno.

Riesco a camminare con un bellissimo bastone da passeggio in palissandro e che suscita sussulti d’invidia. La ferita della mia gamba si sta rivelando lenta a guarire.

Ho terminato la mia prima settimana di radioterapia. Sono stupito dall’invariabile gentilezza ed efficienza degli infermieri e dei medici. È spossante (una buona scusa per non lavare i piatti!), ma gli effetti collaterali probabilmente diventeranno più evidenti nelle prossime due settimane.

Sto lavorando al prossimo libro con un giovane biblista polacco, Lukasz Popko OP. Consiste in conversazioni su i dialoghi nella Bibbia. È meraviglioso avere un progetto che mi evita di troppo (tanto!) commiserare le mie condizioni, e che può progredire nella misura in cui ho delle energie.

Continuate a chiedere aiuto a frère Marie Joseph Lagrange, fondatore dell’Ecole Biblique di Gerusalemme. Confido che Suor Assunta e David Sanders OP, possano riposare in pace, lo manterranno al lavoro!

Timothy

ORIGINAL TEXT

Dear Family and Friends,

Thank you more than I can say for the great flood of messages that I continue to receive assuring me of your prayers and asking how I am. So, although there is not much new to report, here is a small update. Forgive me for not answering all your emails in person.

People assure me that my speech is more comprehensible which is encouraging, especially as it was never very intelligible to begin with!

Piano, piano, I can manage soups that are a little thicker, and my delight every morning is very liquid scrambled eggs. Solid food still seems a very long way off, but I hope to eat it one day before the Kingdom.

I can manage to get around with a beautiful walking stick made of rosewood and which excites gasps of envy. The wound on my leg is proving to be slow to heal.

I have now finished my first week of radiotherapy. I am astonished by the invariable kindness and efficiency of the nurses and doctors. It is draining (a good excuse to get out of the washing up!), but the side effects will probably become more noticeable in the next couple of weeks.

I am working on the next book with a young Polish Biblical Scholar, Lukasz Popko OP. It consists of conversations about conversations in the Bible. It is wonderful to have a project which means that I do not lie around feeling sorry for myself (much!), and which can progress as and when I have the energy.

Please keep up calling on the help of frère Marie Joseph Lagrange, founder of the Ecole Biblique in Jerusalem. I trust that Sister Assunta and David Sanders OP, may they rest in peace, will keep him on the job!

Timothy

Voici la dernière mise à jour de l’état de santé de Timothy écrit de son poing !

**********

Chers familles et amis,

Merci plus que je ne peux vous signifier pour la grande marée de messages que je continue à recevoir en assurant vos prières et en me demandant comment je vais. Donc, même s’il n’y a pas beaucoup de nouvelles à signaler, voici une petite mise à jour. Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu personnellement à tous vos e-mails.

Les gens m’assurent que mon discours est plus compréhensible, ce qui est encourageant, surtout parce qu’au début, il ne l’était pas du tout !

Doucement, doucement, je peux gérer des soupes un peu plus denses et ma joie chaque matin sont les œufs brouillés très liquides. La nourriture solide semble encore très loin, mais j’espère le manger un jour avant le Royaume.

Je peux marcher avec un magnifique bâton de marche en palissandre et suscitant des sursauts d’envie. La blessure de ma jambe se révèle lente à guérir.

J ‘ ai terminé ma première semaine de radiothérapie. Je suis étonnée par l’invariable gentillesse et efficacité des infirmières et des médecins. C ‘ est déplacé (une bonne excuse pour ne pas faire la vaisselle ! ), mais les effets secondaires deviendront probablement plus visibles au cours des deux prochaines semaines.

En train de travailler sur le prochain livre avec un jeune bibliste polonais, Lukasz Popko OP. Consiste en conversations sur les dialogues dans la Bible. C ‘ est merveilleux d’avoir un projet qui m’évite de trop (beaucoup ! ) apitoyer mes conditions et qui peut progresser dans la mesure où j’ai de l’énergie.

Continuez à demander de l’aide à frère Marie Joseph Lagrange, fondateur de l’Ecole Biblique de Jérusalem. J ‘ espère que Soeur Assunta et David Sanders OP reposent en paix, ils le maintiendront au travail !

Timothée

TEXTE ORIGINAL

Chers familles et amis,

merci plus que je ne peux dire pour le grand flot de messages que je continue de recevoir m’assurant de vos prières et me demandant comment je vais. Alors, bien qu’il n’y ait pas grand chose de nouveau à signaler, voici une petite mise à jour. Pardonnez-moi de ne pas répondre à tous vos e-mails en personne.

Les gens m’assurent que mon discours est plus compréhensible, ce qui est encourageant, d’autant plus qu’il n’a jamais été très intelligible au départ !

Piano, piano, je peux gérer des soupes un peu plus épaisses, et mon délice chaque matin c’est des œufs brouillés très liquides. La nourriture solide semble encore très loin, mais j’espère la manger un jour avant le Royaume.

Je peux me déplacer avec un beau bâton de marche en bois de rose et qui excite des halètements d’envie. La blessure sur ma jambe s’avère être lente à guérir.

J’ai maintenant terminé ma première semaine de radiothérapie. Je suis étonné par la gentillesse et l’efficacité invariables des infirmières et des médecins. C’est drainant (une bonne excuse pour sortir de la vaisselle ! ), mais les effets secondaires deviendront probablement plus visibles dans les deux prochaines semaines.

Je travaille sur le prochain livre avec un jeune chercheur biblique polonais, Lukasz Popko OP. Il consiste en des conversations sur les conversations dans la Bible. C’est merveilleux d’avoir un projet, ce qui signifie que je ne m’apitoie pas sur mon sort (beaucoup ! ), et qui peut progresser au fur et à mesure que j’ai l’énergie.

Veuillez continuer à faire appel à l’aide du frère Marie Joseph Lagrange, fondateur de l’Ecole Biblique à Jérusalem. J’ai confiance que sœur Assunta et David Sanders OP, qu’ils reposent en paix, le garderont au travail !

Timothée

 

26 octobre 2021
Depuis 1887, sous le pontificat de Léon XIII, le mois d’octobre est devenu le mois du saint Rosaire :

« Par le Rosaire l’âme chrétienne accomplit la grande loi de la prière si instamment recommandée par Jésus-Christ et promulguée avec tant de force dans son Évangile. « Il faut prier, toujours prier, sans jamais se lasser. » (Lc 28, 1). « Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. » (Mt. 7, 7). N’est-ce pas ce que nous faisons par le Rosaire ? Nous prions sans défaillance, redisant toujours des mots que nous ne répétons jamais, nous demandons, nous cherchons et nous frappons ; nous prions humblement, nous demandons instamment, nous cherchons et nous frappons avec persévérance à la porte du Cœur de notre Dieu. De toutes les formules de prière, le Rosaire met sur nos lèvres la plus divine, et partant, comme l’observe saint Thomas, la plus humble, la plus juste, la plus confiante, la plus ordonnée et la plus dévote. La Vierge du Rosaire est Reine des victoires ; elle fait frémir les fondements de l’abîme ; sous sa protection nous vaincrons. « Levons-nous donc et approchons avec confiance de son Trône. Faisons violence à son Cœur maternel et bienfaisant par la récitation continue du Rosaire, et lui montrant ce rosaire dans nos mains, répétons avec dévotion et piété : Nous recourons à Vous, ô Sainte Mère de Dieu. Nous élevons nos prières vers Vous qui êtes la Médiatrice puissante et bienveillante de notre salut. Au nom des joies si douces que vous donna votre Fils Jésus, au nom de la part que vous eûtes à ses douleurs ineffables, au nom des splendeurs de sa gloire qui rayonnent en Vous, nous Vous en supplions instamment, écoutez-nous, malgré notre indignité, et exaucez-nous. » (Léon XIII, Encyclique « Jucunda semper » sur le Rosaire, 8 sept. 1894) » P. Hyacinte Lacomme O.P. (1859-1945), Messager du Cœur de Jésus, mai 1916.

(Source FIP n° 232, Paroisse Saint-Jérôme-Nice)

Illustration FIP 232, Paroisse Saint-Jérôme-Nice

 

26 octobre 2021
Deux éminentes et saintes figures dominicaines du XXe siècle. Deux expériences spirituelles. Tous deux avaient en commun leur amour pour la Vierge Marie et le Rosaire. Tous les deux étaient novices à Salamanque, en 1881.

Deux éminents frères dominicains sur le chemin de la sainteté

P. Marie-Étienne Vayssière o.p.

P. Marie-Joseph Lagrange o.p.

Le père Lagrange a rendu son dernier soupir à Saint-Maximin, alors que le P. Vayssière était prieur provincial de Toulouse. Le P. Vayssière écrivait alors au vicaire du maître de l’Ordre. « Ce décès a éveillé un véritable mouvement de regret, de sympathie, montrant la place du vénéré défunt dans la pensée, la confiance, le sentiment catholique. On l’a enterré dans notre enclos de Saint-Maximin, où nos jeunes religieux pourront apprendre de lui, avec la parfaite dignité de sa vie religieuse, son attachement à l’Ordre, son amour de l’Église, cet amour du travail et de la doctrine qui l’ont possédé sans relâche jusqu’à son dernier soupir. […] Je ne puis me dissimuler que mon tour arrivera sans bien tarder. Que la Vierge bénie et S. Dominique me préparent, et que je le fasse moi-même dans l’accomplissement quotidien du divin vouloir ». (B. Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, 2014) et le P. Montagnes d’ajouter en note de bas de page : « Encore une fois l’exemplarité du P. Lagrange pour ses frères dominicains en formation, exemplarité soulignée par un prieur provincial lui-même expert dans les voies spirituelles et qui a laissé une réputation de sainteté. »

Aujourd’hui, la cause en béatification du P. Marie-Joseph Lagrange est en cours.

La cause en béatification du RP. Marie-Étienne Vayssière est ouverte.

Voir notre article du 12 avril 2021 https://www.mj-lagrange.org/?p=14096

 

20 octobre 2021
Des nouvelles de fr. Timothy Radcliffe o.p., ancien Maître de l’Ordre.

 

Nous venons d’apprendre que Fr. Timothy Radcliffe est à nouveau hospitalisé. Il demande notre prière avec la mention à l’intercession du P. Lagrange. Nous vous faisons partager cette prière, en plusieurs langues, afin que nous soyons nombreux à y participer.
Vous avez plusieurs traductions de cette prière sur le site internet www.mj-lagrange.org à partir de la page d’ouverture, en cliquant sur la catégorie « Prière » dans la colonne de gauche.

 

 

 

20 octobre 2021
Source : Le Patriarcat latin de Jérusalem

Conférence sur la vie et l’œuvre du père Roland de Vaux par le P. Jean-Jacques Pérennès

Le père Roland de Vaux était un disciple et ami du père Marie-Joseph Lagrange o.p.

Par: Florence Budry/lpj.org – Publié le: October 20 Wed, 2021

Conférence sur la vie et l’œuvre du père Roland de Vaux par le P. Jean-Jacques Pérennès Available in the following languages:

JERUSALEM – Jeudi 14 octobre dernier, à 18h, au sein du couvent Saint Etienne des Pères Dominicains de Jérusalem avait lieu une des conférences bi-mensuelles de l’Ecole biblique et archéologique française (EBAF). Le P. Jean-Jacques Pérennès, son actuel directeur, dévoilait la première partie de la vie du père Roland de Vaux, lui aussi dominicain et ancien directeur de l’Ecole, sous le titre « comment devient-on Roland de Vaux ».

Le P. Pérennès consacrera son prochain ouvrage au père Roland de Vaux alors qu’il est déjà l’auteur de quatre magnifiques biographies, toutes dédiées à des religieux catholiques vivant leur mission et leur sacerdoce en pays à majorité musulmane.

Pouvant consacrer des mois de recherches et d’études à l’écriture d’un chapitre, n’hésitant pas à aller lui-même jusqu’en Afghanistan recueillir les témoignages nécessaires, le P. Pérennès partage avec nous les quêtes scientifiques mais aussi spirituelles de ces vies extraordinaires données avec succès.

Homme d’église béatifié, islamologue, ethnographe, archéologue, orientaliste, chacun avait un charisme particulier qu’il a exercé à sa manière dans un univers culturel et géographique différent au sein du monde arabo-musulman.

Roland de Vaux nait en 1903 dans une famille parisienne aisée de grands serviteurs de l’Etat; il reçoit une éducation classique des plus solides avant d’être ordonné prêtre à l’âge de 26 ans et d’entrer au Noviciat. Sujet brillant il rejoint ensuite le Grand Couvent dominicain du Saulchoir en Belgique. Parmi 80 religieux étudiants eux-aussi il se distingue par une grande capacité de travail et très tôt, deux publications, une sur Averroès, une sur l’avicennisme latin, auraient pu faire de lui un médiéviste reconnu.

C’est finalement l’étude biblique et l’archéologie qui vont devenir ses domaines de prédilection suite à son envoi en Terre Sainte à l’Ecole biblique de Jérusalem en 1933. Les Pères dominicains fondateurs de l’Ecole, explorateurs et pionniers de l’archéologie, vieillissent : il est important de former une nouvelle génération dont le père de Vaux sera la figure emblématique.

Méticuleux, acharné au travail, polyvalent, assoiffé de découvertes et de connaissances, il n’aura finalement de cesse de ressembler au père Lagrange, qu’il admirait tant pour cette capacité à être un « érudit complet ».

Poursuivant selon ses mots « une grande ambition humble », il se place dans la continuité de la vocation des pionniers de l’Ecole biblique qu’il est venu rejoindre et dont il a toute la confiance : confronter les textes bibliques avec la réalité historique et archéologique de la Terre Sainte, ce qu’il fera dès 1946 dans une série d’articles remarquables sur Les Patriarches hébreux et les découvertes modernes, anticipant la grande Histoire ancienne d’Israël, publiée à la fin de sa vie.

Participant aux nombreuses campagnes de fouilles dirigées par l’Ecole biblique, il dispense également des cours d’Histoire ancienne d’Israël (en changeant de thème chaque année, il ne donnera jamais le même cours) ainsi qu’un cours d’archéologie sur les institutions de l’Ancien Testament et des cours de langue assyro-babylonienne, tout en contribuant au lancement et à la réalisation de la Bible de Jérusalem.

Alors qu’il prend de plus en plus de responsabilités au sein de l’Ecole, le contexte politique change, enterrant à jamais l’âge d’or de l’archéologie orientale menée sur un territoire unifié par l’Empire ottoman. La Seconde guerre mondiale et ses conséquences vont bouleverser la vie de l’Ecole en même temps que toute la région. En outre, à partir de 1947, la découverte des rouleaux de la Mer morte à Qumrân, tout en lui apportant une notoriété mondiale, sera un fardeau lourd à porter.

Jusqu’à son décès à l’âge de 68 ans, le père de Vaux devra s’adapter à une réalité chaque jour différente, accomplissant des tâches administratives et matérielles lourdes, parfois au beau milieu des nombreux conflits armés qui jalonneront son mandat, sans cesser ses recherches de savant reconnu universellement, tout en restant un religieux très simple, amical, assistant aux offices parmi ses frères.

Sa ténacité à maintenir le fonctionnement de l’Ecole et son niveau d’excellence malgré des contextes politiques et sécuritaires très troublés paie encore aujourd’hui puisque l’EBAF continue en 2021 à accueillir de jeunes générations de frères, eux aussi considérés comme de grands spécialistes en exégèse, archéologie et orientalisme (langues anciennes, épigraphie).

Dans le contexte particulier de la Terre Sainte, les travaux archéologiques de l’EBAF se poursuivent dans le Nord de la Jordanie (mise au jour d’églises byzantines), mais aussi avec la publication et la préservation des fouilles du monastère Saint Hilarion de Gaza dont le classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO est espéré prochainement.

Accueil d’étudiants, publications, conférences, visites du samedi, animation de groupes bibliques, l’esprit du père de Vaux et de ses prédécesseurs est bien présent parmi les pères dominicains d’aujourd’hui qui ne pensent qu’à partager auprès du grand public, une érudition acquise au prix de tant d’efforts personnels.

La prochaine conférence du Jeudi à l’Ecole biblique sera donnée le 28 octobre par le P. Emile Puech, épigraphiste, directeur de recherches du CNRS / EBAF et consacrée au plus mystérieux des épisodes des fouilles de Qumrân, la découverte du rouleau de cuivre.

Toutes les conférences sont enregistrées et accessibles ici.


Biographies rédigées par le P. JJ Pérennès et déjà parues :

  1. Pierre Claverie, un Algérien par alliance, Paris, Le Cerf, 2000, 391 pages, traduit en italien (Citta nuova) ; arabe (Paulistes, Beyrouth), anglais (Orbis book), allemand (Benno Verlag) et tchèque (Ed. Crystal) ; version résumée en espagnol (Editirial San Esteban)
  2. Georges Anawati, un chrétien égyptien devant le mystère de l’islam, Paris, le Cerf, 2008, 367p., traduit en allemand (Herder)
  3. Le père Antonin Jaussen, op (1871-1962), une passion pour l’Orient musulman, Paris, Le Cerf, 2012, 144 p.
  4. Passion Kaboul, le père Serge de Beaurecueil, Paris, Le Cerf, 2014, 362 p.

 

20 octobre 2021
La lecture de la Sainte Bible est-elle dans l’esprit dominicain ? par Marie-Joseph Lagrange o.p.

La première question qui se présente est celle-ci : un tertiaire dominicain est-il obligé de lire la Bible ? La réponse n’est pas douteuse. Non, il n’y a nulle obligation pour lui, pas plus que pour tout autre laïc.

C’est ce dont les protestants se scandalisent. La Bible est la Parole de Dieu, elle a été inspirée par l’Esprit Saint ; les catholiques ont proclamé solennellement au Concile de Trente qu’elle a Dieu pour auteur. Se peut-il que tous ne soient pas obligés à la lire ? Mais alors il faudrait conclure que tout chrétien est obligé de savoir lire, et personne ne le soutient, si recommandée que soit l’instruction.

Mais enfin, si l’on sait lire ? Pourquoi le premier soin d’un ministre protestant est-il de mettre une bible entre les mains de tout converti, tandis que le missionnaire catholique se contente du paroissien ? Cela prouve bien, en tout cas, que l’Église n’interdit pas la lecture de la Bible, puisque le paroissien contient des épîtres et des évangiles, tirés de l’Écriture, que le prêtre le plus souvent prend soin d’expliquer. Mais ce n’est pas toute la Bible.

Nous touchons ici à la différence fondamentale entre catholiques et protestants. L’initiateur du protestantisme, Luther, a enseigné que chaque fidèle devait être éclairé sur sa foi par la Bible elle-même, par le contact direct avec l’Esprit Saint, auteur de la Bible, si bien que le sens qu’il percevait était bien la leçon que Dieu voulait lui donner par l’Écriture. Ainsi comprise, ainsi pratiquée, la lecture de la Bible par tous devenait une cause de division entre les chrétiens sur les points intéressant la foi, car chacun l’entendait à sa manière. Et en effet la division s’est produite entre plusieurs sectes dont nous constatons l’émiettement. Elle ne s’est arrêtée en partie que par un reste de sens catholique. Le protestant laïc entend l’Écriture comme la lui enseigne son pasteur ; chaque groupement conserve l’unité par le principe d’autorité qui garantit à l’Église l’unité de tout le corps chrétien.

L’Esprit qui a inspiré l’Écriture l’a donnée en dépôt à l’Église qu’il assiste infailliblement dans son interprétation. Assurée de posséder l’Esprit de la lettre, l’Église a le droit et le devoir de le communiquer directement aux fidèles par son corps enseignant. Elle ne reconnaît aucun privilège aux plus instruits ; elle guide ceux qui ne savent pas lire comme les docteurs qui ont pâli sur les textes. Elle permet d’ailleurs la lecture de la lettre à tous ceux qui savent lire, à la condition, s’il s’agit de traductions, qu’elles soient accompagnées de notes tirées des saints Pères ou d’autres représentants autorisés de la tradition. À cette condition, on doit reconnaître qu’elle l’encourage et la bénit.

Par le fait cette tradition a été souvent écrite. Mais si on la compare à la Bible, elle représente l’enseignement de vive voix, le plus clair, celui qui s’adresse à tous, qui se met à la portée de tous par le jeu des questions et des réponses. Il y a longtemps que Platon a montré la supériorité de la parole vivante sur la parole écrite, incapable de s’assouplir dans l’intérêt des intelligences. Il en est ainsi de toutes les disciplines. Même si le texte est formellement un code de lois, le seul qui fasse autorité, qui fixe son devoir au juge comme au particulier, on ne le livre pas à son impuissance, on constitue un corps professoral pour l’enseigner. Cela est vrai de notre code civil, écrit pour des Français, et qui ne date pas encore d’un siècle et demi. Quel étudiant aura assez de génie pour qu’on lui dise : prenez, étudiez ce petit volume, et après vous plaiderez devant un tribunal. C’est cependant ce qu’en théorie, mais en théorie seulement, les protestants disent à leurs fidèles du monde entier, après tant de siècles, à propos d’un livre écrit pour les juifs, ou du Nouveau Testament qui ne prétend nulle part proposer une règle de foi complète, qui suppose plutôt que cette règle a été prêchée de vive voix par les disciples d’un Maître qui n’a rien écrit.

Combien l’Église est mieux inspirée, qui s’en tient à la méthode des Apôtres, et enseigne les principes de la foi et de la morale d’après sa tradition, d’ailleurs conforme à l’Écriture, du Nouveau Testament surtout.

L’Ordre de Saint-Dominique ne fait pas autre chose. Ce qui lui est propre – dans les origines, car sa méthode s’est répandue dans l’Église entière –, c’est de faire de cette substance de la foi et de la morale le thème d’une prière. Le simple fidèle contemple ainsi ce qui est l’essence de sa foi, et demande à Dieu de l’aider à pratiquer ses préceptes. Le révélateur de la foi, la source de la grâce, c’est Jésus, mais on a recours pour s’unir à lui à l’intercession de sa très Sainte Mère. Vous entendez bien que c’est là tout le Rosaire.

On vous en parlera souvent dans cette Revue (La Vie dominicaine). On vous dira que le Rosaire est un acte de foi dans les mystères du salut, qu’il nous enseigne la Bonté de Dieu et aussi sa Justice, qu’il est un miroir de toutes les vertus chrétiennes, la charité, l’espérance, l’humilité, la patience, l’abandon à Dieu qui les résume toutes. Ce que je voudrais noter seulement aujourd’hui, c’est que aucune de ces méditations n’est proposée d’une manière didactique, partant de la nature des attributs de Dieu pour en déduire les actes de l’excellence des vertus pour en presser la pratique. Non, tout est de l’ordre des faits ; c’est une histoire qui se déroule, celle de Jésus, si intimement liée à celle de Marie. C’est en Jésus que les vertus nous paraissent admirables, souhaitables, même réalisables pour nous selon notre faiblesse et par sa grâce, avec l’assistance maternelle de Marie.

Le Rosaire est un résumé de l’Évangile, nous orientant vers la fin que nous fait espérer l’Incarnation et la Passion de Notre-Seigneur Jésus‑Christ.

Mais alors le Rosaire supplée à la lecture de l’Écriture et la rend inutile ?

Disons plutôt qu’il la fait désirer, qu’il nous la rend même nécessaire, si nous voulons réellement avoir devant les yeux les mystères que nous devons méditer.

Et puis le Rosaire, comme reflet de la vie de Jésus, est incomplet. On y constate une grande lacune, car il ne dit rien de ce qui est proprement l’Évangile, c’est-à-dire l’enseignement du Sauveur. Cette lacune, il ne pouvait l’éviter, étant une prière qui passe par Marie. Par une dispensation de sa Sagesse, Dieu n’a pas voulu que la Très Sainte Vierge ait pris part ordinairement au ministère de son Fils. Elle apparaît au début, pour solliciter le premier miracle ; elle est debout auprès de la Croix pour être constituée notre Mère par son Fils mourant. Le plus souvent, presque toujours au cours de la prédication, elle est absente. Elle n’avait plus besoin d’être instruite des vérités de l’Évangile telles que Jésus les proposait aux auditeurs, avec mille ménagements appropriés à leur faiblesse. C’était assez que le Messie fût discuté, méconnu, par un peuple récalcitrant ; la Virginité de sa Mère ne devait pas être jetée en pâture à des enquêteurs malveillants. Elle absente, le Rosaire était interrompu.

Mais il en disait assez pour provoquer une curiosité bien légitime. On ne peut être attentif aux mystères de l’Enfance et de la Passion sans être porté invinciblement à considérer l’œuvre de l’homme mûr, celle que faisait présager son Enfance, celle qui l’a conduit à sa Passion. De sorte que l’âme dominicaine, formée par le Rosaire, sera la plus inclinée à se pencher sur l’évangile pour mieux connaître ce que Jésus exige de nous et l’apprendre dans les faits de sa vie, dans son attitude envers les hommes qu’il est venu sauver, dans les paroles où se répand la lumière, et surtout cette révélation que Dieu est un Père, et qu’il est amour : Deus caritas est.

Une fois sur cette voie, le tertiaire dominicain, selon ses facultés et ses loisirs, sera entraîné à la suivre dans les Épîtresdes Apôtres et surtout de saint Paul, dans les Actes qui conduisent l’Église de Jérusalem à Rome où sera fondé le Siège de Pierre, et même jusque dans cette Jérusalem nouvelle, dont saint Jean nous fait entrevoir dans l’Apocalypse la splendeur encore voilée à nos yeux.

Puis ayant constaté avec quelle fermeté saint Paul affirme que la valeur de l’Ancien Testament est de préparer les âmes au Christ, le dévot du Rosaire voudra connaître ces prophéties auxquelles font allusion les évangélistes et les apôtres, il remontera le cours des temps jusqu’à Jérémie, image du Messie méconnu et souffrant, jusqu’à Isaïe qui eût voulu déchirer les cieux pour en faire descendre l’Emmanuel, jusqu’à David, le type du Roi oint de l’onction divine, jusqu’à Moïse, le législateur dont l’œuvre n’est plus qu’une figure. Il atteindra à Abraham, dont la tente plantée dans le désert contenait toute l’Église, et enfin au premier Adam dont le Christ, le second Adam dans l’histoire, mais le premier, par son origine divine, avait expié et réparé la faute. Alors lui apparaît le Dieu créateur, dont les desseins ne sauraient faillir et qui avait annoncé au couple coupable l’avènement du fils de la femme qui devait triompher du serpent. Tout cela, l’Église le lui a appris dès ses plus jeunes années, mais le contact avec le livre inspiré, qui est un contact avec l’Esprit de Dieu, le lui rendra plus vivant et par là même plus vivifiant. Le Rosaire aura porté tous ses fruits.

(extrait de Comment lire la Sainte Écriture par Marie-Joseph Lagrange o.p., La Vie dominicaine, 1936) Extrait de La Vie dominicaine, Saint-Maximin (Var) Juin-Décembre 1936.

L’Écriture en Église, coll. « Lectio divina », n° 142, Éd. du Cerf, Paris, 1990, p. 185-217).
Pour lire ou relire l’article en entier : https://www.mj-lagrange.org/?p=8224

 

 

20 octobre 2021

Fr. Roland de Vaux o.p., éminent savant, archéologue, à l’origine de la découverte des manuscrits de la mer Morte, disciple et ami du père Marie-Joseph Lagrange o.p.

 

12 octobre 2021
« Frères, je n’ai pas honte de l’Évangile, car il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque est devenu croyant » (Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains (1,16-25).

C’est seulement après avoir lu ces épîtres, vraiment débordantes de cette émotion qui accompagne l’action, surtout l’action créatrice dans son premier élan surnaturel, qu’on est frappé de l’aspect monumental de l’Épître aux Romains. La construction a été contrariée, mise en question, presque entravée, comme la réparation des murs de Jérusalem, au temps de Néhémie. Maintenant la cathédrale est terminée. Paul, dans un moment où ses églises étaient calmes, a fait la synthèse doctrinale de son ministère comme apôtre des Gentils, toujours confiant cependant dans la promesse dont les juifs étaient dépositaires et qui, un jour, s’accomplira pleinement en eux. Jésus-Christ, source de la grâce, d’une grâce qui est dès à présent répandue dans l’âme du croyant, Jésus-Christ est au centre de cette épître. Il apparaît, au moment où tout semblait désespéré, comme la solution du problème du bien et du mal. Avant lui une volonté infirme qui succombe le plus souvent : après lui, avec lui, en lui, une vie divine qui triomphera de tout par cet amour, dont Dieu est le terme, mais dont il est aussi la source par le don de l’Esprit.

Pourquoi un fils de saint Dominique, un disciple de saint Thomas instruit des valeurs spirituelles se priverait-il de cette lecture ? Le judaïsme s’était scandalisé de cette parole de Jésus : « Soyez parfaits, comme votre Père est parfait » (Mt 5, 48). Et en effet c’était en apparence exiger de la volonté humaine ce que sa faiblesse ne saurait atteindre. Saint Paul nous fait comprendre que notre œuvre tend à la perfection parce qu’elle est moins la nôtre que l’œuvre de l’Esprit, qui agit en nous, qui prie en nous. Si quelque difficulté se présente à vous – et il y en a – et si vous ne pouvez les résoudre ni même les étudier, elles seront absorbées par une sorte d’évidence qu’un dessein du Dieu très bon sur l’humanité ne peut être conçu autrement. (extrait de Comment lire la Sainte Écriture par Marie-Joseph Lagrange o.p., La Vie dominicaine, 1936)

Illustration : Saint Paul par William Morris (19e)

11 octobre 2021
Saint Jean XXIII

Le père Marie-Joseph Lagrange o.p., précurseur du concile Vatican II, « origine d’un nouveau temps pour l’Église » (Jean Guitton, Portrait du père Lagrange)

 

Qu’attendait Jean XXIII du concile ? Il s’est expliqué à profusion sur ce sujet complexe. Mais un jour, il eut ce geste et ce mot éloquants dans leur simplicité franciscaine : « Le Concile ? dit-il en s’approchant de la fenêtre et en faisant semblant de l’ouvrir, j’en attends un peu d’air frais… » « Il faut secouer la poussière impériale qui s’est accumulée sur le trône de saint Pierre depuis Constantin. »  (à un ambassadeur, Les fioretti du bon pape Jean, par Henri Fesquet).

 

 

 

 

10 octobre 2021
L’Évangile de ce jour :
La récompense promise au détachement (Mc 10, 17-30)

En ce jour-anniversaire, comme nous le faisons tous les mois depuis de nombreuses années, en communion avec fr. Manuel Rivero o.p., nous confions nos intentions de prières à l’intercession du père Lagrange et pour « hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu ».

7 octobre 2021

Tome 143, n° 4 de la Nouvelle Revue Théologique, octobre-décembre 2021, le P. Jean Levie, directeur de la Revue, consacre un bel article sur le P. Marie-Joseph Lagrange.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7 octobre 2021
Notre-Dame du Rosaire
En communion de prières avec nos amis du Pèlerinage du Rosaire

 

« Marie est la fille chérie du Père céleste, la bien-aimée du Saint-Esprit, la
mère et l’amie de Notre Seigneur Jésus, la compagne fidèle de ses joies et
de ses douleurs. Elle est plus belle que les anges, plus pure que la neige
fraîchement tombée, plus souriante que l’aurore. Elle est la Vierge fidèle qui
n’abandonne pas ses serviteurs : quand nous pensons à elle, elle se réjouit
dans son Cœur Immaculé ; quand nous parlons d’elle, elle sourit ; elle se
penchera vers nous, si nous la saluons par une antienne » (P. Lagrange, Journal spirituel).

 

 

 

4 octobre 2021
Saint François d’Assise (1181-1226), fondateur de l’ordre des Frères mineurs (O.F.M.), patron de l’Italie, patron Céleste des écologistes

« Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité ! »

Comme l’ordre des Dominicains, l’ordre des Franciscains est caractérisé par la pauvreté, la prière et la prédication que l’on retrouve dans la vie du père Lagrange :

Homme de foi en la Providence, mystique sûr de l’action de Dieu dans l’histoire humaine, le père Lagrange a mis sa confiance dans la Providence divine. Les conditions de la fondation de l’École biblique de Jérusalem en sont l’exemple le plus parlant. Il savait que les grandes entreprises de Dieu naissent petites. Loin de se décourager face à la pauvreté matérielle ou d’exiger comme condition sine qua non des instruments de travail performants, le père Lagrange met sa confiance en la Providence, comme le décrit le frère Jacques Loew : « Les Supérieurs du Père l’envoient à Jérusalem : quelle joie ce sera de rechercher les traces de Marie à Nazareth ou à Bethléem et d’être comme dans un pèlerinage perpétuel ! Oui, mais le Père est seul, sans argent, sans livres de travail ! Qu’importe : il fonde l’École biblique de Jérusalem. C’est précisément, dira-t-il plus tard, parce que c’était inhumain et qu’il n’y avait rien que cela valait la peine de l’entreprendre, parce que c’était Dieu qui le réaliserait. »  Des professeurs pour enseigner ? Le Père les formera lui-même parmi ses premiers élèves. Des salles de cours ? Un abattoir où les crochets à suspendre les bestiaux se voient au mur. Du matériel scolaire ? Une seule table, un seul tableau noir, une seule carte du pays ! « Notre plus petite école primaire de France est un palais à côté de cette université naissante. Mais, en revanche, quel commencement, dit-il dans son discours, avec l’aide de Madame Sainte Marie et de Monseigneur Saint Étienne, dans la confiance que Dieu le veut! »

Ceux qui ont connu le père Lagrange témoignent de sa pauvreté manifestée dans les petites choses du quotidien. Dans l’Évangile, Jésus enseigne que celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes, tandis que celui qui se montre malhonnête dans les petites choses l’est aussi dans les affaires d’importance [1].

Le frère Louis-Albert Lassus, o.p., a cité un exemple de l’esprit de pauvreté du père Lagrange prêt à supporter le froid pour favoriser l’économie du couvent : « Je me rappelle aussi qu’en plein hiver, il demanda au père prieur : Croyez-vous qu’il fasse assez froid pour allumer mon poêle ? »  (Un religieux fidèle à ses vœux par Fr. Manuel Rivero o.p.)

Quand saint François et saint Dominique se rencontrent :  http://www.freres-capucins.fr/Notre-pere-saint-Francois-et-notre.html

 

2 octobre 2021
Prière à mon ange gardien

 

 

À l’exemple du père Lagrange ne manquons d’invoquer notre ange gardien.

« Tous les anges du Seigneur, bénissez le Seigneur : à lui haute gloire, louange éternelle ! » (Dn 3,58)

Mon ange gardien, bénis le Seigneur ; et bénis-moi qui t’aime !

 

 

 

1er octobre 2021
Ste Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte-Face

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. »

Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance. (extrait de la neuvaine à sainte Thérèse de l’Enfant et de la Sainte-Face par Fr. Manuel Rivero o.p. : https://www.mj-lagrange.org/?p=14515

[1] Cf. Évangile selon saint Luc 16, 10. Témoin 31, Rév. Jacques Loew (Cop. Publ., IV, pp. 356-371).

Neuvaine à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte-Face par Fr. Manuel Rivero O.P.

Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.

Neuvaine 2021 à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+30 septembre 1897)

Premier jour

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus).

Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance.

Deuxième jour

« J’allais derrière mon lit dans un espace vide qui s’y trouvait et qu’il m’était facile de fermer avec le rideau … et là je pensais. Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le bon Dieu m’instruisait en secret. » ; « Quelquefois j’essayais de pêcher avec ma petite ligne, mais je préférais aller m’asseoir seule sur l’herbe fleurie : alors, mes pensées étaient bien profondes et, sans savoir ce que c’était de méditer, mon âme se plongeait dans une réelle oraison. (…) La terre me semblait un lieu d’exil, et je rêvais le Ciel. » (sainte Thérèse).

L’oraison est le cœur à cœur avec Dieu. En silence, nous écoutons Dieu qui parle à notre âme. L’oraison est un mot d’origine latine qui veut dire « bouche ». Faire oraison équivaut à partager le souffle de Dieu, le bouche à bouche avec Dieu où nous recevons l’Esprit Saint. Véritable conversation avec Dieu, la prière représente une promenade avec Dieu dans le Paradis.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’oraison qui nous unit à Dieu.

 

Troisième jour

« Jésus a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette … J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes … Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le jardin de Jésus. » (Sainte Thérèse).

« Chacun va à Dieu par un chemin virginal », a écrit le poète espagnol Léon Felipe (+1968). Dieu aime l’unité mais pas l’uniformité.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de respecter et d’apprécier l’altérité, la différence des personnalités et des chemins pour arriver à Dieu.

 

Quatrième jour

« En sortant du confessionnal, j’étais si contente et si légère que jamais je n’avais senti autant de joie dans mon âme. Depuis je retournai me confesser à toutes les grandes fêtes et c’était une vraie fête pour moi à chaque fois que j’y allais. » (Première confession de sainte Thérèse à sept ans).

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de vivre le sacrement de la réconciliation.

Cinquième jour

Femme de miséricorde, sainte Thérèse intercède pour Pranzini, condamné à mort et exécuté le 31 août 1887. Juste avant sa mort, Pranzini saisit le crucifix présenté par l’aumônier. Thérèse y vit le fruit de sa prière. Elle appela ce condamné « son premier enfant ». Enfant de sa maternité spirituelle.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de la miséricorde et de la prière pour les pécheurs.

Sixième jour

Elle avait déclaré au chanoine Delatroëtte qui lui demandait « pourquoi êtes-vous venue au Carmel ? : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres. ».

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de vivre la miséricorde envers les prêtres et de prier pour eux.

Septième jour

En apprenant que son père est hospitalisé psychiatrie, sainte Thérèse s’est exclamée : « Notre grande richesse ». Elle sait que cette maladie terrible demandera à la famille de s’unir davantage au Christ dans sa Passion. Il leur faudra davantage d’amour. Mais le Seigneur ne laisse pas les malades sans sa grâce.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, de discerner la présence du Christ Jésus dans les malades et de leur témoigner de notre foi et de notre solidarité dans la souffrance.

 

Huitième jour

Poème envoyé par sainte Thérèse à l’abbé Roulland parti missionnaire en Chine :

« Vivre d’amour, ce n’est pas sur la terre

Fixer sa tente au sommet du Thabor.

Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,

C’est regarder la Croix comme un trésor !

Au Ciel je dois vivre de jouissance

Alors l’épreuve aura fui pour toujours

Mais exilée je veux dans la souffrance

Vivre d’amour. »

« A lui de traverser la terre,

De prêcher le nom de Jésus.

A moi, dans l’ombre et le mystère,

De pratiquer d’humbles vertus.

La souffrance, je la réclame,

J’aime et je désire la Croix …

Pour aider à sauver une âme

Je voudrais mourir mille fois. »

 

Poème envoyé le 16 juillet 1896, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, copatronne des missions avec saint François-Xavier, la grâce de devenir disciples-missionnaires de Jésus ressuscité.

Neuvième jour

Malade, Thérèse, à l’infirmerie, chante les miséricordes du Seigneur à son égard. Elle avoue à mère Agnès : « Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance : je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce d’une bonne mort dans la foi en sa miséricorde.

 

Le père Lagrange et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte-Face par Manuel Rivero o.p.

1er octobre 2021

Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+1897)

Fr. Manuel Rivero O.P., président de l’association des amis du père Lagrange

Dans son Journal spirituel[1], le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Patronne des missions par Sr Marie de l’Esprit Saint (1892-1982)

L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».

Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque[2]  des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne[3] a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie.

Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah !  Que ces traces sont lumineuses !  Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir. ‘[4] Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’.[5] »

C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des Évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.

Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit. »[6].

Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église.

Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, O Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ».

Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans, une riche tradition qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à, notre époque par le nombre croissant de femmes exégètes, qui apportent plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publié en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yues sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).

[1] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.

[2] Synopsis Evangelica. Textum graecum quattor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.

[3] Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.

[4] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.

[5] Ibidem, chapitre VIII.

[6] Saint Thérèse de ‘Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.

Écho de notre page Facebook : septembre 2021

L’Évangile selon saint Luc par fr. Marie-Joseph Lagrange o.p.

Extrait de Comment lire la Sainte Écriture ?
paru dans La Vie dominicaine
Saint-Maximin (Var) Juin-Décembre 1936

Pendant que Pierre annonçait l’Évangile à Rome surtout aux juifs qui y étaient très nombreux, Paul, au moment où il s’apprêtait à anéantir le christianisme naissant à Damas, fût éclairé par Jésus-Christ en personne, converti, destiné à convertir ses coreligionnaires, et plus encore les païens. Antioche était alors la reine de la Syrie, l’intermédiaire du commerce entre l’Orient indépendant de Rome et le grand empire gréco-latin. Elle était aussi le principal foyer de la culture grecque après Athènes et Alexandrie. C’est là que les disciples de Jésus furent nommés Chrétiens. Ces nouveaux convertis se souciaient peu des origines juives de l’Évangile : elles eussent été plutôt un obstacle. Ce qu’attendaient les âmes religieuses, mal satisfaites de religions impures, même sous leur forme la plus élevée, c’était un Sauveur, qui leur accordât le pardon de leurs péchés, qui les aidât à pratiquer une vie meilleure. Les juifs leur avaient offert de les initier à leur Loi, mais à la condition d’être incorporés au judaïsme. Ils comprenaient mal que le Dieu créateur du monde n’eût pas disposé en faveur de tous les hommes une religion universelle, embrassant toutes les nations, demeurées libres de rester ce qu’elles étaient dans l’ordre humain.

C’est précisément ce que prêchait Paul, qu’il n’y avait plus ni juifs, ni Grecs, mais seulement des fidèles du Christ, associés par la foi à sa mort et à sa résurrection. Ajoutons que l’élite intellectuelle de ces convertis avait été formée dans le culte des Bonnes-Lettres. Plus le thème du discours était élevé, plus sa composition devait être ordonnée, chaque genre suivant ses règles. Déjà on avait inauguré le genre de la biographie des hommes célèbres. Athènes, et plus encore Rome, avaient le culte de ces grands esprits ou de ces grands capitaines qui avaient inauguré de nouveaux systèmes de philosophie ou de religion, qui avaient défendu et agrandi la patrie. Si Jésus n’avait pas régné par les armes, sa pensée avait inauguré des rapports nouveaux entre Dieu et les hommes, entre tous les membres de l’humanité. Il avait donc droit à une biographie plus conforme au genre historique que la polémique de Matthieu ou les traits épars recueillis par Marc d’après la prédication de Pierre. Précisément, Paul avait parmi ses compagnons un médecin qui probablement s’était attaché à lui pour le soigner et avait été associé à son activité apostolique. Sorti de la gentilité avec une culture déjà complète, il se proposa d’adresser à un homme distingué, comme c’était l’usage, une esquisse de la vie de Jésus-Christ qui fixât par écrit ce que savaient pour en avoir été témoins, les premiers apôtres. Sous leur patronage, les chrétiens de l’avenir pourraient garantir la vérité des faits, à peu près dans l’ordre où ils s’étaient passés.

On voit quel programme s’imposait au médecin Luc. Il n’avait pas à exposer la doctrine particulière de Paul postérieure à la prédication de Jésus. Il n’avait pas non plus à rechercher toutes les influences sous lesquelles s’était formée la pensée et la vie religieuse du Christ, puisque, Fils de Dieu incarné, il tenait d’en haut les dons propres à son ministère. Mais la nouveauté même de son enseignement devait mieux paraître en le comparant à celui de ses adversaires ; sa vie devait mettre en scène dans une certaine mesure les Pharisiens et les Sadducéens, Hérode la principale figure d’un petit état, et ses successeurs. Cependant, comme l’Évangile s’adresse à toute la terre habitée, c’est-à-dire avant tout à l’empire romain, Luc élargit le cadre palestinien et rattache l’origine de l’Évangile aux destinées de l’empire. Avec une hardiesse inouïe, il met au-dessus d’Auguste, tant de fois salué bienfaiteur du genre humain, l’enfant né dans une étable comme le véritable Sauveur. Sa généalogie ne remonte pas seulement à Abraham, elle commence à Adam, le premier père, sorti des mains de Dieu.

À lire saint Matthieu, le Christ était venu pour accomplir la promesse faite par Dieu à Israël. Les Gentils ne pouvaient alléguer ce titre, en quelque sorte légal. Pourquoi donc le Messie des juifs, le Christ, était-il venu les chercher ? Au titre de sa miséricorde pour les pécheurs. De là, dans le troisième évangile, tant de traits où les anciens pères dans leurs homélies, ont vu des appels de la bonté divine, devenue dans l’homme-Dieu une véritable compassion, une souffrance du cœur envers la misère physique et surtout morale. Rappelez-vous Jésus consolant la veuve de Naïm : Ne pleurez pas ! Voyez la pécheresse en larmes à ses pieds, et Lui récompensant ce grand amour par le pardon. Lisez et relisez la navrante aventure du fils prodigue, où éclate la joie du Père qui recouvre son enfant, en face de la froideur du fils aîné, qui n’a jamais eu rien à se faire pardonner, ne se doutant pas que cette protestation contre la miséricorde est une grave offense.

Les Gentils, même l’austère romain saint Grégoire, ne pouvait lire ces histoires sans pleurer, parce que dans le coupable que poursuivait Jésus de son amour, ils croyaient reconnaître leur monde à eux, cette gentilité qui avait vécu sans Loi religieuse, et qui n’avait qu’à croire à un amour éternel pour obtenir son salut.

Naturellement Luc, en quête de témoignages assurés, ne pouvait négliger celui de Pierre, déjà fixé par saint Marc, et il s’est servi du second évangile. Mais sa fidélité envers cette source de premier ordre nous garantit qu’il n’a pas été moins prudent, et, comme on dit aujourd’hui, moins critique dans ses enquêtes auprès des autres, de ceux qui ont tout vu dès le commencement et ont été les ministres de la parole.

Dès le commencement ! Quel témoin a connu le commencement de l’Évangile dont Jésus-Christ était le sujet ? Une seule personne, Marie sa mère, dont Dieu a voulu avoir le consentement, avant de réaliser l’œuvre de la bonne nouvelle. Et lorsque Luc souligne par deux fois[1] que Marie conservait dans son cœur tout cela, paroles et faits, selon le sens compréhensif du terme hébreu, n’est-ce pas une manière délicate de nous dire qu’il reproduit les confidences de Marie, peut-être déjà écrites par un très ancien ami parmi les âmes choisies de Nazareth ou de l’entourage de Zacharie.

C’est donc à saint Luc, et, par lui à Marie, que les âmes dominicaines doivent les cinq mystères joyeux qu’elles s’attachent à contempler. Une fois entrées en communication avec cet écrivain si éclairé sur ces mystères elles reconnaîtront dans le troisième évangile les mêmes touches émues et délicates qui attendrissent le cœur et le remplissent d’une immense espérance dans son Sauveur.

Et certes voilà un fruit bien suffisant de la lecture de ces pages qui ont leur source dans une âme vierge. Faut-il ajouter, non pour satisfaire le simple goût littéraire exprimé par Renan, qui jugeait ce petit livre exquis, mais pour mieux comprendre sa place dans le chariot sacré des Quatre, que Luc a résolu de la façon la plus heureuse le problème de faire comprendre et goûter aux Grecs une histoire juive, sans altérer en rien son inviolable vérité ? Selon un canon d’élégance reçu chez les partisans des Attiques, il n’entre pas dans des détails qui paraissent superflus, peu dignes de la grande histoire. Il a donc suivi Marc en l’abrégeant, en prêtant quelque élégance aux tournures de ce paysan illettré. Quand un trait était trop propre à la Palestine, il a quelque peu transformé l’image. On ne voit pas chez lui un torrent dévastateur amené par une simple pluie[2], c’est un fleuve qui déborde. Les toits rustiques de Galilée faits de terre tassée[3] sont par Luc, ornés de tuiles. Bien d’autres traits sont caractéristiques par l’exclusion de certains mots, moins goûtés, moins élégants. Luc n’affecte pas, comme plus tard Victor Hugo, de mettre sur le même rang les termes nobles et les termes roturiers.

Amusez-vous, si vous en avez le goût, à poursuivre ces minuties : vous en retirerez du moins ce résultat de vous convaincre de la solidité du fond, garantie parce que les changements ne portent pas sur le sens, tel que Marc, par exemple, l’avait fait ressortir sous une forme plus vulgaire, probablement plus primitive, même s’il s’agit des paroles de Jésus. Le Maître mesurait avec une condescendance délicate son enseignement à la capacité de ses auditeurs. Son évangéliste a eu la même indulgence pour des goûts plus délicats.

Les trois premiers évangiles annonçaient clairement, de la part de Jésus, et avant que sa génération eût disparu, la ruine de Jérusalem et du Temple. Ce n’est pas, comme les juifs d’aujourd’hui se complaisent à le dire, que leurs ancêtres aient été chassés de leur pays. L’accès de Jérusalem seul leur fût interdit ; le culte du Dieu d’Israël au mont Sion n’existait plus, en attendant qu’il fût remplacé par celui de Jupiter Capitolin. Une saine critique affirme que les trois premiers évangiles sont antérieurs à cet événement capital, car nulle part ils ne font gloire au Christ de sa prophétie accomplie ; elle est plutôt enveloppée dans la perspective de la fin du monde. Cette perspective flottante est l’une des énigmes les plus difficiles que vous rencontrerez en lisant l’Évangile : elle est cependant la preuve la plus solide que les évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc sont antérieurs aux faits et émanent par conséquent de la génération à laquelle a appartenu Jésus.

mj-lagrange.org
[1] Lc 2,19 ; 2,51.
[2] Mt 7, 25 ; Luc 6, 49.
[3] Mc 2, 4 ; Luc 5, 19.

Illustration : Saint Luc. Basilique St-Étienne à Jérusalem par Joseph Aubert (1843-1924).

 

21 septembre 2021
Et Jésus, s’éloignant de là, vit un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu. Et il lui dit : « Suis-moi ! » (Matthieu 9, 9-13).

 

Il a fallu l’humilité reconnaissante du premier évangéliste – et cela est bien près d’être une signature – pour donner ici à Lévi le nom de Matthieu, en ajoutant dans le catalogue officiel des apôtres sa qualité de publicain. Que le même homme ait porté deux noms, cela est rendu vraisemblable par un usage assez courant. Mais qu’il donc difficile même aux chrétiens de comprendre que l’appel de Jésus est le plus noble de tous les titres.

Donc, Jésus, passant au bord du lac, aperçut Lévi, fils d’Alphée, faisant son office de publicain. Il lui dit : « Suis-moi ». L’homme se lève et le suit. Il suit Jésus, et son obéissance est joyeuse.

(Marie-Joseph Lagrange op. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 154.)

 

 

19 septembre 2021
Et s’étant assis, il (Jésus) appela les Douze et il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous, et le serviteur de tous. » (Marc 9, 35)

Dans son ouvrage L’Évangile selon saint Marc (1911) le P. Lagrange écrit : Jésus s’assied, moins comme docteur que parce qu’on a marché. Il a posé la question en rentrant, à ceux qui étaient les plus proches. Peut-être qu’un groupe seulement avait pris part à la discussion, mais la leçon convient aux Douze. Il ne s’étonne pas de la préoccupation des disciples, et ne conteste pas le principe de la hiérarchie, mais il insinue l’esprit nouveau qui doit animer les chefs. […] La pensée de Jésus revêt une forme un peu paradoxale. Vous voulez être le premier ? soyez donc le serviteur de tous… ce qui veut dire : plutôt que de viser aux honneurs, allez aux fonctions humbles et charitables. L’ambition se colore du désir d’être utile ? soyez donc utiles en vous faisant les serviteurs de tous, ambition légitime, et parfaitement pure si vous cherchez la dernière place.

 

18 septembre 2021

 

Bienheureuse Vierge Marie

« Ô bienheureuse Mère, donnez-moi, je vous prie, un humble sentiment de moi-même, plus d’amour de Dieu : j garderai le silence et parlerai, mais, avec vous et Jésus. »
(Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 173.)

 

 

 

 

15 septembre 2021
Notre Dame des Douleurs

« Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » (Jean 19, 26-27)

Le terme de « femme » peut nous choquer mais le père Lagrange le situe dans le contexte de la culture juive :

Ce terme de femme sonne plus doucement aux oreilles d’un Oriental qu’aux nôtres. Et Jésus, se séparant de sa mère, ne veut plus lui donner ce nom très doux. Cela aussi fait partie de son sacrifice. Sa pensée est de la confier à celui qu’il aime le mieux, par qui elle sera le mieux comprise quand elle parlera de son vrai fils. Étant très jeune, son affection sera à la fois plus respectueuse et plus tendre. Il devra donc la regarder vraiment comme sa mère : « Voilà ta mère ». Et depuis ce moment le disciple la prit chez lui. Quelle union entre eux fut créée par cette parole et par ce souvenir ! tous les chrétiens, devenus frères de Jésus par le baptême, sont donc aussi fils de Marie. Ils s’approchent de la croix, s’entendent dire cette parole : « Voilà votre Mère ! » Et ils savent, et ils éprouvent que Marie les traite vraiment comme des fils.

(Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du rosaire par Fr. Manuel Rivero op, p. 116, et L’Évangile de Jésus Christ avec la Synopse évangélique par Marie-Joseph Lagrange op, p. 626.)

Illustration : La Vierge Marie et saint Jean au pied de la Croix (1520) par Jacob Cornelisz van Oostsanen.

 

14 septembre 2021
La Croix glorieuse

« De de même que Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle. » (Jean 3, 14-15)

Dans son évangile selon saint Jean, Lecoffre, 1936, le père Lagrange développe ainsi ces deux phrases :

L’allusion au serpent d’airain est très claire, et Jean n’emploie jamais ce mot que pour signifier l’exaltation de la Passion. […] Il est possible cependant qu’il ait choisi ce mot à cause de son sens d’exalter – non parce que l’exaltation du Christ a suivi sa passion, car la gloire n’est pas ici dans la perspective – mais parce que la Croix était déjà pour Jésus une exaltation ; il y devait être élevé comme sauveur, afin que chacun puisse élever aussi les yeux vers lui par la foi. […] En effet les Hébreux qui se tournaient vers le serpent n’étaient pas guéris par lui, mais par Dieu (Sg 16,7), tandis qu’ici la foi devra procurer en lui la vie éternelle. Tout cela est encore au futur, c’est un décret divin qui ne manquera pas d’être exécuté ; la pensée de Jean est clairement de placer le verset 14 dans la bouche de Jésus. La transition se fait au verset 15, complément logique du précédent, mais qui introduit le but de l’évangéliste (20, 31). Il faut reconnaître que la transition est presque imperceptible, étant ménagée par le « Fils de l’homme », désignation qui n’étonne pas de la part de Jésus, mais qui est posée à la troisième personne. Il semble donc que la contemplation où l’évangéliste allait entrer ait déjà influé sur les expressions du verset 15.

[…] Avec Nicodème on dirait presque qu’il se met en frais pour le convaincre. Il expose à ce maître le caractère spirituel de sa doctrine, il lui laisse entrevoir sa mission, sa passion comme source de grâce ; il ne dédaigne pas de prendre un point d’appui sur l’Ancien Testament en citant le serpent d’airain, figure du salut. Tout cela se heurte à la résistance passive du docteur. Il est donc bien le type du judaïsme érudit de Jérusalem. Le type, non le pur symbole, car rien n’autorise à douter de son individualité, pas plus que celle des apôtres, qui sont aussi des types de Galiléens ardents et prompts.

Illustration : Exaltation de la Sainte Croix (icône, détails)

 

10 septembre 2021

 

 

Malgré nos soucis, non, nous ne l’oublions ce jour-anniversaire où nous prions ensemble, avec fr. Manuel Rivero, pour la prochaine glorification du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange o.p.

Confions au Seigneur et à Marie Immaculée par l’intercession du P. Lagrange toutes les intentions que nous portons dans notre cœur.

 

 

 

7 septembre 2021
Chers frères et soeurs

Voici le dernier bulletin de santé du fr. Timothy. Faites circuler largement et continuez à demander que l’on prie pour lui par l’intercession du P. Lagrange.

  1. Jean Jacques, op

Bulletin de santé du 7 septembre 2021

Chers tous,
Je viens de rentrer de ma visite à Timothy à l’hôpital. Ayant vu une série de médecins (docteurs, physiothérapeutes, infirmières) à mon arrivée, il était assez fatigué, mais souriant et alerte.

Après le récent revers considérable (une infection), les médecins se sentent à nouveau prêts, bien qu’avec beaucoup de prudence, à commencer à essayer de faire avaler dans les prochains jours. Aujourd’hui, il sirote de l’eau ; demain, si tout va bien, il boira un autre liquide clair, comme un café noir. Il fera de bons progrès s’il peut prendre de la purée d’ici le week-end. Si tout continue à se dérouler comme prévu jusqu’au début de la semaine prochaine, cela remettrait Timothy en vue d’un retour à la maison. Mais les médecins ne peuvent pas prendre le risque d’une nouvelle infection, et rien ne garantit qu’il n’y aura pas d’autres retards.

Timothy demande donc cette fois-ci des prières pour que la trajectoire de la déglutition puisse se poursuivre sans être entravée par d’autres infections gênantes.

Avec tous mes vœux,

Fr. Bede, op, infirmier à Blackfriars

Jean Jacques Pérennès, op
Directeur
École biblique et archéologique française de Jérusalem
83-85, Nablus Road (Derekh Shekhem)
POB 19053
Jérusalem 9119001

Par fr. Manuel Rivero o.p.

Photos : fr. Timothy et P. Lagrange

 

1er septembre 2021
News from Oxford! Timothy himself has written this message to all those following his progress.

« I am really grateful to my brethren for keeping you informed about how things have gone but after more than two weeks I thought it might be good to send a brief word myself.

« The operation has gone well. The medical staff are wonderful. I hope to be able to come home fairly soon, but it all depends upon being able to begin to eat safely. So it would be wonderful if you could pray for this especially now. All my nutrition still comes down a tube down my neck.

[…]

« I have not tasted food or drink (bar a wildly exhilarating gulp of apple juice) since I arrived here. The most exciting sensory moments of the day are the feel of hot water when I wash my hands, and the slightly alcoholic hint of the hand sanitiser! I might become addicted.

« With my love and thanks for your prayers, of gratitude that all has gone well so far, and that I might begin to eat!

« Timothy »

Par fr. Manuel Rivero o.p.