« Progresser dans la vérité » Journée d’étude du 9 mars 2024, à Nice

18 mars 2025

DOMUNI a édité le livre :  https://www.domuni.eu/press/fr/livre/progresser-dans-la-verite/

Regards sur la vie et l’oeuvre du Père Marie-Joseph Lagrange, OP

Le débat entre traditionalisme et progressisme repose sur une vision réductrice de l’homme, le scindant en deux camps opposés. Mais comment dépasser ce clivage dans un monde aux pensées fluides et fragmentées ? Le père Marie-Joseph Lagrange offre une réponse lumineuse. Sa vie consacrée à l’étude scientifique de la Bible visait à extraire du trésor évangélique « du neuf et de l’ancien » (Mt 13,52).

En pionnier, il scruta les textes bibliques comme un géologue explore des strates, reliant foi et raison. Sa vision, incarnée dès la fondation de l’École biblique de Jérusalem en 1890, était de « grandir dans le progrès de la Vérité ». Par son exégèse et sa vie dominicaine fidèle, il inspira de nombreux disciples. À l’image de ce saint, toujours jeune de l’amour de Dieu, foi et raison restent inséparables pour éclairer la marche humaine.

Avec la collaboration de l’Association des amis du père Lagrange, de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, de Domuni-Universitas, plus particulièrement frère Olivier-Thomas Venard, frère Olivier Poquillon, frère Martin Staszak, sœur Marie Monnet, frère Michel Van Aerde, Mgr Yousif Mirkis, frère Emmanuel Dumont, ainsi que le cardinal Timothy Radcliffe, OP

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Écho de notre Page Facebook : mars 2025

27 mars 2025
Prions pour le rétablissement de notre Pape François afin qu’il soit rempli des grâces du Saint-Esprit.
Lors de l’opération très grave du frère Timothy Radcliffe O.P., ancien Maître de l’Ordre des prêcheurs, au mois d’août 2021, le Pape François avait confié cet événement douloureux et dangereux à l’intercession du père Lagrange.
Le frère Timothy Radcliffe est bien sorti de l’opération. Devenu cardinal, il continue de prêcher l’Évangile sur plusieurs continents.
Puisse l’intercession du père Marie-Joseph Lagrange devenir source de grâces pour notre Pape François, en retrouvant santé et rayonnement apostolique au service de la foi au Christ Jésus et de la paix dans le monde.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange.
Saint-Denis/La Réunion, le 27 mars 2025.
Rappel d’un message du 13 août 2021 :
Prière pour frère Timothy Radcliffe,
Chers frères, chères soeurs, chères amies, chers amis,
Fr. Jean-Jacques Pérennès, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, nous informe avoir eu une longue conversation zoom avec frère Timothy Radcliffe, ancien Maître de l’Ordre. Fr. Timothy doit subir lundi prochain, 16 août, une très grave opération car son cancer à la joue d’il y a quelques années s’est maintenant diffusé dans sa mâchoire qu’il va falloir enlever et remplacer des os prélevés dans la jambe + greffe de peau, etc. Une très grosse opération qui doit durer la journée et pourrait le laisser plusieurs mois sans pouvoir parler, ni peut-être manger. Le chirurgien a parlé de 18 mois de récupération. Le fr. Timothy est serein mais grave aussi, car nul ne sait comment tout cela va évoluer.
Fr. Jean-Jacques Pérennès lui a dit que nous allions intercéder auprès du P. Lagrange qui a besoin d’un miracle pour être béatifié. Inscrivons dans notre prière cette intention particulière pour frère Timothy.
Fraternellement,
Fr. Manuel Rivero o.p.
26 mars 2025
« Libérés pour aimer », par le frère Manuel Rivero O.P.
Conférence de Carême. Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 26 mars 2025
« Ô Toi, l’au-delà de tout » . Toi, qu’aucune pensée ne peut concevoir. Toi, qu’aucun mot ne peut exprimer. Toi, silence des origines, source de la vie. Toi, au-delà du temps et de l’espace. Esprit créateur. Esprit invisible. « Tu es vraiment un Dieu caché ! » (Is 45,15).
Le Dieu Très-haut s’est abaissé. Dieu, que personne n’a jamais vu, s’est manifesté en Jésus de Nazareth, Fils de Dieu fait homme, né d’une femme juive, Marie. Dieu tout-puissant a voulu recevoir sa vie humaine d’une femme de notre humanité. Le Fils de Dieu s’est donné à l’humanité en recevant son humanité d’une femme, Marie. Fils de Dieu, devenu vulnérable, mendiant de l’accueil d’une jeune fille qui l’a porté dans son cœur et dans son sein ; femme d’Israël qui l’a conçu et préconçu dans sa foi et dans son espérance de la venue du Messie.
Un jour, à midi, près du puits de Jacob, Jésus a mendié de l’eau à une femme samaritaine : « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7). Jésus a soif. Dans l’une des sept paroles prononcées sur la croix, Jésus a crié sa soif physique mais surtout sa soif de la conversion des hommes.
« Convertissez-vous et croyez à l’Évangile », avons-nous entendu en recevant l’imposition des cendres au début du Carême. Conversion veut dire retournement, « faire demi-tour », changer de mentalité et de manière d’agir, se retourner et retourner son cœur à la manière dont un paysan retourne la terre sèche pour qu’elle reçoive l’eau et la lumière qui vont la rendre féconde.
En rencontrant Jésus, au bord du puits de Jacob, la vie de cette femme de Samarie a connu une conversion, un retournement. En évoquant son histoire conjugale, les paroles de Jésus ont provoqué un choc en cette femme qui s’est sentie rejointe par un grand prophète. Non par un donneur de leçons mais par le Messie, habité par le respect et l’amour.
Sur les lignes de fracture
Jésus s’est révélé en Samarie, lieu de passage entre la Galilée et Jérusalem. D’anciennes querelles religieuses opposaient les habitants de la Judée aux Samaritains. Lors de l’installation des colonies étrangères en Samarie par l’Assyrie au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, des cultes païens avaient remplacé l’adoration du Dieu vivant d’Israël. Parmi ces divinités païennes figuraient Nergal, dieu de la violence et de la mort.
Ce culte de la mort perdure aujourd’hui dans les guerres diaboliques qui entraînent des morts, des handicapés et des destructions.
L’avortement, désignée comme interruption volontaire de grossesse, fait disparaître des millions de vies chaque année. Par exemple, en Espagne, depuis la loi de 1985, ont eu lieu deux millions et demi d’avortements. Les relations humaines en pâtissent et le pays vieillit.
Les moyens de communication qui déversent chaque jour un grand nombre d’images de violence risquent de nous anesthésier face aux souffrances provoquées volontairement. Comme nous vivons chaque jour pendant des heures devant des écrans, nous sommes menacés de confondre le réel et le virtuel. Malheureusement certaines tragédies dans notre île de La Réunion le montrent. Des jeunes accomplissent des actes graves sans penser aux conséquences. On peut tuer pour voir ce que cela produit comme effet. On manque de respect envers des représentations religieuses en ignorant probablement la blessure morale profonde que ces atteintes aux symboles représentent. En un mot, nous devenons irresponsables et inconscients. La loi restant la loi, de dures sanctions tombent qui brisent l’existence des jeunes et des familles.
La Samarie, région de passage, annonce déjà la pâque de Jésus : passage de la mort à la résurrection, passage de la violence au pardon, passage de la haine à l’amour, passage de l’exclusion à l’inclusion.
Jésus choisit les lignes de fracture de l’humanité pour accomplir sa mission de réconciliation et de salut : lignes de rupture entre Samaritains et Judéens, entre le culte à rendre à Jérusalem et celui du mont Garizim, en Samarie.
À l’image de la croix avec ses deux bras, vertical vers Dieu le Père, et horizontal vers toute l’humanité, Jésus relie en sa Personne et avec Dieu et avec les autres. Jamais un homme sur la terre n’est allé aussi loin dans l’union avec Dieu ; jamais un homme n’a vécu une telle communion fraternelle. Par sa croix, Jésus agit à la manière d’un ascenseur qui élève vers Dieu le Père et en même temps, par ses bras étendus, il rassemble les hommes en son Corps total, le Christ total.
Nous comprenons sans peine l’étonnement de cette femme samaritaine quand Jésus non seulement lui adresse la parole mais il lui demande à boire. Les Juifs fuient les Samaritains et les Samaritains, qui se sentent méprisés par les Juifs, éprouvent du ressentiment envers ceux qui s’estiment meilleurs religieux et plus purs qu’eux.
Dans la parabole du bon Samaritain, Jésus bouleverse les convenances sociales de Jérusalem jusqu’à la provocation. Alors que le prêtre et le lévite de la parabole ignorent l’homme blessé par des brigands, un Samaritain réagit avec générosité envers cette victime qui gît au bord de la route.
Le bienheureux frère Pierre Claverie O.P., évêque d’Oran en Algérie, martyr le 1er août 1996, en compagnie de son chauffeur musulman Mohamed, a donné sa vie sur la ligne de rupture entre musulmans et chrétiens. Français, né en Algérie, parlant parfaitement l’arabe littéraire, dominicain de la Province de France, le frère Pierre a voué son existence au dialogue interreligieux. Théologien à la pensée lumineuse, le frère Pierre n’avait rien d’un philosophe relativiste mais il n’hésitait pas à affirmer : « J’ai besoin de la vérité des autres ». Chaque être humain cherche Dieu ; personne ne possède la vérité ; personne ne peut posséder Dieu. Ce n’est que dans la foi que les fidèles s’approchent du mystère du Seigneur afin de progresser dans la vérité par l’écoute de la Parole de Dieu, la prière et la charité fraternelle.
Les lignes de rupture sont en nous et autour de nous. Notre enfance porte des failles : fissures provoquées par l’injustice, l’abandon, la souffrance et le manque d’amour ; lignes de rupture dans les relations avec nos parents ; rêves disloqués ; échecs et frustrations.
Aujourd’hui, près de nous ou pas trop loin de nous, les conflits sociaux et militaires opposent des personnes et des nations au point de craindre une guerre mondiale par morceaux.
Sur la croix, Jésus a étendu ses mains transpercées pour unir les ennemis en seul Homme nouveau, en détruisant le mur de la haine afin de réconcilier tous les hommes en un seul Corps (cf. Ep 2, 14-17).
Les lignes de fracture sont diverses entre riches et pauvres, hommes et femmes, ignorants et savants … Élevé en croix, Jésus attire à lui tous les hommes par la puissance du pardon qui libère de la condamnation à mort qui concerne tous les hommes pécheurs. Chacun d’entre nous peut se considérer comme condamné à mort et amnistié par Jésus. Le Seigneur a annulé nos dettes en clouant sur la croix l’acte du jugement qui provoque notre chute.
Aujourd’hui, Jésus vient guérir nos blessures et unifier nos cœurs fissurés. À la suite de Jésus et à son exemple, Dieu nous appelle. Il veut que nous devenions des artisans de paix sur les lignes de fracture partout où nous sommes : famille, vie professionnelle, économique, politique et ecclésiale.
La prière, source d’eau vive
Là où ont régné des puissances de mort, Jésus apporte l’eau vive : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘’Donne-moi à boire’’, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive ».
Cette femme, terre à terre, pense à l’eau du puits : « Tu n’as rien pour puiser et le puits est profond », autour de 10 mètres. Mais Jésus fait référence à une autre eau, l’eau vive, c’est-à-dire l’Esprit Saint qui donne la vie : « L’eau que je donnerai deviendra source d’eau jaillissant en vie éternelle ».
La source de la vie éternelle se trouve cachée au plus profond de nous-mêmes, dans le fond sans fond de notre âme. Par sa Parole, Jésus met en route la femme samaritaine vers son propre cœur afin de prier et d’adorer Dieu « dans l’esprit et la vérité ».
Dieu est esprit. Dieu est prière, c’est-à-dire dialogue éternel du Père, du Fils et de l’Esprit saint. Relation sans domination dans l’amour. Amour en expansion comme le cosmos lui-même.
Peu à peu, cette femme passe de l’éros à l’agapè. Éros, mot grec, évoque l’amour soif. Agapè, mot grec aussi, désigne l’amour source, oblatif.
Tout à coup, l’âme de cette femme samaritaine s’élargit en accueillant la vie nouvelle de l’Esprit Saint. Son dialogue avec Jésus devient prière « en esprit et en vérité » ; l’eau vive de l’Esprit Saint jaillit en elle en source inépuisable.
À Lourdes, lors des apparitions, la Vierge Marie a demandé à Bernadette d’aller boire à la source de la grotte. Bernadette a commencé par creuser dans la terre. L’eau était boueuse. Petit à petit, l’eau est devenue claire.
Grâce à l’Évangile, nous prenons conscience de la boue de notre péché. En demeurant fidèles à la prière, nous rejoignons la grâce de notre baptême. Nous voici dans la clarté !
Le cœur de la femme samaritaine devient de plus en plus clair au fur et à mesure qu’elle dialogue avec Jésus. Ces échanges la transforment à la racine. Elle sent en elle la libération des ténèbres de l’ignorance et du péché. Elle rayonne dans l’amour de la vie, de Dieu et des proches.
En ce Carême, l’Esprit Saint nous pousse à sortir de nous-mêmes pour nous placer sur les lignes de fracture qui nous concernent. Avec Jésus, chaque chrétien affronte le combat spirituel contre son ego, contre le diable, le diviseur, contre les forces de mort.
Librement et dans l’allégresse, en laissant sa cruche par terre, la femme samaritaine, figure de l’Église en sortie, a couru vers son village en témoin d’une rencontre extraordinaire : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; ne serait-il point le Christ ? » (Jn 4, 29).
C’est ainsi que la femme samaritaine devient apôtre auprès de ses voisins. Elle ne peut pas contenir son bonheur d’avoir rencontré Jésus qui l’a sauvé de la tristesse en lui ouvrant un chemin de lumière pour aimer de manière nouvelle. Sa peur du quand dira-t-on a été vaincue par sa foi. En découvrant personnellement Jésus, les voisins font à leur tour l’expérience de la présence de Dieu tout près d’eux, en eux. Ils croient non sur un ouï-dire mais par eux-mêmes. La femme samaritaine est dépassée par les événements. Le Royaume des cieux est arrivé en Samarie, terre et population maudites par les citoyens de la capitale, Jérusalem.
Nous comprenons pourquoi le père Marie-Joseph Lagrange (+10 mars 1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem en 1890, serviteur de Dieu, a commencé son commentaire de ce chapitre quatrième de l’Évangile selon saint Jean sur la femme samaritaine en l’intitulant : « La merveille des merveilles ».
Ceux qui accueillent avec foi Jésus, l’envoyé du Père, font leur le Magnificat de la Vierge Marie : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles ».
Le bienheureux père Jean-Joseph Lataste (+10 mars 1869) s’est aussi exclamé « j’ai vu des merveilles », en contemplant la conversion des femmes détenues de la prison de Cadillac près de Bordeaux. Envoyé par son supérieur prêcher une retraite spirituelle dans cette prison, le frère Lataste a reculé en sentant la mauvaise odeur des couloirs de cet établissement pénitentiaire ; homme de foi et de prière, il s’est repris en faisant un pas en avant pour dire « mes chères sœurs ». Voilà la conversion : faire un pas en avant pour aimer.
Le père Lataste n’aurait jamais imaginé que l’annonce de l’Évangile pouvait transfigurer les cœurs et les visages de ces femmes fatiguées et tristes. Pourtant, en adorant le Saint-Sacrement pendant des heures, ces femmes détenues se relevaient « comme les fleurs après la pluie ». Libérées de leurs fautes et du poids de leur passé, devenues justes et innocentes par la miséricorde du Seigneur, ces femmes ont aussi eu accès à la vie religieuse apostolique grâce à la fondation par le père Lataste des religieuses dominicaines de Béthanie qui accueillent dans leur sein des femmes au passé simple et au passé compliqué.
« La main de Dieu qui relève celles qui sont tombées est la même main qui soutient celles qui s’estiment justes », aimait à prêcher le père Jean-Joseph Lataste. Tous les hommes sont pécheurs ; tous peuvent devenir justes ; tous se situent sur le même plan, au même niveau : le salut par la foi. Tous sauvés par Jésus !
Les plus grands saints sont les plus grands sauvés, comme le montre la Vierge Marie Immaculée, sauvée de tout péché par une grâce venant de la mort et de la résurrection de son Fils Jésus. Le pape François cite le dicton : « Il n’y a pas de saint sans passé ni de pécheur sans avenir ». Voilà la bonne nouvelle, l’Évangile !
Il n’y a pas que la prison matérielle avec ses murs et ses lourdes portes. Beaucoup d’autres prisons enferment les hommes et les femmes : la cupidité, les drogues, l’alcool, l’obsession de la reconnaissance sociale, le culte de l’ego, la pornographie …
Nous célébrons le 20 décembre l’anniversaire de la libération de l’esclavage annoncée officiellement le 20 décembre 1848. Faire mémoire, c’est bien ; agir pour la libération de nouveaux esclavages contemporains, c’est mieux. Parmi ces esclavages figure la pornographie. Ses images sont ineffaçables comme certains feutres dont les marques restent gravées sur des tableaux. Les images pornographiques reviennent sans cesse ; elles poussent à l’accomplissement ; en devenant une addiction, la pornographie appelle davantage de violence.
Des relations sexuelles sans respect ni dialogue font basculer de nombreuses personnes dans les prisons réunionnaises, saturées de condamnées dont trente-cinq pour cent relèvent des violences conjugales. Il s’agit d’une véritable épidémie qui fait souffrir plus que le chikungunya.
Le saint pape Paul VI a exhorté l’Église au dialogue et à la conversation comme chemin de sagesse et de résolution des conflits. Le père Henri Caffarel, fondateur des Équipes Notre-Dame au service de la sainteté des couples, pensait que le problème des relations entre l’homme et la femme résidait dans l’ignorance réciproque et le non-dit, cellule cancéreuse en reproduction permanente et véritable bombe à retardement qui explose par des paroles et des gestes à des moments inattendus. Le père Caffarel aimait à dire que le couple a besoin d’être sauvé. Bien au-delà des déclarations doucereuses sur l’amour, le père Caffarel fondait l’amour durable sur le Christ qui sauve de l’aveuglement et du désir de domination. Pour grandir dans l’amour, il a proposé le devoir de s’asseoir, rendez-vous que le couple prend régulièrement pour désamorcer la violence qui réside en chacun à travers l’écoute et le dialogue. Trois questions favorisent l’ouverture des cœurs et la libération de la parole : « est-ce que ça va ? ; est-ce que quelque chose te dérange ? ; qu’est-ce que tu souhaiterais ? ». Sans couper la parole même si les propos sont durs, l’écoute et l’échange ouvrent de nouveaux chemins. Cela suppose du courage et du travail ! Très rares sont ceux qui déclarent être fatigués de dialoguer. Nous investissons davantage de temps devant nos écrans pour des informations sans intérêt majeur que dans le dialogue qui guérit et développe l’amour.
Jésus a dialogué avec la femme samaritaine. Avec les disciples d’Emmaüs, il a pratiqué la maïeutique socratique qui aide l’interlocuteur à « accoucher » de ses pensées et de ses sentiments. Jésus ne s’impose pas ; il éveille le meilleur de l’autre, « sa meilleure version » selon l’expression à la mode. Hölderlin (+1873), le philosophe et poète allemand, a écrit : « Dieu a créé l’homme, comme la mer a fait les continents, en s’en retirant ».
En ce carême, nous sommes attirés par le Christ Jésus pour faire du neuf avec lui, en synergie. La devise de l’ACI (Action Catholique), présente à La Réunion, garde sa pertinence : « Regarder, discerner, transformer ».
La démarche synodale proposée par l’Église repose sur cette méthode d’analyse des situations sociales qui peut se vivre individuellement ou en groupe. En communauté, dans la prière et l’écoute de la Parole de Dieu, les chrétiens sont appelés à investir leur intelligence dans le discernement et la transformation sociale. Quand on dit de quelqu’un qu’il est intelligent, il convient de demander : « intelligent en quoi ? ». Il y a plusieurs types d’intelligence : intelligence du commerce, intelligence des langues, intelligence des sciences, intelligence émotionnelle … N’oublions pas l’intelligence de la foi et la sainteté de l’intelligence.
La France peut se réjouir de compter récemment parmi ses fils des penseurs chrétiens qui ont illuminé l’Église de leur intelligence de la foi, et au-delà de l’Église visible la vision de l’homme et des relations sociales. Je pense à Emmanuel Mounier (+1950), philosophe personnaliste qui a inspiré un grand nombre de politiques ainsi qu’à Jacques Maritain (+1973), qui aimait à rassembler avec son épouse Raïssa poètes, artistes et philosophes, comme nous pouvons le découvrir dans leur livre « Les grandes amitiés ».
Le pape Benoît XVI avait déclaré un jour aux séminaristes français de Rome : « Il y a trois grands théologiens français au XXe siècle : le frère Yves Congar (+1995), dominicain ; le père Henri de Lubac (+1991), jésuite, et le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem ».
Le Carême appelle aussi à s’engager dans l’intelligence de la foi et dans la conversion des relations sociales.
La femme samaritaine a discerné en Jésus le Sauveur ; son témoignage a transformé ses voisins, qui ont rencontré le Messie d’Israël grâce à elle.
Posséder la vie, c’est bien ; la transmettre, c’est encore mieux. Croire et prier, c’est bien, témoigner du Christ pour que les autres aient la Vie en abondance, c’est encore mieux.
En ce sens, parmi les efforts du Carême, brille la transmission de l’Évangile en famille, dans nos paroisses, dans nos rencontres amicales, « dans les rues et sur les places » aussi, comme le dit le refrain d’une chanson. Pour cela, il faut se former.
Les frères dominicains de Toulouse ont fondé il y a un peu plus de vingt ans une université numérique « DOMUNI-universitas » qui permet d’étudier la théologie, la philosophie et les sciences sociales à distance. À La Réunion, une dizaine de laïcs et de prêtres étudient par Internet la théologie et ils se retrouvent une fois par mois pour partager leurs recherches et leurs questions. La bonne volonté ou « la foi du charbonnier » ne suffisent pas à l’heure de « rendre raison de l’espérance qui est en nous » (I P 3,15). Mon grand-père maternel qui était charbonnier connaissait quand même le latin qu’il avait appris au petit séminaire, mais aujourd’hui il y a peu de charbonniers dans notre île.
Les chrétiens discernent la volonté de Dieu au cœur de l’histoire qui est en train de se faire ; loin de rester passifs, ils représentent une force de propositions positives et réalistes en aimant le débat contradictoire avec des responsables politiques et sur les réseaux sociaux ; ensemble, avec toute personne de bonne volonté, les croyants incarnent ici et maintenant le commandement de l’amour du prochain.
Le saint pape Jean-Paul II qui a traversé l’allée centrale de cette cathédrale, a écrit : « La foi grandit quand on la donne ».
En rigueur de termes, seul Dieu donne la foi qui est une grâce surnaturelle, mais nous pouvons aider les autres à découvrir Jésus dans l’Évangile, vécu ici et maintenant.
Je voudrais finir avec cette belle prière du père Guy Gilbert, humble apôtre auprès des délinquants :
« Dieu seul peut créer, mais tu peux valoriser ce qu’il a créé.
Dieu seul peut donner la vie, mais tu peux la transmettre et la respecter.
Dieu seul peut donner la santé, mais tu peux orienter, guider et soigner.
Dieu seul peut donner la foi, mais tu peux donner ton témoignage.
Dieu seul peut infuser l’espérance, mais tu peux rendre la confiance à ton frère.
Dieu seul peut donner l’amour, mais toi tu peux apprendre à l’autre à aimer.
Dieu seul peut donner la joie, mais tu peux sourire à tous.
Dieu seul peut donner la force, mais toi tu peux soutenir un découragé.
Dieu seul est le chemin, mais tu peux l’indiquer aux autres.
Dieu seul est la lumière, mais tu peux la faire briller aux yeux des autres.
Dieu seul est la vie, mais tu peux rendre aux autres le désir de vivre.
Dieu seul peut faire des miracles, mais tu peux être celui qui apporte les cinq pains et les deux poissons.
Dieu seul pourra faire ce qui paraît impossible, mais tu pourras faire le possible.
Dieu seul se suffit à lui-même mais il a préféré compter sur toi. »
Image : chasuble du père Lacordaire O.P.

25 mars 2025

Solennité de l’Annonciation du Seigneur – Luc 1. 26-38

Nazareth. Nazareth en Galilée. Début des années 30 du siècle dernier… Une foule de pèlerin se presse dans les rues, à la découverte de la Grotte de l’Annonciation ou de la tombe du Juste… peut-être celle de st. Joseph. Le Père Lagrange a dû croiser ces pèlerins, qui sont des pèlerins déçus par ce qu’ils voyaient des lieux saints, c’est-à-dire pas grand-chose car il n’y a pas grand-chose à voir. Alors, persuadé que la gloire de Marie est dans son intérieur, il se propose d’écrire quelque chose sur la vie cachée de Marie à Nazareth. Voici ce texte1 :
« Que faisait Marie à Nazareth ? Nous n’en savons rien. Savons-nous seulement ce qu’y fit Jésus ? Il travaillait dans ce qu’on ose à peine appeler l’atelier de celui qui passait pour son père. Il allait à la synagogue le samedi. Il vivait dans la compagnie de Marie, sa mère, de saint Joseph, sans doute aussi de quelques parents et amis puisque la sainte famille n’était pas un monastère avec sa clôture […]. Ainsi Marie, dans son adolescence, s’occupait des soins du ménage, allait à la fontaine, la cruche couchée sur sa tête, en revenait la cruche droite et bien en équilibre sur son front. Elle tissait peut-être et cousait. Quand nous aurions établi tout cela, nous serions plus en repos sur l’exactitude de ces traits de la vie d’une jeune fille à Nazareth ; nous ne saurions rien de plus de Marie. […] Et c’est cette insignifiance même, le vide apparent de ces journées grises – en dépit du beau soleil – qui peine nos pèlerins les mieux disposés. […] Pouvons-nous nous figurer ainsi Notre-Dame, la Reine du Ciel, la très sainte Vierge destinée à être l’auguste mère de Dieu […] dans une vie si ordinaire, cette gaine de petites choses, l’existence commune d’une fillette dans un village ignoré, sans que rien la distingue d’une Rachel ou d’une Sarah, qui vont avec elle sur le chemin, dont le rêve est de trouver un Jacob ou un Lévi selon leur cœur […]. »
C’est ainsi, explique encore le P. Lagrange qu’en Marie, à Nazareth, allait s’accomplir la chose la plus extraordinaire qui soit : « Un ange a abordé Marie […] dans le silence de sa demeure, si simple qu’on pouvait à peine la nommer une maison […] et l’ange a proposé à Marie, au nom de Dieu, d’être la mère du Messie […] ; elle apprend maintenant le secret des secrets, la merveille des merveilles, comment la sainteté de Dieu, qui se plaisait aux retranchements et aux abaissements de la créature, aujourd’hui […] ferait œuvre de fécondité ».
C’est cela l’Annonciation. C’est quand, dans un admirable échange, comme disent les Pères de l’Église, Dieu prend notre chair et nous donne part à sa nature divine. Mais c’est aussi, plus prosaïquement peut-être, quand il prépare, dans l’ordinaire des travaux et des jours, des choses extraordinaires ; quand son ange nous visite dans ces journées qui ne sont remplies de rien ; quand il fait œuvre de fécondité dans le vide apparent de nos vies comme il a fait œuvre de fécondité dans l’apparente insignifiance de la vie de Marie, tout au long de ces journées grises où pourtant s’accomplissaient les promesses faites à Abraham et où commençait à briller l’étoile de la Rédemption.

Fr. Joël Boudaoura OP

Monastère Notre-Dame de Chalais Prédications 2022-2023

Illustration : Annonciation dans la Cathédrale de Segorbe (Royaume de Valence) Auteur anonyme XIVe

 

19 mars 2025

Saint Joseph, antidote d’« un catholicisme zombie » par Fr. Manuel Rivero O.P.
 
Le 19 mars, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, est célébré avec ferveur et foi dans l’Église catholique.
L’Évangile l’appelle homme « juste » , c’est-à-dire un homme juif qui connaissait la Loi de Moïse et qui la mettait en pratique. En unissant la foi et la science, la prière et le travail, saint Joseph a goûté l’union à Dieu en partageant les expériences heureuses et douloureuses d’Israël. Chaque samedi, il se rendait à la synagogue de Nazareth pour célébrer la Loi proclamée en hébreu et commentée en langue araméenne, sa langue maternelle. Combien de fois, Jésus, adolescent, l’a écouté avec un cœur brûlant.
Sanctifier la famille
Homme d’action, saint Joseph accomplit la volonté de Dieu. Silencieux, il médite dans la lumière de la foi les paroles de l’Ange du Seigneur qui l’exhorte à assumer sa responsabilité d’époux et de père adoptif de l’enfant que Marie porte en son sein par l’action de l’Esprit Saint. Homme fort, orienté vers l’avenir, il change son projet initial en réponse à la révélation de l’Ange. La mission que Dieu lui confie dépasse celle des prophètes et des chefs de son Peuple. Il doit accompagner, protéger et éduquer Jésus « qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21).
Avec son épouse, Marie, Joseph s’engage dans le service du salut de l’humanité par l’Incarnation du Verbe. Gardien du mystère de la maternité divine de Marie, partageant la même foi, Joseph fait preuve d’amour, de prudence et d’endurance.
Le père adoptif de Jésus met en lumière la grandeur de la vie ordinaire. Le concile Vatican II a souligné l’appel universel à la sainteté dans l’Église . Les chrétiens ont pour vocation la sanctification de la famille, du travail, de l’économie et de la politique.
La demande de la prière du Notre Père « que ton Nom soit sanctifié » correspond à cette sanctification de toutes les dimensions de la personne et de la vie sociale. Habité par la grâce de l’Esprit Saint, saint Joseph a veillé sur son épouse, Marie. À l’image du grand-prêtre de l’Ancien Testament qui veillait sur le Temple, saint Joseph a trouvé Dieu en aimant Marie, « nouvelle arche d’Alliance » , demeure de Dieu. L’Arche de l’Alliance contenait la manne et les tables de la Loi . Marie portait en son sein Jésus, le Verbe fait chair, Loi nouvelle d’amour et Pain de Vie descendu du Ciel . Dans un beau sermon, saint Bernard (+1153) a mis en parallèle le patriarche Joseph, fils de Jacob, et Joseph, époux de Marie. Si dans l’Ancien Testament, Joseph, intendant de Pharaon, avait mis les blés en réserve pour tout le peuple d’Égypte et non pour lui-même ; dans le Nouveau Testament, Joseph, père adoptif de Jésus « reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier . »
Pour le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, «Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère ». Il me semble que les chrétiens peuvent en dire la même chose au sujet de saint Joseph. Par l’amour de son père adoptif, l’âme de Jésus a été imprégnée de la joie de Dieu le Père.
Sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, témoigner par le travail
Artisan charpentier-maçon, saint Joseph s’est sanctifié dans son atelier au service des clients qui avaient besoin d’une maison, d’une armoire, d’une table ou d’une chaise. Ses journées comportaient des hauts et des bas, des réussites commerciales et des heures de soucis économiques pour nourrir sa famille. Il a sanctifié la création l’imprégnant de son intelligence, de son amour et de sa prière. Ceux qui le fréquentaient dans les relations professionnelles ont été attirés vers Dieu par son témoignage.
Saint Josemaría Escrivá de Balaguer (+1975) a excellé dans la mise en valeur de la sainteté vécue au travail quotidien : « « Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail. C’est là que Dieu nous attend chaque jour : il y a quelque chose de divin qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir » ».
Le primat de la personne sur le capital
Le philosophe chrétien Emmanuel Mounier (+1950) a développé une philosophie du personnalisme communautaire avec le primat de la personne sur le capital, le primat du spirituel sur le matériel, à l’opposé de l’individualisme. Il arrive souvent que la foi en Dieu soit remplacée non pas par l’athéisme mais par l’idolâtrie où le marché devient « dieu », la finance « une déesse » et le bien-être « un veau d’or ». La pensée de Mounier a inspiré l’enseignement du saint Pape Jean-Paul II sur le travail dans l’encyclique Laborens exercens du 14 septembre 1981 qui proclame le primat du travail sur le capital et de la personne sur la propriété privée. « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », clame la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.).
La destination universelle des biens
Le pape François évoque les trois T nécessaires pour la vie : un toit, une terre et un travail.
La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun sa dignité humaine sans déchoir dans la misère .
La foi vivante de saint Joseph représente un antidote contre « un catholicisme zombie » qui n’aurait qu’une influence indirecte et vague sur les réalités familiales, économiques et politiques.
L’exemple de saint Joseph invite à commencer par la conversion personnelle avant de vouloir changer le monde, car la tentation est grande pour chacun d’aspirer à transformer la société mais sans vouloir se mettre en cause.
Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu. Il l’a fait avec réalisme, de manière intégrale, spirituelle et matérielle. Son travail et la transmission de son savoir-faire font partie du Salut de l’humanité par Jésus le Christ, ouvrier lui-même.
Saint-Denis (La Réunion), le 19 mars 2025.
Image : Saint Joseph par Fra Angelico, couvent saint Marc (Florence. italie)

 

18 mars 2025

PROGRESSER DANS LA VÉRITÉ

Pour se procurer le compte rendu de la Journée d’étude qui s’est déroulée à Nice, le 9 mars 2024, voici l’adresse du site DOMUNI  : https://www.domuni.eu/press/fr/livre/progresser-dans-la-verite/

17 mars 2025

En 1928, [parut] L’Évangile de Jésus Christ, explication populaire de cette Synopse [la Synopse grecque], allégée de tout appareil critique, sans mots grecs ni hébreux : la seule vie de Jésus que le Père Lagrange crut pouvoir écrire, non point, suivant la remarque hasardée d’un maître du protestantisme libéral, par une concession excessive à l’école critique qu’il combattait, mais parce que son étude approfondie des évangiles lui avait fait comprendre que « toute tentative de faire revivre le Christ s’efface devant leur parole inspirée ». Parmi tous les ouvrages du Père Lagrange aucun ne fut composé avec plus de cœur. Il valut à son auteur la consolation de recevoir une lettre élogieuse de S. Em. le Cardinal Pacelli, Secrétaire d’État, le félicitant au nom de Sa Sainteté le Pape Pie XI, « d’avoir ajouté à la série des Études bibliques ces pages qui sont un nouveau coup de sonde dans le domaine sans fond de la Parole divine ». Le Doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris déclarait de son côté : « Dans ce livre, le Père ne donne pas seulement le résultat de ses travaux critiques, mais encore le fruit de ses méditations. C’est ce qui lui mérite la sympathie et le respect, même de ceux qui ne partage pas sa foi et sa théologie. » (Lettre du 25 mars 1930.)

Qui souhaiterait entrer dans le vif des convictions religieuses du Père Lagrange ne saurait mieux faire que de lire attentivement le dernier chapitre de ce livre : l’un des plus beaux qu’il ait écrits. On y voit comment, […] il contemplait dans une lumière croissante le dogme de la divinité de Notre-Geigneur, affirmé par Jésus lui-même, recueilli par les Apôtres et confié à l’Église pour le salut des âmes. Autrement dit, ce qu’il percevait comme partie essentielle de l’Évangile, « c’était l’insertion de la divinité dans l’humanité, la nature humaine participant par la grâce à la nature divine, une telle prodigalité de dons, des exigences si hautes qu’une raison trop courte en est écrasée plutôt qu’attirée ». Devant ce donné immense, conforme aux pieuses croyances de son enfance, que quarante ans de recherches opiniâtres n’avaient fait que confirmer, il se plaçait devant l’alternative suprême : « On est tenté de dire que c’est trop beau ! Mais en dehors, il n’y a rien qui compte pour nous, rien qui porte la marque de l’infini. Nous voilà en face du néant. Où aller Seigneur ? Il ne reste qu’à se renfermer dans un doute fastidieux ou désespéré. Ou plutôt à se serrer autour de Pierre, qui dit toujours : ‘Vous avez les paroles de la vie éternelle’ et à s’abandonner à l’étreinte de Dieu en Jésus Christ. » (cf. p. 675, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique. Éd. Artège Lethielleux, 2017.)

Extrait de M. J. Braun. Préface de S. E. le cardinal Tisserant. L’Œuvre du Père Lagrange. Étude et Bibliographie). Ed. L’Imprimerie St-Paul. Fribourg, Suisse. 1943.

LUNDI 10 MARS 2025 : COUVENT DES DOMINICAINS DE NICE

Chapelet pour la glorification du Serviteur de Dieu,

Le Père Marie-Joseph LAGRANGE, o.p.

Bourg-en-Bresse 1855/ Saint Maximin 1938

Par Fr. Antoine-Marie Berthaud, o.p.

L’Association des amis du père LAGRANGE a pour but de faire connaître sa vie et son œuvre en vue de son procès de béatification. Le père Massimo MANCINI étant le postulateur de sa cause et le frère Manuel RIVERO le vice-postulateur.

Dominicain, fondateur de l’Ecole Biblique de Jérusalem, (il y a vécu 45 ans) le père LAGRANGE serviteur passionné de la Parole de Dieu, a voué son existence à l’étude scientifique de la bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Nous fêtons ce jour son retour au Père le 10 mars 1938 il y a 87 ans.

Prions ensemble le père LAGRANGE pour qu’il nous obtienne les grâces dont nous avons besoin.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Amen

Je crois en Dieu, …

Notre Père, …

Aux intentions du pape François et pour sa santé :

            En l’honneur du Père à qui vous avez dit oui, pour la grâce de la Foi,

           Je vous salue Marie, …

En l’honneur du Fils que vous avez porté dans votre sein, pour la grâce de l’Espérance

           Je vous salue Marie, …

En l’honneur de l’Esprit Saint qui vous a couverte de son ombre, pour la grâce de la charité

           Je vous salue Marie, …

            1er MYSTERE JOYEUX : L’Annonciation

Luc 1,34 « Comment cela va-t-il se faire ? »

Le père Lagrange précise que Nazareth petit village, n’est pas cité dans l’Ancien Testament. Dieu choisit ce qui est petit.

Marie, aide-nous dans nos choix du quotidien, à faire ce qui est conforme à la volonté de Votre Divin Fils

Notre Père, 10 je vous salue Marie, Gloire au Père…

TOUS : O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer et conduisez au ciel toutes les âmes et surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde

O Marie conçue sans péché    TOUS : priez pour nous qui avons recours à vous !

            2ème MYSTERE JOYEUX : La Visitation

Luc 1,43 « Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? »

Le père Lagrange « Pour que toute gloire soit rendue au Seigneur Marie répondant à la félicitation d’Elisabeth avoue que toutes les générations la diront bienheureuse »

Marie, apprends-nous à nous, comme toi, à nous détacher de la vaine gloire et à vivre une charité active

Notre Père, 10 je vous salue Marie, Gloire au Père…

TOUS : O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer et conduisez au ciel toutes les âmes et surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde

O Marie conçue sans péché    TOUS : priez pour nous qui avons recours à vous !

3ème MYSTERE JOYEUX : La Nativité

Luc 2,8 « Il y avait des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit »

Le père Lagrange : ces pasteurs, habitués à la présence de Dieu se montrèrent dociles à la voix céleste.

Marie, donne – nous la grâce de la contemplation

Notre Père, 10 je vous salue Marie, Gloire au Père…

TOUS : O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer et conduisez au ciel toutes les âmes et surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde

O Marie conçue sans péché    TOUS : priez pour nous qui avons recours à vous !

4ème MYSTERE JOYEUX : La Présentation au Temple

Luc 2,34 « Cet enfant doit être un signe en butte à la contradiction et toi-même une épée te transpercera l’âme »

Le père Lagrange : Le vieillard Siméon eut le pressentiment comme du résultat final de la contradiction qui devait conduire Jésus à la mort, une mort salutaire à tant d’autres

Marie, donne-nous de rester dans la Vérité de l’Evangile et protège-nous de ceux qui ont le projet de combattre la vie de sa conception à sa mort naturelle.

Notre Père, 10 je vous salue Marie, Gloire au Père…

TOUS : O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer et conduisez au ciel toutes les âmes et surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde

O Marie conçue sans péché    TOUS : priez pour nous qui avons recours à vous !

 

5ème MYSTERE JOYEUX : Le Recouvrement au Temple

Luc 2,48 « Mon enfant pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ton père et moi nous te cherchons angoissés »

Le père Lagrange vénère Joseph, son saint patron, comme le grand silencieux contemplatif du Mystère.

Marie, avec Joseph -en ce mois qui lui est dédié- protégez nos familles, et voyez la douleur des mères qui perdent un enfant.

Notre Père, 10 je vous salue Marie, Gloire au Père…

TOUS : O mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer et conduisez au ciel toutes les âmes et surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde

O Marie conçue sans péché    TOUS : priez pour nous qui avons recours à vous !

Apparition de l’ange aux enfants de Fatima. Il dit « ne craignez pas je suis l’ange de la Paix ». Priez avec moi :

« Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, et ne vous aiment pas. »

 

Notre Dame du Très Saint Rosaire                                               Priez pour nous

Notre Dame de la Paix                                                                       Priez pour nous

Saint Joseph                                                                                           Priez pour nous

Saint Dominique                                                                                  Priez pour nous

Sainte Catherine de Sienne                                                            Priez pour nous

Saints et Saintes de l’Ordre des Prêcheurs                             Priez pour nous

Nos Saints anges gardiens                                                              Veillez sur nous

Père Marie Joseph Lagrange, Serviteur de Dieu                     Priez pour nous

S’il y a un prêtre : Le Seigneur soit avec vous … (et Bénédiction)

Si c’est un laïc : An nom du Père et du Fils et du Saint Esprit…

pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com

site internet : www.mj-lagrange.org

 

10 mars 2025

Tous les amis de l’association se retrouvent à l’occasion de ce Jour-anniversaire de la « naissance au ciel » du P. Lagrange.

La messe de ce jour est célébrée à La Réunion par Fr. Manuel Rivero o.p. Président de notre association. Confions nos demandes de grâces à l’intercession du P. Lagrange. Prions pour la  santé du pape François, pour la Paix et pour la prochaine béatification de ce grand serviteur de Dieu et de ce grand ami de Sa Parole en la personne du père Marie-Joseph Lagrange, dominicain.

« Toute ma force est dans la prière » (P. Lagrange. Journal spirituel)

 

 

 

7 février 2025

Les amis et sympathisants de l’association du Père Marie-Joseph Lagrange sont invités à se joindre

 

Lundi 10 mars 2025, 87ème anniversaire de la naissance au Ciel du père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem,

  • Couvent des Dominicains, 9 rue Saint-François-de-Paule à Nice
  • Chapelet, à 11 heures 15, avec Fr. Antoine-Marie.
  • Messe à 12 heures 05, célébrée par Fr. Richard Beaud O.P.

 

 

 

 

 

1er mars 2025

 

 

À tous nos amis réunionnais

En ces moments dramatiques, nous vous confions à la Vierge Marie, protectrice, qu’Elle vous aide à surmonter toutes les difficultés que vous rencontrez. Nous sommes de tout cœur avec vous par la prière.

Écho de notre Page Facebook : février 2025

 

20 février 2025

« Mais vous », insista Jésus, « qui dites-vous que je suis ? » (Marc 8, 29)

Pierre répondit : Vous êtes le Messie !
Tous ayant été consultés, Pierre répond donc au nom de tous. Mais il n’a pas pris le temps de recueillir les suffrages. Soit qu’il s’en tînt pour assuré, soit qu’il ait suivi son caractère ardent et primesautier, il affirme sans hésiter ce que lui dicte sa foi et son amour. Ainsi Jésus est le Messie, annoncé et attendu, voilà ce que Pierre croit de toute son âme.

Le récit de saint Marc s’arrête là, et aussi celui de saint Luc qui l’a suivi, selon son habitude. Il a quelque chose d’incomplet. Comment se fait-il que Jésus, après avoir interrogé ses disciples sur l’opinion des autres et sur la leur propre, ne leur dise pas à son tour ce qu’il en est dans la réalité ? Manifestement il n’a pas questionné pour savoir, mais pour instruire. Une sèche recommandation de ne rien dire de lui à personne pouvait passer pour un désaveu aussi bien que pour une approbation. Peut-être saint Marc s’en est-il tenu là parce que Pierre n’avait pas coutume de se faire honneur de la suprême félicitation que le Christ lui avait adressée.

La réponse, exigée par les circonstances, se trouve dans saint Matthieu, et elle s’adapte à une confession de Pierre plus complète. Pierre a dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Et cela aussi est en situation.

Extrait d’un commentaire : Marie-Joseph Lagrange, o.p. L’Évangile de Jésus-Christ avec la Synopse évangélique. Artège-Lethielleux. 2017. pp.281-285.

 

20 février 2025

Adhésion 2025

Chers membres et amis de notre association,

Après la période des vœux pour cette nouvelle année 2025 que nous espérons riche en découverte et en partage ; ensemble, continuons à promouvoir la cause du Père Lagrange.

Nous vous remercions pour votre engagement et votre intérêt qui font de notre association un lieu dynamique et vivant par la prière.

Qui dit nouvelle année, dit aussi renouvellement de votre adhésion. Continuons ensemble le chemin vers la béatification du P. Lagrange. (Voir le bulletin d’adhésion joint, à nous retourner complété. D’avance merci.)

En annexe, le formulaire de renouvellement ou votre adhésion 2025.

Nous comptons sur votre fidélité.

Bien fraternellement dans le Christ avec ma prière quotidienne pour vous.

Fr. Manuel Rivero O.P.

 

10 février 2025

Père Marie-Joseph Lagrange, o.p. Serviteur de Dieu (1855-1938)

Jour-anniversaire

Comme, vous le savez, chaque mois le 10, jour-anniversaire de la mort du P. Lagrange, une messe est célébrée par fr. Manuel Rivero o.p. président de l’Association des Amis du Père Lagrange. À cette occasion, les membres de l’association confient à l’intercession du P. Lagrange les grâces qui leur sont chères. Un miracle, pourquoi pas ? Ce qui permettra de faire avancer sa cause. Les vertus du P. Lagrange tout au long de sa sainte vie, pour faire accepter ses travaux, ont bien été entre autres la Foi et l’Espérance, « Oratoire et laboratoire. »

Mon Dieu, augmentez ma foi, fortifiez mon espérance, faites que je vous aime ! (M.-J. Lagrange. Journal spirituel.)

Écho de notre page Facebook : janvier 2025

28 janvier 2025

Saint Thomas d’Aquin O. P. (1225-1274), prêtre. Docteur de l’Église.

Extrait d’un texte du P. Bernard Montagnes O.P. (1924-2018)

Le thomisme du père Lagrange

Thomisme de commande ou thomisme de conviction ?

La preuve n’est plus à faire que le thomisme du P. Lagrange n’est pas un thomisme de commande (imposé aussi bien qu’affecté), dont le vernis s’écaillerait à la première occasion, mais un thomisme de conviction, dont la certitude l’inspire en permanence. Y a-t-il rien de plus conforme à l’esprit de saint Thomas que la « confiance dans la force de la vérité » ?

« Il me tarde, comme à vous, qu’on puisse étudier la question simplement pour découvrir la vérité, qui ne peut être contraire à ce qu’enseigne l’Église. Mais beaucoup veulent qu’on ne dise rien que ce qui va directement à l’édification, sans prendre garde que ce qui édifie le plus, ce qui est le propre de l’Église, c’est de rechercher toujours la vérité. »

La fidélité à saint Thomas a maintenu Lagrange et son École dans le droit fil de la vérité. Aussitôt après le décret Lamentabili (3.7.1907) et l’encyclique Pascendi (8.9.1907) dont Sylvain Leblanc, en 1931, affectait de croire que les condamnations frappaient autant Lagrange (ou Batiffol) que Loisy, le fondateur de l’École biblique pouvait constater :

« J’ai vu avec plaisir que pas une revue, même des plus antipathiques, n’a fait allusion à nous comme englobés dans les documents pontificaux. Je crois que nous le devons à notre fidélité à saint Thomas (24.11.1907). (Mgr Sevin) m’a toujours dit que mon attachement à la doctrine de saint Thomas m’avait préservé d’erreur (1.11.1912). »

Ce que le P. Lagrange a trouvé dans le thomisme peut se résumer en trois observations.

  1. Une école de rigueur : la formation thomiste constitue, estimait-il, « une admirable gymnastique de l’esprit qui le rend assez souple, assez subtil pour éviter les à-peu-près, les généralisations confuses, et qu’aucune érudition ne peut remplacer ; la critique est nette et claire, ou elle n’est qu’une accumulation d’observations sans pertinence ». Aussi, dès 1896, affichait-il son propos :

« Il serait temps de faire pénétrer en exégèse les nettes et fortes conceptions de la scolastique. Je ne regrette pas de l’avoir fait, je voudrais seulement le mieux faire, et je suis persuadé que l’opposition à la bonne exégèse ne viendra jamais des grands théologiens. »

Sur la capacité des théologiens à reconnaître les bienfaits de la critique, le P. Lagrange dut déchanter. Dans sa recension de l’Évangile et l’Église, publiée en avril 1903, il soutient (contre son ancien condisciple Gayraud) qu’ « il ne suffit pas de rendre la critique responsable de tout le mal » dont souffre l’Église ; les théologiens, déplore-t-il, y ont leur propre part de responsabilité :

« Il faut bien le reconnaître : après tant d’années de renaissance la scolastique est moins en crédit que jamais auprès des jeunes générations – et, phénomène bien remarquable –, surtout où elle semblait plus absolument triompher seule. C’est que ce discrédit tient moins à elle-même qu’à la manière dont elle est pratiquée. Trop souvent les théologiens ont considéré l’exégèse et l’histoire comme des rivales importunes, sans s’apercevoir qu’en les éliminant ils détruisaient leur propre base. »

  1. Une école de liberté : chez Thomas d’Aquin, le P. Lagrange avait découvert « une charte de liberté et de progrès ». Ce mot admirable qualifierait aussi bien ce que représenta l’encyclique Aeterni Patris pour toute une génération de dominicains : la scolastique baroque, avec ses controverses d’école, congédiée ; les sources bibliques et patristiques revisitées ; la puissance novatrice, qui fut au principe du thomisme, renouvelée ; saint Thomas dans la jeunesse de sa pensée retrouvée. Est venu ensuite, au temps de Pie X, le carcan des vingt-quatre thèses thomistes, dont les promoteurs auraient voulu faire l’équivalent des décrets de la Commission biblique. Ainsi, d’école de liberté, le thomisme est-il devenu ce système d’oppression que dénonçait sévèrement mais justement le P. de Lubac.
  2. Une école de sagesse, capable de renouveler la lecture de la Bible, de se mesurer avec les problèmes les plus urgents, d’opérer la synthèse de la culture et de la foi, de réconcilier la science et la prière. Concilier au lieu d’opposer, non par une juxtaposition bâtarde, mais par une synthèse cohérente – le vrai découvert par l’investigation critique ne pouvant se trouver en contradiction avec le vrai révélé par la parole biblique –, quoi de plus conforme à l’inspiration de saint Thomas ?

Pour finir, peut-être faut-il évoquer une parenté plus intime. Le P. Lagrange, pas plus que Thomas d’Aquin, « n’a travaillé dans la paix, mais dans le conflit et dans la hâte ». À lui aussi, on peut transposer ce que Maritain écrivait de saint Thomas, « si anxieux de savoir qu’il allait poser son front sur l’autel pour avoir la lumière (…). C’est qu’il était responsable de la plus lourde des tâches (…) ; la moindre faute aurait tout perdu ». En travaillant à arracher l’arme de la critique aux adversaires pour la retourner au bénéfice des croyants, le P. Lagrange s’engageait dans un combat acharné, où les coups les plus douloureux ne venaient pas du dehors. Sciens et prudens manum misi in ignem, répétait-il après saint Jérôme : en toute connaissance de cause, j’ai plongé la main dans le brasier. N’évoquait-il pas sa propre expérience lorsque, dans les conférences de Toulouse, il rappelait Thomas d’Aquin condamné par Étienne Tempier et par Robert Kilwardby ?

« Nous ne pouvons plus nous représenter les saints sans leur auréole, et leur doctrine nous apparaît toujours comme un rayon bienfaisant qui a lui sur un monde charmé.

Ils ont eu leurs difficultés, et la lutte contre les ennemis du dehors n’a pas toujours été le principal objet de leurs secrètes angoisses.

Ils ont passé par ces épreuves sans y succomber ».

Sans y succomber, comprenons sans renoncer ni l’un ni l’autre à leur grand dessein, recommandé par saint Augustin, de ravir aux Égyptiens leurs vases d’or : ce que Thomas d’Aquin avait réalisé pour la philosophie d’Aristote, M.-J. Lagrange l’a accompli pour la critique biblique, au profit des enfants de Dieu.

25 janvier 2025

L’union de saint Joseph à l’humanité et à la divinité de Jésus
Fr. Manuel Rivero O.P.
Saint Joseph appelé « le grand silencieux » ne nous a pas laissé une seule parole dans la mémoire des Évangiles. Homme de foi et d’action, Joseph
a reçu une mission de la part de Dieu, annoncée en songe par l’Ange du Seigneur (cf. Mt. 1, 20-25), et il l’a menée à son accomplissement dans la force et la tendresse propres à un époux, l’époux de Marie, et de père adoptif de l’enfant Jésus : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Pour saint Luc l’évangéliste, Marie brille comme la grande figure du commencement de l’Incarnation du Fils de Dieu. En revanche, pour saint Matthieu l’évangéliste, c’est Joseph qui joue un rôle capital dans l’Incarnation. En effet, c’est grâce à la foi et à la dynastie davidique de Joseph, que Marie reçoit un époux et l’enfant Jésus un père adoptif qui l’élève et l’enracine dans la descendance du roi David. Le Messie devait provenir de la maison du roi David, qui était né à Bethléem.
Marie et Joseph reçoivent des missions différentes et complémentaires. Marie deviendra par sa foi dans le Verbe fait chair, annoncé par l’ange Gabriel, la mère du « Fils du Très-Haut » (Lc 1, 32), et aussi la mère du Messie, roi : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33).
Dans le mystère de l’Incarnation, Marie est unie au Fils de Dieu par sa maternité divine. Mère de l’humanité du Fils de Dieu fait homme, Jésus, Marie participe à la divinité à travers le corps de son fils Jésus, qui est son propre corps. « Né d’une femme », dira saint Paul (Ga 4,4). Jésus ne ressemble physiquement qu’à sa mère.
La participation à l’union hypostatique
En revanche, Joseph va aussi participer à la divinité de Jésus, non pas à la manière de Marie en lui donnant son code génétique, mais par son ministère de père adoptif. C’est ainsi que l’humanité de Jésus sera façonnée par la présence aimante et protectrice de Joseph, par son exemple d’humanité droite et fervente dans la prière au Dieu d’Israël, sans oublier la transmission d’un savoir-faire en tant que charpentier.
Le saint pape Jean-Paul II a écrit à propos de la paternité humaine de Joseph: « Sa paternité ne découle pas de la génération ; et pourtant, elle n’est pas « apparente » ou seulement « substitutive », mais elle possède pleinement l’authenticité de la paternité humaine, du rôle du père dans la famille. Il y a là une conséquence de l’union hypostatique : l’humanité assumée dans l’unité de la Personne divine du Verbe-Fils, Jésus-Christ. Avec l’humanité est aussi « assumé » dans le Christ tout ce qui est humain et, en particulier, la famille, première dimension de son existence sur terre. Dans ce contexte est aussi « assumée » la paternité humaine de Joseph .»
Le mot « hypostatique » nécessite définition et explication. Son étymologie provient « du grec hypostasis qui veut dire substance, réalité, et, par extension : personne.
Le Christ ayant une nature divine et une nature humaine n’est cependant qu’une seule personne (hypostase) d’où l’expression d’union hypostatique ». Le théologien jésuite, François Suarez (+ 1617), professeur à l’université de Salamanque, avait déjà présenté la paternité de saint Joseph comme une participation au mystère de l’Incarnation dans la lumière du mystère de Dieu .
La collaboration de saint Joseph à l’union hypostatique du Verbe qui a pris chair en Marie représente une médiation extrinsèque, différente de l’union de Marie à Jésus dans sa maternité, « chair de sa chair ». Il s’agit d’une coopération morale, éducative, spirituelle en tant que père éducateur de Jésus. Il convient aussi de souligner la participation de saint Joseph au mystère de l’Incarnation de Jésus à travers l’amour à l’égard de Marie, son épouse ; tant il est vrai que le meilleur cadeau qu’un père puisse offrir à son fils est d’aimer sa mère. En aimant Marie, Jésus a grandi « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2,52).
Aujourd’hui, la Vierge Marie continue d’exercer sa maternité divine en tant que Mère de l’Église par son intercession auprès de son fils Jésus le Christ. Lors des noces de Cana, Marie avait vu le manque de vin qui allait gâcher la joie du mariage. Sans que personne lui demande quoi que ce soit, elle présenta humblement à Jésus les besoins des époux : « Ils n’ont pas de vin » (Jn 2,3). La Vierge Marie intercède de manière universelle pour tous les hommes. « Mère de miséricorde », « Mater misericordiae » chante le Salve Regina, Marie manifeste son amour catholique pour tous, croyants ou pas.
Les derniers papes ont mis en lumière la sainteté de saint Joseph, notamment depuis Léon XIII avec son grand souci de justice sociale. Le pape Pie XI consacra la Russie à saint Joseph le 19 mars 1930. Pie XII mit la fête du 1er mai sous le patronage de saint Joseph, ouvrier. Saint Jean XXIII confia à saint Joseph le Concile Vatican II. Plus récemment, le pape François a donné à l’Église la belle Lettre apostolique Patris corde, datée du 8 décembre 2020.
Sainte Thérèse d’Avila (+1582) confia la fondation du premier Carmel d’Avila à saint Joseph. Dans sa « Vie », elle avoue ne pas connaître des personnes qui auraient été déçues en se tournant avec foi à saint Joseph.
Aussi pouvons-nous confier à l’intercession de saint Joseph nos projets, notre vie de prière, les soucis matériels et immobiliers, la vie des époux, la mission des évêques dont il est le patron, et de tous les hommes de bonne volonté.
Saint-Denis (La Réunion), le 25 janvier 2025, en la fête de la conversion de saint Paul, apôtre.

 

10 janvier 2025 Messe-Anniversaire

La messe de ce jour est célébrée par Fr. Manuel Rivero OP, président de l’association des amis du père Lagrange OP. Célébration au cours de laquelle vos intentions particulières sont confiées à l’intercession du père Lagrange et pour sa prochaine béatification. Et pourquoi pas, demandons à Marie de parler à l’oreille de son Fils pour que notre prière soit exaucée.

 

 

5 janvier 2025

L’Adoration des Mages

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or voici que des mages venus de l’orient arrivèrent à Jérusalem guidés par une étoile. Or, l’étoile qu’ils avaient vue s’arrêta juste au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Ils se réjouirent d’une très grande joie et se prosternant, ils lui offrèrent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe (voir Matthieu 2, 1-12).

Qui étaient ces mages ? Les anciens, en Occident surtout, on a vu en eux des prêtres de la religion des Perses. C’est le sens officiel du mot.  […] Nous devons simplement nous représenter quelques hommes graves appliqués à l’étude du ciel, désireux d’y lire l’avenir, et spécialement préoccupés de l’avènement d’un grand roi, attendu par les Juifs de ce temps. […] Balaam, le prophète du pays de Moab, avait annoncé qu’une étoile sortirait de Jacob, qu’un sceptre s’élèverait d’Israël.

[…] Or les mages avaient vu se lever à l’orient un astre nouveau, vraisemblablement une comète. Tout le monde se tenait pour assuré que c’était le présage d’un règne glorieux. […] La comète, si c’en était une, faisait donc l’office de guide, et saint Matthieu lui en prête les allures. […] Entrés dans l’humble étable qui servait de maison, les mages virent l’Enfant, avec Marie, sa mère, ils se prosternèrent devant Lui, et ouvrant leurs sacoches de voyage offrirent les présents dont ils s’étaient munis pour le petit roi : de l’or, de l’encens et de la résine parfumée qu’on nommait la myrrhe. Plus tard on y a vu des symboles : l’encens est réservé à Dieu, l’or va au roi, la myrrhe fut employée dans la sépulture du Christ.

(Marie-Joseph Lagrange O.P. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 69.)

1er janvier 2025

Solennité de Marie, Mère de Dieu

Douce Année 2025

Tous nos vœux de paix, de justice et de fraternité.

« Vierge Marie, je vous offre de nouveau tout mon être et toutes ses opérations : conduisez-nous au Cœur de Jésus. » (Journal spirituel du P. Lagrange)

Voeux pour Noël 2024 et pour la Nouvelle Année 2025, sous le signe de l’Espérance

25 décembre 2024

Fr. Manuel Rivero O.P.

Président de l’association des amis du père Lagrange

Saint-Denis (La Réunion), le 20 décembre 2024.

Vœux pour Noël et pour la nouvelle année 2025 sous le signe de l’Espérance

Chers amis du père Lagrange,

Cette année 2024 a été riche en grâces.

Les textes de la Journée d’étude sur le père Lagrange, célébrée à Nice le 9 mars 2024, vont être publiés prochainement, leur édition est en cours de préparation.

Nous nous réjouissons du cardinalat du frère Timothy Radcliffe O.P., ancien maître de l’Ordre des prêcheurs, que les amis du père Lagrange ont porté dans leur prière lors de son opération chirurgicale fort grave. Il nous en est reconnaissant. Le Pape François lui-même avait confié au père Lagrange cette opération de son ami Timothy Radcliffe O.P., comme il l’a manifesté à l’actuel maître de l’Ordre des prêcheurs, le frère Gérard Francisco Timoner III O.P.

Les conflits internationaux nous poussent à redoubler nos prières et nos efforts pour la Paix partout dans le monde : Ukraine et Russie, Syrie, Israël et Palestine, Nigeria… Nous n’oublions pas Jérusalem et l’École biblique. Nous prions aussi pour la France. Le père Lagrange tenait à ce que l’École biblique de Jérusalem soit française.

Vous trouverez ci-joint la conclusion au livre sur le thème de la Journée d’étude du 9 mars 2024 qui portait sur « le progrès dans la Vérité ».

Maranatha, « viens Seigneur Jésus » (Ap 22,17), dans nos âmes, dans nos familles, dans notre pays et dans le monde.

Bien fraternellement, en vous souhaitant une belle Nativité de notre Seigneur Jésus et la vertu de l’espérance pour 2025.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Conclusion de la Journée d’étude du 9 mars 2024.

Screenshot

Au terme de cette Journée d’étude sur le thème « Progrès dans la vérité », il convient de se tourner vers l’avenir en contextualisant les apports et les méthodes présentés pendant les conférences.

Aujourd’hui plus que jamais, des institutions et des entreprises s’évertuent à innover ; elles investissent d’importantes ressources financières dans des équipes de recherche et de développement.

Le père Marie-Joseph Lagrange a consacré sa vie à la recherche exégétique en menant une vie contemplative et communautaire selon la vocation dominicaine. Son but était de réconcilier la foi et la science et de synchroniser le temps avec l’éternité, l’heure de Dieu et l’histoire de l’humanité.

Les textes bibliques, révélés par l’Esprit Saint aux yeux des croyants, ne sauraient être traités comme de simples œuvres littéraires. Dieu que personne n’a jamais vu ne se laisse découvrir que dans la lumière de la foi, vertu théologale surnaturelle.

Néanmoins, il reste possible d’établir des corrélations entre la soif des innovations scientifiques et les progrès dans la connaissance du mystère de Dieu à travers l’esprit critique et l’étude scientifique des manuscrits révélés.

Nous pouvons citer comme exemple, « La théorie U » d’Otto Scharmer où les acteurs du changement commencent par vivre la connexion au moi profond symbolisée par la première barre verticale de la lettre « U », vient ensuite la montée vers un futur qui émerge dans l’interprétation communautaire des expériences et la création de prototypes.

Souvenons-nous que le père Lagrange a tenu à fonder une École pratique d’études bibliques reliée à des recherches archéologiques sur le terrain.

Aujourd’hui l’intelligence artificielle devient un moyen utile pour la recherche mais elle ne saurait pas remplacer la sagesse créatrice des hommes. Aussi le poète Christian Bobin (+2022) affirmait-il :  » Il n’existe pas d’ « intelligence artificielle». La racine de l’intelligence, son centre invisible à partir de quoi tout rayonne, c’est l’amour. On n’a jamais vu et on ne verra jamais d’ « amour artificiel» « . (La nuit du cœur). Dans la tradition théologique catholique, l’amour est lui-même connaissance ; connaissance et amour forment un couple inséparable, fruit de l’image de Dieu qui est amour (I Jn 4,16) et sagesse.

Sacré-Cœur

Le père Lagrange tenait à la communication symbolique. C’est pourquoi la première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Il avait averti que dans les fondations de l’École, les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[1].

Le pape Léon XIII pensait que cette consécration au Sacré-Cœur s’harmonisait avec le lieu de la lapidation de saint Étienne, sur lequel étaient bâties l’École biblique et la basilique Saint-Étienne. Le pape Léon XIII exhortait le père Lagrange et les frères dominicains en ces termes : « Oui, consacrez toute votre œuvre et l’Église au Sacré-Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur ne peut être mieux que là, car lorsque saint Étienne voyait les cieux ouverts et Jésus debout à la droite de son Père, Jésus se montrait à lui avec ses plaies, celles de ses pieds et de ses mains, celles de son cœur ![2] ».

En 1924, au moment de rédiger son avant-propos à la traduction et au commentaire de l’Évangile selon saint Jean, le père Lagrange dédicace son ouvrage à ses confrères en choisissant la fête symbolique du Sacré-Cœur, dans la communion de l’amour de Jésus, si bien transmis par le disciple bien-aimé : « Je prie mes collaborateurs de l’École biblique d’agréer l’hommage cordial et fraternel de cet ouvrage, en souvenir d’une vie dominicaine commune qui nous fut toujours douce. (…). Demandons tout simplement à Notre-Seigneur la grâce de mettre en pratique son commandement promulgué par saint Jean : Aimons-nous les uns les autres. Jérusalem, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, 27 juin 1924 [3]».

Dans ce même avant-propos, le fondateur de l’École biblique avait évoqué le cœur de Jésus et le geste fraternel de Jean qui y avait trouvé le repos de l’amour et l’intelligence du mystère de Jésus à la dernière Cène : « Il sied d’être timide à la suite d’Origène : « Osons le dire : les évangiles sont la part choisie de toutes les Écritures, et l’Évangile de Jean est la part choisie parmi les autres : nul ne peut en acquérir l’esprit s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus, et s’il n’a reçu de Jésus, Marie pour sa mère. »

Il s’agit bien d’une connaissance dans l’amour qui passe par les sens et non par une étude livresque de l’enseignement de Jésus. C’est du cœur de Jésus que jaillit l’esprit nécessaire pour interpréter l’Évangile à partir de la lettre.

La dévotion au Sacré-Cœur renvoie à la condamnation injuste de Jésus et au supplice de la croix exécuté par l’armée romaine qui occupait Israël. Rien de douceâtre dans cette image qui exprime la douleur de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. La lance du soldat romain transperce le cœur de Jésus qui vient d’expirer après une affreuse agonie. Disciple et bon connaisseur de saint Thomas d’Aquin, le père Lagrange partage sa vision théologique du cœur de Jésus comme symbole des Saintes Écritures tel que le Docteur Angélique l’enseigne dans son commentaire aux Psaumes : « Par le cœur du Christ, on entend la Sainte Écriture qui révèle son cœur. Mais ce cœur était fermé avant la Passion, parce que l’Écriture était obscure ; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à présent, considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées[4] ».

Le cœur ouvert de Jésus ouvre l’esprit des disciples à l’intelligence des Écritures. Le Sacré-Cœur de Jésus continue d’ouvrir l’esprit des chrétiens à la compréhension du mystère pascal célébré à chaque messe : la mort et la résurrection de Jésus.

Il importe de souligner l’apport de saint Thomas d’Aquin au Sacré-Cœur de Jésus que le Catéchisme de l’Église catholique s’est plu à citer (n°112). Le Sacré-Cœur de Jésus apparaît ainsi comme le symbole qui résume la révélation de l’Amour de Dieu aux hommes. Nous pourrions utiliser le mot « logo » pour dire, en langage contemporain, la puissance symbolique du Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur figure comme le « logo » du christianisme. Les artistes chrétiens ne se sont pas trompés en le représentant souvent dans les tableaux et les vitraux ou en le chantant comme le message de l’amour humilié et fidèle de Dieu envers l’humanité.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin relie le cœur ouvert de Jésus à l’ouverture du Paradis : « Quand le côté du Christ fut ouvert, la porte du Paradis le fut aussi ; et, par l’effusion de son sang, la souillure du pécheur fut effacée : Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine expiée et les exilés rappelés dans le Royaume. C’est pourquoi le Christ déclara aussitôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23,32) : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le Paradis ». Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David ; mais « aujourd’hui », c’est-à-dire, dès que la porte du Paradis fut ouverte, le bon larron implora son pardon et l’obtint[5] ». Le Sacré-Cœur de Jésus, symbole et « logo » de la miséricorde divine, ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures et le Paradis aux pécheurs.

Jean Guitton

Par ailleurs, il importe de citer le témoignage de Jean Guitton (+1999), philosophe, écrivain, membre de l’Académie française. Il avait vécu trois mois en 1935 auprès du père Lagrange à l’École biblique de Jérusalem. Dans un entretien accordé à Paris au mois d’avril 1988[6], il n’avait pas hésité à qualifier le père Lagrange de prophète, de mutant dans sa discipline exégétique à l’exemple de saint François d’Assise avec sa spiritualité de l’amour de la création qui n’existait pas auparavant et de martyr, témoin du Christ, en évoquant un proverbe arabe : « L’encre du savant est aussi précieuse que le sang du martyr ».

« Le sacrifice du père Lagrange pendant soixante ans est précieux devant Dieu », déclarait l’Académicien, laïc invité par le saint pape Jean XXIII au Concile œcuménique Vatican II et ami du saint pape Paul VI.

Fidèle à la foi de l’Église, le père Lagrange a œuvré au service du développement de la Tradition. Son travail d’exégète s’est déployé dans l’obéissance,  obéissance douloureuse. Deux phrases importantes lui sont attribuées à ce propos : « On ne remédie à rien dans l’Église en dehors de l’obéissance » et « Celui qui n’a pas souffert pour l’Église ne sait pas ce qu’est aimer l’Église ».

Le philosophe Charles Adler (+1933) avait déjà constaté en son temps le renouvellement permanent des découvertes scientifiques : « Un livre de sciences n’a qu’un temps ; s’il est bien écrit, il dure une vingtaine d’années ». Et Jean Guitton de commenter cela : « Mais les matériaux en sont bons pour de nouveaux usages [7]».

Humble et lucide, le père Lagrange savait que son œuvre restait appelée à de nouveaux développements dans l’histoire de l’exégèse. En revanche, l’esprit transmis et l’élan donné allaient demeurer dans l’histoire de l’École biblique de Jérusalem.

Le père Lagrange aimait profondément la France et les lieux saints gardés par la France à Jérusalem. C’est dans la joie et la ferveur qu’il se rendait chaque année en l’église Sainte Anne de Jérusalem pour célébrer la fête de l’Immaculée, patronne de l’École.

Jean Guitton a mis en valeur l’action et l’œuvre de la France à Jérusalem : « Il est heureux que ce soit encore la France qui ait pris l’initiative de cette nouvelle garde de la « terre sainte ». Cela était dans sa tradition même. Cette garde est une œuvre de paix et de lumière. Elle se fait par l’esprit. Elle ne nuit à personne. Elle stimule tout. Elle continue dans ce Proche-Orient l’œuvre même de notre pays qu’est de ne conquérir que pour respecter, de laisser chaque chose et chaque être à sa place, mais en lui donnant plus de vérité [8]». La France tient à faire respecter sa mission à Jérusalem comme le prouvent les protestations politiques vigoureuses à l’occasion de la présence des polices autres que françaises dans ces lieux saints qui lui appartiennent et qui lui sont confiés.

Grâces demandées et accordées

Le frère Timothy Radcliffe O.P. a été élevé au cardinalat par le pape François. Lors d’une récente opération chirurgicale fort grave, c’est le pape François lui-même et un grand nombre de chrétiens amis spirituels du père Lagrange qui avaient porté l’ancien maître de l’Ordre des prêcheurs dans leur prière. Le frère Timothy en a témoigné sa reconnaissance en envoyant son texte sur l’innovation de l’esprit synodal. Il aurait aimé participer en présentiel à la Journée d’étude de Nice mais des engagements avaient déjà été pris auparavant, pour un autre continent, à la date du 9 mars 2024.

Nombreux sont ceux qui ont bénéficié des grâces envoyées par Dieu en réponse à l’intercession du père Lagrange : grâces de conversion et d’intelligence de la foi, grâces de réconciliation dans les familles, grâces de fidélité et d’engagement pour la justice dans les entreprises, grâces pour la santé des malades …

Le père Lagrange a beaucoup voyagé par bateau entre Jérusalem et l’Europe. En arrivant et en quittant le port de Marseille, il saluait Notre-Dame de la Garde, qui veille sur la cité phocéenne. Aux noces de Cana, la mère de Jésus a intercédé pour les nouveaux époux qui n’avaient rien demandé ; Mère de miséricorde soucieuse du bien de toute l’humanité, croyante ou incroyante. C’est à la Vierge Immaculée que le père Lagrange avait confié toute sa vie ainsi que la direction de l’École biblique. Il n’en a pas été déçu !

Pourquoi ne pas l’imiter en remettant entre les mains de la Vierge Marie notre vie et notre mort, ce que nous avons et ce que nous sommes ?

Saint-Denis (La Réunion), le 15 novembre 2024, en la fête de saint Albert le Grand, patron de baptême d’Albert Lagrange, devenu en religion le père Marie-Joseph Lagrange.

Fr. Manuel Rivero O.P.

……………………….

Prière pour la glorification du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange 

« Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu.  A la lumière de la Loi de Moïse, des Prophètes et des Psaumes, il a scruté le mystère de Jésus-Christ et son cœur est devenu brûlant. Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du rosaire. Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves.

Nous te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier : (précisez lesquelles).

Nous te le demandons, Père, au nom de ton Fils Jésus-Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu Vivant pour les siècles et des siècles. Amen.

Contact : Association des Amis du Père Lagrange. Couvent des Dominicains. 9, rue Saint-François-de-Paule. F-06300 Nice. Site Internet : http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain.

Courriel : pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com

[1] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.

[2] Marie-Joseph Lagrange, Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem. Paris. Alphonse Picard et fils, éditeurs. 1894. P. 173.

[3] M.-J. Lagrange, des Frères prêcheurs, Évangile selon saint Jean. Paris. J. Gabalda, éditeur. 1927.

[4] Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Psaumes. Introduction, traduction notes et tables par Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy, osb. Éditions du Cerf. 1996. P. 267. Commentaire au Psaume 21,15.

[5] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Lettres Latines. Paris. 1969. P. 101.

[6] Interview de Jean Guitton par le frère Manuel Rivero O.P. sur le père Lagrange, in La Revue du Rosaire, n°162, novembre 2004.

[7] Jean Guitton, L’œuvre du père Lagrange, article demeuré inédit. Archives de la Province dominicaine de Toulouse et de la vice-postulation. P.5.

[8] Jean Guitton, L’œuvre du père Lagrange, article demeuré inédit. Archives de la Province dominicaine de Toulouse et de la vice-postulation. P. 15.

Écho de notre page Facebook : décembre 2024

25 décembre 2024

Fr. Manuel Rivero O.P.

Président de l’association des amis du père Lagrange

Saint-Denis (La Réunion), le 20 décembre 2024.

Vœux pour Noël 2024 et pour la nouvelle année 2025 sous le signe de l’Espérance

Chers amis du père Lagrange,

Cette année 2024 a été riche en grâces.

Les textes de la Journée d’étude sur le père Lagrange, célébrée à Nice le 9 mars 2024, vont être publiés prochainement, leur édition est en cours de préparation.

Nous nous réjouissons du cardinalat du frère Timothy Radcliffe O.P., ancien maître de l’Ordre des prêcheurs, que les amis du père Lagrange ont porté dans leur prière lors de son opération chirurgicale fort grave. Il nous en est reconnaissant. Le Pape François lui-même avait confié au père Lagrange cette opération de son ami Timothy Radcliffe O.P., comme il l’a manifesté à l’actuel maître de l’Ordre des prêcheurs, le frère Gérard Francisco Timoner III O.P.

Les conflits internationaux nous poussent à redoubler nos prières et nos efforts pour la Paix partout dans le monde : Ukraine et Russie, Syrie, Israël et Palestine, Nigeria… Nous n’oublions pas Jérusalem et l’École biblique. Nous prions aussi pour la France. Le père Lagrange tenait à ce que l’École biblique de Jérusalem soit française.

Vous trouverez ci-joint la conclusion au livre sur le thème de la Journée d’étude du 9 mars 2024 qui portait sur « le progrès dans la Vérité ».

Maranatha, « viens Seigneur Jésus » (Ap 22,17), dans nos âmes, dans nos familles, dans notre pays et dans le monde.

Bien fraternellement, en vous souhaitant une belle Nativité de notre Seigneur Jésus et la vertu de l’espérance pour 2025.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Conclusion de la Journée d’étude du 9 mars 2024.

Au terme de cette Journée d’étude sur le thème « Progrès dans la vérité », il convient de se tourner vers l’avenir en contextualisant les apports et les méthodes présentés pendant les conférences.

Aujourd’hui plus que jamais, des institutions et des entreprises s’évertuent à innover ; elles investissent d’importantes ressources financières dans des équipes de recherche et de développement.

Le père Marie-Joseph Lagrange a consacré sa vie à la recherche exégétique en menant une vie contemplative et communautaire selon la vocation dominicaine. Son but était de réconcilier la foi et la science et de synchroniser le temps avec l’éternité, l’heure de Dieu et l’histoire de l’humanité.

Les textes bibliques, révélés par l’Esprit Saint aux yeux des croyants, ne sauraient être traités comme de simples œuvres littéraires. Dieu que personne n’a jamais vu ne se laisse découvrir que dans la lumière de la foi, vertu théologale surnaturelle.

Néanmoins, il reste possible d’établir des corrélations entre la soif des innovations scientifiques et les progrès dans la connaissance du mystère de Dieu à travers l’esprit critique et l’étude scientifique des manuscrits révélés.

Nous pouvons citer comme exemple, « La théorie U » d’Otto Scharmer où les acteurs du changement commencent par vivre la connexion au moi profond symbolisée par la première barre verticale de la lettre « U », vient ensuite la montée vers un futur qui émerge dans l’interprétation communautaire des expériences et la création de prototypes.

Souvenons-nous que le père Lagrange a tenu à fonder une École pratique d’études bibliques reliée à des recherches archéologiques sur le terrain.

Aujourd’hui l’intelligence artificielle devient un moyen utile pour la recherche mais elle ne saurait pas remplacer la sagesse créatrice des hommes. Aussi le poète Christian Bobin (+2022) affirmait-il :  » Il n’existe pas d’ « intelligence artificielle». La racine de l’intelligence, son centre invisible à partir de quoi tout rayonne, c’est l’amour. On n’a jamais vu et on ne verra jamais d’ « amour artificiel» « . (La nuit du cœur). Dans la tradition théologique catholique, l’amour est lui-même connaissance ; connaissance et amour forment un couple inséparable, fruit de l’image de Dieu qui est amour (I Jn 4,16) et sagesse.

Sacré-Cœur

Le père Lagrange tenait à la communication symbolique. C’est pourquoi la première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Il avait averti que dans les fondations de l’École, les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[1].

Le pape Léon XIII pensait que cette consécration au Sacré-Cœur s’harmonisait avec le lieu de la lapidation de saint Étienne, sur lequel étaient bâties l’École biblique et la basilique Saint-Étienne. Le pape Léon XIII exhortait le père Lagrange et les frères dominicains en ces termes : « Oui, consacrez toute votre œuvre et l’Église au Sacré-Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur ne peut être mieux que là, car lorsque saint Étienne voyait les cieux ouverts et Jésus debout à la droite de son Père, Jésus se montrait à lui avec ses plaies, celles de ses pieds et de ses mains, celles de son cœur ![2] ».

En 1924, au moment de rédiger son avant-propos à la traduction et au commentaire de l’Évangile selon saint Jean, le père Lagrange dédicace son ouvrage à ses confrères en choisissant la fête symbolique du Sacré-Cœur, dans la communion de l’amour de Jésus, si bien transmis par le disciple bien-aimé : « Je prie mes collaborateurs de l’École biblique d’agréer l’hommage cordial et fraternel de cet ouvrage, en souvenir d’une vie dominicaine commune qui nous fut toujours douce. (…). Demandons tout simplement à Notre-Seigneur la grâce de mettre en pratique son commandement promulgué par saint Jean : Aimons-nous les uns les autres. Jérusalem, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, 27 juin 1924 [3]».

Dans ce même avant-propos, le fondateur de l’École biblique avait évoqué le cœur de Jésus et le geste fraternel de Jean qui y avait trouvé le repos de l’amour et l’intelligence du mystère de Jésus à la dernière Cène : « Il sied d’être timide à la suite d’Origène : « Osons le dire : les évangiles sont la part choisie de toutes les Écritures, et l’Évangile de Jean est la part choisie parmi les autres : nul ne peut en acquérir l’esprit s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus, et s’il n’a reçu de Jésus, Marie pour sa mère. »

Il s’agit bien d’une connaissance dans l’amour qui passe par les sens et non par une étude livresque de l’enseignement de Jésus. C’est du cœur de Jésus que jaillit l’esprit nécessaire pour interpréter l’Évangile à partir de la lettre.

La dévotion au Sacré-Cœur renvoie à la condamnation injuste de Jésus et au supplice de la croix exécuté par l’armée romaine qui occupait Israël. Rien de douceâtre dans cette image qui exprime la douleur de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. La lance du soldat romain transperce le cœur de Jésus qui vient d’expirer après une affreuse agonie. Disciple et bon connaisseur de saint Thomas d’Aquin, le père Lagrange partage sa vision théologique du cœur de Jésus comme symbole des Saintes Écritures tel que le Docteur Angélique l’enseigne dans son commentaire aux Psaumes : « Par le cœur du Christ, on entend la Sainte Écriture qui révèle son cœur. Mais ce cœur était fermé avant la Passion, parce que l’Écriture était obscure ; mais elle est ouverte après la Passion, puisque ceux qui la comprennent à présent, considèrent et discernent de quelle manière les prophéties doivent être interprétées[4] ».

Le cœur ouvert de Jésus ouvre l’esprit des disciples à l’intelligence des Écritures. Le Sacré-Cœur de Jésus continue d’ouvrir l’esprit des chrétiens à la compréhension du mystère pascal célébré à chaque messe : la mort et la résurrection de Jésus.

Il importe de souligner l’apport de saint Thomas d’Aquin au Sacré-Cœur de Jésus que le Catéchisme de l’Église catholique s’est plu à citer (n°112). Le Sacré-Cœur de Jésus apparaît ainsi comme le symbole qui résume la révélation de l’Amour de Dieu aux hommes. Nous pourrions utiliser le mot « logo » pour dire, en langage contemporain, la puissance symbolique du Cœur de Jésus. Le Sacré-Cœur figure comme le « logo » du christianisme. Les artistes chrétiens ne se sont pas trompés en le représentant souvent dans les tableaux et les vitraux ou en le chantant comme le message de l’amour humilié et fidèle de Dieu envers l’humanité.

Dans son commentaire au Credo, saint Thomas d’Aquin relie le cœur ouvert de Jésus à l’ouverture du Paradis : « Quand le côté du Christ fut ouvert, la porte du Paradis le fut aussi ; et, par l’effusion de son sang, la souillure du pécheur fut effacée : Dieu fut apaisé, la faiblesse de l’homme guérie, sa peine expiée et les exilés rappelés dans le Royaume. C’est pourquoi le Christ déclara aussitôt au bon larron qui l’implorait (Luc 23,32) : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le Paradis ». Ceci ne fut pas dit auparavant à qui que ce soit, ni à Adam, ni à Abraham, ni à David ; mais « aujourd’hui », c’est-à-dire, dès que la porte du Paradis fut ouverte, le bon larron implora son pardon et l’obtint[5] ». Le Sacré-Cœur de Jésus, symbole et « logo » de la miséricorde divine, ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures et le Paradis aux pécheurs.

Jean Guitton

Par ailleurs, il importe de citer le témoignage de Jean Guitton (+1999), philosophe, écrivain, membre de l’Académie française. Il avait vécu trois mois en 1935 auprès du père Lagrange à l’École biblique de Jérusalem. Dans un entretien accordé à Paris au mois d’avril 1988[6], il n’avait pas hésité à qualifier le père Lagrange de prophète, de mutant dans sa discipline exégétique à l’exemple de saint François d’Assise avec sa spiritualité de l’amour de la création qui n’existait pas auparavant et de martyr, témoin du Christ, en évoquant un proverbe arabe : « L’encre du savant est aussi précieuse que le sang du martyr ».

« Le sacrifice du père Lagrange pendant soixante ans est précieux devant Dieu », déclarait l’Académicien, laïc invité par le saint pape Jean XXIII au Concile œcuménique Vatican II et ami du saint pape Paul VI.

Fidèle à la foi de l’Église, le père Lagrange a œuvré au service du développement de la Tradition. Son travail d’exégète s’est déployé dans l’obéissance,  obéissance douloureuse. Deux phrases importantes lui sont attribuées à ce propos : « On ne remédie à rien dans l’Église en dehors de l’obéissance » et « Celui qui n’a pas souffert pour l’Église ne sait pas ce qu’est aimer l’Église ».

Le philosophe Charles Adler (+1933) avait déjà constaté en son temps le renouvellement permanent des découvertes scientifiques : « Un livre de sciences n’a qu’un temps ; s’il est bien écrit, il dure une vingtaine d’années ». Et Jean Guitton de commenter cela : « Mais les matériaux en sont bons pour de nouveaux usages [7]».

Humble et lucide, le père Lagrange savait que son œuvre restait appelée à de nouveaux développements dans l’histoire de l’exégèse. En revanche, l’esprit transmis et l’élan donné allaient demeurer dans l’histoire de l’École biblique de Jérusalem.

Le père Lagrange aimait profondément la France et les lieux saints gardés par la France à Jérusalem. C’est dans la joie et la ferveur qu’il se rendait chaque année en l’église Sainte Anne de Jérusalem pour célébrer la fête de l’Immaculée, patronne de l’École.

Jean Guitton a mis en valeur l’action et l’œuvre de la France à Jérusalem : « Il est heureux que ce soit encore la France qui ait pris l’initiative de cette nouvelle garde de la « terre sainte ». Cela était dans sa tradition même. Cette garde est une œuvre de paix et de lumière. Elle se fait par l’esprit. Elle ne nuit à personne. Elle stimule tout. Elle continue dans ce Proche-Orient l’œuvre même de notre pays qu’est de ne conquérir que pour respecter, de laisser chaque chose et chaque être à sa place, mais en lui donnant plus de vérité [8]». La France tient à faire respecter sa mission à Jérusalem comme le prouvent les protestations politiques vigoureuses à l’occasion de la présence des polices autres que françaises dans ces lieux saints qui lui appartiennent et qui lui sont confiés.

Grâces demandées et accordées

Le frère Timothy Radcliffe O.P. a été élevé au cardinalat par le pape François. Lors d’une récente opération chirurgicale fort grave, c’est le pape François lui-même et un grand nombre de chrétiens amis spirituels du père Lagrange qui avaient porté l’ancien maître de l’Ordre des prêcheurs dans leur prière. Le frère Timothy en a témoigné sa reconnaissance en envoyant son texte sur l’innovation de l’esprit synodal. Il aurait aimé participer en présentiel à la Journée d’étude de Nice mais des engagements avaient déjà été pris auparavant, pour un autre continent, à la date du 9 mars 2024.

Nombreux sont ceux qui ont bénéficié des grâces envoyées par Dieu en réponse à l’intercession du père Lagrange : grâces de conversion et d’intelligence de la foi, grâces de réconciliation dans les familles, grâces de fidélité et d’engagement pour la justice dans les entreprises, grâces pour la santé des malades …

Le père Lagrange a beaucoup voyagé par bateau entre Jérusalem et l’Europe. En arrivant et en quittant le port de Marseille, il saluait Notre-Dame de la Garde, qui veille sur la cité phocéenne. Aux noces de Cana, la mère de Jésus a intercédé pour les nouveaux époux qui n’avaient rien demandé ; Mère de miséricorde soucieuse du bien de toute l’humanité, croyante ou incroyante. C’est à la Vierge Immaculée que le père Lagrange avait confié toute sa vie ainsi que la direction de l’École biblique. Il n’en a pas été déçu !

Pourquoi ne pas l’imiter en remettant entre les mains de la Vierge Marie notre vie et notre mort, ce que nous avons et ce que nous sommes ?

Saint-Denis (La Réunion), le 15 novembre 2024, en la fête de saint Albert le Grand, patron de baptême d’Albert Lagrange, devenu en religion le père Marie-Joseph Lagrange.

Fr. Manuel Rivero O.P.

……………………….

Prière pour la glorification du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange 

« Père saint, tu as mis en ton serviteur le frère Marie-Joseph Lagrange, le désir de la vérité et un goût passionné pour la Parole de Dieu.  A la lumière de la Loi de Moïse, des Prophètes et des Psaumes, il a scruté le mystère de Jésus-Christ et son cœur est devenu brûlant. Avec la Vierge Marie, il a médité l’Évangile dans la prière du rosaire. Il a voué son existence à l’étude scientifique de la Bible dans l’harmonie évangélique de la foi et de la raison afin de sauver les âmes perturbées par la critique scientifique.

Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves.

Nous te prions, Père, de hâter le jour où l’Église reconnaîtra publiquement la sainteté de sa vie, afin que son exemple bienfaisant entraîne nos frères à croire en la Parole de Dieu.

Que l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange nous obtienne les grâces dont nous avons besoin, et en particulier : (précisez lesquelles).

Nous te le demandons, Père, au nom de ton Fils Jésus-Christ, dans la communion du Saint-Esprit, un seul Dieu Vivant pour les siècles et des siècles. Amen.

Contact : Association des Amis du Père Lagrange. Couvent des Dominicains. 9, rue Saint-François-de-Paule. F-06300 Nice. Site Internet : http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain.

Courriel : pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com

[1] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.

[2] Marie-Joseph Lagrange, Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem. Paris. Alphonse Picard et fils, éditeurs. 1894. P. 173.

[3] M.-J. Lagrange, des Frères prêcheurs, Évangile selon saint Jean. Paris. J. Gabalda, éditeur. 1927.

[4] Thomas d’Aquin, Commentaire sur les Psaumes. Introduction, traduction notes et tables par Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy, osb. Éditions du Cerf. 1996. P. 267. Commentaire au Psaume 21,15.

[5] Saint Thomas d’Aquin, Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Lettres Latines. Paris. 1969. P. 101.

[6] Interview de Jean Guitton par le frère Manuel Rivero O.P. sur le père Lagrange, in La Revue du Rosaire, n°162, novembre 2004.

[7] Jean Guitton, L’œuvre du père Lagrange, article demeuré inédit. Archives de la Province dominicaine de Toulouse et de la vice-postulation. P.5.

[8] Jean Guitton, L’œuvre du père Lagrange, article demeuré inédit. Archives de la Province dominicaine de Toulouse et de la vice-postulation. P. 15.

 

26 décembre 2024

Saint Étienne

Diacre. Premier martyr de l’Église

« L’imitation du Christ par saint Étienne, premier martyr »

Diacre, premier martyr à la suite du Christ Jésus, saint Étienne a reçu la grâce d’imiter son Seigneur dans la mort.

Salamanque et Jérusalem

L’École biblique de Jérusalem fondée par le père Lagrange, dominicain, en 1890, a été bâtie sur le lieu du martyre de saint Étienne. La basilique et le couvent des Dominicains à Jérusalem ont aussi choisi le patronage de saint Étienne.

À Salamanque, l’illustre couvent des Dominicains, qui a marqué l’histoire du droit et de la théologie, se trouve aussi sous le patronage de saint Étienne. C’est là que le fondateur du droit international, le frère dominicain Francisco de Vitoria (†1546) a enseigné.

Est-ce une coïncidence due au hasard ? Ou bien s’agit-il d’une logique qui relie saint Étienne à l’exégèse et à la défense des droits ?

Les Actes des Apôtres nous font découvrir la personnalité, l’âme et le témoignage de saint Étienne, diacre. Il s’agit d’un homme « rempli de grâce et de puissance » (Ac 6,6), qui accomplit des merveilles.

Étienne, prédicateur et exégète

Prédicateur, Étienne transmet la sagesse de Dieu en interprétant l’Ancien Testament, depuis Abraham et Moïse, à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus qu’il appelle « le Juste » (Ac 7,52).

Étienne, victime de l’injustice

Aveuglés par un attachement à la lettre de la Loi de Moïse et non à son esprit, des membres de la synagogue vont chercher à le mettre à mort, par tous les moyens possibles, dont les faux témoins qui lui reprocheront de vouloir détruire le Temple de Jérusalem et d’abolir la Loi. Ces gens de la synagogue déforment et manipulent les propos de Jésus qu’ils interprètent de manière matérielle, alors que Jésus parlait du temple de son corps qui allait mourir et ressusciter  : Nous avons entendu dire par Étienne que Jésus de Nazareth détruira le Temple et changera les usages que Moïse nous a transmis, déclarent-ils (cf. Ac 6,14).

Étienne, prophète

Prophète, il dénonce l’attitude de ceux qui vont le condamner à la lapidation : « Nuques raides, vous résistez toujours à l’Esprit Saint ! » (Ac 7, 51). Il leur reproche l’assassinat de Jésus, le Juste.

Étienne, martyr

Rempli de l’Esprit Saint, Étienne reçoit la grâce de contempler dans la gloire du Ciel, Jésus, debout à la droite de Dieu (cf. Ac 7,55). Frappé par les pierres de la lapidation, Étienne imite la mort de Jésus en remettant sa vie entre les mains de Jésus et en implorant le pardon de ses bourreaux. Remarquons cependant une différence dans la prière de Jésus sur le Calvaire et la prière d’Étienne. Alors que Jésus s’adressait à son Père, Étienne se tourne vers Jésus : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » ; « Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (Ac 7, 59-60).

Paul, collaborateur du meurtre d’Étienne

Saul, le futur Paul, grand évangélisateur, approuvait la lapidation d’Étienne. Il gardait les vêtements des bourreaux pendant le supplice (cf. Ac. 22,21).

Prions pour ceux qui sont sous le patronage de saint Étienne de par leur prénom ou en fonction des institutions.

Prions pour les victimes des injustices.

Prions pour les juristes et pour les biblistes.

Prions pour ceux qui persécutent Jésus-Christ et les chrétiens.

Prions pour les diacres de notre diocèse de La Réunion.

Manuel Rivero O.P.

Je vis ma foi, 2020.

 

25 décembre 2024

Joyeux Noël à tous !

Un Psaume pour la nuit de Noël

Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom ! De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles !
Il est grand, le Seigneur, hautement loué, redoutable au-dessus de tous les dieux :
néant, tous les dieux des nations ! Lui, le Seigneur, a fait les cieux :
devant lui, splendeur et majesté, dans son sanctuaire, puissance et beauté.
Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom. Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis,
adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté : tremblez devant lui, terre entière.
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! » Le monde, inébranlable, tient bon. Il gouverne les peuples avec droiture.
Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête. Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre. Il jugera le monde avec justice, * et les peuples selon sa vérité !

Psaume 96 (95)

23 décembre 2024

Le 23 décembre 1901, anniversaire de ma première messe, 23 décembre 1883, les deux à l’autel du Rosaire.

« Ô Marie, si cette retraite, si médiocre, a été la dernière, que mon dernier mot soit pour vous dire : Tuus sum ego, salvum me fac ! (Je suis vôtre, sauvez-moi !)

(Journal spirituel du P. Marie-Joseph Lagrange. Cerf. 2014.)

Illustration : la chapelle du Rosaire à Jérusalem.

Nota : le premier à Zamora en Espagne, le deuxième à Jérusalem.

22 décembre 2024

IVe Dimanche de l’Avent

La visite de Marie à Élisabeth

« D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Luc 1, 39-45)

Lc 1. 39 En ces jours-là, Marie se mit en route et partit avec diligence pour la montagne, vers une ville de Juda.

40 Et elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. 41 Or il arriva, lorsqu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, que l’enfant tressaillit dans son sein. Et Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, 42 et elle éleva la voix avec un grand cri et dit : « Tu es bénie parmi les femmes, et le fruit de ton sein est béni ! 43 Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? 44 Car, dès que le son de ta salutation est arrivé à mes oreilles, mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. 45 Et heureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui lui a été dit de la part du Seigneur. »

Le P. Lagrange développe dans son texte de l’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 50 :

En parlant à Marie d’Élisabeth, l’ange Gabriel avait suggéré la pensée d’une visite à cette parente. Il ne s’était pas expliqué comme avec Zacharie sur la carrière de l’enfant qu’elle portait. Marie cependant devait conjecturer que les deux interventions divines allaient au même but. Il lui tardait, non pas de constater le signe, car elle avait cru d’une foi parfaite, mais d’assurer Élisabeth de sa sympathie, peut-être de conférer avec elle de la destinée de ces deux enfants. Éclairée d’en haut, mue par la charité, elle se hâta de partir pour aller féliciter et assister la femme jusqu’alors stérile, qui cachait le plus longtemps possible son secret.

Profitant d’une caravane qui se dirigeait vers Jérusalem, peut-être à l’occasion de la Pâque, elle s’achemina vers la montagne de Juda. En employant le nom hébreu de Juda, au lieu de la forme « Judée », saint Luc donne à entendre que la ville où elle allait était dans le territoire de l’ancien royaume de Juda, spécialement dans la tribu de Juda, dont l’extrémité nord touchait Jérusalem. Cette ville, ou plutôt ce village, n’est pas nommé. Une tradition existant déjà au ve siècle désigne le village de Aïn-Karim, « la source abondante », nom arabe substitué à l’hébreu Karem[1]. La tradition n’a pas été interrompue et la fête de saint Jean s’y célèbre toujours très solennellement[2].

Marie put arriver le quatrième jour après avoir quitté Nazareth, et entrant dans cette maison amie elle rencontra d’abord Élisabeth. La première, elle la salua avec la cordialité d’une parente, la déférence d’une jeune fille pour une femme âgée, une grâce souriante indiquant qu’elle n’ignorait rien.

Alors s’opéra ce qu’avait annoncé l’ange à Zacharie, que son fils serait rempli de l’Esprit Saint avant sa naissance : l’enfant tressaillit dans le sein d’Élisabeth. C’était comme un pressentiment obscur de l’approche de Celui dont il devait annoncer la venue parmi les hommes. Sa mère, elle aussi, fut remplie de l’Esprit de Dieu et pleinement éclairée sur la dignité de la Mère du Messie. Elle l’a salua donc à son tour en s’écriant dans un transport sacré : « Vous êtes bénie parmi les femmes, et le fruit de votre sein est béni ! Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Dès que le son de votre salutation est arrivé à mes oreilles, l’enfant a tressailli dans mon sein. Bienheureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur. » Et Marie répondit par les strophes du cantique que nous nommons le Magnificat.

[1] Jos 15, 59, dans le grec, mais qui manque en hébreu.

[2] Le lieu de la Visitation est un peu à l’ouest de la belle source ; aux ruines monumentales du Moyen Âge des recherches très récentes des pères Franciscains ont ajouté d’importants vestiges byzantins.

 

15 décembre 2024

IIIe Dimanche de l’Avent

Dimanche de Gaudete [Réjouissez-vous !]

La joie comme pédagogie

À Jérusalem, le père Lagrange soutenait l’apostolat des Frères des écoles chrétiennes, fondées par saint Jean Baptiste de la Salle, qui éduquaient des milliers d’enfants en Terre sainte. Il leur conseillait la joie comme pédagogie évangélique (1).

Aujourd’hui encore la joie témoigne de la foi dans la Bonne Nouvelle. Il y a la joie immense de certains rassemblements comme les JMJ. Cette joie trouve ses racines dans la Croix du Christ. Il ne s’agit pas d’un bien-être éphémère mais d’un fruit de la présence de l’Esprit Saint tel que saint Paul le décrit dans son Épître aux Galates (5, 22).

(1) Cf. Éloge funèbre du frère Évagre prononcé par le père Lagrange, le 4 mars 1914, en l’église du patriarcat latin à Jérusalem, en présence du patriarche latin PH. Camassei et du consul général de France G. Gueyraud : « C’est de sa mère qu’il (frère Évagre) tint cette recette, qu’il recommandait volontiers, de prendre chaque matin une petite tasse de bonne humeur. Cette mère, si courageuse dans sa tendresse, ne se doutait sans doute pas qu’elle donnait une forme agréable à la célèbre maxime de saint Antoine contre les tentations. Le premier remède est la gaieté, le second, la gaieté, et le troisième ? La gaieté. » (Marie-Joseph Lagrange, O.P., L’Écriture en Église. Choix de portraits et d’exégèse spirituelle(1890-1937), Présentation par Maurice Gilbert, s.j., Lectio divina 142, Paris, Éditions du Cerf, 1990, p. 54).

10 décembre 2024

Jour-anniversaire de la montée au Ciel du Serviteur de Dieu le P. Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

En union de prières avec Fr. Manuel Rivero O.P. qui célèbre la messe de ce jour aux intentions confiées de nos amis par l’intercession du P. Lagrange et pour sa glorification.

Pensée du P. Lagrange dans son Journal spirituel : « La présence de Dieu est une lumière : parce que, quand on voit tous les objets en Dieu, aucun d’eux ne peut arrêter la pensée, la fixer et la détourner de sa fin suprême : dans la nuit, on se heurte à chaque pierre du chemin ; le
jour, on franchit les plus sérieux obstacles » (Journal spirituel).

IMPORTANT : Pensez à nous faire parvenir les grâces reçues par l’intercession du P. Lagrange. Courriel : pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com.

9 décembre 2024

L’Immaculée Conception

« Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous »

La dévotion mariale du P. Lagrange plongeait ses racines dans le mystère trinitaire, source et sommet de la foi chrétienne. Alors que la neige recouvre de son manteau blanc la ville de Salamanque, il décrit ainsi le rôle et la place de Marie :

« Elle est la fille chérie du Père céleste, la bien-aimée du Saint-Esprit, la mère et l’amie de Notre Seigneur Jésus, la compagne fidèle de ses joies et de ses douleurs. Elle est plus belle que les anges, plus pure que la neige fraîchement tombée, plus souriante que l’aurore. Elle est la Vierge fidèle qui n’abandonne pas ses serviteurs : quand nous pensons à elle, elle se réjouit dans son Cœur Immaculé ; quand nous parlons d’elle, elle sourit ; elle se penchera vers nous, si nous la saluons par une antienne. » (Cf. Journal spirituel)

(Manuel Rivero, Le Père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire, Cerf, 2012, p. 29.)

8 décembre 2024

 IIe dimanche de l’Avent (Luc 3, 4-6)

Préparez le chemin du Seigneur

« Ainsi qu’il est écrit dans le livre des paroles du prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers : Tout ravin sera comblé, et toute montagne et [toute] colline abaissée, et les chemins sinueux deviendront [une voie] droite et les raboteux des chemins unis : Et toute chair verra le salut de Dieu. »

[Jn 1. 6 Il y eut un homme, envoyé de Dieu. Son nom était Jean. Cf. § I. 23 Il dit : « Je suis la Voix de celui qui crie dans le désert : Redressez la voie du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Cf. § 22.]

Dieu cependant n’avait pas abandonné son peuple. Il avait promis maintes fois, par les prophètes et par les psalmistes, d’établir son règne personnel. La maison de David remonterait sur le trône. L’horizon de la prophétie se terminait à un descendant du saint roi, le Messie ou l’Oint du Seigneur, roi comme David et ses successeurs, mais un roi uniquement appliqué à faire régner le Seigneur.

Cette promesse était un objet de foi pour l’élite religieuse d’Israël. Si l’on veut mesurer à quel point de perfection morale une longue suite de révélations, de châtiments imbibés de miséricorde, la fidélité des familles pieuses, l’héroïsme des derniers martyrs avaient haussé les aspirations d’Israël, il faut comparer cet idéal avec celui qu’avaient conçu les plus sages parmi le peuple le plus cultivé.

Oui, Platon avait rêvé d’un état organisé pour faire régner la justice intérieure ; il avait même entrepris personnellement de faire réussir cette gageure dans ses trois courageux voyages en Sicile. Mais il était revenu abattu, n’osant plus s’assurer sur son rêve, d’ailleurs si incohérent comme tous les rêves, et personne n’attendait plus la réforme morale d’un état par un philosophe. L’État aspirait à faire régner l’ordre et la paix. C’était beaucoup, et tout ce qu’on pouvait lui demander. Dieu eût pu faire quelque chose de plus, et tout d’abord se faire connaître comme le principe de toute sainteté et de toute justice, la source des commandements équitables, la raison suprême de toute vie morale. On le pressentait. Mais dire comme les Pythagoriciens : « imite et suis Dieu », quand on continuait à adorer les dieux du paganisme, n’était-ce pas la suprême ironie, ou l’inconscience d’une pensée chimérique ?

Comme tout était plus clair dans Israël ! Le Dieu qui avait créé le monde en était le seul maître ; c’est lui qu’il fallait servir comme le véritable Roi. Mais, les hommes étant sourds à sa voix, c’était à lui de se montrer pour être reconnu et prendre possession de son règne. On l’en suppliait.

La formule des dix-huit bénédictions n’a été composée qu’après la ruine de Jérusalem, mais plus d’un siècle auparavant la prière instante de tout Israélite pieux était déjà : « Règne sur nous, Seigneur, toi seul ! »

Le règne de Dieu, les Juifs pieux, auditeurs du Baptiste, le souhaitaient donc de toute leur âme. Pourtant le « toi seul » n’était pas tout à fait sincère chez la plupart, car tout bon Israélite espérait bien régner avec Dieu sur les nations châtiées et asservies. Car enfin Dieu règne, il a seul le droit de régner. Mais il faut des ministres ; il est si loin dans sa gloire inaccessible ! Et même, s’il règne déjà quelque peu, c’est uniquement parce qu’Israël accepte sa domination et la fait connaître. Il en sera de même, et à plus forte raison, quand les dominateurs injustes d’Israël seront à ses genoux. Cet état d’esprit, le Baptiste le comprenait très bien, et il ne le pouvait souffrir.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 87-88.)

5 décembre 2024

Ce n’est pas quiconque me dit : « Seigneur, Seigneur ! » qui entrera dans le royaume des Cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. (Mt 7, 21)

La prière aime la solitude : quand le prochain paraît, la charité se fait active. C’est le tout de la nouvelle Loi. L’ancienne était tout entière une exhortation aux œuvres. Les œuvres une fois animées d’un pur amour de Dieu, et du prochain, il n’en faut rien rabattre. Dans son programme, Jésus n’a pas prononcé un mot qui induise à croire que la connaissance de sa doctrine est comme un talisman qui à lui seul garantit la vie éternelle. Loin de là. Celui qui aura écouté ses paroles et même y aura ajouté foi, sera rejeté s’il ne les a pas mises en pratique. La doctrine est distribuée à tous. Elle n’a pas le caractère d’un mystère païen, elle n’en a pas non plus l’efficacité en tant que science privilégiée. Rien non plus d’un pseudo-mysticisme oisif.

Il faut agir. Mais agir pour faire la volonté du Père : « Ce n’est pas quiconque me dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui fera la volonté de mon Père. » Depuis que cette parole a été dite, les penseurs chrétiens ont sondé la valeur des actions morales et les conditions de la perfection chrétienne. De plus en plus leur enseignement se résume en ce point que toute la perfection consiste à s’unir à la volonté de Dieu, à l’accomplir selon ses forces, ou du moins à s’y abandonner. Une seule parole de Jésus faisait déjà toute la lumière.

[…] La nouvelle période qui s’ouvre sera encore un temps de lutte. Elle sera d’une durée indéterminée, cependant assez considérable, régie par un principe nouveau, mais dans une situation du monde inchangée, puisque l’ancienne loi ne cessera pas de subsister.

Une loi, par définition, implique un niveau de préceptes qui puissent être exécutés par tout le monde. Elle commande, elle ne conseille rien ; libre à chacun de pratiquer quelque chose de plus parfait. Si la loi de Moïse n’avait été qu’une loi réglant la conduite des hommes en vue de leurs devoirs positifs, sociaux et même religieux, on pourrait dire que désormais elle avait cessé d’exister, puisque Jésus propose un autre mobile que l’obligation, celui de la charité, laquelle peut toujours être plus parfaite. À des règles de minimum, il substitue des conseils de perfection qui tendent vers l’infini. L’aspect paradoxal de quelques-unes de ses indications indique bien que sur cette voie la charité pourra toujours se surpasser elle-même. On peut dire vraiment avec saint Paul qu’on n’est plus sous la Loi, mais sous la grâce.

(Marie-Joseph Lagrange, O.P. Lire le texte entier dans L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique. Artège-Lethielleux. 2017. P. 177-178.)

3 décembre 2024

L’apocalypse d’Isaïe se compose de deux parties bien distinctes

C’est d’abord, pour une époque indéterminée, l’annonce du jugement qui doit précéder le règne de Dieu, la description symbolique du bonheur qu’il fait partager à ceux qui accepteront son règne et des châtiments qu’il infligera à ses ennemis, et le chant de triomphe qui rapporte à Dieu tout l’honneur de la victoire et du salut des hommes. Cette première partie se trouve donc naturellement partagée en trois subdivisions. Si l’auteur n’avait pas nommé Sion, représentée comme le siège du royaume de Dieu, et Moab, type de ses adversaires obstinés, on pourrait dire que tout ce morceau est en dehors de l’espace comme du temps : il embrasse le ciel et la terre (XXIV-XXVI, 19). Mais ce royaume de Dieu, auquel toutes les nations étaient conviées, donnait des espérances trop éloignées et trop vagues, la portée morale de la prophétie était trop haute pour qu’elle fût comprise des contemporains. Le prophète redescend de ces hauteurs et s’adresse à son peuple (XXVI, 20-27) : il lui applique les circonstances de ce jugement général, ou plutôt, en donne une première image, dans le jugement particulier qui atteindra Israël et ses puissants voisins. Ce premier jugement, qui détruira les puissances ennemies du peuple de Dieu, aura pour résultat la conversion de l’idolâtrie chananéenne : dès lors les exilés reviendront d’Assyrie et d’Égypte ; et ce morceau plus concret se termine, comme le premier, par l’annonce du royaume de Dieu.

(Marie-Joseph Lagrange O.P. Extrait de L’Apocalypse d’Isaïe (24-27) à propos de commentaires. Voir article complet cf.Revue biblique. 1894. P. 200-231.)

1er décembre 2024

Premier dimanche de l’Avent

 

La raison est la maîtresse des passions, l’homme est le roi du monde. Fort bien ! Mais l’homme désarmé, en présence d’animaux sauvages et irrités, n’est pas plus misérable que la raison humaine livrée à ses propres forces contre les assauts des passions furieuses. Dieu seul peut rendre à la raison affaiblie par le péché son empire sur les puissances sensibles, c’est en lui qu’elle trouve sa force ; et c’est la prière qui lui donne ce regard souverain qui charme les passions indomptées.

(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, 1er décembre 1880, p. 109, Cerf, 2014.)

 

 

 

 

Écho de notre page Facebook : novembre 2024

25 novembre 2024

L’obole de la veuve (Luc 21, 1-4)

Ayant levé les yeux, Il (Jésus) vit des riches qui jetaient leurs offrandes dans le Trésor. Il vit aussi une pauvre veuve qui y jetait deux petites pièces. Et il dit : « Vraiment je vous dis que la pauvre veuve que voici a jeté plus que tous les autres. Car tous ceux-ci ont jeté de leur superflu dans les offrandes ; mais elle, elle a jeté de son indigence, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Le P. Lagrange ajoute : Un petit coin de ciel bleu entre deux orages. Jésus venait d’annoncer aux Pharisiens le châtiment qui menaçait Jérusalem. Avant de reprendre avec ses disciples ce sujet redoutable, il s’assit en face du Trésor. Des riches jetaient largement les pièces de monnaie dans les ouvertures extérieures destinées aux dons pour le Temple. Une pauvre veuve survenant y glissa deux petites pièces, la valeur d’un quart d’as. C’étaient une dernière occasion d’enseigner aux disciples que le seul don qui importe est celui du cœur. La qualité de l’observance extérieure n’est rien, toute la vertu religieuse est dans l’intention. Il leur dit donc : « En vérité, je vous le dis : la pauvre veuve que voici a jeté plus que tous ceux qui ont jeté dans le Trésor. Car tous ont jeté de leur superflu, mais elle a jeté de son indigence, tout ce qu’elle avait, toute sa substance. »

(Marie-Joseph Lagrange O. P. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017)

22 novembre 2024

Sainte Cécile, vierge et martyre romaine du IIIe siècle, patronne des musiciens

Ste Cécile, chantez maintenant pour Dieu seul ; obtenez-nous la grâce d’être purs de cœur et de corps, afin que cette grâce en attire une autre : que pouvons-nous demander à Dieu ? Gratiam pro gratia [Grâce sur grâce (Jean 1, 16)]. »

(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 106.)

Note. D’après les Actes de Cécile (vers 500), repris par le dominicain Jacques de Voragine dans sa Légende dorée (vers 1261-1266), Cécile appartient à l’illustre famille aristocratique des Caecilii. Élevée dans la foi chrétienne, jeune fille fervente, charitable et lumineuse, elle fait vœu de virginité. Mariée de force à un païen du nom de Valérien, elle convainc son mari de partager son vœu. La nuit même de leurs noces, Cécile lui déclare qu’un ange veille sur sa virginité. Désireux de voir cet ange, Valérien décide de se faire instruire dans la foi chrétienne. Il est baptisé par le pape Urbain Ier. Son frère Tiburce le suit dans sa démarche.

Sainte Cécile est vénérée à Rome depuis au moins la fin du Ve siècle et son culte semble s’être répandu dans l’Albigeois dès le haut Moyen Âge. Le culte de cette sainte invoqué par les chrétiens depuis si longtemps est la patronne de la cathédrale d’Albi.

(Source : https://cathedrale-albi.com/histoire/qui-est-sainte-cecile/ )

Prière à sainte Cécile

Sainte Cécile, toi qui as été fidèle au Christ jusqu’au don suprême de ta vie, tu as connu le martyre en même temps que ton mari et ton beau-frère, auxquels tu avais fait connaître le Sauveur Jésus. Obtiens-nous du Seigneur la capacité de rendre compte sans tiédeur de notre foi au Ressuscité, autant auprès de nos proches que de tous ceux qui cherchent un sens à leur vie. Fais qu’à ton école, nous apprenions à demeurer dans la louange et dans la joie de ceux qui croient en l’Amour divin et vivent heureux de partager leur amitié avec le Christ. Amen !      Albi, le 22 novembre 2012. ✠ Jean Legrez, o.p.  Archevêque d’Albi.

Illustration : Sainte Cécile, Musée national du Prado, Madrid

21 novembre 2024

Mémoire de la Présentation de la Vierge Marie au Temple

La parenté de Jésus

Touchante légende qui fait naître et grandir Marie à Jérusalem, dans un logis proche du Temple. Là où ses parents conduiront un jour leur fillette pour servir dans ce lieu saint. Elle y demeurera jusqu’à ses douze ans, avant de devenir la fiancée d’un certain Joseph.

Cette pieuse histoire nous est racontée dans le Protévangile de Jacques, un apocryphe de la fin du 2ème siècle qui connut en son temps un immense succès. Ce récit donna lieu à une fête liturgique célébrée le 21 novembre. D’abord en Orient, puis en Occident.

Ne nous étonnons pas si beaucoup de religieuses ont choisi le jour de cette fête pour émettre leurs vœux ou pour les renouveler. Elles ont pris la jeune Marie comme modèle. Comme elle, elles ont voué leur vie au service de Dieu.

Jésus, cependant, dans l’évangile de ce jour, donne une envergure plus large à cette consécration. Font partie de sa « parenté » non seulement sa mère et les religieuses, mais « tout disciple qui fait la volonté de son Père ». Il se pourrait donc que vous apparteniez vous aussi à la famille de Jésus. Alors, bonne fête !

  1. Guy Musy

https://dominicains.ch/article/presentation-de-marie-au-temple

 

10 novembre 2024 – Jour-Anniversaire du retour au Père du Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange O.P.

Obéissance : « Ma conclusion était toujours prière, obéissance : la prière c’est Jésus, l’obéissance c’est Jésus. »

L’obéissance exemplaire du P. Lagrange est l’origine de ses nombreux tourments.

« Ceux qui l’ont connu ont témoigné de sa foi rayonnante et de son exemplaire obéissance dans les épreuves » mentionne la prière pour sa glorification.

Aujourd’hui, par la prière, au cours de la messe célébrée par le Fr. Manuel Rivero, confions-lui nos demandes de grâces (miracle ?).

9 novembre 2024

Dans quel livre (titre et auteur) apparaît le texte ci-dessous :

[Le père Lagrange en demandant à ce que ses lettres soient détruites après sa mort] nombreux sont ceux qui regrettent cet acte qui nous a privés de tout un pan des archives du fondateur de l’École biblique. Il importe […] d’y entrevoir l’âme de celui qui vivait pour ce Dieu caché, révélé dans la Bible. Le père Lagrange choisit l’effacement plutôt que la publicité, l’essentiel reste invisible. La vie chrétienne est cachée avec le Christ en Dieu selon l’apôtre Paul. L’amitié, comme la nappe phréatique, ne se manifeste à l’extérieur que par les fruits portés. En l’occurrence, les amitiés du père Lagrange rayonnent la paix, la fidélité et la joie. Dans son commentaire du chapitre 15 de l’évangile selon Jean, le père Lagrange explique comment les disciples de Jésus, appelés amis, éprouvent la joie originale de se savoir aimés. Choisis et envoyés, ils témoignent en tant qu’amis de Jésus. Le père Lagrange voit dans cette relation d’amitié la clé et le secret de la vie apostolique. La surabondance d’amour fait sortir l’homme de lui-même dans ce que nous pouvons appeler l’extase apostolique, qui n’est pas une œuvre publicitaire, mais un témoignage d’amitié envers l’autre pour lui-même. La prédication et l’action des chrétiens jaillissent de la source claire et savoureuse de Jésus qui a donné sa vie en sacrifice pour ses amis.

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5 novembre 2024

L’actualité du père Lagrange

Lors des Journées Lagrange : Exégèse et Fidélité, à Rome, en 2015, à l’Angelicum, la conférence d’Olivier Artus (1) a traité du sujet : Le Père Lagrange dans l’Histoire de l’exégèse biblique catholique – L’apport de l’exhortation post synodale « Verbum Domini » : la dimension théologique de l’exégèse biblique :

« L’intuition de Benoît XVI semble donc être, dans ce document post-synodal, de dépasser l’opposition histoire/théologie en empruntant le chemin d’une approche canonique qui honore à la fois critique historique et recherche du sens plénier et théologique, et qui puisse parvenir à la manifestation d’une interprétation juste, véridique, du texte biblique, et ainsi à l’édification de la communauté chrétienne qui se construit dans une écoute commune de la Parole de Dieu.

L’Église catholique a mis plus d’un siècle pour répondre aux défis auxquels fut confronté le père Lagrange à la fin du 19ème siècle. Il est remarquable de noter que bien des éléments de son intuition de départ se retrouvent aujourd’hui dans les solutions proposées par les documents magistériels relatifs à la pratique de l’exégèse biblique dans l’Église catholique ; à savoir : ne renoncer en rien à la scientificité de l’étude du texte biblique, mais dans le même temps, ne renoncer en rien à la dimension théologale de l’étude du texte biblique — théologale, c’est-à-dire qui puisse rendre possible la rencontre de Dieu en Jésus-Christ. »

(1) P. Olivier Artus, aujourd’hui, recteur honoraire de l’Institut catholique de Paris et ancien membre de la Commission biblique pontificale.

Écho de notre page Facebook : octobre 2024

31 octobre 2024

Éclairage sur l’évangile de ce jour par le P. Marie-Joseph Lagrange O.P.

Les ruses du renard Hérode et le dessein de Dieu (Luc 13, 31-32)

Luc 13. À cette heure même quelques Pharisiens s’approchèrent et lui dirent : « Sors d’ici, et va-t’en ; car Hérode veut te tuer. » Et il leur dit : « Allez dire à ce renard : « Voici : aujourd’hui et demain je chasse des démons, et j’accomplis des guérisons, et le troisième [jour] je suis consommé. 3Cependant, aujourd’hui et demain et le [jour] suivant, je dois être en route, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem. » »

Jésus termina sa réponse sur ces paroles : « Quelques-uns des derniers seront les premiers, et des premiers seront les derniers. » Il était aisé de comprendre que les premiers appelés étaient les docteurs Juifs ; ils s’exposaient à arriver trop tard, par leur refus d’écouter le vrai docteur envoyé par Dieu, tandis que d’autres, d’abord égarés sur des voies trompeuses, seraient admis, ayant fait pénitence, même s’ils avaient appartenu au monde des Gentils.

Cette allusion ne pouvait être agréable aux Pharisiens. À leur ordinaire ils dissimulèrent, et, feignant une inquiétude sympathique, ils dirent à Jésus avec une brusquerie qui trahissait leur secrète pensée : « Sors d’ici et va-t’en ; car Hérode veut te tuer. » On comprend très bien qu’ils se sont faits les complices empressés des désirs du tétrarque. Cauteleux plutôt que violent, celui-ci ne voulait pas d’affaires. Jésus revenu sur ses terres, c’était une nouvelle poussée de l’agitation qui avait secoué la Galilée, plus dangereuse encore sur la frontière des Nabatéens, ses ennemis depuis son divorce avec la fille de leur roi. Faire enlever Jésus et recommencer la tragédie du meurtre de Jean Baptiste eût été une solution extrême, désagréable. Le mieux était d’éloigner l’indésirable par un conseil discret et bienveillant en lui laissant croire qu’il déjouait de la sorte une embûche. Mais Jésus n’avait d’autre règle que la volonté de son Père. Sa mission n’était pas terminée : « Allez dire à ce renard » – cette ruse était digne de la bête artificieuse fertile en bons tours – : « Voici que je chasse des démons et que j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je dois être consommé. » C’est alors seulement qu’il se rendra à Jérusalem où la parole d’un prophète est plus sonore et plus chargée de conséquences, soit qu’on l’écoute ainsi qu’il arriva à Isaïe, soit qu’on le méconnaisse et le maltraite comme ce fut le lot de Jérémie, car il ne convient pas qu’un prophète, surtout tel que lui, périsse en dehors de Jérusalem. Il n’a donc rien à craindre d’Hérode, et Hérode n’a qu’à prendre patience quelque peu : « Aujourd’hui et demain et le jour suivant, je dois continuer ma route. » C’est donc par deux fois que Jésus énonce ce délai de trois jours, manifestement dans une intention prophétique. Ce ne sont pas des jours naturels, la suite l’indique assez. Ce ne sont pas non plus des années, car la Passion est proche. Ce sont donc plutôt des mois. Or si ces paroles ont été prononcées après la fête de la Dédicace, vers la fin de janvier, comme il est très vraisemblable, il restait à Jésus deux mois et demi avant de mourir à Jérusalem.

Nous ne savons comment le tétrarque accueillit cette réponse, qui fut sans doute plutôt envenimée qu’atténuée par les Pharisiens. Elle ne fit qu’exciter davantage cette curiosité, tempérée alors par la prudence politique, que Jésus sut tenir en respect de la même manière lors de la Passion.

Apostrophe à Jérusalem

Lc 13. « Jérusalem ! Jérusalem ! qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés ! Combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants comme la poule sa couvée sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu… Voici qu’on vous laisse votre maison… Or je vous [le] dis, vous ne me verrez plus, jusqu’à ce que vienne [le moment] où vous direz : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! »

[…] Ainsi la justice longtemps suspendue, va frapper. Ainsi le peuple choisi, dont l’élection était figurée par Abel, est entré dans les sentiments de Caïn contre le Messie, frère issu de son sang qui lui était envoyé, et il poursuivra encore de sa haine les messagers du pardon qui viendront après lui. Aucun homme n’est puni que pour ses fautes, mais cette fois la nation va se charger d’un crime qui résume tous les crimes amoncelés depuis l’origine du monde, et son châtiment, longtemps différé, sera définitif : « Jérusalem, Jérusalem ! qui tues les Prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants comme une poule réunit ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ? Voici que votre maison vous est laissée déserte » Et pourtant ! Que parlions-nous d’un châtiment définitif ? La ruine est certaine, mais n’exclut pas l’espérance, la certitude du repentir : « Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » »

C’est sans doute sur cette parole que saint Paul a fondé sa prophétie du retour des Juifs à leur Messie. L’Église n’en a jamais désespéré : elle attend toujours.

(Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse, Artège-Lethielleux. 2017)

 

25 octobre 2024

 

Dilexit nos : du verbe latin diligo, lexi, lectum, ere (dis et lego), tr., prendre de côté et d’autre, choisir, [d’où] distinguer, estimer, honorer, aimer [d’une affection fondée sur le choix et la réflexion]. (Traduction du Gaffiot)

 

 

20 octobre 2024

Le mois d’octobre est un mois favorable au chapelet nous rappelle Fr. Manuel Rivero O.P.

https://youtu.be/pUDImkAQ830?si=6-8FdN4MWN0RUMJq

Ave Maria Gratia Plena !

 

 

17 octobre 2024

Saint Ignace d’Antioche, Évêque, martyr et Père de l’Église.

https://www.collegedesbernardins.fr/mag-digital/saint-ignace-dantioche-ce-quil-a-apporte-a-leglise

Revoir aussi : https://www.mj-lagrange.org/?p=13036

15 octobre 2024

Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582). Docteur de l’Église.

Une sainte qui représente l’un des sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps (Benoît XVI).

Le premier contact avec l’Espagne dans les jours déjà brumeux de novembre ne fut pas sans mélancolie. Le splendide couvent de San Esteban, abandonné depuis longtemps, n’était guère en état de nous recevoir. C’était plus que la pauvreté, le dénuement. Mais la joie surabondait. À Salamanque nous étions à dix-neuf kilomètre d’Alba de Tormès, où reposait le corps de sainte Thérèse. Dès les premiers jours, la grande sainte, la mistica doctora des Espagnols, nous ouvrit ce grand cœur que l’on croyait voir percé d’épines. Si ces lignes ont pour but principal d’exprimer ma gratitude envers ceux qui m’ont fait du bien, je reconnais ici que le peu de lumières que j’ai eues sur la vie spirituelle m’est venu surtout de sainte Thérèse d’Avila. Mon ordination au sous-diaconat à Avila n’a pu qu’augmenter ma dévotion pour la noble et vaillante sainte. Le couvent lui-même était plein de sa mémoire. On montrait sous le grand cloître un petit guichet par où le P. Bañez entendait sa confession quand elle était dans l’église. S’installer à Salamanque, c’était prendre pied dans la théologie du XVIe siècle, car nulle part saint Thomas d’Aquin ne fut plus étudié et plus admiré, par les Carmes comme par les Dominicains.

(Souvenirs personnels. Fr. Marie-Joseph Lagrange o.p. Salamanque 1880-1884. Cerf. 1967. P. 282).

15 octobre 2024

Belle fête de Santa Teresa de Avila, la mystique espagnole qui a marqué le vie spirituelle du père Lagrange. Le père Marie-Joseph Lagrange aimait se rendre à pied de Salamanque à Alba de Tormes où se trouvent les reliques de la sainte carmélite. Dans les archives du Carmel de Alba de Tormes figure la signature du père Lagrange au coeur du livre des visiteurs. Fr. Manuel.

Le père Lagrange à Salamanque (1880-1886)
Le contexte politique, ecclésial et dominicain de son séjour en Espagne
Fr. Manuel Rivero O.P.
Introduction et problématique
Les frères dominicains de la province de Toulouse ont été expulsés de France à la suite des décrets du 29 mars 1880 par Charles de Freycinet, président du Conseil, et Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique. Ces décrets visaient l’expulsion des Jésuites et l’interdiction de vivre en communauté religieuse. 261 couvents furent fermés et 5 643 religieux expulsés.
Accueillis par les dominicains espagnols du couvent de Salamanque, les frères dominicains du Midi de la France, autour de soixante-dix, sont arrivés dans la ville baignée par le fleuve Tormes le 4 novembre 1880. Ce n’est qu’en 1886 et en 1887 qu’ils sont repartis vers le sud de la France après sept ans de vie religieuse dans le célèbre couvent des maîtres en théologie qui ont marqué l’histoire de l’Église : Francisco de Vitoria, Soto, Melchor Cano …
Quelle était la vie politique, ecclésiale et dominicaine à cette époque en Espagne ? Pourquoi le couvent dominicain de Salamanque était-il presque en ruines ? Quelle était la situation de l’Église espagnole au cours du XIXe siècle ? Pourquoi les frères dominicains avaient-ils abandonné ce prestigieux couvent ?
Il importe de bien connaître cet environnement politique et ecclésial pour situer et comprendre la vie du frère Marie-Joseph Lagrange pendant ces six années espagnoles.
Plusieurs historiens espagnols et français ont étudié le devenir des dominicains français de la Province de Toulouse à Salamanque à partir de documents sur l’histoire d’Espagne ainsi que sur l’évolution de l’Église catholique et de la Province dominicaine d’Espagne, restaurée en 1879 après quarante-cinq ans d’exclaustration. Les archives du couvent de Salamanque et de la province dominicaine de Toulouse fournissent assez de renseignements pour se faire une idée de ce que le frère Marie-Joseph Lagrange a vécu au milieu de ses frères en cette région castillane, Salamanque et Zamora, où il reçut l’ordination diaconale et presbytérale.
La situation politique au XIXe siècle
De l’Ancien Régime au libéralisme
Au cours du XIXe siècle la France passe de l’Ancien Régime au libéralisme. À partir des philosophes anglais dont Thomas Hobbes et David Hume, de la philosophie dite des Lumières, la France connaît une révolution hostile à l’Église catholique. Cette philosophie essaya de remplacer la vision chrétienne par une philosophie fondée uniquement sur la raison, la raison à la place de Dieu. La raison ne supportait aucune autorité au-dessus d’elle-même. En la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Raison fut fêtée comme une déesse alors que cet édifice sacré recevait un nouveau nom : Temple de la Raison et de la Liberté.
Il s’agissait de rompre avec le christianisme considéré comme une superstition, cause d’obscurantisme et de vie malheureuse, pour accéder à un ordre nouveau séculier, fait de progrès et de bonheur. La religion considérée comme un mythe au sens négatif du terme, vide de contenu, incompatible avec la raison, devait disparaître afin que l’homme devienne libre, égal en dignité et fraternel.
Dans l’Ancien Régime, la société était divisée en trois états : le haut clergé, l’aristocratie et le peuple. Au-dessus de tous se trouvait le roi avec son pouvoir absolu. Le haut clergé et l’aristocratie bénéficiaient de privilèges, sans charges fiscales, tandis que le peuple, en particulier la masse des paysans, supportait le poids du travail, des impôts et de la guerre tout en vivant dans la misère.
La Révolution française représenta un essai de dépassement des rapports de domination mais elle n’aboutit pas à la libération escomptée. Encore une fois, l’histoire prouve qu’il ne suffit pas de changer des structures et d’exécuter des personnes pour obtenir la justice et la paix. Sans une conversion des mentalités et des actions personnelles, les révolutions sont vouées à l’échec et appellent d’autres renversements ; l’homme demeure alors un loup pour l’homme et les rapports de domination restent vivants. Les faibles subissent toujours la loi des forts et un nouveau groupe dominant remplace le précédent.
Le positivisme, le matérialisme et le marxisme nuiront pendant le XIXe siècle à l’Église dans son enseignement, dans ses biens et même dans ses personnes. L’Église subira la persécution et le dépouillement de ses possessions. La vie monastique sera considérée comme inutile; les vœux comme allant contre la nature. D’où l’interdiction d’exister pour les moines et les religieux.
La philosophie dite des Lumières et le régime libéral vont séparer le trône et l’autel, l’Église et l’État. Cette séparation ne fut pas sans bienfaits pour l’Église qui retrouva une plus grande liberté.
Parmi les événements de l’histoire de l’Église au XIXe siècle nous pouvons signaler: le dogme de l’Immaculée Conception en 1854, les apparitions de la Vierge Marie à Lourdes en 1858, le Syllabus du pape Pie IX en 1864, le concile Vatican I et la disparition des États pontificaux en 1870 et l’encyclique du pape Léon XIII « Rerum novarum » le 15 mai 1891, texte de référence pour l’action sociale catholique comme l’étaient pour les socialistes « Le manifeste du parti communiste » (1848) et « Le Capital » de Karl Marx.
Les événements politiques en Espagne au XIXe siècle
L’Espagne reçut dans sa politique l’influence des Lumières et de la Révolution française. La politique espagnole au cours du XIXe siècle représente une succession de bouleversements dont l’Église subit les contrecoups: le 2 mai 1808, la Guerre de l’Indépendance contre la France ; le 6 juin 1808, José I Bonaparte, roi d’Espagne ; le 19 mars 1812, la Constitution espagnole avec le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et la monarchie constitutionnelle ; en 1814, le roi Fernando VII retrouve l’Espagne ; le 6 octobre 1833, la Première guerre carliste ; en 1835, Juan Alvarez Mendizabal, président du gouvernement; en 1835, la loi sur l’exclaustration des religieux ; en 1836 la loi sur l’expropriation des biens du clergé (Desamortización) ; en 1851, Concordat de l’État espagnol avec le Saint-Siège (État confessionnel catholique, possibilité pour les religieux d’enseigner dans les écoles et reconnaissance par l’Église des biens expropriés); en 1855, loi sur l’expropriation des biens du clergé de Pascual Madoz ; 1868-1874, six ans de gouvernement libéral ; 1872, Troisième guerre carliste ; 11 février 1873, Première République espagnole ; 1874, Restauration des Bourbons avec le roi Alfonso XII ; 1876, Constitution avec la division du pouvoir politique en deux Chambres : le Congrès des députés et le Sénat. Au gouvernement, alternance des partis conservateur, Antonio Cánovas del Castillo (1828-1897) et libéral, Práxedes Mateo Sagasta (1825-1903) ; 1879, Pablo Iglesias fonde le Parti socialiste ouvrier espagnol ; 1885, après la mort du roi Alfonso XII, sa femme, María Cristina de Habsburg-Lorena, est proclamée reine régente. Son fils, Alphonse XIII, naît le 17 mai 1886.
L’Église espagnole au XIXe siècle
Le pape Grégoire XVI condamna le libéralisme en 1832. En 1835, la loi sur l’exclaustration frappa 31 000 religieux et elle entraîna la fermeture de 1 940 couvents de religieux. L’Église catholique souffrit beaucoup en Espagne pendant cette période : rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement espagnol, absence de nominations d’évêques entre 1834 et 1847, plus de quarante diocèses sans évêques, difficile ministère épiscopal en de nombreux cas sous la pression du gouvernement.
La crise économique nationale étant très grave, le gouvernement chercha à la résoudre en saisissant les biens immobiliers de l’Église avec les lois d’expropriation des biens du clergé par Mendizabal (1836-1837) ; en réalité les biens furent récupérés par des gens riches qui devinrent plus forts et plus riches. Les pauvres restèrent dans la misère et ils perdirent souvent l’aide apportée par l’Église dans les écoles, les dispensaires, les œuvres de charité …
Le concordat entre l’État espagnol et l’Église en 1851 apporta un certain apaisement dans les relations bilatérales mais il ne suffit pas à restaurer les ordres religieux supprimés ni à restituer les biens saisis.
Avec la Restauration des Bourbons à partir de 1874, l’Église retrouve une plus grande liberté.
La restauration de la province dominicaine d’Espagne en 1879: le couvent de Salamanque
La loi d’exclaustration de 1835 avait dispersé les frères dominicains de la province d’Espagne. Quarante-quatre ans plus tard, en 1879, a lieu la restauration officielle de la province dominicaine d’Espagne comme le montre le document du 27 janvier 1879, signé par le vicaire général de l’ordre des Frères prêcheurs, le frère José María Sanvito, et par le ‟socius” espagnol, Provincial titulaire de Grèce, le frère José María Larroca.
Le chapitre provincial fut convoqué le 2 mai 1879 au couvent de formation missionnaire à Corias et il se déroula entre le 2 et le 11 mai 1879 . Le Province dominicaine d’Espagne comprenait à ce moment-là trois couvents représentés au chapitre provincial : Corias, Las Caldas et Padrón. Le frère Martin Clemente y Pulido, élu provincial, évoque dans les actes les décrets de 1834 à 1836 qui provoquèrent la fermeture des couvents .
Le couvent de Salamanque avait souffert des pillages des troupes françaises en 1809 . Le décret d’exclaustration de 1835 avait forcé les frères à quitter le couvent. Il avait servi de caserne, d’hôpital et de musée provincial. Le roi Alphonse XII avait relevé la détérioration du bâtiment lors d’un passage dans cette ville en 1877. En 1879, ce prestigieux couvent menaçait de s’effondrer .
Le frère Martín Clemente y Pulido avait demandé dès février 1878 aux responsables politiques espagnols l’autorisation de fonder un noviciat qui formerait des missionnaires pour l’Asie (Philippines, Tonkin et Chine). Le gouvernement espagnol comptait sur l’apport de l’Église pour renforcer la paix dans les colonies. Les couvents de formation aux missions bénéficiaient ainsi d’un traitement privilégié par rapport aux autres.
Le 6 juin 1878 un Ordre royal, expédié le 26 juin par le Ministère des finances, demanda à la Direction nationale des propriétés de l’État de livrer l’édifice dominicain à l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo, tertiaire dominicain .
Deux ans plus tard, le 9 juin 1880, l’évêque de Salamanque reçut le couvent dominicain qu’il confia aux Dominicains représentés par le frère Andrés María Solla. À cette époque il y avait dans le diocèse de Salamanque plus de cinquante frères prêcheurs exclaustrés.
L’expulsion par la France des dominicains de la province de Toulouse en 1880 poussa le frère José María Larroca, Maître de l’Ordre (1879-1891), à offrir le couvent de Salamanque comme lieu d’accueil au frère Hyacinthe-Marie Cormier, prieur provincial de Toulouse. Le frère Larroca avait subi lui-même l’exil en France entre 1836 et 1844. C’est déguisé en paysan qu’il avait fui le pays basque espagnol pour se réfugier à Saint-Jean-de-Luz et ensuite à Basusarry dans le pays basque français.
Le frère Larroca confia au frère Martínez Vigil la mission d’obtenir du gouvernement espagnol l’autorisation pour les frères dominicains français de s’installer dans le couvent de Salamanque. Les frères Solla et Manovel étaient chargés à leur tour de préparer sur place l’accueil des frères réfugiés.
Le frère Martínez Vigil rencontra le président du gouvernement, Antonio Cánovas del Castillo, et il obtint l’autorisation pour les différents dominicains français de s’établir dans plusieurs villes d’Espagne : Salamanque, Vitoria et Belmonte . C’est ainsi que les frères de la province de Toulouse purent s’installer à Salamanque. Un article de la revue « L’Année dominicaine » en 1886 témoigne de la gratitude des dominicains français envers le frère Martínez Vigil O.P.
Les frères dominicains espagnols étaient peu nombreux au couvent de Salamanque. En 1880, le prieur provincial, le frère Martin Clemente, y résidait accompagné uniquement d’un frère coopérateur, le frère José Barberá. En 1881, trois autres frères y arrivent pour assurer la prédication dans le couvent et dans le diocèse : les frères Cipriano Sáenz de Buruaga, Paulino Alvarez et Inocencio Fernández. Deux autres frères y sont aussi envoyés pour étudier à l’université: le frère Juan Tomás González Arintero, sous-diacre, et le frère Justo Cuervo, diacre. Ces deux frères étudiants atteindront par la suite un grand renom dans la théologie : le frère Juan Tomás González Arintero, dans la mystique, et le frère Justo Cuervo, comme historien.
Les frères de la province de Toulouse au couvent de Salamanque
Les frères de la Province dominicaine de Toulouse arrivèrent à Salamanque le 4 novembre 1880 ; ils furent accueillis par plusieurs dominicains espagnols exclaustrés, par l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo qui deviendrait tertiaire dominicain, ainsi que par des chanoines et des personnalités de la ville.
Le frère Marie-Joseph Lagrange, qui aimait écrire et interpréter les événements, raconte le voyage depuis Saint-Maximin et la vie dans le couvent saint Étienne de Salamanque .
Accueillis chaleureusement, les frères de la province de Toulouse organisèrent à Salamanque leur vie religieuse et intellectuelle de manière autonome, en continuant la formation des jeunes frères. Grâce à cette hospitalité, ils purent vivre en communauté alors qu’en France ils auraient été dispersés.
Sainte Thérèse d’Avila à Alba de Tormes
La proximité du carmel d’Alba de Tormes, où sont vénérées les reliques de sainte Thérèse d’Avila, favorisa aussi la découverte de la « Madre », la grande mystique espagnole, fondatrice de nombreux carmels. Le frère Marie-Joseph Lagrange s’y rendait en pèlerinage à pied, à une vingtaine de kilomètres de Salamanque, comme le montrent ses signatures dans « Le livre des pèlerins et des visiteurs du sépulcre de sainte Thérèse » : deux fois en 1883. En décembre 1883, figurent aussi les signatures de sa mère, Élisabeth, et de sa sœur, Thérèse, qui s’étaient rendues en Espagne pour son ordination presbytérale . Par ailleurs, ce livre de signatures rend compte des pèlerinages communautaires des frères français à Alba. Parmi les signatures de 1883 il convient de relever celle du secrétaire général de l’Ordre, le frère Henri Denifle. Plus tard, le frère Denifle, historien de l’Église, spécialiste de Luther, introduira le frère Lagrange à la connaissance du luthéranisme lors de ses visites à Rome .
Tout au long de sa vie dominicaine, le frère Lagrange reconnaîtra l’influence bienfaisante de sainte Thérèse sur la vie d’oraison et d’union à Dieu: « Il me semble que le résultat de l’étude de St Thomas (de Incarnatione) et de notre pèlerinage d’Albe (Alba de Tormes) doit être de me rapprocher davantage de la Très Sainte Humanité de Jésus. (…) L’amour de Jésus est la racine de la sainteté. » Ce doit être le point principal de la dévotion à Marie Immaculée. Noël m’a donné aussi quelque lumière à ce sujet ; union in persona » .
La sainte d’Avila, docteur de l’Église, manifestera aussi l’influence de son intercession à plusieurs moments importants de la vie du frère Marie-Joseph comme son ordination au sous-diaconat à Avila. C’est aussi le chapitre général d’Avila qui décida, en 1985, le lancement de la cause de béatification du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
Les frères dominicains espagnols et le peuple chrétien admiraient la ferveur des dominicains français notamment dans les célébrations liturgiques et les observances religieuses. Parmi les exemples de sainteté figure le frère Raphaël Célestin Goulesque , novice diacre de la province de Toulouse, décédé à Salamanque, le 26 janvier 1882, qui était souvent donné en exemple de vie religieuse aux jeunes frères espagnols lors de leur formation. Le bienheureux frère Hyacinthe-Marie Cormier contribua en tant que prieur provincial par ses exhortations au sacrifice et à la mission lors des visites canoniques au rayonnement de la sainteté des frères de la province de Toulouse. Alors qu’ils étaient réfugiés et pauvres, ces frères répondirent positivement en 1881 à l’appel de l’évêque de Goïas, au Brésil, Mgr Gonçalves Ponce, pour y enraciner l’ordre des Prêcheurs, ce qu’ils firent en laissant un parfum de sainteté évoqué encore aujourd’hui malgré le passage du temps. Ils donnèrent de leur pauvreté.
L’Académie saint Thomas d’Aquin
Si les frères français trouvèrent à Salamanque un refuge vital, il n’en est pas moins vrai qu’ils apportaient aussi aux frères espagnols et à la ville de Salamanque un beau rayonnement apostolique comme le prouve la création de l’Académie Saint-Thomas d’Aquin au service du dialogue entre la foi et la culture, œuvre du frère Gil Vilanova , d’origine espagnole et plus précisément catalane, qui vit le jour grâce à plusieurs aides : les évêques de Salamanque, Mgr Martín Izquierdo et Mgr Tomás Cámara, des professeurs de l’université de Salamanque et des frères du couvent Saint-Étienne. Les séances avaient lieu deux fois par mois. Cette institution engendra des centres semblables dans d’autres villes espagnoles comme Valladolid et Oviedo. Fondée en 1881, l’Académie Saint-Thomas d’Aquin continue d’organiser à Salamanque des débats sur les relations entre la théologie et la science, entre la foi et la culture, entre la religion et la politique …
Le frère Marie-Joseph Lagrange, étudiant et professeur à Salamanque
C’est au couvent Saint-Étienne de Salamanque que le frère Marie-Joseph approfondira la doctrine de saint Thomas d’Aquin. En 1883, il déclame une poésie française dont il est l’auteur sur la vocation de saint Thomas d’Aquin .
Le frère Marie-Joseph Lagrange reçut à Salamanque l’ordination diaconale et à Zamora l’ordination presbytérale le 22 décembre 1883, en présence de sa mère et de sa sœur Thérèse.
C’est à Salamanque que le frère Lagrange étudie l’hébreu, le syriaque et l’arabe . Il suivit les cours d’hébreu à l’université de Salamanque en compagnie du frère Justo Cuervo. Il était difficile à cette époque de trouver de bons professeurs et de bons manuels d’hébreu : « Le P. Gallais qui savait quelques mots d’hébreu, éprouvant des scrupules à remettre entre mes mains une bible hébraïque, me copiait de sa main quelques versets qu’il me faisait étudier » . Par ailleurs, le frère Marie-Joseph évoque avec délicatesse et humour les classes d’hébreu suivies à l’université de Salamanque qui étaient loin de satisfaire la juste attente des élèves . Le frère Marie-Joseph avait l’habitude de travailler seul et avec méthode. Il aimait suivre les cours mais il était un autodidacte qui réussissait ce qu’il entreprenait. Sa grande capacité de travail lui permit d’apprendre rapidement en consultant les ouvrages des bibliothèques.
La misère économique, la persécution politique et le retard du catholicisme en matière d’exégèse, manque relevé par le pape Léon XIII lui-même, font comprendre cette situation intellectuelle précaire qui ne fera que renforcer la passion du frère Lagrange pour l’exégèse scientifique. Défi qu’il relèvera en fondant l’École biblique de Jérusalem en 1890.
Dans ses « Souvenirs de Salamanque », le frère Marie-Joseph rappelle les tensions politiques et les menaces lors de son séjour en Espagne. Il serait erroné d’imaginer une Espagne majoritairement catholique vivant dans la paix avec une Église forte : « On craignait des troubles révolutionnaires à la mort du roi Alfonse XII. En revenant de la promenade, nous passâmes devant un ouvrier qui effilait un coutelas : ʺFrères, Frères, disait-il avec un geste significatif, on vous a chassés de France ; nous autres, Espagnols, nous ne nous payons pas de cette monnaie, nous exigeons le prix du sangʺ.
Et pourtant la noble Espagne du Cid Campeador fut prise alors d’un scrupule chevaleresque. La reine veuve Marie-Christine était enceinte. L’élite du pays ne consentit pas à se montrer brutale envers cette femme et cette mère. Le calme ne fut pas troublé un seul instant. Et quand Alphonse XIII naquit, on se félicita d’avoir un roi. La fermeté, le sens politique, surtout la bonne grâce de la pieuse souveraine avaient déjà gagné les cœurs.
Nous étions donc assurés de la paix religieuse. Mais enfin, nous étions sur un sol étranger. (…). Et maintenant, chers et cuisants souvenirs, de tant de grâces reçues de tant de grâces rebutées, envolez-vous, mués en prières, vers l’autel du Rosaire sur lequel, pour la première fois, j’ai dit la messe. Daigne la Vierge très pure que les Espagnols ont tant aimée, les sauver par sa toute-puissante intercession » .
De 1884 à 1886, le frère Lagrange enseigna l’histoire de l’Église à Salamanque au rythme de cinq classes par semaine ce qui lui permit d’étudier Origène et saint Augustin : « Les événements avaient pour nous moins d’importance que les idées: ce fut surtout une étude des controverses du premier siècle jusqu’à nos jours en insistant sur la doctrine des premiers Pères » . Le Studium de la province de Toulouse assurait la formation interne des jeunes frères.
C’est au mois d’août 1886 que le frère Lagrange rentra à Toulouse avec la première vague des frères ; la deuxième et dernière vague quitta les rives du Tormes en 1887.
Ce n’est qu’en 1892, que le chapitre provincial de Palencia décida d’installer les études de théologie à Salamanque. En 1897, le studium général de la province d’Espagne sera érigé à Salamanque qui redevint ainsi le couvent le plus important de la province d’Espagne comme jadis.
À Toulouse, le frère Lagrange enseignera la philosophie et la Bible pendant deux ans (1886-1888). Ensuite, il sera envoyé à Vienne pour étudier les langues et les civilisations orientales. La main de la Providence le guidera à Jérusalem pour y fonder l’École pratique d’études bibliques, inaugurée en la fête de son saint patron de baptême, saint Albert le Grand, le 15 novembre 1890.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’association des amis du père Lagrange
Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

10 octobre 2024

Le péché contre la chair
Homélie à la cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 6 octobre 2024.
Fr. Manuel Rivero O.P.

La liturgie de la Parole nous fait voyager dans le temps pour rejoindre la pensée et le cœur de Dieu : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme » (Mc 10, 6) ; « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1,27). Pour comprendre le mystère de l’amour de l’homme et de la femme, nous avons à contempler leur origine : la sainte Trinité. Dieu n’est pas solitaire. Il est relation. Trois Personnes qui sont un seul Dieu dans des relations subsistantes. Non pas trois Personnes, les unes à côté des autres, mais trois Personnes qui demeurent les unes dans les autres. Le Père n’existe pas sans le Fils. Il se donne entièrement au Fils. Le Fils se reçoit du Père et se donne dans l’action de grâce filiale au Père. Le Père fait le Fils et le Fils fait le Père. Il n’y a pas de Père sans Fils ni Fils sans Père. Le va-et-vient entre le Père et le Fils, leur communication, leur partage, leur lien, leur communion, leur Amour, c’est la Personne de l’Esprit Saint qui fait l’unité au cœur de la Trinité.
Créés à l’image de cette relation, sans domination, dans l’égale divinité, l’homme et la femme participent à la circulation d’amour trinitaire. Leur relation manifeste cette relation trinitaire. Façonnés par amour et pour l’amour, l’amour de l’homme et de la femme brille au cœur de la création comme a plus haute épiphanie de Dieu. L’homme et la femme sont les seules créatures que Dieu a voulues pour elles-mêmes. Tout dans la création a été prévu par Dieu pour eux. Mais ils ne sont pas les propriétaires de la Terre. Locataires et gestionnaires des biens confiés, ils doivent rendre des comptes au Seigneur.
Appelés à devenir une seule chair et un seul esprit dans le Christ Jésus, l’homme et la femme participent au mouvement d’amour des trois Personnes divines. La Bible ne dit pas que les animaux deviendront une seule chair. Ils se reproduisent par instinct. L’union de l’homme et de la femme a été voulue comme un accomplissement intégral de leur humanité. Il arrive que les époux parlent de leur conjoint comme leur « moitié ». Cela peut sembler grand et beau mais le mystère de leur union dépasse des moitiés juxtaposées. Dieu le Père n’est pas la moitié du Fils et le Fils ne représente pas la moitié du Père. Ils sont Un.
Dans l’amour conjugal les époux deviennent « une seule chair ». « Le Verbe s’est fait chair », dévoile le Prologue de l’évangile selon saint Jean. La chair, l’humanité dans sa faiblesse, est aimée de Dieu. Le Fils de Dieu est devenu fils d’une femme de notre race. L’époux demeure dans l’épouse ; tout ce qu’il accompli est réalisé en union de cœur et d’esprit avec son épouse ; l’épouse œuvre habitée par son époux. Ils sont un.
Saint Paul parle du péché contre son corps (cf. I Cor 6,18). En effet, le corps étant la demeure de Dieu, l’homme et la femme qui vont à l’encontre de la volonté d’amour pour eux comme dans la prostitution, pèchent contre la vocation du corps, « contre la chair ».
Dans le sacrement du mariage, l’époux reflète l’amour de Dieu pour l’épouse ; l’épouse transmet la grâce du Christ à son époux. Dans l’union conjugale, les conjoints grandissent en grâce et en connaissance de Dieu. Ils deviennent sacrement et visage de Dieu l’un pour l’autre. En s’aimant, ils rencontrent Dieu.
Dans la prière sacerdotale, Jésus a prié : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi qu’eux aussi soient en nous » (Jn 17, 21). Jésus veut cette unité pour tous ses disciples. Dans le sacrement du mariage, les époux s’unissent en Dieu et ils tirent leur union de l’union des trois Personnes de la Trinité sainte.
En ce moment, des laïcs mariés participent au synode sur la synodalité à Rome. Dans la communication conjugale, les époux peuvent vivre « un mini-synode » en marchant ensemble à la lumière de la Révélation divine. Nous pouvons penser à Jésus ressuscité qui a rejoint les disciples d’Emmaüs sur la route. Véritable pédagogie divine où le Ressuscité marche en silence avec deux disciples tristes ; il se met à leur écoute en leur posant des questions ouvertes afin qu’ils expriment émotions et pensées. Ce n’est qu’après ce temps d’effacement et d’humilité que Jésus leur explique le sens de la mort du Messie à la lumière de Loi de Moïse, des prophètes et des Psaumes (cf. Lc 24, 13s). Cette longue catéchèse rend leurs cœurs brûlants.
Des couples avouent souvent s’ennuyer. L’idéal matérialiste du bonheur « argent et sexe » ne comble pas. Les conversations tournent souvent autour des événements extérieurs présentés par les médias : commentaire du commentaire à la place d’oser parler de leur moi profond. D’où l’importance de la Bible pour renouveler le contenu et le niveau des échanges.
Dans les Équipes Notre-Dame , les couples prennent rendez-vous dans une ambiance de calme et de prière pour aborder sans tabou ni agressivité l’invisible de leurs existences et surtout les non-dits présents dans toutes les relations, véritables bombes à retardement, gangrène qui se développe en détruisant l’harmonie, cellules cancéreuses qui se reproduisent jour et nuit et qui finissent par rendre malade le couple.
La synodalité met en lumière l’importance de se réunir avec d’autres personnes. Ce que l’on appelle l’amour se réduit parfois à un égoïsme à deux. Le couple gagne à participer à la réflexion sur leur amour dans des fraternités ou dans des équipes de couples. A l’image des arbres qui poussent mieux et plus vite quand ils sont plusieurs en forêt que tout seuls, le couple progresse davantage en se réunissant avec d’autres couples ou d’autres personnes. De jeunes couples font aussi montre d’audace missionnaire en quittant leur pays pour servir dans des pays pauvres au milieu d’une multitude de dangers.
La prière de bénédiction occupe une place importante dans la vie familiale. Par exemple, les couples peuvent prier ensemble en bénissant Dieu et en se bénissant au nom de Dieu. Ils peuvent prendre le temps pour passer des pensées négatives à dire du bien du conjoint. Parmi les exercices pratiques figure celui de dire dix qualités à son conjoint. Curieusement, il semble plus facile de trouver dix défauts que dix qualités !
Au terme de la journée, plutôt que de couper la télévision avec la télécommande ou d’éteindre l’ordinateur en disant « je suis fatigué », il est bon de prier ensemble avec la possibilité de faire le signe de la croix sur le conjoint et sur les enfants. De même, au réveil, la bénédiction avec le signe de la croix augure une bonne journée vécue en communion avec Dieu et avec les autres.
Tout croyant en Jésus est appelé à devenir comme les enfants dans la confiance en Dieu et la bénédiction envers ceux qui vous font du bien. Si je donne un bonbon à un petit enfant, il ne me dira pas merci mais en se tournant vers sa mère il dira du bien de celui qui lui fait du bien en lui offrant une sucrerie.
Les conjoints ont à se convertir pour sauver leur amour en suivant l’esprit d’enfance de l’Évangile, à ne pas confondre avec l’infantilisme. Parfois les épouses disent : « J’ai quatre enfants à la maison ; trois enfants et mon mari qui est comme un enfant ! ».
Que Jésus qui a embrassé et béni les enfants répande sa bénédiction sur nous tous, enfants de Dieu.
10 octobre 2024
Synodalité, discernement et projets
Fr. Manuel Rivero O.P.

Tradition séculaire et originalité de l’esprit synodal
Le synode sur la synodalité qui se déroule à Rome en ce mois d’octobre 2024 a du mal à susciter l’enthousiasme des fidèles qui ne parviennent pas à saisir le but et l’intérêt de si nombreux débats.
Dès la naissance de l’Église que saint Luc décrit dans les Actes des apôtres, les apôtres se sont réunis pour traiter des sujets qui faisaient l’objet des débats contradictoires dans les communautés (cf. Ac 15). C’est en invoquant l’assistance de l’Esprit Saint que les apôtres ont pris des décisions après avoir écouté les propositions et les arguments des uns et des autres.
Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont organisé des réunions communautaires, des synodes, des conciles et des chapitres dans les ordres religieux.
Quelle est alors l’originalité et l’apport de ce synode sur la synodalité ? Il me semble que la nouvelle méthodologie adoptée aspire à répandre dans la vie de l’Église un esprit de dialogue, de participation dans l’égale dignité baptismale. D’où la disposition des tables rondes où s’expriment des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs dans l’intelligence de la foi et dans le but de parvenir à « un bouquet » d’expériences, des propositions voire des décisions en tant que frères et sœurs de Jésus.
Discerner ensemble
La synodalité repose la dignité baptismale des chrétiens et sur leur vocation à devenir disciples-missionnaires de Jésus le Christ, « Chemin, Vérité et Vie » (Jn 14,6). Habités par le même Saint-Esprit reçu avec le saint-chrême baptismal, les chrétiens pratiquent la méthode bien rodée de l’Action catholique : « regarder, discerner, transformer », en cheminant ensemble selon le sens étymologique du mot grec « synode ».
L’accent est par conséquent mis sur l’agir en commun. Le discernement passe par une recherche commune de la volonté de Dieu à la lumière de la Parole révélée, d’où l’importance de la Bible placée au cœur de la démarche synodale.
La synodalité développe un esprit de participation à l’image d’une ligne de crête en montagne qui évite deux dangers : le cléricalisme d’une part et la passivité de l’autre. Le prêtre demeure un serviteur de la communauté chrétienne. Il n’est pas le seul détenteur de la Vérité ni le seul décideur dans la paroisse. Par ailleurs, il arrive souvent que les laïcs nourrissent le cléricalisme dans une passivité et dans un absentéisme qui les arrangent. La paroisse devient alors l’affaire du prêtre tandis que les laïcs feraient appel à des services du culte selon les besoins.
L’Église, Corps du Christ, a besoin de l’action de chacun de ses membres. La foi grandit dans les rassemblements liturgiques, le partage des responsabilités et la transmission de l’Évangile notamment par la catéchèse.
La synodalité part de l’écoute de la Parole de Dieu dans le silence du cœur, elle se déploie dans la conversation spirituelle, la découverte de l’œuvre de l’Esprit Saint en chacun, la relecture personnelle des événements et l’engagement responsable dans l’Église, Famille de Dieu.
La synodalité se comprend en la pratiquant dans le couple et dans la famille à l’image de cercles concentriques qui partent du cœur et des relations de proximité pour se répandre dans la vie professionnelle et sociale à évangéliser.
Au rythme du cœur, systole et diastole, les chrétiens se rassemblent et ils sont envoyés vers les autres. Ils donnent et ils reçoivent, ils reçoivent en apportant leur expérience et leur connaissance du mystère de Dieu ; ils deviennent meilleurs au contact des autres. Le Fils de Dieu s’est donné aux hommes dans l’Incarnation en se recevant d’eux en la personne de la Vierge Marie, dans la petitesse, le besoin et la vulnérabilité.
Le disciple de Jésus ne fuit pas le monde : « Je ne te prie pas de les enlever du monde mais de les garder du Mauvais » (Jn 17, 15). Si des philosophes stoïciens ont avoué se sentir moins hommes dans les rencontres des hommes, il n’en va pas de même des chrétiens qui vivent les rencontres humaines comme « le sacrement du frère » où le Christ lui-même se rend présent (cf. Mt 25,31s). Dieu se révèle souvent à travers le prochain. L’Esprit Saint répand sa lumière pour discerner la volonté de Dieu aux disciples rassemblés au nom de Jésus. « J’ai besoin de la vérité des autres », aimait à déclarer loin de tout relativisme le bienheureux évêque dominicain Pierre Claverie (+1996).
Exercice de communication et de communion, la synodalité favorise la mise en commun des biens spirituels et matériels, dans le partage des connaissances et des forces.
Démarche d’« extase », c’est-à-dire de sortie de soir, la synodalité permet le dépassement de la peur du changement et de l’innovation. Le chrétien quitte alors sa zone de confort pour ouvrir son intelligence à la nouveauté, son cœur aux expériences des autres et sa volonté dans un lâcher-prise, mort de l’ego frappé d’aveuglement, afin de renaître au-delà des préjugés et des idées toutes faites à la Vie nouvelle que Dieu donne, expérience de résurrection dans le passage des ténèbres du repli sur soi à l’élan de l’annonce joyeuse de l’amour lumineux vainqueur de la mort. Jésus est ressuscité dans le tombeau devenu « le berceau du Premier-né d’entre les morts, prémices d’une multitude de frères ». Jésus le Christ continue de ressusciter dans nos tombeaux : orgueil, désespoir, arrogance. Dieu peut-il faire du neuf dans ma vie ? Oui, par la foi. L’Apocalypse le révèle : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).
Discerner des projets à réaliser : facteur de développement
La synodalité à travers sa méthodologie de discernement en commun favorise la mise en œuvre des projets et du développement.
La prière et l’action se nourrissent mutuellement : « Voir Dieu en toute chose et toute chose en Dieu ». Le dialogue en réunion débouche sur des actions pour le bien commun.
La synodalité peut ainsi devenir source d’innovation, de charité efficace et développer le potentiel de chacun dans une vision d’ensemble.
L’esprit synodal convient aussi à la pédagogie scolaire et à la catéchèse en faisant émerger des valeurs fondamentales : sens de la responsabilité, travail en équipe, confiance en soi, capacité d’adaptation et d’évaluation…
Voici résumé en 12 idées clés les possibilités de relier l’esprit synodal à la pédagogie de projet comme facteur de développement :

1. Changements sociaux et pédagogie de projet : Les changements sociaux commencent à l’école, et la culture du projet favorise le développement personnel, social et économique en valorisant l’innovation et la participation.

2. Concept de projet : Un projet est une vision proactive qui implique des activités visant des objectifs clairs avec un budget et des délais précis, représentant un processus d’apprentissage actif.

3. Types de savoirs : La pédagogie de projet développe divers savoirs (savoir-être, savoir-faire, savoir-vivre, savoir transmettre) en encourageant l’apprentissage par la pratique.

4. Capital humain et capital matériel : Le développement économique repose sur le capital humain autant que sur le capital matériel, nécessitant des compétences, la collaboration, et la planification.

5. Obstacles psychologiques et culturels : Le sous-développement est souvent lié à des facteurs tels que l’individualisme, la corruption, et la faible capacité à travailler en équipe.

6. Projets variés : Les projets peuvent être de nature diverse, allant de la construction d’écoles à l’organisation de pèlerinages, chacun nécessitant une rigueur organisationnelle et budgétaire.

7. Rôle de l’éducation et de la catéchèse : La culture du projet peut être intégrée dans l’enseignement et la catéchèse pour favoriser dès le plus jeune âge un esprit démocratique, participatif, et innovant.

8. Étapes fondamentales de la gestion de projet: La gestion de projet inclut cinq étapes : 1) étude de faisabilité, 2) préparation (planification et organisation), 3) exécution, 4) suivi et contrôle et 5) évaluation.

9. Importance du temps et de la préparation : Une préparation minutieuse est essentielle, incluant la clarification des objectifs, la méthodologie, et les responsabilités au sein de l’équipe.

10. Communication et leadership : Une communication interne et externe efficace, ainsi qu’un leadership clair, sont cruciaux pour la réussite d’un projet.

11. Évaluation post-projet : Chaque projet doit être évalué pour tirer des leçons, que ce soit des réussites ou des échecs, afin de guider les futurs projets. Réussites et échecs font partie intégrante du processus d’apprentissage.

12. Approche spirituelle et collaborative : Le projet se nourrit de la collaboration, de l’intelligence collective, et également de la prière et du discernement, créant ainsi une dynamique d’amélioration continue.

La synodalité peut ancrer le changement en mode de projet de manière à dépasser le refus ou la résistance à l’innovation . Le processus de la synodalité contribue à l’appropriation des projets nouveaux en pastorale dans une pédagogie active et participative.

Saint-Denis/La Réunion, le 10 octobre 2024.

5 octobre 2024

Prière de saint Bernard sur la Vierge Marie pour ce mois d’octobre, mois du Rosaire :

 

« Lorsque vous la suivez, vous ne faites pas fausse route ; lorsque vous la priez, vous ne perdez pas l’espérance ; lorsqu’elle occupe votre pensée, vous êtes à l’abri de l’erreur ; lorsqu’elle vous soutient, vous ne tombez pas ; lorsqu’elle vous protège, vous ne craignez pas ; lorsqu’elle vous conduit, vous ne vous fatiguez pas ; lorsqu’elle vous est favorable, vous arrivez au port du salut. » (Hom.2 super Missus est, n. 17, Pl 183, 71 A).

 

Écho de notre page Facebook : septembre 2024

30 septembre 2024
Saint Jérôme
J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces Études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres saints exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures. (Lettre du cardinal Carlo Maria Martini s. j. (1927-2012), de Jérusalem, le 22 juillet 2007, au père Manuel Rivero, o. p., en faveur de la cause de béatification du père Lagrange.)

Saint Jérôme dans l’œuvre du père Marie-Joseph Lagrange Dominicain
Dans ses écrits, le père Lagrange nous dévoile sa relation avec Dieu dans la prière souvent à la suite des enseignements reçus au cours de retraites spirituelles. C’est à juste titre que le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, archevêque de Milan, parlait de « la prière de feu » du fondateur de l’École biblique de Jérusalem qui avait marqué les débuts de ses études d’exégèse. Le Journal laisse transparaître ce coeur à coeur avec Dieu qui fut la racine, le moteur et le but de la recherche biblique du « nouveau saint Jérôme » comme aiment l’appeler les biblistes et théologiens qui voient en lui un « docteur » que l’Église écoute et vénère.

Le père Lagrange avait un cahier de notes scientifiques prises en 1905 afin de préparer un livre sur le Royaume de Dieu … Voilà une échappée révélant à quelle source le père Lagrange puisait son inspiration. De façon moins personnelle, dans les Conseils pour l’étude, qu’il adressait aux jeunes dominicains venus dès 1890-1891 faire leur théologie à Jérusalem, sans doute alléguait-il, à travers des citations de saint Jérôme et de saint Augustin, sa propre expérience chrétienne.

Contemplation : « Je te le demande, frère très cher, vivre au milieu de ces textes sacrés, les méditer, ne rien connaître, ne rien chercher d’autre, ne crois-tu pas que c’est déjà, dès ici-bas, habiter le royaume céleste ? » (Jérôme, au prêtre Paulin, LIII, 10)

Prédication : « Un homme parle avec d’autant plus ou d’autant moins de sagesse qu’il a fait plus ou moins de progrès dans la science des saintes Écritures. » (Note de cours, ASEJ, fonds Lagrange).

Note :
Saint Jérôme et le lion
La légende dorée raconte l’histoire de la rencontre du saint et du lion. Se promenant dans le désert saint Jérôme se retrouve en face d’un lion qui, au lieu de l’attaquer, se lèche la patte d’un air malheureux.
Saint Jérôme, plein de pitié, retire l’épine qui le blessait. Accompagné du lion reconnaissant, il rejoint son monastère où le fauve jette d’abord l’effroi et la crainte. Mais devant sa douceur et son affection pour le saint, les moines se prennent d’amitié pour le lion et le chargent de garder l’âne du monastère. Mais un jour, le lion revient seul car des bédouins avaient enlevé l’âne. Accusé de l’avoir mangé, le lion subit avec patience et humilité la pénitence qui lui fut infligée, puis disparut. Il retrouva les voleurs, les mit en fuite puis ramena l’âne au monastère mais, épuisé par ses recherches, il expira aux pieds de saint Jérôme.

Photo : St Jérôme (autel saint Jérôme, basilique st-Étienne, Jérusalem)

 

28 septembre 2024

  1. Guillaume Courtet, op, 1590-1637.

Ô saints martyrs, colonnes inébranlables de notre foi, donnez-nous votre courage généreux : vous avez aimé Jésus-Christ et vous êtes morts pour lui ; votre amour l’a vengé des calomnies absurdes des païens, de la lâcheté des tièdes ; vous êtes jusqu’à la fin des temps notre modèle et notre soutien. (Marie-Joseph Lagrange op, Journal spirituel, Cerf, 2014.)

https://dominicains.re/saintguillaumecourtet.html

 

25 septembre 2024

Mémoire du bienheureux Marc de Modène OP, +1498.

Marc, né à Modène, dans la première moitié du XVe siècle, entra dans l’Ordre au couvent de sa ville natale. Ce fut un contemplatif et un religieux rayonnant de sainteté. Il s’adonna avec ferveur à l’étude de la doctrine sacrée, et la force de son éloquence, ‘plus puissante que sa voix même’, suscita de nombreuses conversions. Il demeura longtemps au couvent de Pesaro dont il fut le prieur. Il y mourut le 21 septembre 1498. (Historia OP. Les saints dominicains)

Béatifié, par équivalence, par le pape Pie IX, en 1857.

Ô mon Jésus, toutes les fois que j’ai voulu mettre du mien, j’ai mis obstacle à votre amour. C’en est fait, je vous abandonne ma volonté : tua voluntas fiat, non seulement parce que vous êtes mon maître absolu, mais encore parce que je vous ai abandonné ma volonté, parce que je vous aime et que tout mon bonheur est d’agir selon votre bon plaisir. Ô divine Marie, vous m’avez tendu une main secourable, sans vous j’étais perdu ; donnez-moi Jésus pour père, pour ami, pour l’époux de mon âme. Ô Jésus, mon Dieu et mon tout, ne me quittez plus et ne permettez pas que je vous quitte.

(Marie-Joseph Lagrange O.P. Journal spirituel, Cerf. 2017

 

23 septembre 2024

Témoignage du cardinal Henri de Lubac (1896-1991), théologien, jésuite,

The Spirit of the Scriptures: The Source of Revelation S.J. Smith

L’ESPRIT DES ÉCRITURES – Extrait de la monographie : La source de la révélation par Henri de Lubac. New York : Herder et Herder, 1968. xii, 244 p.

Ce livre est la traduction d’un ouvrage publié en français sous le titre précis : L’Écriture dans la Tradition. Il contient trois chapitres extraits d’autres ouvrages de de Lubac. Les trois chapitres « partagent un seul objectif : la compréhension spirituelle des Écritures, telle qu’elle existait au cours des siècles chrétiens ». L’ensemble du livre peut être considéré comme un appel aux exégètes et aux théologiens pour qu’ils prennent au sérieux « l’idée clé qui, depuis les temps apostoliques, a dominé la doctrine de la compréhension spirituelle des Écritures, telle qu’elle s’est élaborée à travers les âges », c’est-à-dire que le Nouveau Testament est caché dans le Vieux ; l’Ancien « Je » est révélé dans le Nouveau.

Paul, Origène, Tertullien, Ambroise, Augustin, Grégoire le Grand, Jean Chrysostome, Bernard, Bonaventure, Jean de la Croix, Newman, M.-J. Lagrange sont quelques-uns des maillons de la chaîne des témoignages qui s’étend à travers les siècles.

Ils témoignent du sens spirituel de l’Écriture. Ils témoignent du fait qu’il ne suffit pas de considérer l’Ancien Testament comme unique ; document inspiré qui nous instruit sur le passé du peuple de Dieu, sur sa foi, ses attentes, sur les préparations faites par Dieu à travers lui pour son Christ. Ceci est évidemment faux et doit être présupposé, mais c’est incomplet. Ce point de vue doit être complété par une attitude qui cherche dans la Bible « non pas une parole morte, emprisonnée dans le passé, mais une parole vivante, adressée immédiatement à l’homme d’aujourd’hui… une parole qui le touche, puisqu’elle EST pour lui » ; qu’elle a été prononcée et qu’elle reste prononcée ». La béatification du cardinal Henri de Lubac a été demandée le 31 mars 2023.

21 septembre 2024

Saint Matthieu, Ap. et Évangéliste

Notre premier évangile, dont l’identité n’est pas douteuse, est attribué par la tradition ecclésiastique à l’apôtre Matthieu, classé par les trois synoptiques parmi les Douze (Mt 10,3 ; Mc 3,18 ; Lc 6,15), et que le premier évangile est le seul à nommer Matthieu au moment de sa vocation, tandis que Mc et Lc le nomment Lévi (Mt 9,9 ; Mc 2,14 ; Lc 5,27).

Cette tradition a selon nous une valeur décisive. Il semble que personne parmi les critiques n’en conteste l’existence. Mais un très grand nombre de savants non catholiques affirment qu’elle dépend du seul Papias. Mais quelques-uns soutiennent encore l’opinion dominante il y a une trentaine d’années, que Papias, responsable de la tradition, ne regardait pas Matthieu comme l’auteur de notre premier évangile, mais d’un recueil de discours. Si Papias désignait ce recueil, plusieurs pensent qu’il ne s’est pas trompé en l’attribuant à l’apôtre Matthieu. Mais s’il avait en vue le premier évangile, comme on le reconnaît aujourd’hui, il s’est trompé, et il a égaré la tradition tout entière.

Comme Papias affirme en même temps que Matthieu s’est servi de la langue dite hébraïque, la question de sa langue originale se greffe sur la première. Il y a cependant intérêt à les envisager séparément, car si notre première affirmation est d’une grande portée, il semble qu’il n’en est pas ainsi de cette autre affirmation que Matthieu a écrit en hébreu ou en araméen. En effet, la langue employée ne change rien à la valeur du témoignage. De plus l’évangile en grec est l’évangile canonique dont l’Église s’est toujours servie comme d’un ouvrage inspiré, le traitant exactement comme le texte de saint Luc, lequel, sans aucun doute, a écrit en grec. On serait donc tenté de traiter ce point comme une question d’érudition pure. En fait, cependant, il a de grandes conséquences quant à l’intégrité de l’évangile, et c’est sur lui que s’arrête la critique moderne. C’est donc celui qui nous retiendra le plus.

(Marie-Joseph Lagrange des Frères Prêcheurs, Évangile selon saint Matthieu, col. Études bibliques, chap. I « La tradition », Lecoffre-Gabalda, 1941, p.VI.

 

10 septembre 2024

Journée-Anniversaire

Souvenons-nous du grand serviteur de Dieu le frère Marie-Joseph Lagrange, O.P.

Que son intercession nous obtienne la grâce dont nous avons besoin

et que notre demande monte vers le Père, au nom de son Fils Jésus Christ, dans la communion du Saint-Esprit,

un seul Dieu vivant pour les siècles des siècles. Amen.

Comme chaque mois, la messe est célébrée par Fr. Manuel Rivero, O.P.

Et si vous partagiez vos témoignages ? 

 

7 et 8 septembre 2024

Fête de la Nativité de l’Immaculée Vierge Marie.

« Immaculée Vierge Marie, faites-moi aimer Jésus. » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel 3 septembre 1881)

« Le rôle de la femme dans l’Église (…) c’est vraiment l’icône de la Vierge, de Notre Dame, celle qui aide l’Église à grandir. » (Pape François)

« L’heure vient, l’heure est venue où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici. C’est pourquoi, en ce moment où l’humanité connaît une si profonde mutation, les femmes imprégnées de l’esprit de l’Évangile peuvent tant pour aider l’humanité à ne pas déchoir. » (Message du Concile Vatican II aux femmes (8 décembre 1965) : AAS 58 (1966), p. 13-14. Cité par Jean-Paul II dans l’introduction de sa lettre apostolique Mulieris dignitatem, le 15 août 1988.)

Écho de notre page Facebook : août 2024

27 août 2024

Le Seigneur « n’éteint pas la mèche qui faiblit » 

Sainte Monique a su, dans les larmes et les prières, avoir confiance en Dieu et en son fils Augustin. Son exemple nous montre que pour conduire une âme à Dieu, il faut agir par la douceur, la confiance et la patience, car le Seigneur « n’éteint pas la mèche qui faiblit » (Is 42, 3), Il intervient en temps voulu.

Le P. Lagrange n’a entrevu le succès de son grand dessein que de loin ; il en a surtout subi les avanies. À lui il a été donné de semer dans les larmes ce que d’autres récoltent dans la joie : « Vraiment, nous avons créé un mouvement, d’autres en recueilleront le fruit : il nous suffit d’avoir travaillé pour Dieu. » (Cité par Bernard Montagnes o. p. dans Marie-Joseph Lagrange. Biographie critique. 2004.)

À Saint-Maximin, la maman d’un jeune frère dominicain pleurait en accompagnant son fils au couvent. Ému par les larmes de cette femme, le père Lagrange lui dit : « Madame, ma mère me disait : une mère ne connaît toutes les joies de la maternité que lorsqu’elle a un fils prêtre. »

Prions pour toutes les mamans qui ont le souci de la formation chrétienne de leurs enfants.

 

22 août 2024

Mémoire de La Vierge Marie Reine

Dans son livre « Le père Lagrange. Sa vie. Son œuvre », le père Louis-Hugues Vincent o. p. mentionne : « le père Lagrange confiait sa détresse » à la Très Sainte Vierge, sa Reine, sa Mère, dont il veut être « l’esclave absolu », pour qu’elle fasse de lui « le serviteur et l’esclave de Jésus par l’amour de la Croix ».

Si discret que demeure ce coup d’œil furtif sur ses dispositions religieuses, je me le serais interdit si l’expérience personnelle ultérieure et bien longtemps prolongée de sa direction spirituelle n’avait rendu manifeste pour moi que les principes surnaturels dont il s’efforçait, avec une indulgente bonté de m’inculquer, tout au moins le désir, étaient ceux-là même dont sa piété vivait depuis sa formation dominicaine. » (Parole et Silence, 2013)

« Marie, Reine du Ciel, priez pour nous ! »

Photo : Vierge Marie Reine – Fra Angelico (détail)

 

20 août 2024

Il est difficile d’écrire une vie de Jésus

Environ trente ans après leur naissance, Jean, fils de Zacharie, et Jésus, fils de Marie, se trouveront en présence l’un de l’autre. Comment leur esprit s’est-il développé, quelles furent leurs premières impressions, quelles influences s’exercèrent sur leur âme, les évangélistes ne l’ont pas dit, et cette lacune est peut-être celle qui rend plus difficile la tâche d’écrire une vie de Jésus. Comprendrait-on le génie de Racine si l’on ignorait son séjour à Port-Royal, la mélancolie de Chateaubriand sans les Mémoires d’outre-tombe, le granit chatoyant de Renan sans les Souvenirs de jeunesse ?

Il est vrai que dans la vie de Jésus ces éléments de formation intellectuelle et morale ne paraissent pas indispensables, puisque la Lumière et la Vie qu’il avait en lui suffisaient à tout.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017.)

Illustration : Anbibale-Carracci (1600), Saint Jean le Baptiste montrant Jésus.

 

17 août 2024, en la fête de saint Hyacinthe, frère prêcheur en Pologne

Une demande de grâce vient de nous parvenir.

C’est avec une grande ferveur que nous confions la santé d’Édith de La Réunion à l’intercession du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange, o.p.

 

 

 

 

15 août 2024

Assomption de la Vierge Marie

« Je vous salue, blanc lis de la glorieuse et paisible Trinité. Ô vous de qui a voulu naître et du lait de laquelle a voulu se nourrir le Roi des cieux, abreuvez nos âmes des effusions de la grâce divine. Ainsi-soit-il. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 167.)

Le Journal spirituel du frère Marie-Joseph Lagrange (Cerf, 2014) révèle son dialogue fervent avec la Vierge Marie qu’il invoque surtout sous le vocable de Marie Immaculée, Vierge Marie Immaculée, Mère Immaculée. Dans son cœur à cœur avec Marie, il l’appelle « ma Dame, mon Avocate, ma Patronne, mon Guide, ma Reine, ma Mère ! » C’est à la bienheureuse Vierge Marie Immaculée qu’il se consacre le 31 mai 1880. Il remet son corps et son âme, tout son être, entre les mains de la Vierge Marie, « Maîtresse de sa vie présente et future ». Mû par un ardent désir de louer, de bénir et de prêcher l’amour de Jésus-Christ, il compte sur l’intercession de sa Mère. Dominicain, il oriente tous ses efforts vers « le salut des âmes », but de l’ordre créé par saint Dominique. Les chrétiens savent que la Vierge Marie n’est pas une mère possessive. Loin de s’enfermer dans une prière intimiste, la prière mariale du frère Marie-Joseph manifeste le don total de lui-même par amour au service du Règne de Dieu.

(Fr. Manuel Rivero O. P. : La dévotion du P. Lagrange à la Vierge Marie. Extrait.)

Illustration : Assomption de la Vierge Marie (1430-1434), Fra Angelico (détail).

En ce 8 août 2024,
Fête de saint Dominique,« le doux espagnol », comme l’appelait sa fille spirituelle sainte Catherine de Sienne.
Belle fête avec ma prière à la messe ! Fr. Manuel.
Vie de saint Dominique de Caleruega (1174-1221), par le frère Manuel Rivero O.P.
La bienheureuse Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique
Saint Dominique est né en Espagne, à Caleruega, en terre de Castille vers 1174, diocèse d’Osma, aujourd’hui province de Burgos.
Son père s’appelait Félix, homme religieux et droit. Jeanne d’Aza, femme de prière, s’était rendue en pèlerinage au monastère bénédictin de Saint- Dominique de Silos à une vingtaine de kilomètres de Caleruega pour confier au Seigneur son fils Dominique. Son prénom est à relier à celui du saint abbé bénédictin Dominique de Silos (1000-1073).
Enceinte de Dominique, sa mère Jeanne fit un rêve étrange . Elle portait un jeune chien qui tenait dans sa gueule une torche qui enflammait le monde. Image du défenseur de l’Église qui par le feu de la Parole de Jésus ressuscité transformerait les cœurs tristes en cœurs brûlants (cf. Lc 24, 32).
La miséricorde de Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique
Femme de miséricorde, Jeanne transmettra à son fils Dominique l’amour des pauvres et des affligés. Alors que la pénurie frappait la Castille, la mère de Dominique eut compassion des malheureux auxquels elle servit le vin gardé soigneusement dans un tonneau de la maison. Redoutant la réaction de son mari, elle pria le Seigneur : « Seigneur Jésus-Christ, bien que je ne sois pas digne d’être exaucée pour mes mérites, exauce-moi à cause de ton serviteur, mon fils, que j’ai consacré à ton service. » Et voici que le tonneau fut rempli à nouveau d’un excellent vin. Jeanne s’empressa de le servir à son mari et à ses amis dans l’admiration générale.
Jeanne eut trois fils, Antoine, Manès et Dominique. Les deux aînés, devenus prêtres, seraient nés d’un premier mariage. Manès entra dans l’Ordre fondé par son frère Dominique.
L’éducation de saint Dominique
L’éducation de Dominique fut confiée à son oncle maternel, Gonzalo de Aza, archiprêtre de Gumiel de Izán, dès l’âge de sept ans . Il apprit ainsi la lecture, l’écriture sur des tablettes de cire, le calcul et la grammaire.
Son oncle l’initia surtout à la langue latine et à déchiffrer les Psaumes dans le cadre fervent de la prière liturgique. L’âme de Dominique fut ainsi imprégnée dès son enfance du parfum du Christ.
Les veillées d’adoration la nuit et l’amour du chant sacré de saint Dominique au cours de sa vie apostolique n’ont-ils pas trouvé de bonnes racines dans cette première initiation spirituelle ?
Aujourd’hui encore l’Église constate qu’un grand nombre de vocations presbytérales a fait l’expérience intense de la présence de Dieu en servant l’autel comme servants de messe. Joie de servir Dieu !
Saint Dominique à Palencia
Vers l’âge de quatorze ans, Dominique commence l’étude des arts libéraux au Chapitre de la cathédrale de Palencia : le trivium (grammaire, rhétorique et logique) et quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie).
C’est à Palencia que l’on verra naître la première université espagnole (1208-1214).
Au bout de cinq années, Dominique se tourna avidement vers les Saintes Écritures qu’il approfondit de 1193 à 1197, de l’âge de 19 ans à 23 ans ; la lectio divina occupant une grande place dans sa vie. Saint Dominique aimait les livres et le Livre par excellence, la Bible .
Un choc émotionnel allait alors frapper le jeune Dominique. Une cruelle famine sévit à Palencia. Dominique agit selon la miséricorde notamment apprise au contact de sa mère. Il vendit ses livres dont il avait pourtant besoin : « Je ne veux pas étudier sur des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim. » Il manifesta aussi son sens de l’organisation en créant une institution pour l‘accueil des pauvres, malades et pèlerins.
Chanoine à Osma (Castille)
Arrivé comme chanoine du Chapitre de la cathédrale d’Osma vers 1197, Dominique va y vivre la règle de saint Augustin, trésor de sagesse pour avancer dans la vie religieuse par la mise en commun des biens, qui deviendra par la suite le socle des Constitutions de l’Ordre des prêcheurs, suivant la demande du pape Innocent III faite à saint Dominique en 1215, dans le souci de fonder les nouveaux ordres religieux sur des règles de vie religieuse déjà approuvées.
Arrivés de France, des moines remarquables par leur sainteté et leur savoir devinrent évêques d’Osma, dont saint Pierre de Bourges (1101-1109), actuel patron du diocèse. Mobilité européenne qui ouvrira l’esprit de saint Dominique à la mission universelle.
Sous-prieur du Chapitre de la cathédrale, Dominique bénéficie de l’empreinte d’un grand prieur, Diègue d’Acébès, nommé plus tard évêque du diocèse (1201-1208).
À Osma, Dominique étudie aussi les Conférences des Pères du désert de Jean Cassien (+435). À vingt-cinq ans, il est ordonné prêtre.
Voyage aux Marches (Danemark) et rencontre avec les cathares
C’est en 1203 que saint Dominique suit son évêque Diègue dans son voyage aux Marches (Danemark) dans le souci d’accomplir une mission diplomatique confiée par le roi Alphonse VIII : le mariage de Ferdinand, fils du roi Alphonse VIII de Castille, avec une fille noble .
Sur la route, à Toulouse, ils vont rencontrer l’hérésie cathare, nouveau manichéisme. La racine grecque du mot cathare veut dire « pur ». Les chefs cathares impressionnaient la population par leur austérité, entraînant une baisse de l’audience de l’Église considérée comme la synagogue de Satan .
Un soir, Dominique rencontre longuement son hôte cathare. Malgré la fatigue du voyage, il passe la nuit à dialoguer avec lui. À l’aube, son interlocuteur est converti par la lumière du Christ. Cet hôte cathare abandonne sa vision dualiste : un dieu du bien et un dieu du mal. L’esprit proviendrait d’un principe bon, la matière d’un principe mauvais. Désormais le corps humain n’est plus pour lui la prison de l’esprit ; la sexualité n’est plus le mal. Il ne voit plus dans le ventre de la femme le laboratoire de la reproduction du mal mais le corps habité et sanctifié par Dieu.
Les autorités juives qui ont conduit Jésus devant Pilate tenaient à garder la pureté rituelle en évitant le contact avec les païens. Ce débat sur le pur et l’impur demeure d’actualité. Des militants religieux continuent d’invoquer la pureté de leur foi et de leurs pratiques pour justifier leur agressivité envers d’autres croyants. Dans sa rhétorique, Daech, l’État islamique, se présente comme l’islam pur par rapport à d’autres musulmans déclarés impurs. Des sectes se réclament d’un Évangile pur pour dénoncer d’autres chrétiens comme impurs ou « sujets de Satan ».
Saint Dominique prêchait la pureté du mariage et de la création : « Tout est pur pour les purs » (Tite 1,15).
Saint Dominique à Montpellier en 1206
De retour d’un deuxième voyage au Danemark, l’évêque Diègue choisit de passer par Rome, où il expose au pape Innocent III la situation du diocèse d’Osma et son désir de renoncer à sa charge épiscopale de manière à se rendre libre pour prêcher aux cathares dans le Midi de la France. Mais le pape n’accepte pas sa démission.
Sur le chemin vers la Castille, à Montpellier, Diègue et Dominique rencontrent des légats du pape et d’autres ecclésiastiques, auxquels ils proposent de changer de mentalité et de méthode pour prêcher dans la pauvreté volontaire à la manière des apôtres, afin d’éviter ainsi les critiques des cathares.
À Servian, près de Béziers, Diègue et Dominique vivent un débat contradictoire avec les cathares à partir des citations du Nouveau Testament. Dans l’église de Servian, une plaque rappelle cette prédication de saint Dominique au mois de mars 1206.
D’autres débats contradictoires, « disputes », eurent lieu à Béziers et à Carcassonne.
La fondation du monastère de Prouilhe
L’évêque Diègue d’Acébès et Dominique s’étaient occupés en Castille des religieuses de Saint-Étienne de Gormaz qui devinrent par la suite des moniales dominicaines à Caleruega, ville natale de saint Dominique.
À Prouilhe (Aude), non loin de Carcassonne, il existait un sanctuaire marial sous le patronage de l’Assomption de la Vierge Marie. C’est là qu’en 1207 Diègue et Dominique installent le premier monastère de la Sainte Prédication sous la règle de saint Augustin pour accueillir des dames d’origine noble converties du catharisme.
Des laïcs au service de de la sainte prédication
Attiré par le charisme de la nouvelle prédication, un couple de laïcs vient aussi se joindre à l’évêque, Dominique et la communauté des premières moniales, figure de la Famille dominicaine à venir.
Il s’agit d’Ermengarde-Godoline et de Sanche Gasc qui font profession dans les mains de Dominique le 8 août 1207. Ils promettent de se donner à la sainte prédication en communion avec les frères et les sœurs .
Saint Dominique était appelé « prêcheur ». Il dialoguait avec les cathares à Fanjeaux et dans les alentours cherchant le salut des âmes en homme d’Évangile.
La mort de l’évêque Diègue d’Acébès
Pendant des années, saint Dominique a vécu à l’ombre de son évêque d’Osma.
C’était lui le grand missionnaire et visionnaire de l’entreprise de prédication nécessaire au XIIIe siècle dans le sud de l’Europe.
Au mois de septembre 1207, Diègue retourne dans son diocèse pour gérer les affaires courantes et chercher des fonds pour la création du monastère de Prouilhe, près de Carcassonne.
L’évêque Diègue d’Acébès meurt le 30 décembre 1207 à Osma (Castille).
Saint Dominique restera alors presque seul en Languedoc, consacré corps et âme à la prédication, véritable dialogue avec ceux qui critiquent l’Église, où comprendre et croire se nourrissent réciproquement : comprendre pour croire et croire pour comprendre, selon le principe de saint Anselme (+1109).
« Le ministère de la réconciliation »
Prêtre, saint Dominique a relié la prédication et son fruit « la réconciliation avec Dieu » (2 Co 5,18). Parmi les quelques rares textes, que l’histoire a gardé du fondateur de l’ordre des frères prêcheurs, figure l’acte de réconciliation d’un hérétique du Midi de la France daté entre 1204 et 1212, Pons Roger : « À tous les fidèles du Christ à qui parviendront les présentes lettres, frère Dominique, chanoine d’Osma, le plus petit des prédicateurs, salut dans le Christ.
Par l’autorité du seigneur abbé de Cîteaux, légat du siège apostolique, qui nous a chargé de cet office, nous avons réconcilié le porteur des présentes, Pons Roger, qui, par la largesse de Dieu, a été converti de la secte des hérétiques ; et nous lui ordonnons, en vertu du serment qu’il a prêté, que trois dimanches ou jour de fête, il soit conduit nu, en braies, par un prêtre, et fouetté, de l’entrée de la ville jusqu’à l’église.
Nous lui avons enjoint de s’abstenir de viandes, d’œufs, de fromage ou de tout ce qui tire son origine d’une semence de chair en en tout temps, sauf le jour de Pâques, le jour de Pentecôte et le jour de la naissance du Seigneur, pendant lesquels nous lui enjoignons de s’en nourrir en signe de renonciation de son erreur d’autrefois. Qu’il fasse trois carêmes dans l’année avec abstinence de poisson. Qu’il s’abstienne toujours trois jours par semaine de poissons, d’huile et de vin, et qu’il jeûne, à moins qu’une maladie corporelle ou les travaux de l’été n’exigent une dispense ; qu’il revête des vêtements religieux tant par la forme que par la couleur, auxquels soient cousues de chaque côté, au niveau du téton, de petites croix. Chaque jour, s’il en a l’opportunité, qu’il entende la messe, et que les jours de fêtes il se rende à l’église pour les vêpres. Pour les autres heures, tant nocturnes que diurnes, où qu’il soit, qu’il s’en acquitte envers Dieu : sept fois le jour, qu’il dise dix fois le Notre Père, au milieu de la nuit vingt fois.
Qu’il observe pleinement la chasteté et demeure à Tréville. Qu’il montre ce document au chapelain du lieu chaque mois. Au chapelain aussi nous prescrivons de prendre soin avec grande attention de la vie de cet homme.
Tout cela, qu’il l’observe avec soin, jusqu’à ce que l’abbé nous exprime sur ce sujet sa volonté. Et s’il dédaigne de l’observer, nous prescrivons qu’il soit considéré comme parjure, hérétique et excommunié, et qu’il soit séparé de la communauté des fidèles ».
Habitués à une culture relativiste et souvent laxiste, ces pénitences peuvent paraître excessives. Elles renvoient surtout à la Vérité du Christ Jésus, à son Salut et à la faiblesse humaine qui a besoin de miséricorde et d’engagement humain à la lumière du mystère de l’Incarnation qui met en valeur le corps.
Dès les premiers siècles de l’histoire de l’Église, les évêques ont imposé des pénitences aux pécheurs repentis dans un but de guérison spirituelle lors des péchés graves comme l’apostasie, le meurtre ou l’adultère notoire et prolongé.
Nous pouvons nous interroger sur nos silences par rapport à des apostasies contemporaines : l’idolâtrie du pouvoir, de l’argent et des plaisirs ; l’abandon de la foi chrétienne pour épouser un conjoint d’une autre religion …
La foi en Dieu exige que le fidèle lui accorde la première place : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force et ton prochain comme toi-même » (cf. Mt 22,34-40).
Par ailleurs, la dignité de la personne passe par sa liberté. Enlever la liberté équivaut à enlever la dignité. Dans l’Évangile, Jésus ne force jamais la liberté des personnes. Il laissa partir l’homme riche sur qui il avait posé son regard d’amour (cf. Mc 10,21).
À la suite de Jésus, les chrétiens dénoncent l’idolâtrie et la violence physique, psychologie ou spirituelle. La foi en Dieu forme le cœur et l’identité de la personne humaine. Obliger quelqu’un à renoncer à sa foi et à sa liberté représente une violence, un manque de respect et l’aliénation de la personne qui devient alors étrangère à soi-même. Saint Dominique a pratiqué la prédication évangélique et non les méthodes de l’Inquisition qui date de 1231, dix ans après sa mort.
Prédication de saint Dominique à Toulouse, Carcassonne et Pamiers
Il arrive que les fondateurs de congrégations religieuses connaissent des conflits douloureux avec leurs évêques. Ce n’est pas le cas de saint Dominique. Disciple de Diègue d’Acébès et ami de Foulques, évêque de Toulouse, saint Dominique a transmis à la Famille dominicaine l’amour de l’Église et l’affection envers les évêques.
Le parcours de Foulques sort de l’ordinaire. Marseillais d’origine génoise, troubadour, marié et père de famille, il rejoint le monastère du Thoronet tandis que sa femme entre aussi dans un monastère féminin près de Marseille quand leurs enfants atteignent l’âge adulte. Devenu abbé du Thoronet, Foulques est élu évêque de « la Ville rose », Toulouse. Il devient rapidement l’ami et le soutien de saint Dominique.
Des débats contradictoires, « disputes », ont lieu à Montréal, près de Carcassonne, et à Pamiers. À Montréal, les juges de la dispute font appel à la « preuve du feu ». L’écrit de saint Dominique sort miraculeusement des flammes. À Pamiers, la dispute fut dirigée par Diègue en présence de Foulques et sans doute de saint Dominique. Diègue apparaît comme le moteur et l’organisateur de cette nouvelle évangélisation.
Amoureux de la Bible
En voyage, saint Dominique portait avec lui l’évangile selon saint Matthieu et les épîtres de saint Paul qu’il connaissait par cœur et
par le cœur. La lectio divina, lecture priante de la Parole de Dieu, nourrissait sa prière et sa prédication. Il avait la passion de la pédagogie de la foi car si l’Évangile est annoncé sans que l’auditeur le comprenne ni en saisisse le sens, le diable parvient à extirper aisément cette semence divine qui venait tomber dans la mémoire de l’homme (cf. Mt 13,19). Jésus, exégète du Père, expliquait aux foules le mystère de Dieu. La prédication de saint Dominique s’adressera aussi à l’intelligence humaine. Ce faisant, il mettait en pratique l’exhortation de l’apôtre Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous » (1P 3, 15). C’est pourquoi l’étude des Saintes Écritures occupera une place centrale dans la vie dominicaine. Sur la croix, Jésus n’a pas prié en disant : « Père, pardonne-leur car ils sont méchants », il a prié pour ceux qui n’avaient pas compris le sens de sa prédication : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).
Saint Dominique distribuera aux affamés de Dieu le pain de la Vérité révélée en s’adressant à la raison que saint Thomas d’Aquin (+1274) honorera comme une participation à la lumière divine.
Le portrait de saint Dominique
Sœur Cécile, moniale dominicaine entrée dans le monastère de Saint-Sixte de Rome à l’âge de dix-sept ans et qui a connu personnellement saint Dominique, décrit ainsi son maître spirituel : « Taille moyenne, corps mince, visage beau et légèrement coloré, cheveux et barbe légèrement roux, de beaux yeux. De son front et de ses cils une sorte de splendeur rayonnait qui attirait la révérence et l’affection de tous. Il restait toujours souriant et joyeux, à moins qu’il ne fût ému de compassion par quelque affliction du prochain. Il avait les mains longues et belles; une grande voix belle et sonore. Il ne fut jamais chauve, et sa couronne de cheveux était complète, parsemée de rares fils blancs. »
Le bienheureux frère Jourdain de Saxe, biographe de saint Dominique, s’attache plutôt à mettre en lumière sa physionomie spirituelle caractérisée par une exceptionnelle égalité d’âme, fruit de la prière au Seigneur et de son abandon à la volonté divine. Saint Dominique avait jeté l’ancre de sa vie dans le Christ (He 6, 19). Son âme résistait aux vagues et aux tempêtes hostiles qui l’assaillaient dans sa mission de prédication.
« Il s’infiltrait sans peine dès le premier regard dans l’affection de tous », écrit Jourdain de Saxe.
Changement de société
Le XIIIe siècle comporte des changements économiques, politiques et scolaires importants. Le monde féodal hiérarchisé avec le seigneur et les serfs qui labourent la terre voit naître un système économique nouveau dans les villes, fondé cette fois-ci sur les corporations des artisans où chaque membre jouit de la même égalité de dignité et de pouvoir.
Inspirés par Dieu, saint Dominique et saint François réagiront en fondant des Ordres de frères. Dans l’Ordre des prêcheurs, le responsable est appelé non pas supérieur mais prieur, prior inter pares, le premier parmi ceux
qui sont égaux.
L’école cathédrale sous la tutelle de l’évêque découvre à son tour l’arrivée de l’université : communauté de professeurs et d’étudiants où l’autorité relève de la vérité. Saint Thomas d’Aquin dira que l’argument d’autorité est le dernier des arguments.
La miséricorde de saint Dominique
Saint Dominique aimait les pauvres et les pécheurs. Habituellement paisible, d’égalité d’âme et joyeux, il était bouleversé par la souffrance des hommes.
L’étymologie de « miséricorde », mot d’origine latine, renvoie à la sensibilité du cœur devant les misérables.
Dans ce sentiment de compassion il passait rapidement à l’action pour venir en aide aux personnes dans la douleur et la tristesse.
Dieu est miséricordieux par amour. Sa miséricorde n’est pas signe de faiblesse mais de puissance. Sa toute-puissance se déploie dans l’aide apportée aux hommes aux prises avec le mal et la mort.
Saint Dominique aimait les personnes, d’où sa miséricorde envers les affamés, les malades et les pécheurs.
Les chrétiens forment le Corps du Christ, le Christ total, dont Jésus ressuscité est la tête et les fidèles ses membres. Dans sa miséricorde, le Christ aime les hommes comme étant une part de lui-même.
Saint Dominique aimait les captifs au point de vouloir se vendre pour leur rachat. Il aimait ceux qui le menaçaient de mort au point de se réjouir du martyre qui porterait des fruits de conversion.
La méthode de saint Dominique était bien l’amour et la miséricorde.
Saint Dominique à Toulouse en 1215
Curé de Fanjeaux, prêchant la Parole de Dieu à Carcassonne et à Toulouse, saint Dominique reçoit le soutien de Foulque, évêque de
Toulouse, qui l’institue avec ses compagnons prédicateurs dans son diocèse.
Les frères prêcheurs suivent les cours de théologie du maître Alexandre Stavensky. L’étude fait partie des piliers de leur vie
consacrée à faire resplendir la lumière du Verbe. Plus tard, sainte Catherine de Sienne, dominicaine, docteur de l’Église, patronne de l’Europe, enseignera que les frères et les sœurs de saint Dominique ont reçu dans l’Église « l’office du Verbe ». La foi vient de la prédication (Rm 10, 17) et la prédication se nourrit de la Parole de Dieu expliquée dans la théologie.
Au mois de novembre 1215, Dominique accompagne l’évêque Foulque à Rome pour participer au IVe Concile de Latran convoqué par le pape Innocent III.
Pour répondre aux demandes du Concile et du pape, Dominique et ses frères choisissent la Règle de saint Augustin comme fondement pour leur vie apostolique. Ils bénéficièrent aussi des coutumiers des Prémontrés fondés par saint Norbert (+1134).
Le pape Honorius III confirme l’Ordre en 1216
Le pape Innocent III, selon Constantin d’Orvieto, avait eu une vision dans laquelle saint Dominique soutenait la basilique du Latran qui tombait en ruines. Aussi chercha-t-il la collaboration des prêcheurs de Toulouse. Innocent III mourut le 16 juillet 1216. Deux jours plus tard fut élu le pape Honorius III qui confirma l’Ordre des prêcheurs dans une bulle datée du 22 décembre 1216.
À Rome, saint Dominique reçut l’aide du cardinal Hugolin qui deviendra pape sous le nom de Grégoire IX.
Dans la basilique Saint-Pierre, Dominique en prière fit une expérience extraordinaire, selon son biographe Constantin d’Orvieto, il reçut une vision dans laquelle l’apôtre Pierre lui transmettait un bâton et l’apôtre Paul un livre. Ils lui disaient : « Va et prêche. » Cette vision spirituelle enhardit saint Dominique dans sa soif d’annoncer l’Évangile à toutes les nations.
Plus tard, dans une bulle du 21 janvier 1217, le pape Honorius III appelle le prieur et les frères de l’église Saint-Romain à Toulouse « les athlètes du Christ ».
La dispersion des frères
Les frères habitaient le couvent Saint-Romain à Toulouse. Ils avaient promis obéissance à saint Dominique.
Après avoir prié longuement le Saint-Esprit, saint Dominique annonça aux frères sa décision de les envoyer annoncer l’Évangile dans d’autres villes malgré leur nombre réduit: « Le grain entassé pourrit mais dispersé il porte du fruit. »
« Ne me faites pas opposition, je sais bien ce que je fais », leur dit le saint apôtre du Christ.
La date probable de cet événement fut le 15 août 1217 à Prouilhe (Aude). Les frères partirent vers Paris et Madrid, Bologne…
De passage à Rome en 1218, saint Dominique rencontra Réginald, chanoine d’Orléans, qui choisit la vie dominicaine à quarante ans
ayant été guéri miraculeusement par l’intercession de la Vierge Marie. Frère Réginald donna une grande impulsion à l’Ordre attirant de nombreuses vocations parmi les étudiants. Heureux d’avoir épousé la vie apostolique et mendiante, frère Réginald s’était exclamé : « Je crois n’avoir aucun mérite à vivre dans cet Ordre, car j’y ai trouvé trop de joie. »
En 1218, saint Dominique se rendit à Ségovie (Espagne) où sa prière obtint la pluie au cours d’une terrible sécheresse. Une grotte rappelle à Ségovie l’oraison et la pénitence de saint Dominique. Sainte Thérèse d’Avila la visita avec ferveur.
La communauté comme référence
Point de narcissisme ou de culte de la personnalité dans l’existence de saint Dominique.
Il aimait l’Église comme une Mère. Dans son charisme de fondateur, il a renvoyé les frères non pas à lui mais à la communauté.
Jésus avait dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Saint Dominique n’a pas laissé non plus ses frères orphelins car ils avaient comme référence non pas sa personne mais la communauté.
Le mot « séduire » veut dire « conduire à soi ». Saint Dominique n’était pas un séducteur mais il conduisait au Christ, à l’Église et à la communauté.
Aussi comprenons-nous ses propos à l’approche de la mort : « À Dieu ne plaise que je repose ailleurs que sous les pieds de mes frères. »
Il arrive que dans la solitude nous voyions clairement des choses qui sont fausses. Le dialogue communautaire constitue un lieu de vérité dans la tradition dominicaine.
Les premiers frères dominicains arrivés à Saint-Domingue au moment de la découverte de l’Amérique préparaient les prédications en communauté. Ce n’était pas un frère qui prêchait en son nom personnel mais la communauté qui prêchait à travers la voix d’un frère. Cela apporta beaucoup de force à l’annonce de l’Évangile et à la défense des Indiens.
Vivre en frères
Une question surgit souvent lors des projets de fondation dans un nouveau pays : qu’est-ce que l’Ordre peut apporter alors que l’Église y est déjà présente ? Un jour, le frère Bruno Cadoré, Maître de l’Ordre depuis 2010, avait répondu « l’esprit fraternel ». Tant il est vrai que saint Dominique a insufflé dans l’Église l’esprit fraternel. Chaque frère est respecté dans ses droits. La démocratie dominicaine avec son souci de participation de tous en témoigne. Il ne s’agit pas d’une démocratie de consensus à la manière de certains parlements mais d’une vision théologale où chacun illuminé par le Saint-Esprit est appelé à bâtir la société et l’Église.
Le grand cadeau que saint Dominique a laissé à sa Famille spirituelle est bien la fraternité. Les frères et les sœurs dominicains s’émerveillent devant cet attachement qui surgit naturellement ou plutôt surnaturellement. Nous en avons un exemple patent dans l’hospitalité chaleureuse vécue dans l’Ordre envers les frères et les sœurs qui se rencontrent pour la première fois.
Saint Dominique, homme de prière
Saint Dominique parlait avec Dieu ou de Dieu. Le jour, il allait à la rencontre des hommes et des femmes qui souffraient dans leurs âmes ou dans leurs corps. Les nuits, il les passait en dialogue avec Dieu. Très souvent, il couchait dans l’église des couvents, implorant la miséricorde de Dieu : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? ».
Il intercédait pour les pécheurs se demandant ce qu’ils allaient faire dans leur éloignement du Seigneur. Il demandait aussi à Dieu la lumière pour choisir la route à suivre dans la prédication de manière à se rendre utile pour le salut du prochain.
Saint Dominique aimait les personnes atteintes par le péché mais il détestait le mal.
Avec ses frères prêcheurs, il célébrait la liturgie. Lors de la célébration de la messe il lui arrivait de verser d’abondantes larmes. Sur la route, il chantait le Veni, creator Spiritus. Fils de la Vierge Marie, il reprenait souvent l’hymne marial Ave, maris stella, « Salut, étoile de la mer ».
Saint Dominique et saint François d’Assise
Nés à la même époque, partageant la même vocation à la prédication dans la pauvreté évangélique, les Dominicains et les Franciscains ont grandi dans l’amitié pendant huit siècles.
Ils ont répondu aux nouveaux défis de leur temps. Deux biographes de saint Dominique, Rodrigo de Cerrato et Gérard de Frachet, évoquent la rencontre mystique de saint Dominique et de saint François d’Assise à Rome en cette année 1217. Signe de cette fraternité qui unit les prêcheurs et les mineurs, chaque année à la fête de saint Dominique c’est un frère franciscain qui prêche; lors de la fête de saint François il revient à un frère
dominicain de mettre en lumière la vie du poverello.
L’art chrétien s’est plu à représenter cette amitié entre les Dominicains et les Franciscains à travers le symbole du baiser fraternel de Dominique et de François, unis par le Saint-Esprit, que saint Bernard appelait « le baiser du Père et du Fils ».
Saint Dominique et la Vierge Marie
Le frère catalan Romée de Livia priait mille Ave Maria par jour. Compagnon de saint Dominique sur les routes du Midi de la France, nous pouvons imaginer aisément le fondateur de l’Ordre des prêcheurs comme l’inspirateur aussi de la prière du Rosaire qui sera définie ultérieurement par un pape dominicain, saint Pie V, en 1569, dans la forme que l’Église pratique depuis le XVIe siècle.
Le Rosaire, appelé par les frères dominicains le Psautier de la Vierge Marie en raison des 150 Psaumes et des 150 Ave Maria, conduit le priant au cœur de Marie pour contempler Jésus avec la foi de la Mère de Dieu, qui est aussi la foi de l’Église.
Le Salve Regina achevait la journée liturgique dans les couvents dominicains.
Le frère Humbert de Romans, Maître de l’Ordre de 1254 à 1263, rappelait aux frères que « la bienheureuse Vierge Marie fut l’aide principale dans la fondation de l’Ordre ». Aussi est-elle célébrée comme sa patronne chaque 8 mai, mois traditionnellement consacrée à la Mère de Dieu.
Premier Chapitre général à Bologne en 1220
Saint Dominique convoqua le premier Chapitre général de son Ordre lors de la fête de la Pentecôte en l’an 1220 à Bologne (Italie). Des frères délégués, dits « définiteurs », chargés de définir les lois de l’Ordre, arrivèrent des différents couvents d’Espagne, de France et d’Italie.
Saint Dominique n’a laissé aucune prédication écrite. Nous avons quelques-unes de ses phrases gardées précieusement dans la mémoire de ses disciples et une lettre envoyée aux moniales de Madrid. Il ne ressemble pas à certains fondateurs de congrégations dont les innombrables livres et lettres ont fini par produire de la fatigue chez les religieux.
Son esprit et son génie apparaissent surtout dans les Constitutions dont le but est d’organiser et d’actualiser la mission de la prédication, but de l’Ordre.
Saint Dominique aimait les institutions car il tenait à ce que la charité et l’évangélisation durent et progressent dans le temps en faisant du neuf et de l’ancien.
En 1220, saint Dominique prêcha en Lombardie et il visita Milan.
En janvier 1221, le pape Honorius III lui fit don de la basilique Sainte-Sabine sur l’Aventin romain, où réside à présent la curie générale de l’Ordre.
Attiré par les Cumans
Né en Castille, marqué par l’invasion musulmane et par la Reconquête, saint Dominique ne s’est pas tourné vers l’Islam mais vers l’Europe centrale et orientale. Il était attiré par la mission auprès des Cumans , tribu lointaine et redoutée.
Retenu par sa mission en France et en Italie, il rêvait néanmoins de partir au loin pour vivre l’aventure missionnaire comme les apôtres. C’est ainsi qu’il avait dit au frère Paul de Venise : « Quand nous aurons affermi notre Ordre, nous irons chez les Cumans, nous leur prêcherons la foi au Christ et nous les gagnerons au Seigneur. »
Aujourd’hui encore, les jeunes aiment les défis difficiles. Nombreux sont ceux qui partent en coopération pour vivre sur un autre continent la découverte d’une autre culture, rendre service, se retrouver eux-mêmes dans le don de soi et entrevoir le sens de la vie apostolique, missionnaire.
Saint Dominique s’est donné à Dieu dès l’enfance. Saint Thomas d’Aquin redoutait les jeunes repliés sur eux-mêmes car la jeunesse représente l’âge de la générosité et de l’absolu dans la foi et l’amour, autrement il y a corruption d’une vie appelée à porter du fruit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).
La mort de saint Dominique
À la fin du mois de juillet 1221, saint Dominique arriva à Bologne, exténué. Sentant sa mort approcher, il exhorta les frères à vivre la charité, l’humilité et la pauvreté volontaire.
Il leur ouvrit le cœur en leur révélant sa virginité ainsi que l’une de ses imperfections : la conversation avec les jeunes femmes l’avait attiré davantage que les échanges avec les femmes âgées.
Voyant ses frères pleurer à l’idée de perdre leur maître spirituel, il leur déclara : « Je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie. » Le Catéchisme de l’Église catholique a retenu cette phrase (n°956) qui fait penser à une déclaration semblable de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »
Ceux qui croient en Jésus ressuscité doivent se garder de dire deux choses : « c’est trop tard », « c’est fini », car il n’est jamais trop tard et rien n’est jamais fini.
Saint Dominique passa de ce monde au Père à Bologne le 6 août 1221 vers midi.
Les funérailles furent célébrées par son ami le cardinal Hugolin, le futur pape Grégoire IX.
La canonisation de saint Dominique
En 1233, le Chapitre général de l’Ordre eut lieu à Bologne en la fête
de la Pentecôte. Les frères choisirent cet événement pour célébrer la translation des reliques de saint Dominique dans un sarcophage en marbre au cœur de l’église Saint-Nicolas.
Les frères dominicains craignaient que cette ouverture du tombeau de leur fondateur ne soit rendue pénible à cause de la corruption que la pluie, la neige et la chaleur de Bologne auraient pu provoquer dans ses restes mortels.
L’ouverture du tombeau eut lieu dans la nuit du 23 au 24 mai 1233 en présence de l’évêque de Bologne, Henri de Fratta et de nombreuses personnalités de la ville.
Au moment où fut soulevée la pierre tombale, un parfum intense, délicieux et original envahit les esprits des fidèles en prière. Ce parfum demeura plusieurs jours dans le tombeau et même dans les vêtements de ceux qui l’avaient touché. La joie des frères et des chrétiens de Bologne fut immense. Le 13 juillet 1233, le pape Grégoire IX ouvrit le procès de canonisation et après l’enquête canonique le pape décida à Rieti l’inscription de saint Dominique dans le catalogue des saints le 3 juillet 1234.
Il fut décidé que saint Dominique serait fêté principalement le 5 août tandis que la translation des reliques serait célébrée le 24 mai. Dans l’ancien calendrier liturgique du temps de saint Dominique, le 6 août ne correspondait pas à la fête de la Transfiguration comme aujourd’hui mais à la mémoire du pape saint Sixte II, mort martyr à Rome le 6 août 258. C’est le pape saint Pie V, en 1570, qui assigna de manière définitive dans le Missel Romain la date du 6 août pour la Transfiguration du Christ.
De beaux textes furent aussi créés pour mettre en lumière la sagesse de saint Dominique et son amour pour l’Église, lui qui voulut toujours grandir in medio Ecclesiae, au cœur de l’Église.
Hymne à saint Dominique
Au sein de son Église le Seigneur l’appela,
pour porter sa Parole, il lui donna l’Esprit,
le combla de sagesse, de gloire le vêtit
et sur lui fit descendre allégresse et bonheur.
Aux sources d’Évangile le Seigneur le mena,
le planta comme un arbre, près des eaux du salut,
lui donna sans mesure la sève du savoir,
lui fit en abondance porter du fruit de choix.
Du trésor de ses grâces le Seigneur l’instruisit,
dans la Nouvelle Alliance lui enseigna la Loi;
il lui donna d’en vivre avec fidélité,
puis d’enseigner l’Église avec humilité.
Gloire à toi, notre Père, qui nous attires à toi;
pour vivre en ta lumière la joie des fils de Dieu;
fais-nous grandir sans cesse dans l’amour de ton Fils
et rechercher ta face, guidés par ton Esprit.
La spiritualité de saint Dominique
La mystique dominicaine, sainte Catherine de Sienne, comparait la religion de saint Dominique à « un jardin, large, joyeux et parfumé ».
Saint Dominique n’a pas transmis aux frères un moule spirituel ni une recette magique à répéter pour réussir l’annonce de Jésus Sauveur. Il a laissé à la Famille dominicaine un esprit large où chacun garde sa personnalité tout en entrant dans la dynamique transformante de la vie communautaire réglée par les Constitutions. Quand il arrivait dans un couvent, saint Dominique se renseignait auprès du prieur des us et coutumes propres à la maison pour s’y conformer avec joie. Saint Dominique rayonnait la joie. Sa joie, musique de l’âme et signature du Saint-Esprit, impressionnait ses contemporains. Il était aussi « le parfum de la connaissance du Christ » (1 Co 2, 14). Tous ceux qui rencontrent des frères et des sœurs dominicains sont frappés de la diversité des psychologies et des mentalités tout en repérant aussi un esprit de famille.
VERITAS
Les visiteurs des couvents dominicains découvrent souvent la devise de l’Ordre dans des mosaïques ou des tableaux : Veritas.
Les disciples de saint Dominique « cherchent la vérité dans un doux compagnonnage », selon l’expression de saint Albert le Grand (+1280).
« Qu’est-ce que la vérité? » (Jn 18, 38), s’était exclamé Pilate devant Jésus.
Question passionnante qui suscite une soif jamais assouvie car la Vérité pour les chrétiens ne relève pas en dernier lieu de concepts ni de formules scientifiques, elle est une personne, Jésus lui-même, qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin (+1274) enseignera qu’à proprement parler il n’y a de vérité qu’en Dieu.
Saint Dominique et ses frères se sont évertués à s’approcher de cette Vérité par la contemplation, l’étude et la charité qui illumine l’âme.
Les fils et les filles de saint Dominique
Dans l’Évangile, Jésus nous enseigne que « l’arbre se reconnaît à ses fruits » (Mt 7,17). La Famille dominicaine représente une parole vivante de saint Dominique : saint Thomas d’Aquin, saint Albert le Grand, sainte Catherine de Sienne, Fra Angelico, saint Pie V, sainte Rose de Lima, saint Martin de Porrès, une foule de martyrs et de bienheureux …
Il y a aussi de belles figures plus proches de nous dans l’histoire : le père Lacordaire, prédicateur à Notre-Dame de Paris; Mélanie Calvat, voyante de la Salette, tertiaire dominicaine; le bienheureux Pierre-Georges Frassati, patron de la JMJ (Journée Mondiale de la Jeunesse); Sigrid Undset, norvégienne, Prix Nobel de littérature en 1928, laïque dominicaine; le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem …
Aujourd’hui la Famille dominicaine comprend 2 800 moniales, 6 000 frères, 23 000 sœurs apostoliques, 166 000 laïcs dominicains, 265 membres des Fraternités sacerdotales et 150 membres des Instituts séculiers.
Famille dominicaine que la Vierge Marie garde avec affection sous son manteau de prière.
VIIIe centenaire de la fondation de l’Ordre des prêcheurs
L’Ordre fondé par saint Dominique a fêté ses huit siècles d’existence : 22 décembre 1216 – 22 décembre 2016.
Le site Internet de l’Ordre informe régulièrement des événements qui marquent sa mission : http://www.op.org
Le poète espagnol Juan Ramon Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, a écrit : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines s’envolent . »
Huit cents ans ont donné de profondes racines à l’Ordre fondé par saint Dominique; ces racines le poussent à aller plus loin dans la mission.
La meilleure manière de célébrer la fondation de l’Ordre n’est-elle pas de se renouveler par de nouvelles fondations missionnaires ?
Le 6 août 2021, l’Ordre des prêcheurs célèbre le VIIIe centenaire de la naissance au Ciel de son fondateur, saint Dominique, entré dans la joie de son Seigneur à Bologne (Italie), le 6 août 1221.
7 août 2024
« La paix est possible »
Homélie pour le mercredi 7 août 2024.
Monastère des moniales dominicaines de Saint-Denis/ La Réunion.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Aujourd’hui l’Évangile nous fait voyager au Liban. Jésus entre dans la région de Tyr et de Sidon où il va délivrer du pouvoir démoniaque la fille d’une femme cananéenne, étrangère, païenne, qui manifeste une grande foi en lui, « fils de David ».
L’occasion nous est donnée de prier pour la population libanaise qui souffre de la faillite économique et des conflits armés. Portons dans notre eucharistie les chrétiens du Liban, de moins en moins nombreux à pouvoir vivre sur place. Prions pour les chrétiens persécutés en Orient et Afrique, témoins du Christ dans la douleur et la mort.
Nous sommes menacés pour une troisième guerre mondiale. La guerre est toujours « une défaite de l’humanité », avait déclaré le saint pape Jean-Paul II au corps diplomatique en 2003. Le pape François nous rappelle que l’on ne gagne pas la guerre mais la paix.
Travaillons pour la culture de la paix et non pour la guerre. Gagnons la paix et non la guerre.
Le démon pousse à la violence et à la mort. Dieu ne veut pas la guerre. Chaque jour nous assistons au risque de nous y habituer au spectacle de la destruction massive des personnes et des biens en Ukraine, à Gaza, dans la République démocratique du Congo, en Birmanie …
Les chrétiens ne se résignent pas dans ce désordre mondial. A travers la doctrine sociale de l’Église, ils proposent un nouvel ordre mondial, fondé sur la justice, la paix, le respect de la dignité inhérente à chaque personne humaine, le bien commun et la solidarité.
Jésus, non violent, artisan de paix, nous donne son Esprit Saint, Esprit de force et d’amour, pour vaincre le mal par le bien. Il ne s’agit pas de tomber dans un pacifisme naïf. Nous constatons que les dites « solutions militaires » ne fonctionnent pas pour résoudre les conflits qui s’éternisent en laissant chaque jour dans les villes et les campagnes une multitude de blessés, de morts, de veuves et des orphelins. Nous avons à emprunter d’autres voies que la guerre pour dépasser les conflits. Le Saint-Siège met en garde contre les dangers des armes nucléaires, du dérèglement climatique et de l’intelligence artificielle utilisée pour la destruction.
La théorie de « la guerre juste » invoquée pendant des siècles perd de sa pertinence à cause l’énorme puissance destructrice des nouvelles armes et du risque d’extension des conflits à des guerres mondiales.
Le fondateur de droit international, le frère dominicain Francisco de Vitoria O.P., enseignait déjà à l’université de Salamanque en 1539 que « la guerre ne doit pas provoquer plus de maux qu’elle ne cherche à éviter par la réaction violente ».
La paix est possible.
Personne n’a de solution « magique » à ces conflits qui découlent de plusieurs causes. L’Église pense que la paix est la seule solution et elle propose la justice et le dialogue, la négociation et les accords diplomatiques internationaux. Seuls le respect, la confiance mutuelle et la solidarité pourront dépasser les guerres qui ont à la base le désir de domination et de possession, le mépris et la haine.
« La violence commence là où le dialogue s’arrête », déclarait la philosophe Hannah Arendt (+1975). Le philosophe français Albert Camus (+1960) dénonçait déjà il y a 70 ans l’attitude passive de certains citoyens : « Je vous méprise, disait-il, parce qu’ayant des moyens pour faire tant de choses vous avez osé si peu ».
Ce serait se faire illusion que de penser que la paix arrivera par la multiplication des armes et des armes nucléaires. La guerre froide entre les grandes puissances n’apportera pas la paix mais le commerce des armes et la pauvreté.
Il s’avère nécessaire de réformer et de refonder l’ONU, inefficace, qui ne correspond plus aux besoins. La réforme de l’ONU passe par la reconnaissance démocratique des nations. A l’heure actuelle, le Conseil de sécurité des Nations Unies utilise fréquemment le droit de véto imposée par les grandes puissances. En cinq mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a utilisé six fois le droit de véto. Il convient de parvenir à une autorité publique universelle qui respecte et fasse respecter les droits des personnes et des nations de manière démocratique.
Un proverbe qui transmet l’expérience populaire enseigne : « Pas de paix dans le monde sans paix entre les peuples, pas de paix entre les peuples sans paix en famille, pas de paix en famille sans paix en moi, pas de paix en moi sans paix avec Dieu ».
Demandons à l’Esprit Saint de nous donner la pensée du Christ Jésus pour penser la paix d’une manière nouvelle et « penser d’une manière nouvelle l’homme et la vie en commun avec des hommes » (saint pape Paul VI).
Alors la paix viendra et les tentations meurtrières du démon seront vaincues.
« Amour et vérité se rencontreront, justice et paix s’embrasseront » (Ps 85, 11).
Amen.
Image : peintre Benn.
5 août 2024
Fête de la dédicace de la basilique de Sainte-Marie-Majeure à Rome le 5 août 434 par le pape Sixte III.
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 5 août 2024.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Première basilique d’Occident à être placée sous le vocable de Sainte-Marie, elle a été érigée en l’honneur de la Mère de Dieu, théotokos, le 5 août 434, comme venait de le reconnaître le Concile d’Éphèse trois ans auparavant en 431.
Le titre de théotokos, « Mère de Dieu », « celle qui engendre Dieu », a été créé par les chrétiens pour manifester leur foi en la conception virginale dans le sein de Marie du Verbe de Dieu.
Nestorius acceptait le titre de « Mère du Christ » mais non pas celu
de « Mère de Dieu ». Il est évident que la maternité divine de Marie se réfère uniquement à la génération humaine du Fils de Dieu et non à sa génération divine. Le Fils de Dieu est engendré par Dieu le Père et il lui est consubstantiel comme nous le prions dans le Credo. Marie ne joue aucun rôle dans la génération éternelle du Fils de Dieu par le Père. Marie est la Mère du Verbe incarné. Femme libre et responsable, Marie a accueilli dans son cœur par la foi et dans ses entrailles le Verbe de Dieu. En la personne de Jésus, né de Marie, s’accomplit l’unité de la nature divine et de la nature humaine.
Le père Marie-Joseph Lagrange O.P. (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, aimait à souligner qu’en Marie sont détruites toutes les hérésies qui font de Jésus soit uniquement un homme soit seulement Dieu. C’est dans le sein de Marie, dans le lit nuptial de ses entrailles maternelles, que la nature divine a épousé la nature humaine en l’unité de la personne de Jésus le Christ, le Verbe fait chair.
En cette basilique si riche en art et en histoire, ont été ensevelis les reliques de saint Jérôme (+420), traducteur de la Bible, et du saint pape Pie V O.P., apôtre du Rosaire (+ 1572). Saint Ignace de Loyola y a célébré sa première messe le 25 décembre 1538.
Avant ses voyages apostoliques ainsi qu’au retour de ses missions à l’étranger, le pape François se rend à la basilique Sainte-Marie-Majeure, pour confier à la Mère de Dieu ses rencontres et ses enseignements. Il prie devant l’icône de la Vierge Marie, protectrice du peuple romain, « Salus populi romani ».
Le pape François a choisi cette basilique mariale comme lieu pour sa future sépulture, et non pas la basilique de saint Pierre.
Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous pauvres pécheurs.