Sur Zenit : Journées Lagrange – Angelicum – Rome 23-24 octobre 2015 par fr. Manuel Rivero o.p. : Le P. Lagrange, harmonie de la foi, de la raison et de la culture

3 novembre 2015

Journées Lagrange – Angelicum – Rome 23-24 octobre 2015 par fr. Manuel Rivero o.p.

Le Fr. Manuel Rivero O.P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange offre ici un compte rendu des « Journées Lagrange » organisées à Rome les 23 et 24 octobre 2015 par l’Institut Français (Centre Saint-Louis) et l’université pontificale Angelicum.

Site de l’Association des amis du père Lagrange : http://www.mj-lagrange.org/ (http://www.mj-lagrange.org/)
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

***

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, figure dans l’histoire comme un modèle dans l’harmonie de la foi et de la raison, de la culture et de la foi. Ces Journées ont présenté au public romain la vie et l’œuvre de ce pionnier dans l’interprétation de la Bible.

Le vendredi 23 octobre, mois très aimé par le père Lagrange, fervent de la prière du Rosaire, le recteur de l’Angelicum, le frère Miroslav Adam, a présenté le programme des Journées devant un auditoire composé de laïcs chercheurs de l’intelligence de la foi, de prêtres, de religieux et de religieuses sans oublier des représentants de la culture et de la diplomatie française, belge et suisse.

Le frère Manuel Rivero, vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange, a souligné les grandes étapes du parcours intellectuel et spirituel du père Lagrange, « le mystique de la Bible ».

Le père Olivier Artus, professeur à l’Institut catholique de Paris et membre de la Commission biblique pontificale, a mis en valeur l’apport du père Lagrange à l’histoire de l’exégèse : son dialogue critique avec Loisy, la méthode historico-critique…

Le frère Juric Stipe, doyen de la Faculté de théologie de l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, a montré l’influence du père Lagrange sur l’enseignement de l’exégèse à l’Angelicum en lien avec la théologie thomiste.

Le vendredi soir, l’ambassade de France près le Saint-Siège a rassemblé les différents intervenants et personnalités présentes aux Journées autour d’un dîner à la villa Bonaparte de Rome : manifestation des relations heureuses de la culture française et de la foi chrétienne.

 

Le père Lagrange, harmonie de la foi, de la raison et de la culture

« Les Journées Lagrange » à Rome, les 23 et 24 octobre 2015, par fr. Manuel Rivero o.p.

Le samedi 24 octobre, c’est au Centre Saint-Louis de l’ambassade de France que le père Paolo Garuti, dominicain et exégète, a mis en valeur l’enseignement critique du père Lagrange sur « la vie de Jésus » de plusieurs auteurs : Renan, Loisy, Mauriac…

Le professeur Thomas Romer, du Collège de France, a fait son intervention sur son livre L’invention de Dieu : parcours de la naissance de l’idée et des noms de Dieu en Orient et dans la Bible.

Les Journées ont trouvé leur sommet dans la célébration eucharistique en l’église Saint-Louis-des-Français, célèbre pour son tableau du Caravage sur la vocation de saint Matthieu. Monseigneur Jean-Louis Bruguès, bibliothécaire et archiviste du Vatican, a relié la figure du père Lagrange à l’aventure de la foi et de la présence de Dieu célébrée dans la messe.

Un grand merci au frère Serge-Thomas Bonino, doyen de la Faculté de philosophie de l’Angelicum et secrétaire de la Commission théologique internationale, pour l’organisation de ces Journées qui se sont déroulées dans un climat de rigueur intellectuelle et d’esprit cordial.

L’Angelicum et le Centre Saint-Louis ont réussi de leur côté la mise en place d’une logistique sans faille. La traduction simultanée a permis aux participants qui ne maîtrisaient pas la langue française de suivre aisément les exposés magistraux et les débats.

Le ciel, bleu et lumineux, a fait resplendir le temps et les lieux pour la joie de tous et particulièrement de ceux qui avaient traversé les océans pour rejoindre la Ville éternelle.

Paru sur Zenit : La cause de béatification du P. Lagrange o.p. Intervention de fr. Manuel Rivero o.p. relatée par Annie Bourdin

La cause de béatification du P. Lagrange, O.P.

Et les « Journées Lagrange » de Rome

Rome,  3 novembre 2015 – ZENIT

Le saint pape Jean-Paul II fut de ceux qui saluèrent l’œuvre biblique du P. Lagrange, dont il disait notamment : « L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs. »

Le Fr. Manuel Rivero O. P., vice-postulateur de la cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, a fait le point sur l’avancée de la cause lors des « Journées Lagrange » organisées conjointement à Rome par l’Institut français et l’Angelicum, les 23-24 octobre.

« Que manque-t-il pour obtenir la béatification ? Un miracle évidemment », explique notamment le Fr. Rivero.

Voici l’intervention du Fr. Rivero, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

A.B.

La cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange

En commençant cette présentation de la cause de béatification du père Lagrange, je tiens à remercier Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, pour sa proposition de ces Journées à Rome dans le but de faire connaître le fondateur et le maître de l’École biblique de Jérusalem dans les milieux intellectuels et académiques romains. En effet, des congrès et des colloques ont eu lieu à Jérusalem et en France, tandis que cette figure pionnière de l’exégèse est restée dans l’ombre dans les universités de la Ville éternelle. Il s’agit ici de montrer l’apport du père Lagrange à l’intelligence de la foi, la sainteté de sa vie et l’intérêt de le mettre sur les autels comme modèle de foi chrétienne dans l’harmonie de la foi et de la raison.

Brève biographie 

Qui est le père Lagrange ? Albert Lagrange est né à Bourg-en-Bresse le 7 mars 1855 en la fête de saint Thomas d’Aquin. Le Docteur Angélique restera sa référence théologique tout au long de son parcours d’exégète. Sa mère, Marie-Élisabeth Falsan, marquera spirituellement l’évolution de son fils par son sens de la miséricorde envers les pauvres et par sa ferveur mariale. D’origine lyonnaise, elle a transmis à Albert la dévotion à la Vierge Immaculée, qui deviendra la patronne de l’École biblique. Son père, Claude-Pierre Lagrange, notaire à Bourg-en-Bresse, donnera à Albert le sens du travail consciencieux et de la droiture ainsi que l’amour de la patrie française. Son parrain de baptême, Albert Falsan, oncle maternel et géologue, éveillera chez Albert l’intérêt pour les couches géologiques. Plus tard, il s’intéressera aux couches rédactionnelles. Élève au petit séminaire d’Autun, étudiant en droit à Paris, Albert Lagrange reçoit l’habit de saint Dominique au couvent royal de Saint-Maximin (Var) le 6 octobre 1879 des mains du prieur provincial, le frère Hyacinthe-Marie Cormier, qui assumera par la suite la charge de Maître de l’Ordre et qui sera béatifié par le saint pape Jean-Paul II en 1994. Ses reliques continuent d’apporter des grâces en cette université pontificale « Angelicum ». Ordonné prêtre à Zamora (Espagne) le 22 décembre 1883 pendant l’exil de la Province de Toulouse, le père Lagrange, en religion frère Marie-Joseph, fonde l’École biblique le 15 novembre 1890, en la fête de son saint patron de baptême. Un mot clé apparaît déjà dans son discours inaugural : « progrès dans la vérité ». Pour le père Lagrange, Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité. Toute sa vie sera consacrée à l’étude et à l’enseignement de la Parole de Dieu. Malade à la fin de sa vie, il aimait citer Dante en italien pour évoquer son retour « au bercail où il avait été agneau », c’est-à-dire au couvent de Saint-Maximin, d’où il partira vers le Père le 10 mars 1938.

Un goût passionné pour la Parole de Dieu 

Alors que le modernisme menace de réduire la Bible à un texte simplement humain, à étudier comme les autres ouvrages de la littérature mondiale, sans aucune dimension surnaturelle, le père Lagrange manifeste dès le premier numéro de la Revue biblique en janvier 1892 sa vision de la révélation : « L’Écriture sainte, comme substance divine, comme manne de l’intelligence, dans son dogme et dans sa morale, dans ses conseils pratiqués par les religieux, et par conséquent connus dans leur saveur intime, est vraiment pour l’Église catholique, après l’Eucharistie, le Verbe de Dieu qui nourrit »[1]. Comment ne pas penser aux enseignements de l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini sur la sacramentalité de la Parole de Dieu[2] ?

Le but de tous ses travaux sera de montrer comment la Bible a le Saint-Esprit pour auteur tout en passant par la médiation des langues et cultures du peuple d’Israël. Aussi s’investit-il dans la connaissance des langues anciennes (hébreu, grec, araméen, latin, arabe, égyptien…) et modernes (allemand, anglais, italien, espagnol). École pratique d’études bibliques, l’École biblique de Jérusalem conjoint les recherches sur les documents et les monuments.

Dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile, le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear »[3], c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires. Dans son souci permanent du salut des âmes, le père Lagrange a enseigné en tirant du trésor de la Parole de Dieu du neuf et de l’ancien[4]. Aussi s’est-il heurté à des incompréhensions, voire des suspicions et des interdictions. Ayant commencé par le commentaire de l’Ancien Testament, il a vu son article sur le déluge[5] typographié et tout prêt pour sa publication dans la Revue biblique arrêté et condamné à l’attente dans un carton[6]. Ses réflexions sur l’universalité du déluge et sur la conception de l’histoire chez les Hébreux ont dû faire peur à certains. Le père Lagrange y apporte sa traduction à partir de l’hébreu et son commentaire riche en connaissance des religions et des civilisations orientales, pour aboutir au terme d’une étude technique du texte à des enseignements pour la vie spirituelle où « la miséricorde succède au temps de la justice » : « Enfin les Pères, prenant à la lettre l’universalité du déluge, ont fait de l’Arche le symbole de l’Église, et les théologiens aiment à y voir le type de la Conception Immaculée de Marie. Toutes ces vérités demeurent ; quoi qu’il en soit de nos conclusions en matière de critique littéraire ou d’histoire, elles demeurent comme l’objet des méditations de tous les chrétiens, à commencer par les exégètes. »

L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction

Il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait par ce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai »[7]. C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence »[8].

Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.

Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyé à Pie X le 10 juin 1911[9], ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.

C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem sans explication particulière après dix mois passés en France.

Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.

Ses idées développées dans La Méthode historique (1903), dans ses livres et articles passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires, notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu  en 1943 et dans Dei Verbum  (1965) du concile Vatican II.

Témoignages en faveur de l’œuvre du père Lagrange

Parmi les très nombreux soutiens aux intuitions et aux publications du père Lagrange, méritent d’être cités plusieurs papes[10]. Léon XIII (+ 20 juillet 1903) brille dans l’histoire de l’Église comme promoteur des études bibliques. Il avait pensé faire de la Revue bibliquel’organe officiel de la Commission biblique qu’il avait fondée. C’est lui aussi qui approuva la fondation de l’École biblique de Jérusalem. Pie XI (+ 1939) sera un fidèle abonné de la Revue biblique.

Le bienheureux pape Paul VI lui a rendu hommage lors de son discours aux membres de la Commission biblique pontificale le 14 mars 1974 : « Pour vous défendre des fausses pistes dans lesquelles l’exégèse risque de se fourvoyer, Nous allons emprunter les paroles d’un grand maître de l’exégèse, d’un homme dans lequel ont brillé de façon exceptionnelle la sagacité critique, la foi et l’attachement à l’Église : Nous voulons dire le père Lagrange »[11].

Le saint pape Jean-Paul II a fait ressortir son discernement dans des moments difficiles et sa critique saine : « Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu’il fallait rejeter des conclusions historiques, sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs »[12].

Les maîtres de l’Ordre des prêcheurs ont aussi soutenu le père Lagrange dans sa mission[13]. Lors de l’« exode » du père Lagrange vers Dieu le Père le 10 mars 1938, le frère Martin-Stanislas Gillet, maître de l’Ordre, envoya une forte et émouvante lettre à tout l’Ordre pour mettre en lumière la trajectoire intellectuelle et spirituelle du fondateur de l’École biblique : « Tout le monde sait qu’il fut un exégète incomparable, un savant d’une rare culture, un esprit très fin, un travailleur acharné, mais la plupart ignorent qu’il fut en même temps et resta toute sa vie un saint religieux »[14].

Plus récemment, le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, ancien recteur de l’Institut biblique de Rome, archevêque émérite de Milan, a manifesté sa reconnaissance envers le père Lagrange dont « la prière était feu » : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures »[15].

Une multitude de témoignages furent rédigés en hommage au père Lagrange. Ses élèves l’aimaient. Parmi eux figurent le cardinal Eugène Tisserant et Jean Guitton.

Le rayonnement spirituel du père Lagrange

Outre son influence sur l’exégèse, le père Lagrange a impressionné son entourage par son exemple au quotidien : vie de prière intense, combat spirituel, travail acharné, magnanimité dans les conflits, humilité… Ses disciples l’ont vénéré aussi comme un maître spirituel : le frère Louis-Hugues Vincent, O.P., le cardinal Eugène Tisserant[16], le philosophe et académicien Jean Guitton…

Parmi les témoignages d’admiration porteurs de symboles bibliques, je voudrais citer ici celui d’un frère dominicain espagnol, ancien élève du père Lagrange, le frère Vicente Berecibar : « Voici la silhouette du Maître vénéré, qui le 10 mars 1938 monta au Ciel, nous laissant comme un nouvel Élie, le riche héritage du merveilleux manteau de ses œuvres et de son esprit »[17] ; ainsi que le témoignage du poète Paul Claudel, qui malgré son approche si éloignée de l’exégèse littérale, comparait le père Lagrange à Néhémie restaurant les murs de Jérusalem au retour de l’exil, avec le concours du grand prêtre Elyashiv[18].

La sainteté du père Lagrange apparaît dans sa fidélité au travail. Par son travail, il a sanctifié l’exégèse ; il s’est sanctifié dans l’exégèse et il a sanctifié les autres par l’exégèse. C’est ainsi qu’il a incarné dans son existence la prière du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». Le Nom de Dieu a été sanctifié en lui et par lui à travers le labeur jour après jour de l’interprétation de la révélation biblique.

Son attachement à l’Immaculée Conception et à la prière du Rosaire ont touché le cœur de ses contemporains. Il vivait en présence de la Vierge Marie. Très souvent il commençait la rédaction de chaque feuille de travail en inscrivant en haut de la page, dans le milieu : « Ave Maria ». Au couvent Saint-Étienne de Jérusalem, le père Lagrange priait chaque après-midi le rosaire à genoux dans le silence de la basilique, ce qui édifiait ses confrères.

Sa vie spirituelle transparaît nos seulement dans ses Souvenirs personnels rédigés en 1926 et dans ses Journaux spirituels mais aussi dans ses commentaires exégétiques au service de la vérité de la foi chrétienne, sans oublier son ouvrage de vulgarisation qui a illuminé le chemin de foi de beaucoup de prêtres et de laïcs L’Évangile de Jésus-Christ et qu’il serait bon de rééditer avec la synopse des pères Lagrange et Lavergne[19]. La Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium enseigne que « la vraie dévotion procède de la vraie foi »[20].

Récemment, le journal italien L’Avvenire [21] l’appelait « le mystique de la Bible » à l’occasion de la présentation de son Journal spirituel inédit[22]. L’exégèse, la théologie, la prédication, la morale et la mystique trouvaient en cet homme complet unité et harmonie.

Étudiant en théologie au couvent de Salamanque, le père Lagrange aimait se rendre en pèlerinage à Alba de Tormes pour vénérer les reliques de la grande mystique espagnole, sainte Thérèse d’Avila. C’est à ses enseignements qu’il devait sa formation à l’oraison et son initiation aux voies de la contemplation.

Nous venons de célébrer à Rome le 18 octobre 2015 la canonisation des parents de la petite Thérèse Martin. Dans son journal spirituel, le père Lagrange s’émerveille de la simplicité de Thérèse et il lui confie des intentions de prière[23] : « Lu la vie de Ste Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets… on se sent si loin de S. Augustin ou de Ste Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est : ama et fac quod vis (‟aime et fais ce que tu veux”, saint Augustin). Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de choses qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… »[24]. Le père Lagrange, si sobre et scientifique dans ses propos, est entré par connaturalité dans l’âme mystique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

De nombreux témoignages venus des cinq continents arrivent à l’Association des amis du père Lagrange[25] dont le siège est au couvent de Nice. Des personnes appartenant à des milieux sociaux différents rendent grâce au Seigneur pour des grâces reçues dans leur vie spirituelle, familiale, professionnelle, ecclésiale. Nous aurions tort d’imaginer que les grâces attirées par le père Lagrange ne concernent que l’approche de la Bible ou l’adhésion au Christ, ce qui est déjà capital. Son témoignage de droiture et de fidélité éclaire aujourd’hui la conscience des employés devant de possibles injustices dans leur entreprise ou le choix à faire par des conjoints en crise. Il arrive que des malades témoignent des améliorations sans que cela ait pu devenir des cas de miracles reconnus par la science.

Où en est sa cause de béatification ?

L’intérêt pour sa cause de béatification a été exprimé par le chapitre général d’Avila en 1986. Le procès du diocèse de Fréjus-Toulon a été clôturé le 18 novembre 1992 et la Congrégation pour la cause des saints l’a validé en date du 3 décembre 1993. La Positio du père Lagrange a bénéficié des recherches du père Bernard Montagnes pour la biographie critique ; du père Maurice Gilbert, jésuite, pour le rapport théologique sur tous ses textes bibliques et théologiques et de Mgr Joseph Doré pour le rapport théologique sur ses vertus.

Que manque-t-il pour obtenir la béatification ? Un miracle évidemment. Il reste aussi un travail à accomplir pour actualiser et compléter la Positio sur le père Lagrange de manière qu’elle puisse passer après approbation à la Congrégation pour la cause des saints où sa vie et son œuvre seront examinées par des théologiens et des historiens.

Appelé « le nouveau saint Jérôme », des exégètes et des théologiens voient dans le père Lagrange non seulement un bienheureux et un saint mais aussi un docteur de l’Église.

 

Saint-Denis de La Réunion, le 7 octobre 2015, en la fête de Notre-Dame-du-Rosaire.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange

Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

 

[1] Revue biblique, janvier 1892, p. 8.

[2] Benoît XVI, La Parole du Seigneur, Verbum Domini, Exhortation apostolique, Paris, Bayard, Cerf, 2010. Voir le n°56 sur la sacramentalité de la Parole.

[3] Pape François, Exhortation apostolique La joie de l’Évangile, Paris, Téqui, 2013, n°24.

[4] Mt 13, 52 : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »

[5] Fr. Marie-Joseph Lagrange, Le Déluge, p. 109-138, Jérusalem, le 25 février 1899.

[6] Il est dommage que cet article soit resté sans publication car il mérite d’être porté à la connaissance des exégètes et des théologiens.

[7] Ch. Théobald dans « L’exégèse catholique au moment de la crise moderniste », in Le monde contemporain et la Bible, Éditions Beauchesne, 1985, p. 388.

[8] Jean-Michel Poffet, L’écriture de l’histoire : du P. Lagrange à Paul Ricœur, p. 5, in Cahiers de la Revue biblique 65. « La Bible : Le Livre et l’Histoire », Actes du Colloque de l’École biblique de Jérusalem et de l’Institut catholique de Toulouse (nov. 2005) pour le 150eanniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange O.P., sous la direction de J.-M. Poffet, O.P., directeur de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Gabalda, 2006.

[9] Bernard Montagnes, Lagrange dénoncé à Pie X en 1911, in Archivum fratrum praedicatorum, vol LXXVI, Istituto Storico Domenicano, Roma, 2066, p. 217-239.

[10] Bernard Montagnes, Les papes du père Lagrange, in La Revue du Rosaire, décembre 2007 (n°196) et janvier 2008 (n°197).

[11] Paul VI, Discours aux membres de la Commission biblique pontificale, le 14 mars 1974, Osservatore Romano, édition française du 22 mars 1974.

[12] Jean-Paul II, Discours aux membres de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 1992.

[13] Bernard Montagnes, Les maîtres généraux du père Lagrange, in La Revue du Rosaire, juin 2008 (n°202) et juillet-août 2008 (n°203).

[14] Lettre du Maître de l’Ordre Martin (Stanislas) Gillet O.P., New York, le 28 mars 1938. Aux T.R.PP. provinciaux, maîtres en sacrée théologie, prédicateurs généraux, prieurs, pères et frères de notre Ordre (Analecta S.O. Fratrum Praedicatorum, 46, 1938, p. 414-420). Il était demandé de la lire au réfectoire de tous les couvents.

[15] Lettre du cardinal Martini au frère Manuel Rivero en faveur de la béatification du père Lagrange, Jérusalem, 22 juillet 2007.

[16] Bernard Montagnes, « Eugène Tisserant (1884-1972) et les études bibliques ». Revue Biblique, 2010, tome 117, p. 92-119.

[17] Fr. Vicente Berecibar, El Padre Lagrange, Ciencia Tomista, Salamanca, n° 171-172, vol. 57, p. 183. Article écrit à Salamanque le 2 juillet 1938.

[18] Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth. Texte intégral de l’ouvrage de l’abbé Tardif de Moidrey, DDB, 1938, p. 23-24.

[19] Marie.-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique traduite par le père Lavergne, Paris, Libraire Lecoffre, 1954. Voir aussi Synopse des quatre évangiles d’après la synopse grecque du père M.-J. Lagrange par le père Lavergne. Paris, Éditions Lecoffre, 1942. Le père Lavergne cite souvent les écrits de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus pour illustrer l’enseignement de Jésus dans l’Évangile.

[20] Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium (1964), chapitre VIII « La bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de l’Église », n°67.

[21] L’Avvenire, 7 mars 2015, « Lagrange, il mistico della Bibbia », p. 22.

[22] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel (1879-1932), Paris, Cerf, 2012.

[23] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 427 : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin … Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… » (30 septembre 1924. Saint Jérôme).

[24] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 432. En date du 16 octobre 1925.

[25] Association des amis du père Lagrange, Couvent des Dominicains, 9 rue Saint-François-de-Paule, 06357 Nice Cedex 4.

( 3 novembre 2015) © Innovative Media Inc.

 

 

Paru sur Zenit : Les enjeux du « Dimanche de la Parole de Dieu » institué par le pape François par fr. Manuel Rivero o.p.

Les enjeux du «Dimanche de la Parole de Dieu» institué par le pape François

Pour des «cœurs brûlants»

OCTOBRE 10, 2019 13:39FR. MANUEL RIVERO O.P.

SPIRITUALITÉ, PRIÈRETHÉOLOGIE

Fr. Manuel Rivero O.P., président de l’Association des amis du père Lagrange O.P. – fondateur de l’École biblique de Jérusalem -, est curé de la cathédrale de Saint-Denis de la Réunion. Il examine les enjeux du «Dimanche de la Parole de Dieu» institué par le pape François, pour que les baptisés aient des «cœurs brûlants».

Le pape François vient d’instituer « le Dimanche de la Parole de Dieu[1] » qui aura lieu le 3e dimanche du Temps ordinaire, en 2020, ce sera le 26 janvier. Il a choisi la mémoire liturgique de saint Jérôme (350-419), traducteur et commentateur de la Bible, pour mettre en lumière la Parole de Dieu révélée aux hommes : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », enseignait-il.

Origine surnaturelle des Saintes Écritures

Jean Guitton (†1999)[2], philosophe, membre de l’Académie française, invité par le saint pape Paul VI au concile Vatican II, me disait lors d’un entretien à Paris sur le père Lagrange : « Nos contemporains ne croient pas en la dimension surnaturelle de la Bible ; c’est pourquoi il convient de mettre sur les autels le père Marie-Joseph Lagrange, le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, pour relier la foi et la science. » Disciple du père Lagrange à Jérusalem, Jean Guitton vénérait la figure de ce maître en exégèse.

Le cardinal Carlo Maria Martini (†2012), exégète et grand apôtre de la lectio divina, souhaitait aussi la béatification du père Lagrange, dont « la prière était feu », de manière à relier le renouveau de l’exégèse catholique au XIXe siècle avec la sainteté[3].

Le pape cite l’Évangile de saint Luc[1] pour montrer que les disciples ont eu besoin de Jésus pour leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des Écritures. Jésus qui avait ouvert les oreilles des sourds et les yeux des aveugles ouvre l’esprit fermé des disciples afin qu’ils reçoivent la lumière de la Révélation divine transmise par les Saintes Écritures. Il s’agit d’un miracle encore plus grand que les guérisons physiques. La présence de Jésus ressuscité ne suffit pas. Les disciples déconcertés et apeurés après le Vendredi saint ont besoin de recevoir le sens des événements par la catéchèse de Jésus qui a accompli les prophéties de l’Ancien Testament dans sa mort et dans sa résurrection : « en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem[2] ».

Jésus, exégète du Père

Jésus, l’exégète du Père, est venu expliquer le mystère de Dieu. Le Prologue de l’Évangile selon saint Jean utilise le mot grec[3] qui a donné en français « exégèse » pour manifester l’œuvre du Fils de Dieu qui par sa prédication « fait voir » et comprendre l’amour du Père que personne n’a jamais vu. Les explications de Jésus s’avèrent indispensables pour enraciner la Parole de Dieu dans les cœurs, autrement le diable parviendrait à arracher cette semence de vie divine restée à la superficie[4].

Sorti vivant du tombeau, Jésus rappelle aux disciples le sens de la croix et de la Passion. La croix devient la clé qui déverrouille les mystères fermés de l’existence humaine frappée par la souffrance, l’injustice, le mal et le malin. Le récit des disciples d’Emmaüs converge vers cette phrase de Jésus : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? [5] ». Pour entrer dans la gloire de la résurrection il n’y a qu’un seul chemin, le chemin de la croix. Saint Jean de la Croix (†1591), le grand mystique espagnol, faisait remarquer que nombreux sont ceux qui veulent arriver dans la gloire de Dieu en évitant les souffrances. Un proverbe canadien dit le même message d’une autre manière : « Tous veulent aller au paradis mais personne ne veut mourir. »

Messie crucifié

L’originalité de la foi chrétienne se trouve précisément dans la présence de Jésus au cœur des épreuves et de la mort. Folie et scandale de la croix, s’exclamait saint Paul devant des auditoires sceptiques voire révoltés à l’idée d’un Dieu qui souffrirait. Quand Jésus parle du besoin de la croix, il s’agit de la logique de l’amour. Saint Augustin prêchait : « Donnez-moi quelqu’un qui aime et il comprendra ce que je dis. » L’amour rend humble et petit. Ceux qui aiment sont prêts à souffrir et même à donner leur vie pour la personne aimée : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis[1] », enseigne Jésus. Par amour, le Très-Haut est devenu le très-bas, le tout-puissant s’est abaissé jusqu’à la faiblesse et la fragilité, Dieu grand s’est présenté comme un petit bébé à Bethléem. C’est dans l’abaissement et l’humilité que Dieu se révèle amour et qu’il nous apprend à aimer. Les grands saints ont aimé prier au pied de la croix pour y découvrir l’art d’aimer de Dieu.

Des sages humanistes proposent parfois aux chercheurs de Dieu de choisir la religion qui les rend meilleurs. À la lumière de l’Évangile de Jésus, non-violent qui aime jusqu’à la mort, le chrétien pourrait affirmer : « Choisis la religion où Dieu soit Amour et qu’Il te donne la grâce d’aimer sans domination ». Quel homme a-t-il osé dire « venez à moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes ? [2] ». Dieu ne se trouve pas dans la recherche du sentiment de puissance. Dieu est Amour tel que le décrit saint Paul : « L’amour ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal (…), il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. L’amour ne passe jamais[3] ».

Il arrive que des croyants d’autres religions que le christianisme disent aux chrétiens : « votre religion et la mienne, c’est la même chose. Il n’y a qu’un seul Dieu ». C’est vrai qu’il n’y a qu’un seul Dieu mais la manière d’aimer de Dieu n’est pas la même selon les religions. Aux antipodes de toute domination, Jésus révèle l’amour de son Père. D’après les différentes visions de Dieu il y aura diverses manières d’aimer.

La souffrance, la peur de souffrir et la mort font peur. Tout homme essaie d’y échapper. Combat naturel qui correspond à la volonté de Dieu. Dieu ne veut pas la mort des hommes. Dieu n’a pas voulu la mort. Celle-ci est entrée dans le monde par la jalousie du diable[1].

Paul Claudel (†1955), poète catholique, réagissait aux questions sur le mal en disant : « Jésus n’est pas venu expliquer le mal mais l’habiter et le vaincre ». Jésus est mort pour vaincre la mort. Son sacrifice a agi comme une arme fatale contre les pouvoirs de la mort. La puissance de l’Amour de Jésus s’est manifestée dans sa résurrection.

Présence de Jésus dans la souffrance et l’insécurité

Le contraire de la foi n’est pas à proprement parler l’athéisme mais la solitude. Chacun a peur de la solitude, de l’échec, de la prison et de la mort. La spécificité de la foi chrétienne apparaît dans la présence aimante de Jésus dans la maladie, l’injustice, l’échec et la mort. Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont témoigné de cette communion au Christ dans la persécution et la douleur. La foi chrétienne ne consiste pas à penser que Dieu existe. Par la foi, le chrétien contemple Jésus vivant et il s’unit à ses souffrances dans l’espérance de partager sa gloire. Nous comprenons alors le grand nombre de témoignages de baptisés, qui nous partagent leur expérience heureuse de communion avec Dieu dans des circonstances où tout ferait penser au vide et à l’absurde. Des malades témoignent des grâces reçues dans la maladie. Des personnes détenues injustement témoignent des grâces vécues dans le froid des cellules de prison. Le père Pedro Arrupe (†1991), ancien Général de la Compagnie de Jésus, se souvenait des journées passées injustement dans une prison japonaise, cœur à cœur avec Jésus, en le contemplant dans sa Passion, à Gethsémani, dans sa garde à vue dans la maison du grand-prêtre, flagellé, abandonné, insulté, couronné d’épines, crucifié. Le père Arrupe considérait ces jours de tristesse humaine comme de grands moments de sa vie mystique : « Il n’y avait rien dans ma cellule de prison ; j’étais seul avec le Christ[2] ». Là où le mal avait abondé, la grâce avait surabondé.

La Parole de Dieu engendre la foi. Le chrétien découvre alors son identité de fils de Dieu et de frère de Jésus. La Parole de Dieu révèle le mystère de la Trinité et elle révèle aussi l’homme à lui-même : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire qu’à la lumière de Jésus » (Concile Vatican II. Gaudium et spes n° 22). Le christianisme ne fait pas partie des religions du livre même s’il vénère les Saintes Écritures. Le Verbe fait chair est vivant. Le texte des bibles devient vivant par l’Esprit de Jésus ressuscité. Sans la grâce intérieure de l’Esprit Saint répandue dans le cœur des croyants, les enseignements des textes bibliques n’apporteraient pas la connaissance ni la vie de Dieu[1].

La Parole de Dieu établit « un dialogue constant de Dieu avec son peuple[2] ». Le mot « dialogue » comprend le mot « logos » qui dans le grec de l’Évangile selon saint Jean désigne le Verbe de Dieu : intelligence divine et Parole. Dans l’Ancien Testament, le mot hébreu « davar » qui signifie « parole » représente un événement. La Parole de Dieu ne saurait pas être réduite à un simple souffle mais elle est créatrice et marque l’histoire.

Ce n’est pas sans raison, que les chrétiens cherchent le dialogue avec les religions et les cultures. Dieu est dialogue dans l’altérité et l’unité. Le Père engendre le Fils et le Fils fait le Père. Sans Fils il n’y a pas de Père. Le Père s’entretien avec son Fils et le Fils rend grâces au Père dans la communion de l’Esprit Saint. Ce dialogue de Dieu « ad intra », dans le mystère de la sainte Trinité, se trouve à la source du dynamisme des dialogues religieux et philosophiques « ad extra » dans l’histoire de l’humanité.

Le Verbe et les mots

Seul Dieu parle bien de Dieu. Jésus, le Verbe fait chair, emprunte nos mots humains les plus justes pour manifester le mystère de Dieu. Le théologien espagnol, Cabodevilla, aimait à dire que « la Parole de Dieu s’est faite chair dans des mots[3] ». L’Incarnation du Fils de Dieu ne se réduit pas à la chair humaine de Jésus, à l’Enfant de la crèche, elle comprend la culture et la langue d’Israël. Les mots humains n’expriment pas toute la richesse des pensées et des sentiments mais ils demeurent la médiation indispensable pour la communication. Dieu est Esprit. Les mots de nos langues et les expériences humaines restent bien en-deçà de la grandeur de Dieu. Pourtant, les mots de la Bible et leur renvoi à la terre et aux travaux des hommes peuvent éveiller l’intelligence à la compréhension de Dieu. C’est ce que fait Jésus dans l’Évangile en parlant des vignes, des mariages, des bergers, des trésors … Dans les Saintes Écritures, les mots sont cent pour cent de Dieu et cent pour cent des hommes. Le pape François rappelle l’enseignement du Concile Vatican II dans la Constitution « Dei Verbum[1] » sur le principe de l’incarnation.

« Cœurs brûlants »

« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? [2] ». La Parole de Dieu fait grandir dans l’amour de Dieu. Il ne sert à rien de se plaindre de l’égoïsme des gens. La conversion passe par un long chemin où la Parole de Dieu joue un rôle fondamental. Les disciples d’Emmaüs marchaient tristes et découragés, le visage sombre. La catéchèse de Jésus, à partir de la Loi, des Prophètes et des Psaumes, a rempli leurs cœurs de la joie pascale.

Aujourd’hui, les catéchistes accomplissent aussi une mission extraordinaire source d’allégresse. J’aime à dire que catéchiste est le plus beau métier du monde. Métier, ministère, service, qui peut illuminer la route des adultes et des enfants à jamais. En tant qu’aumônier de prison, je récolte les fruits de la catéchèse. Souvent les personnes détenues ne se sont pas confessées depuis leur première communion mais les enseignements de la catéchèse gardés dans « le disque dur » de la mémoire remontent lors des événements douloureux.

L’homélie

Le pape François met en valeur l’homélie qui nourrit la foi des chrétiens, « elle possède un caractère presque sacramentel[3] ». L’homélie n’est pas une conférence ni un cours. Dans l’homélie, le prêtre actualise l’Évangile. « Aujourd’hui s’accomplit cette parole », s’était exclamé Jésus en refermant le rouleau du prophète Isaïe dans la petite synagogue de Nazareth. Dans les anciennes basiliques chrétiennes, l’existence de deux ambons, l’un pour l’Ancien Testament et l’autre pour le Nouveau Testament, mettait en évidence la différence et la relation entre eux pour les unir dans le mystère du Christ[4]. Le pape François commente l’accomplissement de l’Ancien Testament par le Christ : « L’Ancien Testament n’est jamais vieux une fois qu’on le fait entrer dans le Nouveau, car tout est transformé par l’unique Esprit qui l’inspire[1].

Le pape évoque « le caractère performatif de la Parole de Dieu[2] », c’est-à-dire qu’elle réalise ce qu’elle dit. Dans la liturgie de la Parole, l’Esprit Saint agit. D’où le symbole de la colombe dans les chaires de nos églises. L’Esprit Saint descend sur l’assemblée pendant la liturgie de la Parole de Dieu en prière pour faire grandir la foi et l’amour. Cette épiclèse fait des fidèles réunis en « un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Canon eucharistique n° III).

Victoria, ma sœur aînée, professeur des écoles pendant toute sa vie, appréciait particulièrement les homélies d’un prêtre de Bilbao qui commençait par une question et qui finissait par une question. Dieu s’adresse à l’intelligence. L’homélie cherche à éveiller l’intelligence. Dans l’Évangile, Marie se pose des questions : « comment[3] », « pourquoi ». L’homélie éclaire les interrogations de l’homme l’orientant vers des choix d’amour à faire dans la liberté. Chesterton (†1936), écrivain catholique anglais, disait avec humour : « Quand on rentre dans une église on est prié d’enlever le chapeau mais pas la tête ! ».

La sonorisation et l’articulation

Pour que l’homélie porte ses fruits, il s’avère indispensable de miser sur une bonne sonorisation. L’un des premiers investissements à prévoir dans une paroisse concerne la sonorisation. Trop souvent, les fidèles se plaignent de ne pas entendre ou de ne pas comprendre les lectures ou l’homélie à cause des défauts dans le système de sonorisation. Pour les nouvelles générations habituées à la perfection technique des media, une sonorisation défectueuse discrédite la valeur sacrée de la Parole de Dieu.

Il convient aussi de former les laïcs à l’utilisation des micros. J’aime à dire sous forme de boutade que « les micros sont comme les personnes, il faut leur parler et non pas les frapper. Si on les frappe, on les abîme ». Pourtant je continue de voir les habitués des paroisses taper sur les micros.

La lecture de la Parole de Dieu suppose aussi une préparation soignée. L’expérience prouve que les formations à la respiration, à l’articulation et à la lecture publique portent des fruits merveilleux et assez rapides. Les comédiens étudient cet art dont les églises ont bien besoin. Il serait bon d’organiser des sessions de formation avec des professionnels du théâtre, par exemple.

La Vierge Marie et la Parole de Dieu

Marie, la mère de Jésus, est louée dans l’Évangile à cause de sa foi en l’accomplissement de la Parole de Dieu en elle (cf. Lc 1, 45). Pour le pape François, cette béatitude de la foi précède les autres béatitudes sur la pauvreté, l’humilité, les artisans de paix …

Saint Ambroise de Milan (†397) partageait son expérience et celle d’une multitude de croyants quand il affirmait que dans la lecture priante de la Parole de Dieu l’homme se promène avec Dieu dans le paradis[1]. Lire les Saintes Écritures équivaut à écouter Dieu qui parle au cœur. Dialogue d’amour qui fait grandir la foi. Le bonheur de Marie a été précisément d’écouter et de prier la Loi, les Psaumes et les Prophètes. La foi ne consiste pas à penser que Dieu existe. Le diable le pense aussi. La foi jaillit de l’âme en réponse à la révélation de l’amour de Dieu dans les Saintes Écritures et dans la prédication. La grandeur de Marie se trouve dans sa foi. Le pape François de citer saint Augustin qui met en lumière Marie comme disciple de Jésus qui écoute et met en pratique la Parole de Dieu.

Modèle de foi, Marie n’a pas tout compris. Saint Luc commente le recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem, quand il a expliqué à Marie et à Joseph qu’ « il devait être dans la maison de son Père » (cf. Lc 2, 49), en soulignant que ni Marie ni Joseph « ne comprirent cette parole ». La foi illumine la route des hommes mais elle comporte aussi un côté obscur qui fait penser à « la nuit de la foi » chantée par saint Jean de la Croix. Le père Marie-Joseph Lagrange a consacré son existence à la traduction et au commentaire de la Bible en reconnaissant aussi que « la Parole de Dieu pouvait être obscure ». Sans cette limite dans la connaissance de Dieu, la foi ne serait plus la foi mais la claire vision.

Saint Luc, l’évangéliste, montre Marie « qui garde fidèlement dans son cœur » (cf. Lc 2, 51) les événements et les paroles de son fils Jésus.

La prière plutôt qu’une action apparaît comme un état dans la vie de Jésus et des apôtres. À l’image de l’amour qui unit ceux qui aiment même s’ils n’y pensent pas, celui et celle qui prie vit en communion avec Dieu. Marie vivait en état de prière par sa foi. Saint Luc fait appel à deux mots importants de la vie spirituelle de Marie, mère et disciple de son Fils Jésus : « garder » et « fidèlement ».

Une mère porte son enfant dans son sein pendant neuf mois. Cette relation unit la mère et le fils d’une manière unique et définitive. Les généticiens disent que chaque enfant laisse dans le corps de sa mère quelques cellules. La mère qui a donné son corps à l’enfant garde quelque chose du corps de celui-ci en elle. Marie garde fidèlement les événements de la vie de Jésus dans son esprit. « Fidèlement » vient de « foi ». Il s’agit de la même étymologie. Toute l’existence de Marie ressemble à un pèlerinage de foi.

Le pape émérite Benoît XVI dans son Exhortation post-synodale « Verbum Domini » sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église « exhorte les chercheurs à approfondir le plus possible le rapport entre la mariologie et la théologie de la Parole[1] ». Marie, « Mère du Verbe de Dieu » et « Mère de la foi » apparaît comme un modèle d’écoute de la Parole de Dieu. À l’Annonciation, Marie écoute avec son cœur l’annonce de l’ange Gabriel. Le livre du Deutéronome présente l’écoute de la Parole de Dieu comme le premier des commandements et le fondement de l’amour de Dieu à vivre par le Peuple de Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (cf. Dt 6, 4).

Un proverbe africain dit « que la femme est fécondée par l’oreille ». Manière de relier l’écoute, l’amour et le don de la vie.

En Marie, femme juive, première chrétienne, l’Ancien Testament passe dans le Nouveau Testament pour s’accomplir en Jésus, née d’une femme (cf. Ga 4, 4) : « Marie est aussi le symbole de l’ouverture à Dieu et aux autres ; de l’écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie[1] ». La Parole de Dieu devient matrice d’une nouvelle manière de penser, de prier, de parler et d’agir.

Marie et la Trinité

La Vierge Marie, temple de la sainte Trinité, rayonne de la lumière de Dieu. Fille du Père, source de la vie, Marie n’est pas une déesse mais une créature aimée et sauvée par Dieu. Mère du Verbe fait chair, Image du Père, Marie manifeste au monde l’infinie richesse de la connaissance de Dieu révélée par Jésus.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin (†1274) montre comment le Verbe s’est manifesté dans le mystère de l’Incarnation : « Rien n’est plus semblable au Fils de Dieu que le verbe que notre intelligence conçoit sans le proférer par les lèvres. Or, nul ne connaît le verbe tant qu’il demeure dans l’intelligence de l’homme si ce n’est celui qui le conçoit ; mais dès que notre langue le fait entendre, il est connu de nos auditeurs. Ainsi le Verbe de Dieu, aussi longtemps qu’il demeurait dans l’intelligence du Père, était connu seulement de son Père ; mais une fois revêtu d’une chair, comme le verbe de l’homme se revêt du son de sa voix, il s’est alors manifesté au dehors pour la première fois et s’est fait connaître. Selon cette parole de Baruch (3, 38) : « Ainsi il est apparu sur la terre et il a conversé avec les hommes. » Voici le deuxième exemple. Nous connaissons par l’ouïe le verbe proféré par la voix, et cependant nous ne voyons pas et nous ne le touchons pas ; mais si ce verbe nous l’écrivons sur un papier, alors nous pouvons le toucher et le voir. Ainsi le Verbe de Dieu s’est fait lui aussi, et visible et tangible, lorsqu’il s’inscrivit en quelque sorte dans notre chair. Et de même que le papier sur lequel est inscrite la parole du roi, nous l’appelons la parole du roi, de même l’homme auquel est uni le Verbe de Dieu dans une seule personne, nous le nommons le Fils de Dieu[2] ». Ici l’Incarnation du Verbe est comparée au papier. La Vierge Marie a été cette page blanche sur laquelle Dieu a écrit l’histoire du Salut. La page blanche évoque la disponibilité de Marie et l’absence de péché en elle. Par Marie, Dieu s’est rendu visible à nos yeux. La Vie de Dieu s’est manifestée en Jésus[3]. Qui voit Jésus voit le Père. De même qu’un récit fait voir l’histoire racontée comme si elle se déroulait devant nos yeux. Par l’Esprit Saint, la Parole de Dieu rend visible le visage du Christ dans la lumière de la foi : « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme[1] ».

Loin d’être une mère possessive, Marie conduit toujours à Jésus comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (cf. Jn 2, 5). Épouse de l’Esprit Saint, don de Dieu qui fait grandir l’Église, Marie contribue par son intercession à la croissance de la foi et du Corps du Christ, l’Église.

La maternité divine de Marie ne s’arrête pas à Noël. Elle se déploie jusqu’au Calvaire où Jésus la donne comme mère spirituelle à Jean, le disciple bien-aimé qui représente l’Église, et à la Pentecôte où l’Esprit Saint descendra sur les apôtres en prière au Cénacle et sur une multitude de croyants rassemblés à Jérusalem.

Sur le Calvaire, une épée a transpercé l’âme de Marie (cf. Lc 2, 35). Les icônes de la Mère de Dieu placent une étoile sur son front et sur ses épaules, symboles de la virginité avant, pendant et après l’accouchement. En revanche, sur le Calvaire, Marie a connu la déchirure de l’âme. La foi et la maternité spirituelle de Marie ne sont pas allés sans souffrance.

L’annonce de la Parole de Dieu pour que les âmes naissent à la vie de Dieu passe par la déchirure de l’accouchement. Sœur Inés de Jesús O.P., (†1993) moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Burgos, Espagne), a écrit que « les accouchements des âmes provoquent des déchirures » (Journal spirituel inédit, 28 août 1973). La maternité spirituelle, qui favorise la nouvelle naissance des âmes à la vie de Dieu, passe par les souffrances de l’accouchement de la nouvelle création comme l’enseigne saint Paul[2].

Glorifiée en son corps et en son âme la Vierge Marie, la Mère de Dieu, continue d’œuvrer aux côtés de son Fils pour la croissance du Christ total, la Tête, Jésus, et les membres, les baptisés et ceux qui croient en lui. Bossuet définissait l’Église comme le Christ répandu et communiqué.

Mère du Verbe fait chair en elle, Marie grandit dans sa mission de faire connaître et aimer son Fils qu’elle a accueilli et donné au monde. D’où son rôle dans l’évangélisation. De très nombreuses congrégations religieuses missionnaires ont choisi le patronage de la Vierge Marie, la Mère de la Parole de Dieu. Sur environ 400 congrégations féminines de vie apostolique 130 portent un nom marial[1]. Personne n’a aimé autant le Verbe fait chair que Marie. Nul n’a accueilli avec autant de foi et d’amour la Parole de Dieu que Marie.

Dans la vie d’un chrétien, il y a un va-et-vient entre la prière et l’approfondissement de la Parole de Dieu. Plus la Parole de Dieu est écoutée et priée et plus le fidèle a soif de chercher la richesse des sens de l’Écriture. Trésor inépuisable, source d’eau vive jamais tarie, comme le dit saint Ephrem cité par le pape François au début de cette lettre apostolique « Aperuit illis ».

Le père Marie-Joseph Lagrange (†1938), avait inauguré l’École biblique de Jérusalem avec une grande vision du sens et du futur de l’interprétation de la Parole de Dieu : « Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité ».

Le but de ce nouveau « dimanche de la Parole de Dieu » est de faire aimer davantage la révélation divine et de la mettre en pratique. En effet, la liturgie porte la Parole de Dieu à l’instar d’un écrin qui contient un bijou.

Le fondamentalisme représente un péché contre l’intelligence. La vérité évangélique ne ressemble pas à une statue en béton. La Vérité est Chemin et Vie en la personne de Jésus[2]. La Parole de Dieu ne cesse de grandir dans le cœur des chercheurs de Vérité qui l’écoutent et la lisent. La Parole de Dieu fait toutes choses nouvelles[3]. Elle éveille le désir et l’amour. C’est pourquoi la Bible s’achève avec l’Apocalypse en priant : « Maranatha ! Viens Seigneur Jésus » (Ap. 22, 20).

Saint-Denis (La Réunion. France), le 10 octobre 2019.

**********

NOTES

[1] Brigitte Waché, « Marie et les missions dans les congrégations féminines. Essai de typologie. 147. In Marie, première missionnaire. 64e session de la Société française d’études mariales. Paris, Médiaspaul, 2007.

[2] Cf. Évangile selon saint Jean 14, 6.

[3] Cf. Apocalypse 21, 5.

[1] Jean-Paul II. Ecclesia in America, n° 67.

[2] Saint Paul. Épître aux Romains 8, 28.

[1] Benoît XVI, Exhortation post-synodale « Verbum Domini », n° 27.

[2] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1969, n° 45.

[3] CF. Première épître de saint Jean 1, 2 : « La Vie s’est manifestée ».

[1] Benoît XVI, Exhortation post-synodale « Verbum Domini », n° 27.

[1] Saint Ambroise de Milan, Epistula 49,3 : PL 16, 1204. Cité dans « La Parole du Seigneur. Verbum Domini ». Exhortation apostolique post-synodale du pape Benoît XVI, Paris, 2010, n° 87.

[1] Pape François « Aperuit illis », n° 12.

[2] Pape François, « Aperuit illis », n° 2.

[3] Évangile selon saint Luc 1, 34 : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? », à l’Annonciation ; « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? » (Lc 2, 48), lors du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n° 9.

[2] Évangile selon saint Luc 24, 32.

[3] Pape François, « Aperuit illis », n°5. Citation aussi d’Evangelii Gaudium, n° 142.

[4] Commission biblique pontificale. Inspiration et vérité de l’Écriture sainte, Paris, Bayard, Fleurus-Mame. Cerf, 2014, p. 250.

[1] Cf. Enzo Bianchi, « Prier la Parole », in Précis de théologie pratique. Deuxième édition augmentée, Bruxelles, Lumen vitae, 2007, p. 379.

[2] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n° 2.

[3] J.M. Cabodevilla, Palabras son amores. Límites y horizontes del dialogo humano, Madrid, BAC, 1980, p. 251.

[1] Cf. Sagesse 2, 24.

[2] Pedro Miguel LAMET, Arrupe, una explosión en la Iglesia, Madrid, ediciones Temas de hoy, 1990. P.158.

[1] Évangile selon saint Jean 15,13.

[2] Évangile selon saint Matthieu 11,28-30.

[3] Épître de saint Paul aux Corinthiens, 13, 5-8.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis », n°1. Cf. Évangile selon saint Luc 24, 45.

[2] Cf. Évangile selon saint Luc 24, 48.

[3] Évangile selon saint Jean 1, 18.

[4] Cf. Évangile selon saint Matthieu 13, 19.

[5] Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24, 26.

[1] Pape François, Lettre apostolique « Aperuit illis » du lundi 30 septembre 2019 en forme de « Motu proprio »,

[2] Voir aussi Jean Guitton, Portrait du père Lagrange. Celui qui a réconcilié la science et la foi. Paris, Éditions Robert Laffont, 1992.

[3] Il Cardinale Carlo Maria Martini, S. J.

Gerusalemme, 22 luglio 2007

Molto reverendo e caro padre Manuel Rivero o. p. ,

Le sono molto grato per la sua lettera dell’11 maggio 2007, consegnatami dal nuovo Padre Priore del convento di santo Stefano di Gerusalemme.

Mi dà grande gioia la notizia che la causa di beatificazione del padre Marie Joseph Lagrange, fondatore della Ecole Biblique di Gerusalemme, è già assai avanti. Personalmente non ho conosciuto il padre Lagrange, ma ricordo l’impressione grande che ricevetti dalla lettura del suoi primi articoli sulla Revue Biblique, lettura che feci all’inizio dei miei studi biblici. Anche in seguito ho tratto molto profitto dai suoi commenti ai vangeli, e, pur non conoscendo i particolari, ho ammirato la sua grande obbedienza nel vivere il suo carisma di esegeta in piena disponibilità a fare quanto gli veniva chiesto.

Ho sempre guardato con gratitudine a questa figura di studioso e di figlio devoto della Chiesa, e sono lieto di sapere che egli era anche un uomo fervente, un uomo la cui preghiera era fuoco.

Ritengo che il padre Lagrange sia come l’iniziatore di tutta la rinascita cattolica degli studi biblici. Il pensare che all’inizio ci sia stato un santo ci conforta nel vivere questi studi con l’attitudine di San Girolamo e degli altri esegeti santi, che hanno cercato nella scrittura il volto di Dio.

Sarò molto lieto nel sapere ulteriori notizie sullo sviluppo della causa e prego fin da ora perché essa serva a far conoscere questo uomo straordinario, questo figlio obbediente della Chiesa, questo umile servitore del Vangelo.

Suo in X.o

Carlo Maria Card. Martini

(La Revue du Rosaire, n° 193, septembre 2007)

 

Copyright 2019 – Fr Manuel Rivero O.P.

OCTOBRE 10, 2019 13:39SPIRITUALITÉ, PRIÈRETHÉOLOGIE

https://fr.zenit.org/articles/les-enjeux-du-dimanche-de-la-parole-de-dieu-institue-par-le-pape-francois/?utm_medium=email&utm_campaign=10102019+-+Linstitut+financier+du+Vatican+en+bonne+sant+1570731402+ZNP&utm_content=10102019+-+Linstitut+financier+du+Vatican+en+bonne+sant+1570731402+ZNP+CID_4963b649d20fb72f266ad834f551acdf&utm_source=Editions&utm_term=Les+enjeux+du+Dimanche+de+la+Parole+de+Dieu+institu+par+le+pape+Franois&fbclid=IwAR1IhhIsGEg4lci_PAJEXMxQ7ZcPwP60uC0Q9bVt4KK_C15kwlTodnlZ3kc

 

 

Paru sur Zenit : Saint Joseph ouvrier, antidote d’ « un catholicisme zombie » par fr. Manuel Rivero o.p.

27 avril 2021

Cause des Saints

Saint Joseph ouvrier, antidote d’ « un catholicisme zombie »
Fr. Manuel Rivero O.P.[1]

« Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu »

Le 1er mai, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, est célébré dans sa facette de professionnel responsable et compétent, au service de sa famille et du bien commun.

L’Évangile l’appelle homme « juste »[2], c’est-à-dire un homme juif qui connaissait la Loi de Moïse et qui la mettait en pratique. En unissant la foi et la science, la prière et le travail, saint Joseph a goûté l’union à Dieu en partageant les expériences heureuses et douloureuses d’Israël. Chaque samedi, il se rendait à la synagogue de Nazareth pour célébrer la Loi proclamée en hébreu et commentée en langue araméenne, sa langue maternelle. Combien de fois, Jésus, adolescent, l’a écouté avec un cœur brûlant.

Sanctifier la famille

Homme d’action, saint Joseph accomplit la volonté de Dieu. Silencieux, il médite dans la lumière de la foi les paroles de l’Ange du Seigneur qui l’exhorte à assumer sa responsabilité d’époux et de père adoptif de l’enfant que Marie porte en son sein par l’action de l’Esprit Saint. Homme fort, orienté vers l’avenir, il change son projet initial en réponse à la révélation de l’Ange. La mission que Dieu lui confie dépasse celle des prophètes et des chefs de son Peuple. Il doit accompagner, protéger et éduquer Jésus « qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21).

Avec son épouse, Marie, Joseph s’engage dans le service du salut de l’humanité par l’Incarnation du Verbe. Gardien du mystère de la maternité divine de Marie, partageant la même foi, Joseph fait preuve d’amour, de prudence et d’endurance.

En cette « Année de la famille », commencée le 19 mars en la fête de saint Joseph, le père adoptif de Jésus met en lumière la grandeur de la vie ordinaire. Le concile Vatican II a souligné l’appel universel à la sainteté dans l’Église[3]. Les chrétiens ont pour vocation la sanctification de la famille, du travail, de l’économie et de la politique.

La demande de la prière du Notre Père « que ton Nom soit sanctifié » correspond à cette sanctification de toutes les dimensions de la personne et de la vie sociale. Habité par la grâce de l’Esprit Saint, saint Joseph a veillé sur son épouse, Marie. À l’image du grand-prêtre de l’Ancien Testament qui veillait sur le Temple, saint Joseph a trouvé Dieu en aimant Marie, « nouvelle arche d’Alliance »[4], demeure de Dieu. L’Arche de l’Alliance contenait la manne et les tables de la Loi[5]. Marie portait en son sein Jésus, le Verbe fait chair, Loi nouvelle d’amour et Pain de Vie descendu du Ciel[6]. Dans un beau sermon, saint Bernard (+1153) a mis en parallèle le patriarche Joseph, fils de Jacob, et Joseph, époux de Marie. Si dans l’Ancien Testament, Joseph, intendant de Pharaon, avait mis les blés en réserve pour tout le peuple d’Égypte et non pour lui-même ; dans le Nouveau Testament, Joseph, père adoptif de Jésus  « reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier[7]. »

Pour le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, «Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère[8] ». Il me semble que les chrétiens peuvent en dire la même chose au sujet de saint Joseph. Par l’amour de son père adoptif, l’âme de Jésus a été imprégnée de la joie de Dieu le Père.

Sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, témoigner par le travail

Artisan charpentier-maçon, saint Joseph s’est sanctifié dans son atelier au service des clients qui avaient besoin d’une maison, d’une armoire, d’une table ou d’une chaise. Ses journées comportaient des hauts et des bas, des réussites commerciales et des heures de soucis économiques pour nourrir sa famille. Il a sanctifié la création l’imprégnant de son intelligence, de son amour et de sa prière. Ceux qui le fréquentaient dans les relations professionnelles ont été attirés vers Dieu par son témoignage.

Saint Josemaría Escrivá de Balaguer (+1975) a excellé dans la mise en valeur de la sainteté vécue au travail quotidien : « « Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail. C’est là que Dieu nous attend chaque jour : il y a quelque chose de divin qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir »[9] ».

Le primat de la personne sur le capital

Le philosophe chrétien Emmanuel Mounier (+1950) a développé une philosophie du personnalisme communautaire avec le primat de la personne sur le capital, le primat du spirituel sur le matériel, à l’opposé de l’individualisme. Il arrive souvent que la foi en Dieu soit remplacée non pas par l’athéisme mais par l’idolâtrie où le marché devient « dieu », la finance « une déesse » et le bien-être « un veau d’or ». La pensée de Mounier a inspiré l’enseignement du saint Pape Jean-Paul II sur le travail dans l’encyclique Laborens exercens du 14 septembre 1981 qui proclame le primat du travail sur le capital et de la personne sur la propriété privée. « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », clame la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.).

La destination universelle des biens

Le pape François évoque les trois T nécessaires pour la vie : un toit, une terre et un travail.

La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun sa dignité humaine sans déchoir dans la misère[10].

La foi vivante de saint Joseph représente un antidote contre « un catholicisme zombie[11] » qui n’aurait qu’une influence indirecte et vague sur les réalités familiales, économiques et politiques.

L’exemple de saint Joseph invite à commencer par la conversion personnelle avant de vouloir changer le monde, car la tentation est grande pour chacun d’aspirer à transformer la société mais sans vouloir se mettre en cause.

Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu. Il l’a fait avec réalisme, de manière intégrale, spirituelle et matérielle. Son travail et la transmission de son savoir-faire font partie du Salut de l’humanité par Jésus le Christ, ouvrier lui-même.

Saint-Denis (La Réunion), le 27 avril 2021.

NOTE

[1] Doyen de la Faculté des sciences sociales à DOMUNI Universitas (https://www.domuni.eu/fr/).

[2] Évangile selon saint Matthieu 1, 19.

[3] Voir Lumen gentium chapitre V.

[4] Voir Litanies de Lorette.

[5] Voir Épître aux Hébreux 9, 1-5.

[6] Voir Évangile selon saint Jean 6, 33-35.

[7] Saint Bernard, Homélie sur le « Missus est », 2, 16, PL 183, col. 55. Voir Jean-René Bouchet, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, Lectionnaire patristique dominicain, Paris, Les éditions du Cerf, 1994, p. 403, pour la fête de saint Joseph, le 19 mars.

[8] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

[9] Entretiens, point 114.

[10] Cf. Pape François, Un temps pour changer. Conversations avec Austen Ivereigh, Paris. Éditions de Noyelles, 2020, p.195.

[11] Voir l’étude d’Hervé Le Bras et d’Emmanuel Todd dans Le Mystère français (2013) qui évoquent un « catholicisme zombie » qui continuerait de marquer les relations sociales à l’image des zombies qui ont cessé d’exister.

Illustration : Saint Joseph © Vatican Media

Paru sur fr.zenit.org
Le 1er mai 2021

Paru sur Zenit : Qui est sainte Marie-Madeleine, disciple missionnaire par fr. Manuel Rivero o.p.

22 juillet 2021

Spiritualité

Qui est sainte Marie-Madeleine ?

Disciple-missionnaire

Fr. Manuel Rivero O.P.

Les évangiles présentent sainte Marie-Madeleine comme disciple-missionnaire de Jésus-Christ.

Possédée par sept démons, libérée du mal par Jésus, Marie-Madeleine fait partie de la communauté apostolique formée par Jésus (cf. Lc 8).

Modèle de foi, d’amour et d’espérance, saint Thomas d’Aquin (+1274) l’appelle «la femme nouvelle », « la nouvelle Ève ». Dans le jardin de la résurrection, Jésus, « le Nouvel Adam », et Marie-Madeleine, « la nouvelle Ève », symbolisent la rencontre du Christ et de l’Église dans la joie pascale. Les pleurs de tristesse se changeront en larmes de joie quand Jésus l’appellera par son prénom « Marie ». En peu de mots, elle exprimera sa foi et son attachement au Maître : « Rabbouni ! » (Jn 20, 16). « Plus l’amour est grand et plus le langage se fait court », disait le père Lacordaire O.P..

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem,  « Marie Magdeleine était consacrée l’apôtre des apôtres [1]» par Jésus. Consacrée prophète par l’appel et l’envoi divins : « Va trouver mes frères pour leur dire aux je monte vers mon Père et votre Père » (Jn 20, 17), Marie-Madeleine accomplit sa mission en annonçant la résurrection du Seigneur aux apôtres sceptiques. En réponse à son témoignage « J’ai vu le Seigneur », les apôtres parleront de « radotage » (Lc 24, 11) et « ils ne la crurent pas ».

Marie et Marie-Madeleine

Le peintre Fra Angelico O.P. (+1455), le patron des artistes, a uni sur le Calvaire Marie, la mère de Jésus, la toute sainte, et Marie-Madeleine, l’ancienne pécheresse. Alors qu’une épée traverse l’âme de Marie en contemplant son Fils Jésus mis en croix, Marie-Madeleine, à genoux, étreint le corps virginal de la Mère de Dieu, pour qu’elle demeure debout dans la douleur.

La Vierge Marie n’a pas reçu le charisme apostolique mais la grâce de la maternité divine et de la maternité spirituelle. Avant de mourir, pour achever l’œuvre de la Rédemption, Jésus a donné Marie, sa mère, comme mère spirituelle à son disciple bien-aimé, Jean, figure de la communauté croyante. Et le disciple la prit « chez lui » (Jn 19,27). La Vierge Marie agit en mère spirituelle par son intercession et sa présence toute proche, pleine de miséricorde. Chacun connaît la profondeur et la puissance des pensées et des actions d’une mère.

Sainte Marie-Madeleine a reçu la grâce prophétique, apostolique, pour annoncer le mystère pascal. Par la résurrection de Jésus, le Père Jésus devient le Père des fidèles. Jésus appelle ses disciples « ses frères » et non les frères de Marie-Madeleine. Le mystère pascal transforme les relations avec Dieu et entre les hommes. Une nouvelle création a surgi du tombeau. Une nouvelle fraternité apparaît sur la terre.

Marie-Madeleine fait partie du peuple de Dieu « sacerdotal, royal et saint » (I Pierre 2,9). Les trois vertus théologales brillent en elle. Par son amour, Marie-Madeleine s’est levée dans la nuit pour honorer la dépouille de celui que son âme aimait (cf. Ct 3) ; par sa foi, elle a obéi à son maître en annonçant la joie pascale ; par son espérance, elle s’est tournée vers le Père de Jésus devenu son Père.

Grandeur et plénitude de la vocation chrétienne

L’exemple de sainte Marie-Madeleine met en lumière la vocation baptismale et les charismes communs aux disciples-missionnaires de Jésus. Il ne convient pas de présenter la vocation religieuse ou presbytérale comme « un plus » mais plutôt comme un « comment » pour accomplir la volonté de Dieu, chacun selon son appel. Les baptisés risqueraient de se démobiliser en sous-estimant leur mission et leur charisme. Saint Augustin prêchait à ses fidèles que son titre de gloire et son salut se trouvaient dans son baptême tandis que son épiscopat représentait une charge et un service. Les charismes sont interdépendants et complémentaires dans l’Église, Corps du Christ.

 

NOTE

[1] Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 631-632.

Illustration : Apparition du Christ Ressuscité à Marie-Madeleine, Fra Angelico. ©Musée San Marco (Florence)

Paru sur fr.zenit.org

le 22 juillet 2021

Paru sur Zenit : Octobre, le mois de la prière du Rosaire par fr. Manuel Rivero o.p.

1er octobre 2020

 

Marie

Octobre, le mois de la prière du Rosaire par fr. Manuel Rivero o.p.

« N’abandonnez jamais la prière du Rosaire », conseillait le pape François lors de la clôture du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 2017.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Invisible, mais, proche et agissant, Dieu est invoqué particulièrement dans les épreuves. Alors que d’aucuns demandent « où est Dieu dans nos souffrances ? », la prière s’avère source de grâces. La Bible révèle un Dieu caché qui déploie sa puissance dans l’effacement. Maître Eckhart, le grand mystique dominicain du XIVe siècle, enseignait que « le Fonds de la Déité se trouve dans la puissance d’effacement de soi »[1]. Le mystère de l’Incarnation, fondement du christianisme, manifeste l’humilité et l’abaissement du Fils de Dieu, qui, par amour envers l’humanité, est devenu l’un de nous. La Vierge Marie l’a accueilli dans la foi en notre nom. D’où l’attachement des chrétiens à la figure de la Mère du Messie.

Prière face à la pandémie

En ces temps difficiles de pandémie et de crise économique, l’Église se tourne vers la Mère de Dieu, comme elle le fit en 1571 lors de la bataille de Lépante. Le saint pape Pie V, O.P. confia alors l’Église à l’intercession des confréries du Rosaire. La victoire obtenue fut saluée comme une grâce de Dieu à travers la prière de la Mère de Jésus. D’où la célébration de la fête de Notre-Dame de la Victoire, le 7 octobre, connue sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Dans le rayonnement de cette fête mariale, tout le mois d’octobre porte la marque du Rosaire.

L’Église se tourne vers Jésus qui est venu pour les malades. Les catholiques se confient à l’intercession de la Mère de Dieu. L’une des prières mariales les plus anciennes évoque la confiance des chrétiens dans la miséricorde de la Vierge Marie : « Sous ta miséricorde, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu ».

Prière contemplative, le Rosaire consiste à prier Jésus, le seul Sauveur et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes pour la foi chrétienne, avec la foi de Marie, qui est la foi de l’Église. Le fidèle regarde Jésus avec les yeux et le cœur de sa Mère, la Vierge Marie.

La prière du Rosaire a pour centre et pour but Jésus le Christ. Ceux qui égrènent le chapelet rejoignent le cœur de Marie pour y méditer les événements et les paroles de Jésus. L’évangéliste saint Luc précise que Marie gardait dans son cœur tout ce qu’elle découvrait du mystère de son Fils.

Le Rosaire conduit les disciples de Jésus jusqu’au cœur de sa Mère pour le contempler dans la lumière de la foi juive accomplie dans le mystère de la mort et de la résurrection du Messie.

Sans la Vierge Marie, « l’Église devient un orphelinat », s’exclame le pape François. Mais les chrétiens ne sont pas orphelins. Ils reçoivent l’Esprit-Saint promis par Jésus. Ils reçoivent aussi la Mère de Jésus pour Mère spirituelle. C’est elle qui veille sur les disciples de son Fils, comme elle a collaboré à sa naissance et à sa croissance en tant qu’homme. Éducatrice de Jésus, Marie joue aussi son rôle de Mère spirituelle, par son exemple de foi et par son intercession, auprès de son Fils Jésus.

Cela ne relève pas d’une dévotion inventée, mais d’une volonté du Sauveur lui-même manifestée sur le Calvaire quand il a dit à sa mère « Voici ton fils » (Jn 19) tout en orientant son regard vers l’apôtre bien-aimé, Jean. À celui-ci, le saint crucifié a déclaré : « Voici ta Mère ». Et l’apôtre fidèle la prit chez lui, c’est-à-dire dans sa maison et dans son cœur.

Précisions de vocabulaire

Le mot chapelet provient du mot « chapeau » ou « couronne » de roses que les amoureux offraient à leurs bien-aimées, et, que les dévots de la Vierge Marie plaçaient sur la tête des statues de la Mère de Jésus.

Le mot Rosaire rappelle le choix de cette fleur offerte en signe de foi à la Vierge Marie

Le bienheureux Alain de La Roche O.P. (1428-1475) préférait appeler cette prière « Le psautier de Notre-Dame » plutôt que Rosaire, en lien avec les 150 Psaumes qui trouvaient leur équivalent dans les 150 Ave Maria du Rosaire quand les trois séries du Rosaire (5 joyeux, 5 douloureux et 5 glorieux) comportaient 150 grains en tout. L’arrivée des mystères lumineux, décidée par le saint pape Jean-Paul II, a élevé à 20 mystères le cycle de la prière qui inclue ainsi la vie publique de Jésus, outre l’Enfant, la Passion et la Gloire de la vie de Jésus.

Voyage intérieur

En égrenant le chapelet, le croyant voyage en esprit vers Nazareth, Bethléem, Jérusalem …

Une marseillaise avait déclaré un jour à Mgr Roger Etchegaray : « Avec le chapelet, je fais le tour du monde à l’œil et sans bouger ».

Quand nous visitons un pays nous tenons à bénéficier d’un bon guide local qui connaisse l’histoire, non seulement par l’étude, mais aussi par expérience. Qui mieux que la Vierge Marie peut nous introduire dans la connaissance de son Fils Jésus ?

Nous pouvons l’appeler Notre-Dame des commencements, car Marie apparaît dans les Évangiles lors des événements fondateurs : l’Incarnation, la Visitation, Noël, Calvaire, Pentecôte …

Silence intérieur

Certaines personnes s’interrogent sur le sens de la répétition des Ave Maria. Mais le but de cette reprise des paroles de l’archange Gabriel à Marie n’est rien d’autre que le silence intérieur. Pour calmer, voire effacer le bruit intérieur, les discours et les films, toujours les mêmes dans la tête, il convient de se laisser purifier et habiter par la Parole de Dieu. En reprenant les Notre Père et les Ave Maria, le fidèle parvient à faire silence en soi pour faire de la place dans son cœur à Jésus le Christ.

À l’image du vol des oiseaux qui en refaisant toujours le même mouvement de leurs ailes s’élèvent vers le ciel, ceux qui prient reprennent les mêmes prières, mais jamais au même endroit, car leurs âmes se déplacent vers Dieu et vers leurs frères en humanité.

Plasticité de cette prière

Le chapelet permet l’intégration de toute la Bible par le moyen des clausules, c’est-à-dire des citations de l’Écriture sainte, à la suite du nom de Jésus dans la première partie de l’Ave Maria : « Je vous salue Marie … et Jésus, qui sauve les malades, est béni », par exemple.

Dans la deuxième partie de l’Ave Maria, il est possible d’actualiser la prière « et à l’heure de notre mort », en la remplaçant par « et à l’heure de la maladie », « et à l’heure de la recherche d’emploi », « et à l’heure de l’examen » …

Prière qui rassemble

La prière du chapelet facilite l’union à Dieu dans la solitude. Elle rassemble aussi les chrétiens comme le prouve l’existence séculière des Confréries du Rosaire, des Équipes du Rosaire ou de la Légion de Marie.

Au Japon, des communautés chrétiennes ont gardé la foi en l’absence de prêtres pendant deux siècles grâce à la prière du Rosaire. À partir de 1614, des missionnaires dominicains connurent le martyre. Au XIXe siècle, lors de la reprise de l’évangélisation, les missionnaires découvrirent, avec émerveillement, que les chrétiens continuaient de célébrer le Christ Jésus au Japon en priant ensemble les mystères du Rosaire.

Le chapelet des enfants

Élément matériel, en bois ou en plastique, le chapelet aide à prier. Nombreux sont les enfants qui entrent dans la paix du cœur par cette prière.

Les systèmes éducatifs font rarement de la place à l’intériorité. Des méthodes de méditation, pour les enfants, deviennent à la mode dans le souci de les calmer au milieu d’une multitude d’activités et de sollicitations. La prière du chapelet offre une paix habitée par Jésus. Plutôt que de dire « om », les enfants chrétiens prient le nom de Jésus, source de l’Esprit Saint.

Enfant, à l’âge de sept ans, j’ai reçu comme cadeau pour ma Première communion un chapelet en argent. Il est beau. La date de cet événement heureux fut gravée sur la croix. C’est avec joie et gratitude que j’aime le reprendre et le prier bien des années après.

Pourquoi ne pas penser à offrir comme cadeau, pour la Première communion et la Confirmation, un beau chapelet que l’enfant gardera peut-être toute sa vie ?

Prière qui illumine

La foi est lumière dans les ténèbres de la maladie et de la mort. En tant que prêtre, je demeure admiratif devant la puissance pédagogique et spirituelle du chapelet lors de la maladie et du deuil.

Aux malades et aux personnes détenues en prison, je leur rappelle leur mission de prier pour l’Église et pour le monde. Ils deviennent ainsi acteurs de l’histoire car les événements relèvent aussi de la Providence qui répond à la prière.

Lors des veillées funéraires, la méditation des mystères douloureux et glorieux fait passer les familles de la tristesse à la lumière de la foi, de la fatigue à la force de la grâce, du désespoir à la communion avec Dieu et avec les proches qui partent.

Loin d’être « la dégringolade finale » d’une vie, la mort représente le sommet de l’existence et le passage, la « pâque », de ce monde au Père.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, fervent de la prière du Rosaire, « Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère »[2], même au cours de sa Passion.

Ce fut le cas sur le Calvaire, lors de la mort de Jésus, cela l’est aussi pour ceux qui se confient à l’intercession de la Mère de Jésus en devenant « fils et filles de Marie ».

Fr. Manuel Rivero, O.P.

Saint-Denis/ La Réunion, le 1er octobre 2020

 

[1] Cité par François Varillon, L’humilité de Dieu, Bayard, 2017, p. 31.

[2] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

Illustration : Chapelet, à la Porte de l’Aurore (Vilnius 2018)  @ Vatican News

 

Paru dans fr.zenit.org

Le 1er octobre 2020

Diffusé également sur le site : Centre Romand de l’Apostolat Mondial de Fatima

https://ndfatima.com/2020/10/04/octobre-le-mois-de-la-priere-du-rosaire-par-le-fr-manuel-rivero-o-p/

Paru sur Zenit : La Vierge Marie, Mère de l’Église par fr. Manuel Rivero o.p.

11 mai 2021

Marie

La Vierge Marie, Mère de l’Église

Mémoire liturgique : lundi de Pentecôte, le 24 mai 2021

C’est le bienheureux pape Paul VI qui a tenu à vénérer la Vierge Marie sous le vocable de « Mère de l’Église » au cours du Concile Vatican II, le 21 novembre 1964, lors du discours d’approbation de la Constitution dogmatique sur l’Église « Lumen Gentium », tout en ne faisant pas partie de celle-ci. De son côté, le Catéchisme de l’Église catholique a intégré officiellement dans la foi catholique ce vocable riche en signification théologique, même s’il n’a pas été le résultat d’un vote lors de ce Concile. Le Catéchisme cite ce vocable dans le commentaire de l’article du Credo sur l’Église : « Je crois à la sainte Église catholique ». À la suite de « Lumen Gentium » au chapitre VIII qui situe la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Église, le Catéchisme reprend l’expression « Mère de l’Église » dans le contexte de la vie du Sauveur et au cœur de l’Église. Il convient de se souvenir qu’un certain nombre d’évêques conciliaires avaient souhaité un texte sur la Vierge Marie à part entière. Dans le souffle de l’Esprit, les pères conciliaires choisirent de présenter la Vierge Marie plongée dans le mystère du Christ et comme membre éminent de l’Église.

L’Église, Mère des chrétiens

Au cours des premiers siècles de l’histoire de l’Église, les grands théologiens sont africains. Les Pères de l’Église ont mis en lumière la maternité spirituelle de la Vierge Marie envers les chrétiens. C’est ainsi que saint Cyprien, évêque de Carthage, martyr en 258, déclarait : « On ne peut pas avoir Dieu pour père quand on n’a pas l’Église pour mère[1] ».

Plus tard, saint Augustin (+430) prêchera à ses fidèles : « Nul ne peut compter sur la grâce de Dieu son Père, s’il méprise l’Église sa mère[2] ».

Au VIIIsiècle, en Angleterre, saint Bède le Vénérable, écrira : « Toujours à nouveau l’Église engendre le Christ, chaque jour l’Église engendre l’Église[3] ». Par le sacrement du baptême, par la prédication et le témoignage, l’Église donne naissance au Christ dans le cœur des hommes. En engendrant le Christ, elle s’engendre elle-même.

L’Église, Corps du Christ

Saint Paul, célèbre le Christ « Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église » (Col 1,18). Dans son épître aux Colossiens, l’apôtre des nations appelle l’Église « Corps du Christ » (Col 1,24). L’image du corps humain avec la tête et ses membres correspond au Christ total, qui rassemble dans l’unité le Christ, sa Tête, et les chrétiens, ses membres. Dans son épître aux Corinthiens (1 Cor 12,12.27), saint Paul explique la dépendance des membres du même corps avec ses différentes fonctions, image qui s’applique à l’Église, « le Christ répandu et communiqué », selon la belle formule de Bossuet, où chaque baptisé participe à la vie du Fils de Dieu en tant que membre vivant de son Corps.

Le Christ ressuscité est devenu inséparable de son Église. L’Église n’existe qu’unie au Christ, sa Tête. Le Christ et l’Église forment le Christ total : sa Tête et ses membres. Inutile de parler du Christ sans son Église. Erreur que d’imaginer l’Église comme existant sans le Christ.

La Vierge Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église

La foi de l’Église trouve sa naissance dans la Bible. La prière de l’Église manifeste aussi le projet de salut de Dieu pour l’humanité : « Lex orandi, ex credendi » (« La loi de la prière est la loi de la foi »). C’est pourquoi il convient de faire appel à la liturgie de l’Église pour comprendre le mystère de la Vierge Marie. À l’Annonciation, la Vierge Marie est devenue la Mère du Fils de Dieu fait homme, qui recevra le nom de Jésus. L’événement de l’Annonciation représente non seulement la nouveauté de l’Incarnation mais aussi le commencement de l’Église. La liturgie de cette fête appelée par certains Pères de l’Église « la fête de la racine », car cachée et fondatrice, exprime le mystère de l’accueil du Fils de Dieu « par la foi de Marie » et sa tendresse maternelle envers le corps de son fils Jésus (cf. Préface de la messe) tandis que la prière sur les offrandes met en lumière la naissance de l’Église, Corps du Christ : « L’Église n’oublie pas qu’elle a commencé le jour où ton Verbe s’est fait chair ».

Si Marie est mère de Jésus, elle est aussi la mère de l’Église. Étant la Mère de la Tête du Corps elle demeure aussi la Mère du reste du Corps, les membres unis au Christ par la foi et le baptême. S’il n’est pas possible de séparer la Tête du Corps ; il n’est pas possible non plus de séparer la maternité divine de Marie de sa maternité spirituelle envers le Corps de son Fils Jésus, l’Église.

Un théologien du XIIe siècle, Isaac de l’Étoile[4], moine cistercien, a su mettre en valeur l’union du Christ et de l’Église, la maternité de Marie envers le Christ et à l’égard de l’Église : « ʺCe que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare donc pas. Ce mystère est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église.ʺ Garde-toi bien de séparer la tête du corps ; n’empêche pas le Christ d’exister tout entier ; car le Christ n’existe nulle part tout entier sans l’Église, ni l’Église sans le Christ. Le Christ total, intégral, c’est la tête et le corps. [5] »

Dans un autre sermon sur l’Assomption, Isaac de l’Étoile élargit sa réflexion à l’union de Marie et de l’Église dont elle est la figure : « Les hommes, en eux-mêmes, par leur naissance selon la chair, sont une multitude ; mais par la seconde naissance, la naissance divine, ils ne sont avec lui qu’un seul. Le seul Christ, unique et total, c’est la tête et le corps.

Et ce Christ unique est le Fils d’un seul Dieu, dans le ciel et d’une seule mère sur la terre. Il y a beaucoup de fils, et il n’y a qu’un seul fils. Et de même que la tête et le corps sont un seul fils et plusieurs fils, de même Marie et l’Église, sont une seule mère et plusieurs mères, une seule vierge et plusieurs vierges. L’une et l’autre ont conçu du Saint-Esprit, sans attrait charnel (…) L’une a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps ; l’autre a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps pour la tête. L’une et l’autre sont mères du Christ, mais aucune des deux ne l’enfante tout entier sans l’autre. Aussi c’est à juste titre que, dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit en général de la vierge mère qu’est l’Église, s’applique en particulier à la Vierge Marie ; et ce qui est dit de la vierge mère qu’est Marie, en particulier, se comprend en général de la vierge mère qu’est l’Église.

De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde. Ainsi donc c’est la Sagesse même de Dieu, le Verbe du Père, qui désigne à la fois l’Église au sens universel, Marie, dans un sens très spécial et chaque âme croyante en particulier.

C’est pourquoi l’Écriture dit : « Je demeurerai dans l’héritage du Seigneur ». L’héritage du Seigneur, dans sa totalité, c’est l’Église, c’est tout spécialement Marie, et c’est l’âme de chaque croyant en particulier. En la demeure du sein de Marie, le Christ est resté neuf mois ; en la demeure de la foi de l’Église, il restera jusqu’à la fin du monde ; et dans la connaissance et l’amour du croyant, pour les siècles des siècles[6] ».

Au XIIIe siècle, le grand théologien dominicain, saint Thomas d’Aquin voit dans les noces de Cana l’image de l’union mystique du Christ et de l’Église, union commencée à l’Annonciation : « Ces épousailles eurent leur commencement dans le sein de la Vierge, lorsque Dieu le Père unit la nature humaine à son Fils dans l’unité de la personne, en sorte que le lit nuptial de cette union fut le sein virginal … Ce mariage fut rendu public lorsque l’Église s’est unie au Verbe par la foi[7] ».

Le Docteur Angélique s’inspire de la pensée de saint Augustin pour qui le sein de la Vierge Marie est une chambre nuptiale où s’unissent dans la personne du Verbe la nature divine et la nature humaine. Pour saint Augustin, le corps de Jésus s’unit à l’Église formant ainsi « le Christ total, Tête et Corps[8] ».

L’Incarnation comporte une dimension ecclésiale. Marie a accueilli le Verbe au nom de l’humanité et pour l’humanité. Marie, nouvelle Ève, accomplit la prophétie du livre de la Genèse en écrasant la tête du serpent par sa foi (cf. Gn 3,15). Elle est aussi la femme de l’Apocalypse qui enfante une nouvelle humanité (cf. Ap 12).

La Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps « Gaudium et spes » enseigne que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (n°22,2). Par conséquent, la Vierge Marie est devenue aussi mère de cette humanité ce qui peut expliquer en partie la dévotion des croyants des religions non chrétiennes qui se rendent en pèlerinage dans les sanctuaires mariaux comme Lourdes ou Notre-Dame de la Garde à Marseille.

Vénérer la Vierge Marie

Plus récemment, le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin : « La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule Personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance[9] ».

L’histoire de l’Église montre aussi comment la fréquentation de la Vierge Marie dans la prière loin d’éloigner les fidèles du Christ les a rapprochés avec justesse de leur mystère.

Aussi le Concile Vatican II exhorte-t-il les chrétiens à vénérer la Vierge Marie avec amour, en lui adressant des prières d’invocation et en cherchant à imiter sa foi[10].

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens qui ont subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ, le seul médiateur entre Dieu et les hommes.

Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait lors des noces de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).

NOTES

[1] Saint Cyprien de Carthage : « Habere non potest Deum patrem qui ecclesiam non habet matrem », De catholica ecclesiae unitate, 6 (CSEL 3/1,214).

[2] Saint Augustin, Sermo 92 : De Alleluia (Miscellanea Agostiniana I, Rome, 1930, 332-333).

[3] Saint Bède, Expl. Apoc., 11,12 (PL 93, 166D)

[4] Isaac de l’Étoile (1100-1178), moine de Pontigny, puis abbé de l’Étoile en Poitou, ami de saint Thomas Becket.

[5] Sermon d’Isaac de l’Étoile. Liturgie des heures IV. Temps ordinaire. 23e semaine.

[6] Sermon d’Isaac de l’Étoile pour l’Assomption. Marie et l’Église. La liturgie des heures I. Avent – Noël. II Samedi de l’Avent.

[7] Saint Thomas d’Aquin, In Ioan. 1, n°338.

[8] Cf. Jean-Pierre TORRELL, Le Christ en ses mystères. La vie et l’œuvre de Jésus selon saint Thomas d’Aquin, tome I. Paris. Desclée. 1999.  PP. 76-77.

[9] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16 novembre 1880. P. 104.

[10] Concile Vatican II. Lumen gentium. Chapitre VIII. « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église ». n°66-67.

Illustration : Marie à la Pentecôte, P. Marko Ivan Rupnik s.j. Église S. Jean-Paul II, Lagiewniki, Cracovie, Pologne ©Centroaletti.it.

 

Paru sur fr.zenit.org

Le 11 mai 2021

Paru sur Zenit : Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897) par fr. Manuel Rivero o.p.

Spiritualité
le 9 septembre 2021

Le P. Marie-Joseph Lagrange (+1938)
et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (+1897)
Par le Fr. Manuel Rivero O.P., 
président de l’association des amis du père Lagrange

 

Et une neuvaine originale à sainte Thérèse

Dans son Journal spirituel[1], le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».

L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».

Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’œil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque[2] des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne[3] a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie. Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir[4]’ . ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’.[5] »

C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.

Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit[6] ». Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église.  Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sous l’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).

Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.

 

Neuvaine 2021 à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+30 septembre 1897)

Premier jour

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

Partie vers le Seigneur, sainte Thérèse ne disparaît pas. Son intercession auprès du seul Sauveur Jésus-Christ, nous attire une pluie de grâces symbolisées par les pétales des roses. Le chrétien, disciple de Jésus, ne peut pas dire « c’est fini » ou « c’est trop tard ». Dans la lumière du Christ ressuscité, ce n’est jamais fini et ce n’est jamais trop tard. Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’espérance.

Deuxième jour

« J’allais derrière mon lit dans un espace vide qui s’y trouvait et qu’il m’était facile de fermer avec le rideau … et, là, je pensais. Je comprends maintenant que je faisais oraison sans le savoir et que déjà le bon Dieu m’instruisait en secret. » ; « Quelquefois j’essayais de pêcher avec ma petite ligne, mais je préférais aller m’asseoir seule sur l’herbe fleurie : alors, mes pensées étaient bien profondes et, sans savoir ce que c’était de méditer, mon âme se plongeait dans une réelle oraison. (…) La terre me semblait un lieu d’exil, et je rêvais le Ciel. » (sainte Thérèse)

L’oraison est le cœur à cœur avec Dieu. En silence, nous écoutons Dieu qui parle à notre âme. L’oraison est un mot d’origine latine qui veut dire « bouche ». Faire oraison équivaut à partager le souffle de Dieu, le bouche à bouche avec Dieu où nous recevons l’Esprit Saint. Véritable conversation avec Dieu, la prière représente une promenade avec Dieu dans le Paradis.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de l’oraison qui nous unit à Dieu.

Troisième jour

« Jésus a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’Il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ou la simplicité ravissante de la pâquerette … J’ai compris que si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes … Ainsi en est-il dans le monde des âmes qui est le jardin de Jésus. » (Sainte Thérèse)

« Chacun va à Dieu par un chemin virginal », a écrit le poète espagnol Léon Felipe (+1968). Dieu aime l’unité mais pas l’uniformité.

Demandons au Seigneur par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de respecter et d’apprécier l’altérité, la différence des personnalités et des chemins pour arriver à Dieu.

Quatrième jour

« En sortant du confessionnal, j’étais si contente et si légère que jamais je n’avais senti autant de joie dans mon âme. Depuis je retournai me confesser à toutes les grandes fêtes et c’était une vraie fête pour moi à chaque fois que j’y allais. » (Première confession de sainte Thérèse à sept ans)

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse la grâce de vivre le sacrement de la réconciliation.

Cinquième jour

Femme de miséricorde, sainte Thérèse intercède pour Pranzini, condamné à mort et exécuté le 31 août 1887. Juste avant sa mort, Pranzini saisit le crucifix présenté par l’aumônier. Thérèse y vit le fruit de sa prière. Elle appela ce condamné « son premier enfant ». Enfant de sa maternité spirituelle.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de la miséricorde et de la prière pour les pécheurs.

Sixième jour

Elle avait déclaré au chanoine Delatroëtte qui lui demandait « Pourquoi êtes-vous venue au Carmel ? » : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce de vivre la miséricorde envers les prêtres et de prier pour eux.

Septième jour

En apprenant que son père est hospitalisé en psychiatrie, sainte Thérèse s’est exclamée : « Notre grande richesse ». Elle sait que cette maladie terrible demandera à la famille de s’unir davantage au Christ dans sa Passion. Il leur faudra davantage d’amour. Mais le Seigneur ne laisse pas les malades sans sa grâce.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, de discerner la présence du Christ Jésus dans les malades et de leur témoigner de notre foi et de notre solidarité dans la souffrance.

Huitième jour

Poème envoyé par sainte Thérèse à l’abbé Roulland parti missionnaire en Chine :

« Vivre d’amour, ce n’est pas sur la terre
Fixer sa tente au sommet du Thabor.
Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,
C’est regarder la Croix comme un trésor !
Au Ciel, je dois vivre de jouissance
Alors l’épreuve aura fui pour toujours
Mais exilée je veux dans la souffrance
Vivre d’amour. »
« À lui de traverser la terre,
De prêcher le nom de Jésus.
À moi, dans l’ombre et le mystère,
De pratiquer d’humbles vertus.
La souffrance, je la réclame,
J’aime et je désire la Croix …
Pour aider à sauver une âme
Je voudrais mourir mille fois. »

Poème envoyé le 16 juillet 1896, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel.

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, copatronne des missions avec saint François-Xavier, la grâce de devenir disciples-missionnaires de Jésus ressuscité.

 

Neuvième jour

Malade, Thérèse, à l’infirmerie, chante les miséricordes du Seigneur à son égard. Elle avoue à mère Agnès : « Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance : je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »

Demandons au Seigneur, par l’intercession de sainte Thérèse, la grâce d’une bonne mort dans la foi en sa miséricorde.

 

[1] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.

[2] Synopsis EvangelicaTextum graecum quattuor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.

[3] Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.

[4] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.

[5] Ibidem, chapitre VIII.

[6] Saint Thérèse de ‘Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.

Illustration : Sainte Thérèse De L’Enfant Jésus Et De La Sainte Face @Carmel De Lisieux

 

Paru sur fr.zenit.org

Le 9 septembre 2021

Paru sur Zenit : « L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ » : le p. Lagrange et le card. Tauran par fr. Manuel Rivero o.p.

Spiritualité

21 octobre 2020

« L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ » : le p. Lagrange et le card. Tauran

L’enseignement du bibliste et du cardinal bordelais

Au terme et au sommet spirituel de son livre de vulgarisation sur l’exégèse des quatre évangiles, le père Lagrange écrit : « Il y a là un envahissement des choses divines, qui étonne la raison. C’est l’insertion de la divinité dans l’humanité, la nature humaine participant par la grâce à la nature divine, une telle prodigalité de dons, des exigences si hautes qu’une raison trop courte en est écrasée plutôt qu’attirée. On est tenté de dire que c’est trop beau !

Mais en dehors, il n’y a rien, rien qui compte pour nous, rien qui porte la marque de l’infini. Nous voilà en face du néant. Où aller, Seigneur ? Il ne reste qu’à se renfermer dans un doute fastueux – ou désespéré. Ou plutôt à se serrer autour de Pierre qui dit toujours : « Vous avez les paroles de la vie éternelle », et à s’abandonner à l’étreinte de Dieu en Jésus Christ [1] .»

 

Le card. Jean-Louis Tauran © Vatican Media

De son côté, le cardinal Tauran partage la même expression « étreinte de Dieu » pour exprimer l’union du Fils de Dieu avec l’humanité dans le mystère de l’Incarnation et de la Croix : « Pour le grand apôtre (saint Paul), le centre de l’unité, vers laquelle l’humanité doit nécessairement converger, est la personne du Christ. Souvent, il se plaît à souligner le rôle non seulement cosmique, mais salutaire de la Croix et de la Pâque qui ont fait du Christ le Kyrios, Seigneur de l’humanité et de l’Histoire. En outre, c’est dans le « mystère » de la Croix que Paul voit l’étreinte de l’humanité tout entière, réconciliée après les déchirements et les divisions qui, de son vivant, étaient représentées par la double réalité du monde religieux hébraïque et du monde religieux gréco-romain [2] .»

C’est ainsi que Jésus le Christ s’unit à tout homme accomplissant le mystère de la Rédemption par l’Incarnation et la Croix. Ce mystère commencé dans le sein de la Vierge Marie s’accomplit dans l’élévation de la croix et dans la mort de Jésus. En partageant la condition humaine jusqu’à la mort, le Fils de Dieu, qui a pris sur lui le mal et le malheur de l’humanité entière, partage la gloire de sa divinité à ceux qui mettent leur confiance en Lui.

L’humanité de Jésus le Christ semblable à celle de tous les hommes, excepté le péché, constitue le commun dénominateur de Dieu avec le genre humain : « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22).

La Croix et la mort de Jésus représentent le sommet de l’amour de Dieu plus fort que la mort.

Ressuscité d’entre les morts le matin de Pâques, Jésus accomplit sa prière sacerdotale à la veille de sa Passion : « Père, qu’ils soient un comme nous » (Jn 17, 11) ; « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17,26).

Religion par excellence du corps, le christianisme célèbre l’étreinte de Dieu avec l’humanité réalisé dans le corps de Jésus, corps douloureux dans la Passion, lumineux dans sa résurrection, avec l’énergie de l’Esprit Saint envoyé par le Père.

Le corps glorieux de Jésus intègre les croyants en son nom qui en deviennent ses membres, le Christ total, formé de la Tête et des membres : les fidèles.

Si pour certaines religions, il est impensable que Dieu assume un corps humain dans sa vulnérabilité, et encore moins qu’il subisse la douleur ou la mort, le christianisme accueille la révélation déployée par Jésus le Christ. Dieu s’unit à la nature humaine pour que la nature humaine s’unisse à Dieu. Fruit de la grâce et de la miséricorde divine, Jésus ressuscité le manifeste à Marie-Madeleine dans le jardin de Jérusalem : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).

Renversé sur le chemin de Damas par la lumière éblouissante de Jésus ressuscité, Paul de Tarse vit l’expérience de la présence aimante de Jésus vivant qui s’identifie aux chrétiens persécutés (cf. Ac 9).

Pharisien, formé à Jérusalem par le grand maître Gamaliel, Paul commente ainsi les versets de la Genèse : « ‘L’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Ep 5,31-32).

Dans le Cantique des Cantiques, la bien-aimée s’exclamait : « Son bras est sous ma tête et sa droite m’étreint » (Ct 2,6). Par l’amour du Christ Jésus, l’Église célèbre l’étreinte avec Dieu. Les paroles de la prière eucharistique au cours de la messe mettent en lumière cette union humaine et divine : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton alliance ; quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Prière eucharistique III).

Fr. Manuel Rivero O.P.

Saint-Denis/ La Réunion, le 21 octobre 2020.

NOTES

[1] Marie-Joseph LAGRANGE O.P., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas Lavergne O.P. Préface de Jean-Michel Poffet O.P. ; présentation de Manuel Rivero O.P. Paris, Éditions Artège/Lethielleux, 2017, p. 675.

[2] Cardinal Jean-Louis Tauran, Je crois en l’homme, « Les religions font partie de la solution, pas du problème », Paris, Bayard, 2016, p. 37. Présentation du « Codex Paoli », Rome, le 18 juin 2008.

Paru sur fr.zenit.org

Le 21 octobre 2020

Paru sur Zenit : L’amour du père Lagrange pour le Coeur de Jésus par fr. Manuel Rivero o.p.

Cause des Saints

9 juin 2020

L’amour du p. Lagrange pour le Cœur de Jésus par fr. Manuel Rivero o.p.

La première pierre de l’École biblique de Jérusalem en la fête du Sacré-Cœur

La première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Le parchemin de l’inauguration signalait que cette École était destinée à développer les études bibliques sous le patronage de Notre-Dame du Rosaire. Le père Lagrange avait averti que dans les fondations de l’École les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[1].

Le pape Léon XIII pensait que cette consécration au Sacré-Cœur s’harmonisait avec le lieu de la lapidation de saint Étienne, sur lequel était bâtie l’École biblique et la basilique Saint-Étienne. Le pape Léon XIII exhortait le père Lagrange et les frères dominicains en ces termes : « Oui, consacrez toute votre œuvre et l’église au Sacré-Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur ne peut être mieux que là, car lorsque saint Étienne voyait les cieux ouverts et Jésus debout à la droite de son Père, Jésus se montrait à lui avec ses plaies, celles de ses pieds et de ses mains, celle de son cœur ! »[2].

Dans sa prière personnelle, le frère Marie-Joseph, étudiant à Salamanque en 1881, se confie à l’intercessions de la Vierge Marie, sa « très douce Reine », lui demandant de le conduire à Jésus : « Conduisez-moi au Cœur-Sacré de Jésus »[3]. En 1881, au début de la même année, il avait choisi comme patron de l’année le Sacré-Cœur de Jésus en citant saint Bernard : « Enlevez la volonté propre et il n’y aura plus d’enfer »[4].

En 1924, au moment de rédiger son avant-propos à la traduction et au commentaire de l’Évangile selon saint Jean, le père Lagrange dédicace son ouvrage à ses confrères en choisissant la fête symbolique du Sacré-Cœur, dans la communion de l’amour de Jésus si bien transmis par le disciple bien-aimé : « Je prie mes collaborateurs de l’École biblique d’agréer l’hommage cordial et fraternel de cet ouvrage, en souvenir d’une vie dominicaine commune qui nous fut toujours douce. (…). Demandons tout simplement à Notre-Seigneur la grâce de mettre en pratique son commandement promulgué par saint Jean : Aimons-nous les uns les autres. Jérusalem, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, 27 juin 1924. »[5]

Dans ce même avant-propos, le fondateur de l’École biblique avait évoqué le cœur de Jésus et le geste fraternel de Jean qui y avait trouvé le repos de l’amour et l’intelligence du mystère de Jésus à la dernière Cène : « Il sied d’être timide à la suite d’Origène : « Osons le dire : les évangiles sont la part choisie de toutes les Écritures, et l’Évangile de Jean est la part choisie parmi les autres : nul ne peut en acquérir l’esprit s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus, et s’il n’a reçu de Jésus Marie pour sa mère. » Il s’agit bien d’une connaissance dans l’amour qui passe par les sens du corps et non d’une étude livresque de l’enseignement de Jésus. C’est du cœur de Jésus que jaillit l’esprit nécessaire pour interpréter l’Évangile à partir de la lettre comme révélation de l’Amour de Dieu.

La dévotion au Sacré-Cœur renvoie à la condamnation injuste de Jésus et au supplice de la croix exécuté par l’armée romaine qui occupait Israël. Rien de douceâtre dans cette image qui exprime la douleur de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. La lance du soldat romain transperce le cœur de Jésus qui vient d’expirer après une affreuse agonie.

Nombreux sont ceux qui ont prié le Sacré-Cœur de Jésus pendant la guerre. Ce fut le cas de mon propre père qui avait porté l’image du Sacré-Cœur dans la poche de sa veste pendant la guerre civile espagnole de 1936-1939. Les malades aussi se sont tournés vers le Sacré-Cœur dans la souffrance et la crainte de la mort. Marseille, la cité phocéenne, a été la première ville à être consacrée au Sacré-Cœur lors de la peste en 1720 qui réduit de moitié le nombre de ses habitants.

Multiples sont les grâces reçues dans cette dévotion qui introduit les croyants dans le mystère du corps souffrant de Jésus qui guérit les hommes par ses saintes plaies.

Loin d’être une image morbide ou macabre de mauvais goût, le Sacré-Cœur de Jésus manifeste le triomphe de l’Amour de Jésus sur les puissances de mort : la jalousie, la haine, l’injustice, l’oppression, la maladie, l’abandon, la mort elle-même …

Du côté transpercé de Jésus ont jailli l’eau et le sang, symboles des sacrements du baptême et de l’Eucharistie, qui donnent la Vie de Dieu. Un vitrail de l’église de l’ancien couvent des Dominicains d’Annecy (France) représente le Christ en croix. Le disciple bien-aimé, Jean, fidèle au pied de la croix, soulève le calice vers le Cœur transpercé de Jésus. Quand l’eau et le sang sortis du Sacré-Cœur tombent dans ce calice, le serpent, image du diable, en sort vaincu. Le Sacré-Cœur de Jésus déploie sa puissance d’exorcisme en ceux qui le prient avec foi.

Le Sacré-Cœur de Jésus annonce au monde l’humilité du Christ Jésus qui s’est dépouillé de la gloire qui était la sienne avant la fondation du monde jusqu’à mourir sur une croix, « aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père »[6].

Disciple et bon connaisseur de saint Thomas d’Aquin, le père Lagrange partage sa vision théologique du cœur de Jésus comme symbole des saintes Écritures tel que le Docteur Angélique l’enseigne dans son commentaire aux Psaumes : « Par le cœur du Christ on entend la Sainte Écriture qui révèle son cœur. Mais ce cœur était fermé avant la Passion, parce que l’Écriture était obscure ; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à présent considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées »[7].

Le cœur ouvert de Jésus ouvre l’esprit des disciples à l’intelligence des Écritures. C’est pourquoi Jésus ressuscité s’était manifesté aux disciples d’Emmaüs en leur ouvrant l’esprit par une longue catéchèse sur le Messie souffrant annoncé par le prophète Isaïe : « Ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? »[8]. La compréhension du Cœur transpercé de Jésus a rendu brûlants les cœurs de Cléophas et de l’autre disciple d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? »[9].

À l’apôtre Thomas, l’incrédule, Jésus ressuscité proposera d’avancer sa main et de la mettre dans son côté transpercé afin de devenir croyant. C’est devant ce côté transpercé, plaie ouverte du Cœur percé par une lance le Vendredi Saint, que Thomas s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu »[10]. Cette phrase de l’incrédule Thomas est entrée dans la tradition de la prière chrétienne au moment de l’élévation du Corps et du Sang du Christ au cœur de la consécration eucharistique. Les fidèles dans le silence de leur cœur s’exclament : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Le Sacré-Cœur de Jésus continue d’ouvrir l’esprit des chrétiens à l’intelligence du mystère pascal célébré à chaque messe : la mort et la résurrection de Jésus.

Il importe de souligner l’apport de saint Thomas d’Aquin au Sacré-Cœur de Jésus que le Catéchisme de l’Église Catholique s’est plu à citer : « Le cœur[11] du Christ désigne la Sainte Écriture qui fait connaître le cœur du Christ. Ce cœur était fermé avant la passion car l’Écriture était obscure. Mais l’Écriture a été ouverte après la passion, car ceux qui désormais en ont l’intelligence considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées »[12].

Le Sacré-Cœur de Jésus apparaît ainsi comme le symbole qui résume la révélation de l’Amour de Dieu aux hommes. Nous pourrions utiliser le mot « logo » pour dire en langage contemporain la puissance symbolique du cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur figure comme le « logo » du christianisme. Les artistes chrétiens ne se sont pas trompés en le représentant souvent dans les tableaux et les vitraux ou en le chantant comme le message de l’amour humilié et fidèle de Dieu envers l’humanité.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin relie le cœur ouvert de Jésus à l’ouverture du Paradis : « Quand le côté du Christ fut ouvert, la porte du paradis le fut aussi : et par l’effusion de son sang la souillure du pécheur fut effacée, Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine expiée et les exilés rappelés dans le royaume. C’est pourquoi le Christ déclara aussitôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23,32) : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis ». Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David ; mais « aujourd’hui », c’est-à-dire, dès que la porte du paradis fut ouverte, le bon larron implora son pardon et l’obtint. »[13].

Le Sacré-Cœur de Jésus, symbole et « logo » de la miséricorde divine, ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures et le Paradis aux pécheurs.

Saint-Denis (La Réunion. France), le 9 juin 2020.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Président de l’Association des amis du père Lagrange.

 

NOTES 

[1] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.

[2] LAGRANGE (Marie-Joseph), Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem. Paris. Alphonse Picard et fils, éditeurs. 1894. P. 173.

[3] Marie-Joseph LAGRANGE, des Frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de Fr. Manue Rivero O.P. Paris. Éditions du Cerf. 2014. Journal du 2 mai 1881. P. 140.

[4] Marie-Joseph LAGRANGE, des Frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de Fr. Manue Rivero O.P. Paris. Éditions du Cerf. 2014. 1er janvier 1881. P.118.

[5] Évangile selon saint Jean, par le P. M.-J. Lagrange, des Frères prêcheurs. Paris. J. Gabalda, éditeur. 1927.

[6] Épître de saint Paul aux Philippiens 2, 9-11.

[7] Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Psaumes. Introduction, traduction notes et tables par Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy, osb. Éditions du Cerf. 1996. P. 267. Commentaire au Psaume 21,15 : « Mon cœur est devenu comme une cire fondant au milieu de mon ventre ».Cité par le Catéchisme de l’Église Catholique au n° 112.

[8] Évangile selon saint Luc 24, 26.

[9] Évangile selon saint Luc 24, 32.

[10] Évangile selon saint Jean 20, 28.

[11] Cf. Psaume 22,15 : « Mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères ».

[12] Catéchisme de l’Église Catholique n° 112.

[13] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Lettres Latines. Paris. 1969. P. 101.

Illustration : L’Esprit Saint Et Le Coeur De Jésus © Soeur Anh Duyên O.P.

Paru le 9 juin 2020 fr.zenit.org