Ancien Testament : Les sources du Pentateuque par Fr. Marie-Joseph Lagrange des frères Prêcheurs

Ancien Testament

Le P. Lagrange, dès le début de sa carrière, a donné une série d’études sur l’œuvre de Moïse, question capitale dont dépend presque toute l’histoire de l’Ancien Testament. Parmi ces études il faut citer en premier lieu : Les sources du Pentateuque, texte de la fameuse conférence donnée au congrès scientifique des catholiques de Fribourg en août 1897. (Extrait de L’Œuvre exégétique du R. P. Lagrange. L’Ancien Testament. Le Sémitisme par Joseph Chaine (1888-1948), exégète, élève et disciple du P. Lagrange, Cahiers de la Nouvelle Journée, 28)

In Revue biblique internationale (1898), tome VII, p. 10-32

 

La première théorie raisonnée sur les sources du Pentateuque est catholique et française.[1]

Jean Astruc[2] de Montpellier, mort à Paris en 1766, publia en 1753 ses « conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moyse s’est servi pour composer le livre de la Genèse. » Il déclare dans son avertissement : « Cet ouvrage estoit composé depuis quelque tems, mais j’hésitois à le publier, dans la crainte que les pretendus Esprits-forts, qui cherchent à s’étaier de tout, ne pussent en abuser pour diminuer l’autorité du Pentateuque. Un homme instruit, & trez zelé pour la Religion à qui je l’ai communiqué, a dissipé mes scrupules. Il m’a assuré, que ce que je supposois sur les Mémoires, dont Moyse s’estoit servi pour composer la Genèse, avoit esté déja avancé, quant au fond, par plusieurs Auteurs dans des Ouvrages trez aprouvez ; que l’application particuliere que je faisois de cette supposition, en distribuant la Genèse en plusieurs colonnes, qui representoient ces mémoires, n’alteroit en rien le Texte du Livre de la Genèse, ou ne l’alteroit pas plus que la division, qu’on en avoit faite en Chapitres & en Versets ; & qu’ainsi, loin de pouvoir jamais préjudicier à la Religion, elle ne pouvoit au contraire que lui estre trez avantageuse, en ce qu’elle servoit à écarter, ou à éclaircir plusieurs difficultez, qui se presentoient en lisant ce Livre, & sous le poids desquelles les Commentateurs ont esté jusqu’ici presque accablez. Sur son avis, j’ai donc pris le parti de donner cet Ouvrage, & de le soumettre au jugement des Personnes éclairées, dont j’écouterai les observations avec plaisir. Je proteste d’avance trez sincerement, que si ceux qui ont droit d’en décider, & dont je dois respecter les décisions, trouvent mes conjectures ou fausses, ou dangereuses, je suis prêt à les abandonner, ou pour mieux dire, je les abandonne, dés à présent. Jamais la prévention pour mes idées ne prévaudra chez moi à l’amour de la Vérité et de la Religion. »

J’ai reproduit intégralement ces belles paroles, parce qu’elles expriment bien les sentiments des catholiques qui admettent des sources dans le Pentateuque, et non plus seulement, comme Astruc, dans la Genèse.

Il faut reconnaître pourtant que jusqu’à présent les espérances d’Astruc ne se sont pas réalisées, peut-être précisément parce que les catholiques ont abandonné l’étude des sources à « ces prétendus esprits forts », que nous appellerons simplement les critiques indépendants. C’est dans le protestantisme qu’on a poursuivi le problème. Les protestants conservateurs ont longtemps maintenu l’unité et l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Depuis la mort de Keil[3] et la conversion de Frantz Delitzsch[4] aux idées qu’il avait combattues toutes sa vie, la lutte a cessé, surtout en Allemagne : tous les critiques bibliques protestants s’entendent pour reconnaître, au moins dans les grandes lignes, les principaux documents dont le Pentateuque est composé. Non que ces documents eux-mêmes soient considérés comme des unités irrésolubles. La tendance qui prévaut aujourd’hui est toute à l’émiettement des documents. Kraetzchmar[5] déclare ouvertement que Jahviste et Élohiste sont des groupes qui représentent le travail de plusieurs générations et qu’il n’y a rien de plus erroné que de voir des individus dans les sigles J et E qui désignent ces sources[6]. Il est donc vrai de dire, que même pour les critiques indépendants, le problème littéraire n’est qu’entamé et qu’une longue carrière s’ouvre aux travailleurs.

Cependant, la question littéraire étant encore peu avancée, tandis que chacun classait, distinguait, datait à sa manière, un système s’est produit qui s’est proposé de reconstruire sur des bases nouvelles toute l’histoire d’Israël. On n’a pas hésité en effet – aussitôt que Kuenen[7] et Welhausen[8]ont eu brillamment généralisé les travaux de Vatke[9], de George[10], de Graf[11], de Reuss qui fut peut-être le premier à tracer la voie –, à créer une histoire d’Israël, une archéologie biblique, une théologie de l’Ancien Testament, d’après un système où tout se développe logiquement. Dès lors les discussions très épineuses de textes, auxquelles peu de personnes pouvaient prendre part, ont été épargnées au grand public, et celui-ci, séduit par un arrangement très habile des faits et des textes s’est laissé entraîner au torrent de la nouvelle école. On avait quitté le terrain littéraire, pour entrer dans le domaine de l’histoire. Les protestations n’ont pas manqué. Dillmann[12] a refusé de se rendre, mais si son érudition exceptionnelle lui faisait un rang à part, son système n’a pas de point d’appui solide, ses adhérents diminuent chaque jour.

En Allemagne et en Hollande, tout cède à l’engouement général. L’Angleterre suit, avec ce respect de la tradition qui tempère ses audaces, elle accepte en atténuant. La protestation de M. Sayce[13], appuyée sur les découvertes épigraphiques, a eu un immense retentissement dans le public, sans émouvoir le monde savant.

En Amérique, M. W. H. Green[14] s’est attaché à montrer les points faibles de la critique subjective[15], mais l’influence appartient dans les nouvelles universités à des professeurs venus d’Allemagne.

En France, les protestants ont tous accepté la solution littéraire, et quelques juifs rationalistes se sont complus à pousser aux dernières limites le rajeunissement des documents. Cette haute fantaisie, d’entrain français, est demeurée sans écho. Cependant M. Halévy[16] continue dans la Revue sémitiqueses attaques contre l’école grafienne, et quelques catholiques lui empruntent des arguments, sans songer qu’il n’admet nullement l’authenticité mosaïque du Pentateuque.

Cependant quelques-uns, comme M. Hommel[17], font deux parts dans la critique moderne : acceptant les conclusions littéraires généralement reçues, ils cherchent à se dérober aux théorèmes historiques des grafiens ; mais parce que les conclusions littéraires de cette école sont souvent le résultat d’une philosophie de l’histoire aussi sûre d’elle-même que la théologie du Discours sur l’Histoire universelle[18], il est impossible de rejeter ses conclusions historiques sans remanier ses conclusions littéraires, et jusqu’à présent on n’a rien fait de complet dans ce sens. Telle est, en peu de mots, la situation en dehors de l’Église.

Chose remarquable ! C’est dans le sein de l’Église qu’on a démontré pour la première fois scientifiquement que le Pentateuque ne pouvait être tout entier l’œuvre de Moïse. Richard Simon[19] était catholique et français. Ce qui n’empêche pas l’ironie de l’histoire, où, pour la nommer par son nom – l’ignorance du grand public –, d’attribuer à ceux qui le suivent dans cette voie une note de protestantisme allemand. L’Allemagne protestante judaïsait alors à plaisir. Elle avait accepté la grande synagogue d’Esdras tout entière, avec le système de l’infaillibilité du texte massorétique, et, peu s’en faut, la révélation des points voyelles au Sinaï ? Richard Simon crut faire œuvre de bon catholique, en montrant que cet esclavage de la lettre ne remplaçait pas avantageusement l’autorité de l’Église. Cette voix ne fut pas écoutée, et le dix-huitième siècle ne sut pas défendre la Bible contre les sarcasmes de Voltaire. Après la Révolution, les vraies facultés de théologie n’existaient plus. Ceux qui ont eu l’honneur de former un clergé français digne de l’ancien n’avaient guère le loisir de s’occuper de critique, et il faut reconnaître que l’enseignement dans les séminaires ne pouvait être qu’élémentaire. Il fallut s’en tenir aux thèses classiques, et l’écho des discussions littéraires ne parvint que faiblement jusqu’à nous. On se réveilla au bruit mené par l’école grafienne. La nouvelle histoire d’Israël avait tout l’air d’une machine dirigée contre la Révélation. Les apologistes qui la faisaient connaître pour la réfuter en extrayaient naturellement les passages les plus osés, les plus subjectifs, les plus dangereux. Tandis que le monde protestant avait vu sans sourciller cet ébranlement de l’histoire biblique, les catholiques ne pouvaient tolérer de sang-froid qu’on démolît le surnaturel. Dans ce péril, toute concession parut une compromission, toute indulgence une lâcheté. En France, on est toujours sûr d’avoir les rieurs de son côté quand on raille la critique et l’archéologie. On imprimait récemment que l’école allemande est justiciable d’un Labiche[20]. Mais dans une matière si sérieuse, la plaisanterie n’est pas de saison. Beaucoup de savants catholiques sont frappés de l’accord de tous les hommes spéciaux qui ont abordé la question critique en elle-même. Aussi peut-on dire qu’en ce moment nos maîtres sont partagés entre le double esprit également catholique de saint Augustin et de saint Jérôme. Les uns tiennent avant tout à conserver intact le dépôt de la tradition. Ils distinguent assurément la tradition divine des simples opinions transmises, mais ils craignent de tout céder en abandonnant quelque chose. Les autres, non moins attachés à l’Église, ne peuvent souffrir qu’on lui insulte en se moquant de l’insuffisance scientifique de ses théologiens ; ils espèrent, en démolissant eux-mêmes des défenses qui sont devenues une gêne, non seulement conserver, mais encore conquérir. Où est le juste milieu ? Il n’est peut-être pas inutile de se souvenir qu’Augustin errait en empêchant Jérôme de mettre au service de l’Église l’excellent instrument critique qui est devenu une partie de la Vulgate, et que Jérôme ne tenait pas assez de compte, dans ses opinions sur le canon, de l’autorité surnaturelle qui seule pouvait déterminer l’origine des Livres saints.

Les théologiens catholiques doivent se tenir en garde contre ce double excès. Attendre tranquillement que les systèmes adverses se soient ruinés mutuellement, c’est ne pas comprendre que si les reconstructions sont fragiles, la négation s’affermit de plus en plus. Suivre aveuglément un système à la mode pour montrer que les catholiques, eux aussi, font œuvre de critique, c’est sacrifier étourdiment au goût de l’indépendance. La critique n’est pas tout, il y a la discipline des âmes. Mieux vaut ignorer un détail littéraire que de mettre en péril le principe d’autorité dont nous vivons. L’Église ne procède jamais d’une manière révolutionnaire. Mais il semble que le moment est venu où on ne peut plus rester dans l’inaction sans compromettre le salut des âmes, sans éloigner de l’Église des forces intellectuelles qui lui sont encore attachées ; il semble qu’à marcher en avant, on peut en gagner beaucoup d’autres. Allons donc en avant, mais avec respect. Avant d’aborder le problème, nous devons savoir dans quelle mesure cela est permis. Nous avons donc à résoudre d’abord certaines questions préjudicielles : les raisons qui ont empêché jusqu’à présent les catholiques d’aborder l’examen des sources du Pentateuque, ces raisons sont-elles décisives ?

Première question préjudicielle : la rédaction des Livres saints

Les Orientaux sont des gens du livre, comme disait Mahomet. Ils l’estiment plus que ne font les Occidentaux et le respectent moins. Comment expliquer cette antithèse qui a tout l’air d’un paradoxe ? Par ce fait que le livre est plus impersonnel en Orient qu’en Occident. Planant au-dessus des esprits sans porter l’empreinte subjective d’un esprit particulier, il a toute la valeur d’une autorité supérieure, dont les origines ont quelque chose de mystérieux. Le livre vaut par lui-même, parce qu’il est écrit. Aujourd’hui encore les Orientaux s’informent peu des auteurs d’un livre. Ils l’estiment donc davantage comme livre. Mais ils respectent moins son texte. Cette autorité générale qui régit tout le monde est aussi le bien de tout le monde. On se soucie peu de la reproduction littérale des mots quand on le copie, et on se croit permis d’en faire d’amples extraits qui figureront d’autant mieux dans un nouvel ouvrage qu’ils avaient moins de caractère individuel dans leur première situation. Non qu’il n’y ait entre les livres des différences profondes ; ils diffèrent comme livres autant que les nôtres, mais ce n’est pas par une relation visible avec leurs auteurs. L’Orient pratique la communauté dans la pensée et dans le livre comme dans l’organisation sociale. Il serait exagéré de dire que l’Oriental ne copie pas un livre sans le mettre à jour, mais il est certain aussi que nous avons été dupes de la fidélité tardive des Juifs à leur texte sacré. La liberté dans l’emprunt et dans la reproduction des sources caractérise, par exemple, l’œuvre de Josèphe plus que celle d’un écrivain classique quelconque.

Il résulte de tout cela que les rapports de la critique textuelle et de la critique littéraire sont autres lorsqu’il s’agit des ouvrages classiques et de la Bible, écrite tout entière en vertu de l’inspiration divine, mais selon les procédés littéraires des Orientaux.

Pour nous modernes, et peut-être aussi pour les auteurs gréco-romains, ces rapports sont nettement tranchés. L’ouvrage sort tout rédigé des mains de l’auteur. Les copistes pourront y pratiquer certaines altérations ; fussent-elles volontaires, elles n’ont pas le caractère d’un remaniement voulu, perpétré avec autorité. L’esprit, souvent malavisé, que déploie le copiste pour faire une correction, vise la reconstitution du texte primitif. À son tour la critique littéraire peut bien entreprendre de déterminer les influences littéraires qu’a subies l’auteur, les documents qu’il a consultés, les histoires qu’il a recueillies, elle ne se trouve presque jamais en présence d’un ouvrage composé par apports successifs. Si c’est le cas pour l’Iliade et l’Odyssée, nous touchons déjà à l’Orient, et en tous cas la question des sources de Tite Live n’a pas le même caractère que la question des sources de Josèphe. Or ce sont ces principes qui nous ont guidés jusqu’ici dans l’étude de l’Ancien Testament. Les anciens commentateurs n’ont jamais hésité à appliquer au texte inspiré la critique textuelle qu’ils ont pratiquée avec honneur. Ils ont reculé devant l’exercice de la critique littéraire parce qu’ils ont cru Moïse auteur du Pentateuque, tel que nous le possédons, sauf quelques gloses, n’imaginant pas qu’on pût et qu’on dût le traiter autrement que les œuvres de Virgile ou de Thucydide. Avec notre formation classique, l’idée ne nous vient même pas d’une rédaction sans cesse poursuivie.

Il faut donc montrer, par un exemple précis, que le travail de rédaction se poursuivait encore après la version des Septante : deux récits parallèles mis bout à bout dans la version grecque ont été fondues dans le texte massorétique.

Texte des Septante (Gen 47) :

Premier récit

1. Joseph vint annoncer au Pharaon : « Mon père et mes frères et leurs troupeaux et leurs bœufs et tout ce qui leur appartient sont venus du pays de Chanaan, et voici qu’ils sont dans le pays de Gessen. » 2. Et de ses frères il en prit cinq qu’il présenta à Pharaon. 3. Et Pharaon dit aux frères de Joseph : « Quelle est votre occupation ? » et ils dirent au Pharaon : « Tes serviteurs sont pasteurs de troupeaux, nous et nos pères. » 4. Et ils dirent au Pharaon : « Nous sommes venus pour séjourner dans le pays, car il n’y a pas de pâturage pour les troupeaux de tes serviteurs, car la famine a prévalu dans le pays de Chanaan : maintenant donc nous habiterons dans le pays de Gessen. » 5. Pharaon dit à Joseph : « Qu’ils habitent dans le pays de Gessen, et si tu sais qu’il y a parmi eux des gens habiles, établis-les chefs de mes troupeaux. »

Deuxième récit placé à la suite du premier

 

Jacob et ses fils vinrent en Égypte vers Joseph, et Pharaon roi d’Égypte l’apprit. Et Pharaon dit à Joseph : « Ton père et tes frères sont venus vers toi. 6. Voici, le pays d’Égypte est devant toi, fais habiter ton père et tes frères dans le meilleur pays. 7. Et Joseph introduisit Jacob son père et le présenta à Pharaon etc…

Il est manifeste que nous avons ici un double récit de l’arrivée de Jacob en Égypte. Je n’ai pas cité ce doublet pour prouver l’existence de plusieurs documents, il n’est pas en cela plus frappant que beaucoup d’autres, mais pour montrer authentiquement comment de pareils doublets étaient fondus dans un seul récit par des rédacteurs soucieux de l’unité. Voici le texte massorétique traduit dans notre Vulgate :

  1. Joseph vint et annonça à Pharaon : « Mon père et mes frères et leur petit et leur gros bétail et tout ce qui est à eux sont venus du pays de Chanaan et les voici dans le pays de Gosen. 2. Et parmi ses frères il en prit cinq et les présenta à Pharaon. 2. Et Pharaon dit à ses frères : « Quelle est votre occupation ? » Et ils dirent à Pharaon : « Tes serviteurs sont pasteurs de troupeaux, nous comme nos pères. 4. Et ils dirent à Pharaon : « Nous sommes venus pour séjourner dans le pays, car il n’y a pas de pâturage pour les troupeaux de tes serviteurs, car la famine s’est aggravée dans le pays de Chanaan. Et maintenant que tes serviteurs habitent dans le pays de Gosen. 5. Et Pharaon dit à Joseph : « Ton père et tes frères sont venus vers toi. 6. Le pays d’Égypte est devant toi : fais habiter ton père et tes frères dans le meilleur du pays de Gosen, et si tu sais qu’il y a parmi eux des hommes de valeur, tu les nommeras chefs des troupeaux qui sont à moi. 7. Et Joseph amena Jacob son père et il l’introduisit devant Pharaon, etc.

Le texte massorétique a pratiqué une soudure. Il a supprimé quelques mots pour dissimuler la répétition qui accusait d’une manière trop flagrante la juxtaposition des deux documents. On se demande souvent comment les critiques reconnaissent la main du rédacteur. Ce n’est pas toujours facile : ici nous le voyons à l’œuvre grâce au témoignage de la version ecclésiastique grecque. J’ai dit un rédacteur : c’est en tout cas un copiste qui s’est cru le droit de remanier son texte et par conséquent de le rédiger. Les études très précises et très minutieuses de M. Touzard[21] montrent combien sont nombreuses les divergences entre plusieurs textes qui n’ont pu avoir qu’un seul original. Dans tous ces cas avons-nous affaire à des copistes ou à des rédacteurs ? ce sera peut-être une question de mots. Après qu’un texte a été tellement accepté de tous qu’on l’a traduit, on peut le considérer comme définitivement rédigé ; nous appellerons donc changements de copiste relevant de la critique textuelle tous ceux qui ont suivi les Septante, et il n’y aura aucune raison de leur supposer la grâce de l’inspiration. Mais ces copistes auront pris quelquefois de si étranges libertés qu’en fait ils relèvent de la critique littéraire. Peu importent les mots ! Ce qu’il importe de constater, c’est l’existence de pareils changements rédactionnels à une époque tardive. S’ils se sont produits peu avant la pétrification définitive du texte massorétique, que ne peut-on supposer pour les temps primitifs ? Évidemment les Hébreux n’entendaient pas comme nous l’inviolabilité du droit de l’auteur. Il faut reconnaître le fait. Pourquoi refuser dès lors l’examen de tous les cas similaires ? La conception classique sur la rédaction des livres ne saurait nous lier comme théologiens, et c’est elle qui avait donné naissance à une théorie particulière de la canonicité et de l’inspiration. On supposait le livre saint rédigé toujours tout d’une pièce et déposé près de l’arche sans que personne osât en changer une ligne, et on ne comprenait pas qu’une série de remaniements pût se produire sans porter atteinte à son caractère sacré. Or ces deux scrupules avaient déjà été levés d’une manière excellente par Richard Simon. Il avait compris que la critique textuelle n’expliquait pas tout, et qu’on faisait de son temps un abus de ses ressources – comme lorsque l’on suppose de nos jours tant de chiffres altérés par les copistes –, et il concédait sans peine que les rédacteurs successifs avaient grâce et mission pour introduire des changements. « Le principe que nous venons d’établir touchant la liberté que les prophètes ou écrivains publics ont eue de changer quelque chose dans les Livres sacrés, nous doit faire prendre garde à ne pas multiplier si facilement les diverses leçons dans le texte hébreu… C’est pourquoi il ne faut pas attribuer toutes ces diversités à la négligence des copistes, puisqu’une partie peut être attribuée à ceux qui ont compilé les mémoires… »[22]

Certaines répugnances obscurément perçues sont plus fortes que des raisons positives contre un progrès permis. On éprouve de la peine à voir les Livres saints composés, retouchés, remaniés, compilés par des inconnus… On ne voit pas la grâce de l’inspiration descendant sur eux comme sur Moïse… On a rencontré cette théorie d’une rédaction successive formulée sans égards ni respect, peut-être avec persiflage… On ne veut pas voir dans les Livres saints avec Renan[23] un conglomérat de fragments mal digérés comme la nourriture d’un boa. Mais en réalité ces choses n’ont rien d’indigne de Dieu. Le don de l’inspiration était à coup sûr exceptionnel dans chaque cas particulier, mais il était répandu très abondamment dans l’Ancien Testament. C’était comme une esquisse de cette assistance de l’Esprit Saint accordée à l’Église. L’auteur des Paralipomènes[24] a cherché un peu partout les matériaux de son histoire. Les théologiens se sont souvent demandé si ces textes étaient inspirés. Il ne leur répugnait donc pas de voir pratiquer ce qu’on appelle « la dissection d’un corps saint ». Traduire, transcrire, développer un ouvrage sacré est assurément licite et peut être le résultat de l’inspiration. Harmoniser dans un seul corps des ouvrages même inspirés, et pour cela les réduire à certaines proportions, ce n’est pas les disséquer sans respect, c’est en faire l’usage auquel ils étaient définitivement destinés dans les vues de la Providence. Et si Dieu a pu permettre que certains livres saints se perdissent, n’a-t-il pas pu diriger l’opération qui sauvait du moins une partie de certains autres ? On sait d’ailleurs que si le dogme de l’inspiration exige que le dernier rédacteur ait été inspiré, il n’est pas nécessaire d’admettre l’inspiration des documents qu’il emploie.

En résumé, la première raison qui nous empêche d’appliquer au Pentateuque les règles de la critique interne, c’est cette opinion, reçue des classiques et des massorètes, que les Livres saints rédigés d’un trait avaient été reproduits avec la même exactitude scrupuleuse que le texte massorétique actuel l’a été depuis le deuxième siècle. Ce préjugé ne pouvant tenir contre les faits, nous ne sommes pas obligés d’attribuer à l’auteur primitif la rédaction définitive.

Deuxième question préjudicielle : l’évolution législative

Si le Pentateuque a subi des changements rédactionnels proprement dits, peut-on dire qu’ils ont atteint même la substance des lois, de manière à ce que nous trouvions dans ce Code plusieurs législations successives ?

Cette évolution serait tout à fait conforme à la nature. En dehors de la loi morale, dont les principes premiers sont absolus, toute loi bonne tient compte des circonstances. Elle ne régit pas l’homme en soi, l’homme métaphysique, mais l’homme concret, l’homme historique, placé dans un milieu social, avec des droits et des devoirs spéciaux qu’il s’agit de déterminer. Ces relations changeant avec le temps – même en Orient –, il est nécessaire que la législation suive le cours des choses.

Mais, dira-t-on, il s’agit d’une loi divine, qui sans être contraire à la nature, ne dépend pas cependant de ses fluctuations : elle domine l’histoire, et c’est malgré lui que le peuple d’Israël y a été ramené en dépit de ses tendances spontanées. — Cette raison est décisive pour le fond même de la loi, mais non pour des modifications accessoires. Rien n’empêche d’admettre l’évolution divine d’une loi divine, surtout d’une loi divine qui n’était pas définitive, et cette seule hypothèse fait évanouir mainte grave difficulté proposée contre la Bible.

Il est incontestable que certaines dispositions du Pentateuque paraissent contradictoires. Depuis longtemps les harmonistes donnent des solutions qui sont possibles chacune en particulier, mais dont l’ensemble constitue une impossibilité morale. Que l’on admette une législation qui évolue, l’apparence même de contradiction disparaît. Les deux dispositions se contredisent en ce sens que l’une abroge l’autre, mais le rédacteur ne se contredit pas en rapportant deux dispositions successives. Il est d’ailleurs parfaitement possible, et dans les idées anciennes, qu’un code contienne différents stages de la législation. Les constitutions des Frères Prêcheurs ont, dans leur texte, des statuts qu’on n’a pas voulu abroger mais auxquels les dispositions suivantes dérogent nettement. L’avantage de cette pratique est de témoigner un plus grand respect à la loi des ancêtres. L’inconvénient est d’offrir quelque obscurité, mais ce n’est pas un obstacle dans une société vivante qui connaît sa législation par l’usage et avec une autorité constituée pour l’expliquer. M. Vigouroux[25] a cru que l’hypothèse d’une succession dans les lois était le seul moyen de résoudre la difficulté touchant l’unité d’autel. Moïse aurait d’abord permis les autels multiples, puis restreint cette liberté pour le temps du désert, et statué enfin que, le Temple bâti, c’est-à-dire après 400 ans, la liberté d’autel serait définitivement abolie. C’est dire que sur ce point capital la législation a passé par différentes phases, et seule la ressource d’une vue prophétique sauvegarde ici la mosaïcité de la législation. En tous cas c’est admettre que la loi quoique divine, quoique révélée, a pu changer et s’accommoder aux besoins du peuple, et c’est uniquement pour ne pas sacrifier l’authenticité mosaïque qu’on ne fait pas usage de cette solution obvie dans les autres cas.

Mais on objecte la formule : Dieu dit à Moïse d’établir telle ou telle loi. Des termes si précis supposent nécessairement que la loi est d’origine mosaïque. Que si l’on accorde à nos premières observations que la rédaction n’est pas nécessairement mosaïque, on demande du moins que la mesure ait été réellement édictée par Moïse ; sinon nous sommes dans le domaine de la fiction. Des prêtres auraient trompé le peuple en lui donnant comme la loi révélée par Dieu à Moïse leurs propres élucubrations, et pour mettre les noms propres, Esdras aurait impudemment mystifié ses contemporains en leur présentant comme la loi de Moïse le code sacerdotal qu’il venait de forger à Babylone.

C’est en effet ainsi que plusieurs critiques comprennent les choses, et c’est très malsonnant : sous cette forme c’est absolument inacceptable.

Mais ne pouvons-nous dépouiller le fait des commentaires rationalistes ? La formule dit bien que la loi est d’origine divine et d’origine mosaïque. Mais les prêtres de Jérusalem n’avaient-ils pas le droit de promulguer une loi au nom de Dieu ? Le Deutéronome (XVII, 11) leur donne expressément compétence, non seulement pour résoudre les questions de fait, mais aussi pour fixer les points de droit. On sait avec quelle facilité la jurisprudence se transforme en législation dans une civilisation où la distinction n’est pas exactement marquée entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Une coutume établie peut toujours être écrite et devient un texte de loi. S’il y avait bien jugé, si les mesures prises étaient conformes à la loi primitive, la loi était d’origine mosaïque en même temps que divine, non pas immédiatement, mais médiatement. On prononce le nom de fiction. Mais dans l’ordre législatif – surtout chez les anciens –, la fiction jouait un grand rôle, une fiction très légitime. Nous disions tout à l’heure que la loi évolue nécessairement. Cependant il est de la nature de la loi d’être éternelle. Les hommes savent ce que vaut l’éternité qu’ils donnent, et cependant ils statuent pour toujours. Et il importe qu’il en soit ainsi, car la loi est dans les sociétés l’élément stable qui règle les rapports mobiles des particuliers entre eux. Comment les anciens, qui tenaient plus que nous à ce principe, arrivaient-ils à le concilier avec les mutations indispensables ? Par la fiction. Plutôt que d’abroger la loi, on étendait son domaine à des cas qu’elle n’avait pas prévus. On donnait une action comme si on y avait droit. On traitait une propriété comme si elle se trouvait dans la situation légale. On jugeait en apparence d’après la loi ancienne pour faire prévaloir l’équité contre cette même loi. Ici je suis déjà dans l’hypothèse du droit romain. Ce droit s’est formé lentement par une réaction incessante de la raison et de la justice naturelle contre les barrières étroites des vieux statuts religieux de la cité romaine, et la fiction a été la transaction nécessaire entre des principes opposés. Dès lors son rôle a cessé d’être raisonnable et légitime. Mais si au lieu d’évoluer en sens inverse de l’ancien droit, la législation nouvelle n’avait été que le développement des antiques formules, ce n’eût plus été une fiction de donner la nouvelle loi comme une émanation des Douze tables, et en tous cas cette fiction eût été aussi légitime que celle qui exprime la filiation des cités par des noms d’hommes ou que celle qui supprime plusieurs membres dans une généalogie.

Prétendait-on que la formule exprime une révélation personnelle ? — Mais dans les cas mêmes où il s’agirait d’une disposition strictement mosaïque, rien ne nous oblige de croire à une révélation proprement dite. La loi ancienne est révélée dans son ensemble en ce sens qu’elle est approuvée par Dieu. Dieu a révélé à Moïse ce qu’il a jugé opportun de lui faire connaître, mais sa législation n’a aucun des caractères de la législation jacobine qui crée tout à nouveau pour régir l’homme intègre et absolu. Parmi les usages existants il a accepté les uns et repoussé les autres ; ce qu’il a fait au Sinaï il a pu le faire plus tard, par le canal ordinaire de l’autorité et sans recourir à des révélations spéciales. La formule : Dieu dit à Moïse signifie donc simplement : voici une loi émanée de l’autorité divine dans l’esprit du premier législateur. Cette interprétation ne fait pas disparaître toutes les difficultés ! Nous aurons à prouver contre un grand nombre de critiques qu’il y a eu une législation mosaïque et que les lois du Code sacerdotalen sont une conclusion normale, mais du moins nous pourrons considérer ces lois comme postérieures à Moïse non seulement dans leur rédaction mais encore dans leur thème spécial. Et nous serons affranchis d’un second préjugé juif, très opposé à une exégèse loyale des lois[26]

Troisième question préjudicielle : Le témoignage de la Bible

Ce témoignage est contenu dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.

Parlons d’abord de l’Ancien Testament.

On a prétendu prouver d’après lui que Moïse est l’auteur de tout le Pentateuque. Cela n’est dit nulle part ; les termes sont trop vagues pour être pris dans un sens si absolu. Il semble même que lorsque nous lisons : « Iahvé dit à Moïse : écris cela comme souvenir dans un livre[27] » (Ex XVII, 14), cela prouve deux choses : la première, que Moïse avait écrit quelque chose là-dessus ; la deuxième, qu’il n’avait pas écrit tout le reste.

Même réflexion pour Num. XXXIII, 2 et pour Ex XXIV, 7.

Au contraire, le Deutéronome est donné comme l’œuvre de Moïse (Deut XXXI, 24). Le texte ne doit pas s’appliquer à tout le Deutéronome tel que nous l’avons, mais du moins il vise l’ensemble de cette loi ; cela est indiscutable. Cependant devrons-nous nécessairement le considérer comme une affirmation catégorique de ce fait que Moïse a rédigé le Deutéronome ; est-ce un enseignement formel de l’écrivain sacré ?

Si on a admis nos observations préliminaires, il n’y a pas lieu de prendre plus à la lettre la formule : Moïse a écrit, que la formule : Dieu a dit à Moïse. Si Moïse n’était pour rien dans le Deutéronome, ce livre serait entièrement pseudépigraphe, or l’exemple de la Sagesse de Salomon semble prouver qu’un livre pseudépigraphique peut être inspiré. Mais nous n’en sommes pas réduits à cette solution. Qu’est-ce que le Deutéronome ? Une seconde loi en effet, une révision législative qui prend pour base le code de l’alliance (Ex XX-XXIII). Si le code de l’alliance est mosaïque, le Deutéronome l’est aussi. On pouvait donc le donner comme tel. Le rédacteur a été logique. Il a mis le nom de Moïse à ce qu’il considérait, avec raison, ou plutôt, à ce que toute la tradition considérait comme son œuvre. Si nous prouvons contre les rationalistes que les coutumes rédigées étaient anciennes, conformes au droit mosaïque, ou du moins raisonnablement conclues de prémisses anciennes, la pseudépigraphie ne porte plus que sur la rédaction que les Hébreux considéraient comme flottante. Soyons logiques nous aussi, et ne nous scandalisons pas d’un procédé qui paraissait si naturel.

Il résulte en tous cas des textes qu’une très ancienne tradition attribuait à Moïse même la rédaction de certains récits et de certaines lois. Aucun argument de critique interne ne prévaudra là, contre. Cette croyance a permis aux législateurs d’attribuer à Moïse les lois qu’ils composaient dans son esprit. Mais les textes qui les renferment ne distinguent pas clairement la part de chacun. Ils ne nous empêchent donc pas d’appliquer la critique interne pour discerner le fondement des constructions postérieures pourvu que nous ne révoquions pas en doute leur affirmation principale.

On appliquera les mêmes solutions aux textes du Nouveau Testament. L’autorité de N.-S. Jésus-Christ ne doit pas être mise en cause. Il savait mieux que nous ce qu’il en était de l’origine du Pentateuque. Nous ne sommes pas de ceux qui limitent sa science, même comme homme. Mais si on nous a suivi jusqu’à présent, on a compris que la proposition : Moïse a écrit la loi, était vraie quant au fond, quoiqu’elle ne pût s’appliquer à la rédaction complète de cette loi. Le Sauveur n’avait pas assurément à redresser toutes les opinions des Pharisiens ; c’eût été compromettre le résultat de sa mission dans une controverse stérile. Il venait pour ramener les cœurs à Dieu, non pour traiter des problèmes littéraires. On le comprend si bien qu’on n’insiste que sur un seul texte. On dit : Jésus n’avait pas à réfuter toutes les erreurs, mais il ne pouvait du moins en approuver directement aucune. Or si Moïse n’est pas l’auteur du Pentateuque, le Seigneur a approuvé directement une erreur en disant : Nolite putare, quia ego accusaturus sim vos apud Patrem ; est qui accusat vos, Moyses, in quo speratis. Si enim crederitis Moysi, crederetis et mihi : de me enim ille scripsit. Si autem illius litteris non creditis, quomodo verbis meis credetis ? (Jo V, 45-47)[28].

Ce passage ne prouve rien touchant l’ensemble du Pentateuque. À supposer que le Sauveur parle expressément de ce qu’a fait l’homme nommé Moïse, cela prouve seulement qu’il a écrit quelque chose qui se rapportait à Jésus-Christ. Mais en réalité la personne de Moïse n’est ici qu’à la surface. L’opposition est entre le livre écrit et les paroles. Les Juifs n’espéraient pas en la personne de Moïse, mais en la toraque tout le monde connaissait sous le nom de Moïse. Leur erreur consiste à se confier en la loi, qu’ils ne comprennent pas, et qui les conduisait au Messie. Voilà l’erreur que le Sauveur désapprouve : la question littéraire du Pentateuque ne se posait même pas.

Les textes bibliques ne prouvent donc pas que Moïse a rédigé le Pentateuque. Mais ne sont-ils pas plus forts joints à la tradition ?

Quatrième question préjudicielle : la Tradition

Dans l’Église catholique, la tradition est parallèle à l’Écriture. Le dogme est contenu dans la tradition orale venue des Apôtres comme dans leurs écrits. De même que l’Église reconnaît dans l’Écriture un enseignement divin, mais qui n’est de foi que lorsqu’elle en a fixé le sens, de même les traditions ne sont déterminées que par ses déclarations. Et de même qu’on ne peut sans témérité s’écarter du sens dogmatique généralement admis par les théologiens, de même on ne peut rejeter une tradition qu’ils ont reconnue comme important à la foi. Que si une tradition ne touche pas à la foi, le consentement même unanime des Pères ne suffit pas à la rendre certaine : c’est la règle de Melchior Cano[29] : Omnium etiam sanctorum auctoritas in eo genere quaestionum, quas ad fidem diximus minime pertinere, fidem quidem probabilem facit, certam tamen non facit[30].

Ce grand théologien avait remarqué que certains théologiens scolastiques sont trop portés à aller au bout de leurs raisonnements, sans s’apercevoir qu’à un certain moment les opinions deviennent libres : Quo loco sane arguendi sunt scholastici nonnulli, qui ex opinionum, quas in schola acceperunt, praejudiciis viros alias catholicos notis gravioribus inurunt, idque tanta facilitate, ut merito rideantur[31].

Cano ajoutait que même dans les questions qui ressortissent à la théologie, on peut distinguer certaines modalités qui n’intéressent pas également la foi : Altera ad philosophiae magis rationem expediunt quam fidei ; altera ad fidem pertinent moresque Christiano populo necessarios[32]. Tels sont les principes ; telle est la liberté laissée aux bons catholiques, et je ne pense pas que personne veuille la restreindre sans mandat en formulant contre ses frères une γραφή άσεδείας: Pro fide etiam cum vitae discrimine pugna sit ; pro his, quae fidei non sunt, sit pugna, si ita placet, sed incruenta sit tamen[33]. C’est encore Cano qui parle.

Appliquons donc ces principes à la tradition touchant le Pentateuque. Et d’abord n’y aurait-il pas dans cette tradition une double modalité ?

Moïse est le législateur d’Israël, le mosaïsme est à la base de toute l’histoire du peuple de Dieu, voilà la tradition historique. Moïse a rédigé le Pentateuque que nous possédons, voilà la tradition littéraire. Évidemment ces deux aspects sont différents, et ce qui établit solidement la première tradition peut être de nulle valeur relativement à la seconde, quoique la seconde comporte nécessairement la première. Or je ne vois pas que cette distinction si simple ait été faite par les défenseurs de l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Ils établissent solidement que toute l’histoire d’Israël ne peut s’expliquer sans Moïse et concluent qu’il a composé le Pentateuque ; ou pour prouver la même thèse ils allèguent des textes où Moïse est nommé législateur des Hébreux. Évidemment la conclusion contient plus que les prémisses. Il faut sortir de cette confusion. On n’abandonne pas la tradition pour en mieux discerner les éléments, dût-on renoncer à ceux qui ne faisaient pas partie de la substance traditionnelle.

Il est vrai que la tradition a été attaquée tout entière, et c’est ce qui justifie la méthode des écrivains catholiques, plus pressés de répondre à des attaques bruyantes que soucieux de faire eux-mêmes œuvre de critiques. On a rejeté la formule : la Loi et les prophètes, pour la remplacer par je ne sais quelles chimères de monothéisme moral, créé par les prophètes, la loi n’étant jamais que l’écho de la prédication. Ainsi la tradition historique elle-même est attaquée. Mais quant à celle-là, nous devons la défendre. La Bible ne serait plus l’histoire du salut si elle dénaturait à ce point cette histoire. La foi est menacée quand les grands faits du règne de Dieu deviennent incertains. D’ailleurs je ne sache pas que la démonstration soit faite contre nous, aucune raison de critique interne ne m’oblige à en venir là, et toutes les raisons d’une sage critique historique nous forcent à reconnaître à Moïse le rôle historique que lui attribue la tradition. Mais il n’en résulte pas que Moïse a écrit le Pentateuque entier.

On croit généralement que les deux traditions se valent. Il faut donc établir que la tradition littéraire n’a pas la même portée que la tradition historique et que certains indices nous permettent de récuser les conclusions extrêmes de ceux qui l’allèguent comme une autorité décisive.

L’unanimité n’est déjà plus absolue lorsqu’il s’agit de l’étendue de ce qui est attribué à Moïse. Quelques-uns ont été conséquents, ils veulent que Moïse ait écrit – comme prophète –, même le récit de sa mort. En général on le donne à Josué, sans aucune raison traditionnelle, simplement parce que cela paraît plus plausible. Quelques-uns vont plus loin et admettent des gloses. Voilà une porte ouverte à la critique interne.

Et c’est que le fait de la composition intégrale d’un livre n’est pas facile à constater. Parmi les traditions fausses qui se sont imposées à la crédulité des théologiens par le canal des historiens et des exégètes, la plupart sont de l’ordre littéraire. Des théologiens et des conciles ont attribué à Denys l’Aréopagite des écrits que tous les hommes compétents lui refusent.

On pourrait citer maint autre exemple. Si, comme nous l’avons montré, on continuait la rédaction des Livres saints, quel témoin a pu constater le fait littéraire de la composition totale ?

L’assemblée de Néhémie peut-être ; mais nous sommes loin de Moïse. Il est impossible, assurément, que le peuple ait été victime de la fraude littéraire qu’on suppose : Esdras venant lire ses élucubrations et faisant accroire au peuple que c’est la loi de Moïse reçue dans la nation depuis longtemps. Mais si le livre lu par Esdras existait déjà, s’il contenait le Deutéronome, conforme lui-même au Code de l’alliance où était la législation primitive, le peuple était témoin, beaucoup plutôt du fait historique de la mosaïcité de la législation que des modalités de la composition de son Code.

Est-il possible cependant qu’une refonte générale ait passé inaperçue ? — Mais on peut se demander en effet si la tradition n’a pas gardé la mémoire d’une rédaction opérée au temps d’Esdras. Voici les passages du Talmud[34] : « La Tora était oubliée des Israélites, jusqu’à ce qu’Esdras vint de Babylone et la restaura » (Soukka 20a). « Quoique la Tora n’ait pas été donné par lui (Esdras), l’écriture a cependant été écrite par lui » (Sanhedrin 21b).

Ces passages peuvent et doivent être interprétés d’une action matérielle d’Esdras, parce qu’alors la tradition mosaïque avait prévalu, mais ne sont-ils pas un indice ?

L’histoire du quatrième livre d’Esdras n’est pas non plus sans intérêt, un intérêt plutôt théologique qu’historique, puisque ce livre n’est qu’une fiction juive sans autorité. Le fait intéressant est que plusieurs Pères des plus graves ont admis, soit sur l’autorité de ce livre, soit d’après une tradition courante, que les Livres saints, ayant été perdus au moment de la captivité de Babylone, ont été reconstitués par Esdras sous Artaxercès.

On remarquera que, dans leur opinion, Esdras a été inspiré pour recevoir le texte ancien, mais il n’en est pas moins vrai que dès lors toute l’autorité du Pentateuque repose sur l’autorité d’Esdras inspiré, et que pendant plus de cent ans la tradition littéraire a été complètement interrompue. Il est aussi permis, sans manquer de respect à ces grands hommes, de constater avec quelle facilité ils recevaient une tradition juive de second ordre[35]. Si l’on ajoute à cela la crédulité avec laquelle des Pères de premier rang ont admis l’histoire des cellules des Septante qui conduisait à l’inspiration de leur version, on concédera qu’en matière littéraire, la tradition des Pères n’a pas la même autorité qu’en matière dogmatique. On ne voit pas qu’ils soient sur ce point les simples rapporteurs de la tradition des Apôtres. Ils ont suivi les opinions juives, victimes trop souvent de la manie pseudépigraphe qui régnait alors dans le monde juif.

Les Juifs en effet croyaient alors tout savoir touchant leurs origines, et leur impudence en imposait aux chrétiens. Les exagérations même de leur tradition devraient nous la rendre suspecte. Ils ont fait remonter au Sinaï l’origine des points-voyelles, ils ont créé de toutes pièces la grande synagogue, et des chrétiens ont fait fond sur tout cela pour résister aux conciles catholiques. Les catholiques n’ont pas été aussi loin que les protestants dans cet esclavage de la lettre, mais il serait temps de distinguer plus nettement la tradition apostolique des opinions juives. Nous admettons que les paroles du Sauveur ont été, dans une certaine mesure, transformées par la catéchèse primitive ; nous avons dans les évangiles deux formes du Pater, et nous ne nous croyons pas obligés de soutenir que Jésus-Christ les a prononcées toutes deux : pourquoi devons-nous croire que Moïse ait écrit les deux rédactions du Décalogue ?

La tradition des Pères aurait-elle été fixée par le concile de Trente ? — Mais on sait qu’en se prononçant sur la canonicité, il a évité de trancher la question d’authenticité. On peut objecter cependant que le concile de Trente, en nommant le Pentateuque de Moïse, a du moins exprimé son opinion sur ce fait. Mais quand il serait vrai qu’il ait posé une règle disciplinaire sans le dire, on ne peut étendre la mesure au delà de ce qui se pratique pour l’épître aux Hébreux dont l’origine a été discutée dans le Concile. Ceux mêmes qui se croient obligés de dire que saint Paul en est l’auteur admettent un rédacteur – non point seulement un scribe –, qui lui aurait donné sa forme littéraire. Nous demandons, il est vrai, quelque chose de plus pour le Pentateuque, mais il sera toujours le Pentateuque de Moïse si ce grand homme a jeté les fondements de sa législation. Nous revenons donc toujours à la distinction du problème littéraire et de la tradition historique.

La tradition historique est claire, elle a les vraies notes d’une tradition qui oblige et qui dirige. La tradition littéraire est loin d’avoir la même valeur. Elle ne paraît pas assez assurée pour être obligatoire, et même si nous voulions l’interpréter dans un sens positif, nous dirions qu’elle représente un double courant. Chez les Juifs, on a toujours tendu à outrer la tradition mosaïque en faisant remonter au Sinaï les moindres détails du texte ; mais les Pères ont conservé le souvenir d’une tradition qui attribuait à Esdras un travail de refonte sur toute l’Écriture et en particulier sur le Pentateuque. La conciliation s’est opérée en admettant qu’Esdras n’avait été inspiré que pour reproduire de mémoire la lettre ancienne, et il est incontestable que l’opinion juive a prévalu. Mais cette lacune de plus de cent ans, cette reconstitution des Écritures tantôt de mémoire, tantôt en compilant des fragments, sont des signes d’incertitude dans la tradition. Elle demeure ferme sur l’inspiration d’Esdras, mais nous laisse libres de discuter par des moyens littéraires un problème littéraire. La réaction commencée contre les racontars du Talmud peut faire un pas de plus sans détruire les fondements du judaïsme qui sont aussi ceux de notre religion.

Cinquième question préjudicielle : la valeur historique

C’est de beaucoup le point le plus délicat. D’abord à cause des habitudes prises. Depuis si longtemps on argumente du Pentateuque mosaïque dans les traités apologétiques ! Et il faut convenir que la difficulté est très grave en elle-même. On la formule ainsi : « Tout le monde admet que le récit de Moïse est vrai s’il est réellement de lui, tandis qu’on peut prétendre qu’il est indigne de foi et n’est qu’un tissu de mythes s’il a été écrit à une date postérieure[36]. » En d’autres termes on tient à l’authenticité pour établir la véracité.

Plusieurs distinctions sont ici nécessaires.

Devons-nous d’abord concéder qu’un récit postérieur aux faits, même de plusieurs siècles, soit fatalement indigne de foi et un tissu de mythes ? Ce serait mettre Moïse en fâcheuse posture par rapport à l’histoire des patriarches, sans même remonter plus haut. Comment savait-on au moment de l’exode ce qui s’était passé en Chanaan quatre cents ans ou même deux cents ans plus tôt ? Moïse pouvait avoir des documents… mais ces documents ont pu être conservés et utilisés après lui. En d’autres termes, la date de la rédaction importe moins en pareil cas que l’existence de sources écrites. Or, sur ce point, la réaction commencée par M. Sayce[37] est d’autant plus en progrès que le pays de Chanaan nous apparaît davantage comme un pays d’écriture.

Nous avons jugé imprudent d’engager sur une question littéraire l’autorité de N.-S., de l’Écriture et de la Tradition. S’obstiner à soutenir l’unité rigoureuse du Pentateuque est une imprudence du même genre qui sacrifie le principal à l’accessoire. Nous serions dans une situation plus difficile si le Pentateuque était rigoureusement un, car de dater cette unité de Moïse, personne n’y consentira, et nous ne saurons plus comment on peut se fier à un auteur écrivant si loin des faits, sans qu’on puisse affirmer qu’il ait eu des sources. Qu’on admette au contraire un rédacteur respectueux des vieux documents qu’il juxtapose plutôt que de les altérer, nous sommes sur un terrain plus solide.

D’ailleurs en pareille matière on ne peut raisonner a priori, et pour examiner les faits, il faudrait avoir fixé l’âge de chaque document. Disons cependant que la position que nous fait la critique littéraire n’est pas aussi mauvaise qu’on le suppose généralement. Trois documents contiennent toute l’histoire du Pentateuque, l’Élohiste, le Jahviste et le Code sacerdotal, qu’il vaudrait mieux nommer l’histoire des institutions religieuses d’Israël. Chacun de ces documents a utilisé celui qui l’a précédé : on prétend même – à tort selon nous –, que le Code sacerdotal n’avait d’autre source que ses deux prédécesseurs déjà mis en œuvre par le Deutéronome. Qui ne voit que dans cette situation il ne peut être question de contradiction réelle et fondamentale entre les auteurs si soucieux de se suivre les uns les autres qu’on a pu les fondre dans un même tout ? Et n’avons-nous pas, pour assurer la véracité de l’histoire d’Israël, trois témoins au lieu d’un ? Que le dernier l’ait comprise autrement que le premier, qu’importe ? le rédacteur assure la rectitude de notre jugement en les mettant en parallèle. Ne disons-nous pas que si les divergences des Synoptiques nous imposent une tâche impossible à réaliser à vouloir absolument les mettre dans le même moule, leur accord sur les points essentiels dans cette indépendance de pensée est le meilleur critère de la véracité des faits.

Mais voici la vraie difficulté : on prétend que le Code sacerdotal a altéré la vérité de parti pris, qu’il a généralisé, systématisé, idéalisé l’histoire. Avant de résoudre cette objection nous pourrions demander : Qu’est-ce que la vérité historique telle qu’on l’entendait alors en Judée ?

Distinguons du moins. Nous tenons à la véracité des faits racontés pour deux raisons. Ils sont en quelque manière les grandes lignes du règne de Dieu sur la terre, ils font partie de l’histoire du salut, ils sont étroitement liés au dogme lui-même. De plus, l’histoire qui les rapporte est une histoire divine, un livre inspiré ne peut ni errer ni mentir.

Il est évident que, sous le premier aspect, nous ne tenons qu’aux faits principaux. Si les faits du salut étaient contenus dans un livre humain, les erreurs de détail nous importeraient fort peu. Nous soumettons à une critique sévère même la liturgie de l’Église, en prenant presque pour règle d’en suspecter les éléments trop miraculeux. La réflexion est de Melchior Cano : Sed esto ; quaedam in publicis Ecclesiae precibus habeantur ambigua, quaedam etiam falsa in quibus, praesertim quoties de miraculis incidit sermo, ficta rerepias fortasse plura, quae jure ac merito reprobantur[38].Et cependant l’histoire de l’Église de Jésus-Christ nous est aussi chère que celle de la Synagogue. Pourvu qu’elle tienne debout, nous n’insistons pas sur les détails transmis même par la voie sainte de la Liturgie. De même pour l’histoire des Hébreux ; ce qui nous importe, c’est le fond des choses.

Donc, je le répète, c’est parce que la Bible est un livre inspiré que nous tenons à la véracité même des détails, et nous avons raison, puisque Dieu, auteur principal de l’Écriture, ne peut ni se tromper ni nous tromper.

Seulement si ces détails n’importent pas par eux-mêmes, nous pouvons nous demander si Dieu a réellement voulu nous les enseigner, ou s’il s’en est servi comme des éléments matériels d’un enseignement supérieur ; en d’autres termes, si les ouvrages en question ne manqueraient pas de réalité historique uniquement parce que le genre qu’ils ont choisi excluait cette réalité des détails, d’où nous pourrions conclure qu’elle ne nous est pas proposée absolument par l’auteur. J’ai déjà traité de cette façon l’histoire de la chute : on peut appliquer les mêmes principes à l’histoire du Code sacerdotal, c’est-à-dire non plus à l’histoire primitive, mais à l’histoire idéalisée. Dans les deux cas il y a un fond historique, enseigné au moyen de formes accidentelles que l’auteur ne donne pas comme vraies en elles-mêmes, mais comme une formule plus ou moins précise de la vérité. Pour l’histoire idéalisée, il y a cette difficulté de plus que l’auteur a l’air plus maître de lui, plus libre dans l’expression et qu’il semble choisir comme de propos délibéré des accessoires trompeurs. Même dans ce cas nous ne devons pas nous laisser aller aux apparences, et on s’est trop souvent trompé, si cette exactitude a fait l’impression d’une affirmation stricte et positive, il faut s’en prendre à la tradition juive qui a peu à peu gagné parmi nous, tandis que les premiers Pères étaient si portés à contempler dans l’Écriture surtout la vérité idéale. Entrons dans l’esprit des contemporains du Code sacerdotal, dans l’esprit d’Ézéchiel, et demandons-nous comment la tradition catholique entend Ézéchiel lui-même.

Devant Dieu tout est présent : toute affirmation divine est essentiellement vraie, qu’elle porte sur le passé ou sur l’avenir. Toute prophétie inspirée est donc aussi vraie que toute histoire inspirée ; or qui va chercher une réalité historique dans les prophéties d’Ézéchiel sur la restauration d’Israël ? Rien ne s’est réalisé à la lettre, tout s’est réalisé selon l’esprit. C’était comme une esquisse du règne de Dieu. Pourquoi ne pas imaginer qu’un contemporain, tablant d’ailleurs sur des faits authentiques, ait donné à l’ancienne histoire cette régularité qui la rendait propre à devenir la figure de l’avenir ? Que cherchaient les premiers Pères dans la description du Tabernacle ? Le Christ et toujours le Christ. Ils avaient le sentiment très profond de la valeur figurative et symbolique des éléments détaillés d’une chose d’ailleurs très réelle.

Observons encore que le Pentateuque est une loi. Les éléments historiques n’y sont pas à dédaigner, mais, dans le Code sacerdotal surtout l’histoire n’est qu’un cadre. Interdira-t-on au législateur, surtout à cette époque, de présenter la législation sous une forme figurée ? Un cas de conscience, avec tous les détails les plus précis, contient-il une histoire vraie ? et ne peut-on pas dire par exemple, que l’histoire des filles de Salphaad ressemble à une série de casus[39] ? Et surtout interdira-t-on à Dieu de faire écrire l’histoire du peuple ancien de manière à ce qu’elle figurât mieux la loi nouvelle que par le terre à terre de la réalité historique ?

L’histoire du royaume de Dieu n’est pas une histoire ordinaire, et partout où il n’y a pas affirmation catégorique, il n’y a ni erreur ni mensonge.

Si cette conception répugne, c’est surtout parce qu’il devient impossible de savoir exactement à quoi s’en tenir par rapport à certaines circonstances. L’inconvénient serait grave s’il mettait en question les grands faits, ce qui n’est pas, même selon la critique, puisqu’ils sont garantis par les autres sources ; et quant aux détails, il faut bien s’y résigner parce qu’il est inévitable. Prenons pour exemple la chronologie. Si vous ne voulez pas la prendre pour un thème systématique, une réduction des périodes historiques à certains éléments, vous devrez néanmoins rester dans un doute éternel, tant à cause des variations dans les manuscrits que de l’impossibilité de faire coïncider les chiffres avec les histoires. Il faudra les supposer altérés à chaque instant. De toutes manières la précision des faits vous échappe. Dieu n’a pas voulu vous instruire de ces choses qui ne servent pas au salut. Mais il ne vous a pas non plus induit en erreur par des procédés historiques si étrangers à nos habitudes, et tout le mal vient de vous qui préférez la littéralité juive à l’instinct des Pères qui montaient plus haut.

D’ailleurs nous donnons ici des solutions extrêmes et radicales qui préservent la parole de Dieu du reproche d’erreur en toute hypothèse. Il devient chaque jour plus évident que le Code sacerdotal lui-même avait ses sources propres. Il est impossible de le convaincre de mensonge, et si on lui reproche de systématiser au lieu de rechercher minutieusement le fait concret, on ne peut l’en convaincre que par lui-même. C’est donc par lui-même que nous savons qu’il ne veut plus à ce moment faire de l’histoire, et dès lors qui trompe-t-il, et que peut-on lui reprocher de ce chef ?

Si donc il s’agit de la véracité de l’Écriture comme inspirée, elle est mise hors de cause par une exégèse légitime, et s’il s’agit des grands faits qui seuls importent à la théologie, ils seront mis hors de cause par une défense critique et loyale. Dans les deux cas nous avons intérêt à étudier de près la composition du Pentateuque, persuadés que l’histoire qui sortira du discernement des sources sera toujours l’histoire de la Révélation d’après la parole de Dieu. ¨

Jérusalem

                                                                                                              Fr. M.-J. Lagrange

 

Transcription Association des Amis du Père Lagrange

www.mj-lagrange.org

0119

 

[1]Lu au congrès scientifique des catholiques à Fribourg, août 1897.

[2][Jean Astruc (1684-1766), médecin théoricien français, auteur de dissertations philosophiques et d’un important ouvrage de critique biblique sur la Genèse.]

[3][Carl Friedrich Keil (1807-1888), exégète protestant allemand.]

[4][Frantz Delitzsch (1813-1890), théologien luthérien, hébraïsant.]

[5][Otto Richard Kraetzschmar (1867-1902), théologien protestant allemand.]

[6]Zatw(1897) p. 91. [Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft (Journal de l’Ancien Testament. Science).]

[7][Abraham Kuenen (1828-1891), théologien protestant néerlandais.]

[8][Julius Wellhausen (1844-1918), théologien protestant allemand.]

[9][Johann Karl Wilhelm Vatke (1806-1882), théologien protestant allemand.]

[10][Leopold George (1811-1873), philosophe allemand.]

[11][Karl Heinrich Graf (1815-1869), théologien protestant, bibliste et orientaliste allemand.]

[12][Christian Friedrich August Dillmann (1823-1894), orientaliste et bibliste allemand.]

[13]The « higher criticism » and the verdict of the monuments. 5th ed. London, 1895. [Archibald Henry Sayce (1845-1933), assyriologue et linguiste anglais.]

[14][William Henry Green (1825-1900), orientaliste américain, spécialisé dans l’étude de l’hébreu.]

[15]Unity of the Book of Genesis.New York, 1895.

[16][Joseph Halévy (1827-1917), linguiste, archéologue et géographe français. Spécialiste de langues et d’archéologie orientales. Professeur d’éthiopien et de sabéen. Fondateur de la Revue sémitique et d’histoire ancienne.]

[17][Fritz Hommel (1854-1936), orientaliste allemand.]

[18][Jacques-Bénigne Bossuet, éd. Mabre-Cramoisy, 1681.]

[19][Richard Simon (1638-1712) exégète français.]

[20][Eugène Labiche (1815-1888), dramaturge français, célèbre auteur de vaudevilles.]

[21][Jules Touzard (1867-1938) p. s. s., professeur d’Écriture sainte, d’hébreu et de syriaque.]

[22]Histoire critique du V. T., chap. III.

[23][Ernest Renan (1823-1892), écrivain, philologue, philosophe et historien français.]

[24][Livres des Chroniques]

[25][Fulcran Vigouroux (1837-1915) p. s. s., théologien, bibliste français.]

[26]« Je scay qu’il est défendu expressément dans le Deutéronome d’ajouter ou de diminuer quoy que ce soit à la parole de Dieu, mais on peut répondre avec l’Auteur du Livre intitulé Cozri, que cette défense ne regarde que les personnes privées, et non pas ceux que Dieu avait chargé d’interpréter sa volonté. » (Rich. Simon, chap. II). [Richard Simon (1638-1712), exégète français, père de l’exégèse moderne.]

[27]Les LXX n’ont pas rendu l’article mass. dans le livre :et quand même la leçon mass. serait la meilleure, elle n’indiquerait pas un livre commencé dans lequel on écrit tout. (Kœnig, Einleitung, p. 135. [Johann Friedrich König (1619-1664) théologien luthérien allemand.])

[28][Ne pensez pas que c’est moi qui vous accuserai auprès du Père. Votre accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir. Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi ; car c’est de moi qu’il a écrit.]

[29][Melchior Cano (1509-1560), dominicain, théologien, philosophe et évêque espagnol.]

[30]VII, 3.

[31]VII, 4.

[32]Ibid.

[33]VIII, 5.

[34]D’après Kœnig, p. 244.

[35]Voici les textes, la plupart d’après James, The fourth Book of Ezra, p. XIXVII.

  1. Irénée, III, 21-2 […]. Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 22 et I, 21. Tertullien, De cultu feminorum, I, 3 : « Hierosolymis Babylonia expugnatione deletis omne instrumentum Judaicae litteraturae per Esdram constat restauratum. » S. Jérôme, Adv. Helvidium, 7 : « Sive Moysen dicere volueris auctorem Pentateuthi, sive Ezram, ejusdem instauratorem operis, non recuso. » S. Basile, Ep. Ad Chilonem […]. S. Chrysostome ne paraît pas faire allusion au IVed’Esdras, mais son témoignage n’en est que plus important lorsqu’il fait d’Esdras un compilateur, hom. VIII ad Haebr. […]. Orig., p. 524 in Psalms […]. Pseudo-Ath. Synopsis : Léonce de Byzance, de sectis, p. 428 ; Isidore de Séville, Origines, VI, 3 et De vita et morte Sanct. LXI : « Esdras sacrae scriptor historiae atque alter lator legis post Moysen. Hic etiam legem incensam ex gentibus renovavit. » (Optat, éd. Dupin, p. 114.)

[36]Vigouroux, Manuel biblique, I, p. 320.

[37][Archibald Sayce (1845-1933), linguiste, archéologue, historien, égyptoloque]

[38]XI, 5.

[39]Num. XXVI, 33, 1-7, XXXVI, 6-10.

La vie de l’association des amis du père Lagrange depuis sa création et Voeux 2019

 

L’Association des Amis du Père Lagrange, créée le 15 novembre 2007 en la fête de saint Albert le Grand o. p., patron de baptême du père Lagrange, a été reconnue par la préfecture des Alpes-Maritimes le 10 décembre 2007. Le but de cette association 1901 est de promouvoir la Cause de béatification du Père Lagrange ainsi que la connaissance de l’œuvre et de la spiritualité de cette figure intellectuelle et mystique qui fonda l’École biblique de Jérusalem le 15 novembre 1890. Parmi les membres fondateurs de cette association figurent le postulateur de l’Ordre des prêcheurs et le vice-postulateur, le prieur provincial de la province dominicaine de Toulouse et le prieur provincial de la province de France, le directeur de l’École biblique de Jérusalem représentant le couvent Saint-Étienne et l’École biblique et archéologique française de Jérusalem. Tous ceux qui estiment le Père Lagrange peuvent soutenir sa cause de béatification par la prière, leur adhésion ou leur don envoyé à l’adresse suivante : Association des Amis du père Lagrange, couvent des Dominicains, 9 rue Saint-François-de-Paule, FR 06357 Nice Cedex 4 – France.

Activités avant et depuis sa création

En 2004, le fr. Manuel Rivero est rédacteur de la Revue du Rosaire dans laquelle une page mensuelle est réservée « Pour la béatification du serviteur de Dieu le père Marie-Joseph Lagrange o.p. » afin de faire connaître la cause du P. Lagrange par des articles relatant sa vie, son œuvre et sa spiritualité. La prière pour la glorification du serviteur de Dieu est composée par fr. Manuel Rivero demandant au lecteur de prier le P. Lagrange pour l’obtention de grâces par son intercession. Prière diffusée régulièrement sur cette page ayant donné lieu à des réponses sur des grâces obtenues. Cette insertion a donné lieu à de nombreux courriers.

En 2005, le pèlerinage du Rosaire a pris en charge la rédaction d’un livret souvenir « La Bible résiste-t-elle à la critique scientifique? »  distribué au cours du pèlerinage.

En 2007, Création d’une association pour permettre une meilleure organisation administrative et financière pour la diffusion de documents.

En 2008, Célébration à Saint-Maximin du 70eanniversaire de la mort du père Lagrange, messe, conférence et chapelet médité à la lumière de la vie du P. Lagrange

Début d’inscription d’adhérents.

Préparation et édition du livre « Prier 15 jours avec le père Lagrange » par fr. Manuel Rivero. Large diffusion et information.

Ce livre est traduit en espagnol par le fr. Jarvis Sy OP et paraît dans les librairies espagnoles en août 2008.

Vida Nueva fait paraître dans ses pages à l’occasion du 70e anniversaire de la mort du P. Lagrange, un article de fr. Manuel Rivero sur la vie et l’œuvre du P. Lagrange.

Biblia consacre une page au P. Lagrange dans son n° 67 : Un bibliste en odeur de sainteté.

Octobre 2008, départ du fr. Manuel Rivero en Haïti (2008-2011) ; à Marseille (2011-2014) et à La Réunion (2014-…..).

En 2009, édition par l’association de feuillets en couleur comportant une brève biographie avec de brèves citations, des images et des marque-pages avec la prière.

«  Le père Lagrange est entré dans la joie de son Seigneur, le 10 mars 1938, au couvent de Saint-Maximin (Var), fr. Manuel Rivero propose de prier pour la cause de béatification du P. Lagrange, soit personnellement, soit en communauté, le jour anniversaire de sa naissance au ciel, c’est-à-dire le 10 de chaque mois. »

À l’occasion du 150anniversaire de la mort du Curé d’Ars, diffusion sur le site des évêques de France, Zenit,  d’un article : L’influence du saint curé d’Ars dans la vie et l’œuvre du père Lagrange.

Envoi de textes du P. Lagrange au site « Une minute avec Marie » du P. Lagrange, pour diffusion.

Pour l’année du sacerdoce envoi à vocation.org d’une page « Être la mère d’un prêtre : la maman du père Marie-Joseph Lagrange ».

Envoi au site Instituto del Verbo Encarnado – Argentina d’un article en espagnol paru dans « Escritos del Veda », revue théologique dominicaine de Valence (Espagne) « Puede la biblia resistir la critiqua cientifica? La vida y obéra del padre Lagrange, fundador de la escuela biblica y arqueologia francesa de Jérusalem. »

Le diocèse de Belley-Ars crée une page sur le père Marie-Joseph Lagrange.

2009-2010, création avec MG-Imprimerie d’un dépliant de quatre pages, en français, comportant une brève biographie et quelques pensées du père Lagrange. Adaptation de ce dépliant en 6 versions étrangères : allemand, anglais, chinois, créole haïtien, espagnol, italien, malgache, Tagalog qui peuvent être téléchargés à partir du site www.mj-lagrange.org.

23 septembre 2010, conférence à Nice de fr. Manuel Rivero : « Où en est la béatification du père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem »

Septembre 2010à Bourg-en-Bresse, pays du père Lagrange, une adhérente de l’association crée un Groupe fraternel dominicain Marie-Joseph Lagrange. Ce groupe se rassemble pour prier.

En 2011, information par mailing internet aux membres de la famille dominicaine, prieurs provinces Toulouse, de France, groupement fraternels, fraternités, monastères à l’occasion du feuillet de présentation en plusieurs langues.

Envoi de photo, image, bulletin d’adhésion, commande aux prieurs, monastères, couvents, membres fraternités.

Fin 2011, dans la Revue du Rosaire, la page réservée au P. Lagrange est supprimée. Remplacée par une lettre d’information annuelle envoyée aux adhérents par mail ou par courrier suivant le cas.

2012, parution du livre, « Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditations des mystères du Rosaire » par fr. Manuel Rivero, aux éditions du Cerf.

Publication par le Synode des évêques et Zenit de l’article du fr. Manuel Rivero « Le père Lagrange, lumière pour la Nouvelle Évangélisation ». 

Création d’un site internet et d’une page Facebook pour élargir la diffusion, aujourd’hui 1290 « j’aime » et 1255  «  abonnés »

Grâce à la Page Facebook, une communion de prières s’est créée, le 10 de chaque mois, au cours de la messe célébrée, ce jour-là, par fr. Manuel Rivero : messe aux intentions des adhérents et pour la béatification du père Lagrange.

21 juillet 2012, à la demande de fr. Manuel Rivero auprès de M. le maire de Saint-Maximin, Bernard Pey, inauguration et bénédiction de l’avenue Père Lagrange, du rond-point et de la nouvelle sculpture « Père Marie-Joseph Lagrange » (créée par Mathieu Myskowski),en présence de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, de M. Bernard Pey, maire,  du représentant du Conseil général du Var et de fr. David Macaire o.p., dont Zenit en a fait l’écho le 22 juillet 2012. 

Présentation du P. Lagrange et de sa cause de béatification par fr. Manuel Rivero également relatée sur Zenit (Anita Bourdin) les 9, 10, 11, 12, 13  juillet 2012.

De 2008 à 2012, en collaboration avec fr. Bernard Montagnes o.p. : corrections orthographiques et modifications des textes du Summarium et Informatio et envoi des documents au postulateur, le 14 mai 2012.

2013, nouvelles orientations de la Congrégation de la cause des saints. 

2013, préparation pour l’édition du manuscrit du fr. Louis-Hugues Vincent o.p. : «  Le père Marie-Joseph Lagrange. Sa vie et son œuvre», Éditions Parole et Silence.

23 février 2013, conférence de fr. Manuel Rivero, vice-postulateur, à Bourg-en-Bresse : « Le Père M.-J. Lagrange, O.P (1855-1938), Un burgien sur le chemin de la sainteté. Sa vie, son œuvre, sa sainteté ».

2014, préparation pour l’édition du manuscrit du père Lagrange, son « Journal spirituel« . Éditions du Cerf.

Juin 2014, conférence par fr. Manuel Rivero, à Autun : P. Marie-Joseph Lagrange. Un personnage qui a vécu à Autun.

Octobre 2014, conférence du fr. Manuel Rivero, à St-Denis : Le Journal spirituel pour grandir en sainteté

2017, après une longue préparation, envoi du texte chez Artège-Lethielleux pour la réédition de « L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique traduite par le P. Ceslas », du P. Lagrange.

25 janvier 2017, conférence par fr. Manuel Rivero à Bourg-en-Bresse : « L’apport du P. Lagrange à l’intelligence de la Foi ».

11 mai 2017, la Secrétairerie d’État, Mgr Paolo Borgia remercie fr. Manuel Rivero au nom du pape François pour l’envoi de l’exemplaire du livre L’Évangile de Jésus Christ.

9 mars 2018, conférence de fr. Manuel Rivero à l’Université catholique de Madagascar : « Le P. Lagrange et la sainteté de l’intelligence de la foi« .

14 mai 2018, conférence de fr. Manuel Rivero à Salamanca : « La santidad de la inteligencia de la fe fray Lagrange« .

Par courriel, nous recevons des demandes d’intercession, des grâces obtenues, des demandes de reliques.

Aujourd’hui, l’association compte, avec adresses mail et par courrier : 70 et 20 = 90 adhérents.

Nous faisons paraître régulièrement sur la page Facebook de courts textes du père Lagrange ou sur le père Lagrange ; textes qui sont reportés sur le site internet dans la rubrique « Écho de notre page Facebook » pour ceux n’accédant pas à Facebook. 

Sur le site internet www.mj-lagrange.org sont mis en ligne de nombreux textes du père Lagrange et sur le père Lagrange ainsi que d’autres informations.

 

 

Janvier 2019 

Nous vous présentons nos vœux pour une Bonne et Sainte Année 2019 et vous remercions de votre soutien.

 

Ceux qui veulent rejoindre ou renouveler leur adhésion à l’association peuvent le faire au moyen du bulletin sur site : 

 cliquer ici : Association des amis du père Lagrange – Adhésion

 

 

 

 

Fr. Marie-Joseph Lagrange o.p. : La sainteté de l’intelligence de la foi, conférence par fr. Manuel Rivero o.p., le 9 mars 2018 à Tananarive

Conférence du 9 mars 2018

Le frère Marie-Joseph Lagrange (1855-1938),
fondateur de l’École biblique de Jérusalem

LA SAINTETÉ DE L’INTELLIGENCE DE LA FOI  

par le frère Manuel Rivero,O.P., docteur en théologie.
Président de l’Association des amis du père Lagrange

 
UCM (Université Catholique de Madagascar)Tananarive, le 9 mars 2018

Département de théologie

 
« Journées interdisciplinaires sur la sainteté »

 

Introduction :

Dieu aime la diversité et la polyphonie. Dans l’histoire de la sainteté chrétienne, unique est le Saint-Esprit, mais multiples sont les parcours des saints. Nous connaissons la sainteté des martyrs et celle des saints dévoués aux malades et aux pauvres. Néanmoins, il est plus rare d’entendre parler de la sainteté de l’intelligence de la foi et du ministère de la Vérité. Il y a l’aumône du pain, les soins du malade, l’enseignement accordé aux enfants et aux jeunes. Il y a aussi le don de la Vérité à partir de l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ rendu intelligible par l’étude scientifique de la Bible. Le père Lagrange a vécu cette sainteté de l’intelligence de la foi en consacrant toutes ses forces au service de la Parole de Dieu pour le salut des âmes.

Brève biographie[1]

Albert Lagrange est né à Bourg-en-Bresse le 7 mars 1855, fête à cette époque de saint Thomas d’Aquin. Le Docteur Angélique restera sa référence théologique tout au long de son parcours d’exégète. Sa mère, Marie-Élisabeth Falsan, marquera spirituellement l’évolution de son fils par son sens de la miséricorde envers les pauvres et par sa ferveur mariale. D’origine lyonnaise, elle a transmis à Albert la dévotion à la Vierge Immaculée, qui deviendra la patronne de l’École biblique. Son père, Claude-Pierre Lagrange, notaire à Bourg-en-Bresse,  donnera à Albert le sens du travail consciencieux et de la droiture ainsi que l’amour de la patrie française. Son parrain de baptême, Albert Falsan, oncle maternel et géologue, éveillera chez Albert l’intérêt pour les couches géologiques. Plus tard, il s’intéressera aux couches rédactionnelles.  

Après avoir suivi la formation du petit séminaire d’Autun, il entreprit des études de droit à Paris qui furent couronnées par une thèse de doctorat. Séminariste pendant une année au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux, il entra comme novice dominicain pour la Province de Toulouse, le 6 octobre 1879, au couvent de Saint-Maximin (Var) dans le diocèse de Fréjus-Toulon. Le frère Hyacinthe-Marie Cormier, prieur provincial, béatifié par le bienheureux pape Jean-Paul II en 1994, lui donna l’habit de lumière de saint Dominique et le revêtit de sa propre ceinture en signe d’amitié.

En 1880, à la fin de son noviciat, il dut quitter la France pour le couvent de Salamanque avec tous ses frères dominicains suite aux décrets politiques contre les congrégations religieuses. Ordonné prêtre à Zamora, le 22 décembre 1883, il put retourner à Toulouse en 1886 où il enseigna la philosophie, l’histoire de l’Église et l’exégèse biblique. En 1888, le frère Réginald Colchen, prieur provincial, l’envoya à l’université de Vienne pour parfaire sa connaissance des cultures et des langues orientales : hébreu, araméen, arabe, égyptien…

Le père Lagrange, en religion frère Marie-Joseph, fonde l’École biblique le 15 novembre 1890, en la fête de son saint patron de baptême. Un mot-clé apparaît déjà dans son discours inaugural : « progrès dans la vérité ». Pour le père Lagrange, « Dieu a ouvert dans la Bible un champ indéfini de progrès dans la vérité. » il créa aussi la Revue biblique en 1892. C’est à Jérusalem qu’il passa quarante-cinq années de sa vie au service de l’intelligence de la Bible.

Homme complet, unifié et illuminé par une vie de prière intense, il œuvra pour le salut des âmes en reliant la foi et la science ; l’esprit critique appliqué à l’histoire et l’esprit surnaturel ; les documents et les monuments ; la topographie et les textes bibliques.

De retour en  France en 1935 pour des raisons de santé, il marqua,par son exemple, aussi bien les jeunes générations de dominicains que des universitaires d’Aix-en-Provence et de Montpellier.

Malade à la fin de sa vie, il aimait citer Dante en italien pour évoquer son retour « au bercail où il avait été agneau », c’est-à-dire au couvent de Saint-Maximin, d’où il partira vers le Père le 10 mars 1938, dans sa 83année. Enseveli à Saint-Maximin, sa dépouille mortelle fut ramenée, le 13 novembre 1967, dans le chœur de la basilique Saint-Étienne de Jérusalem.

Un goût passionné pour la Parole de Dieu 

Alors que le modernisme menace de réduire la Bible à un texte, simplement humain, à étudier comme les autres ouvrages de la littérature mondiale, sans aucune dimension surnaturelle, le père Lagrange manifeste, dès le premier numéro de la Revue biblique,en janvier 1892, sa vision de la révélation : « L’Écriture sainte, comme substance divine, comme manne de l’intelligence, dans son dogme et dans sa morale, dans ses conseils pratiqués par les religieux, et, par conséquent, connus dans leur saveur intime, est vraiment pour l’Église catholique, après l’Eucharistie, le Verbe de Dieu qui nourrit[2]. » Comment ne pas penser aux enseignements de l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini sur la sacramentalité de la Parole de Dieu[3] ? 

Le but de tous ses travaux sera de montrer comment la Bible a le Saint-Esprit pour auteur tout en passant par la médiation des langues et cultures du peuple d’Israël. Aussi s’investit-il dans la connaissance des langues anciennes (hébreu, grec, araméen, latin, arabe, égyptien…) et modernes (allemand, anglais, italien, espagnol). École pratique d’études bibliques, l’École biblique de Jérusalem conjoint les recherches sur les documents et les monuments.

Pour la foi catholique, le Saint-Esprit est l’auteur de la Révélation mais cette manifestation de la volonté de Dieu aux hommes est passée par l’inspiration des prophètes, des évangélistes et des apôtres, de manière telle que leur message était cent pour cent humain et cent pour cent divin. Loin d’être une dictée, la Révélation a tenu compte de la culture du peuple d’Israël. D’où l’importance capitale des médiations humaines pour accéder à la connaissance divine : les langues, les coutumes, l’histoire, les paysages, l’archéologie… Le Verbe s’est fait chair dans le sein d’une femme juive, Marie, et il a dévoilé la plénitude du mystère de Dieu que personne n’a jamais vu. « La Parole s’est faite chair dans des mots », comme aimait à le dire le théologien espagnol Cabodevilla[4]. C’est pourquoi le père Lagrange s’attachera à l’étude des langues. Au petit séminaire d’Autun, il connaissait déjà par cœur l’Évangile selon saint Luc en grec.

Le père Lagrange répondra à la critique scientifique par la critique scientifique. Fin connaisseur de l’exégèse allemande libérale et des philosophies rationalistes, il établira un dialogue précis et respectueux avec ceux qui rejettent la foi catholique et sa Tradition, c’est-à-dire sa transmission de la Parole de Dieu commentée par les docteurs de l’Église qui l’ont actualisée au cours de l’histoire. Ce faisant, il apprend à « prendre le taureau par les cornes ». Soucieux du salut des âmes, le père Lagrange étudie, dialogue, répond, corrige et montre la voie. Disciple de saint Thomas d’Aquin, il ne s’acharne point sur les personnes qui prônent des interprétations de la Bible opposées à la sienne, mais il relève les failles dans les démonstrations qui se veulent scientifiques.

Dans son encyclique « La joie de l’Évangile », le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear »[5], c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires. Dans son souci permanent du salut des âmes, le père Lagrange a enseigné en tirant du trésor de la Parole de Dieu du neuf et de l’ancien[6].

L’écrivain italien Giovanni Papini reprochait aux thomistes d’ « avoir arrêté l’horloge de l’histoire au XIIIsiècle ». Ce n’est pas le cas du père Lagrange qui souhaitait pour les frères dominicains de sa Province de Toulouse qu’ils ne fussent pas « des paléo-thomistes » mais vraiment « des néo-thomistes »[7]. Le fondateur de l’École biblique de Jérusalem voyait en saint Thomas d‘Aquin le meilleur des guides pour les études bibliques : « Trop souvent les théologiens ont considéré l’exégèse et l’histoire comme des rivales importunes, sans s’apercevoir qu’en les éliminant ils détruisaient leur propre base[8]. »

Marie-Joseph Lagrange a toujours été habité par une vision dynamique et progressive de l’histoire et de l’exégèse. Pour lui, la vérité était « une vérité en marche ». Dans son discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, il avait déjà entrevu le beau chemin à parcourir : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité[9]. » À la suite de saint Vincent de Lérins, le père Lagrange tenait à l’idée du développement de la connaissance de Dieu qui s’exprime dans les dogmes. Il ne s’agit pas d’un changement mais d’un progrès à la manière de la maturation du grain de blé qui devient épi ou de l’enfant qui parvient à l’âge adulte.

Tout récemment, dans la Constitution apostolique « Veritatis Gaudium » sur les universités et les facultés ecclésiastiques, en date du 27 décembre 2017, le pape François a cité la pensée de saint Vincent de Lérins : « Le théologien qui se satisfait de sa pensée complète et achevée est un médiocre. Le bon théologien et philosophe a une pensée ouverte, c’est-à-dire incomplète, toujours ouverte au maius de Dieu et de la vérité, toujours en développement, selon la loi que saint Vincent de Lérins décrit ainsi : « annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate » (Commonitorium primum, 23 ; PL 50,668)[10]« . » La vérité se consolide avec les années, elle se développe dans le temps, devenant plus profonde avec l’âge.

D’une manière poétique, Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, reliait ainsi l’ancien et le nouveau : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines volent. » Cette découverte infinie de la vérité se trouve explicitée dans l’Évangile. Jésus exige du bon professeur qu’ « il tire de son trésor du neuf et de l’ancien ». Le chrétien n’est pas un répétiteur ni la vie spirituelle un moule. « Chacun va à Dieu par un chemin virginal », s’exclamait le poète Léon Felipe. Il n’y a pas un seul évangile mais quatre approches différentes du mystère de la vie de Jésus, et ces quatre évangiles vont engendrer une multitude de commentaires et d’approfondissement au cours de l’histoire de l’Église qui manifesteront la richesse inépuisable de la Parole de Dieu, transmise de génération en génération sous l’action de l’Esprit Saint.

Aussi s’est-il heurté à des incompréhensions voire des suspicions et des interdictions. Ayant commencé par le commentaire de l’Ancien Testament, il a vu son article sur le déluge[11]typographié et tout prêt pour sa publication dans la Revue biblique,arrêté et condamné à l’attente dans un carton[12].

L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction

Il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait parce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai[13]. » C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence »[14].

Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.

Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyée à Pie X le 10 juin 1911[15], ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.

C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem, sans explication particulière, après dix mois passés en France.

Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.

Ses idées développées dans « La Méthode historique » (1903), dans ses livres et articles, passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu, en 1943, et dans  Dei Verbum (1965) du concile Vatican II.

 

Pour une interprétation scientifique de l’histoire

Le philosophe espagnol Ortega y Gasset appelait l’historien « un prophète à l’envers »[16]. Si le prophète interprète l’avenir, l’historien scrute et explique le passé. La tâche de l’historien ne va pas sans des aspects mystérieux voire visionnaires. « L’histoire se fait avec des documents et des monuments », disait le père Lagrange. L’historien examine les manuscrits, les pierres, les épigraphies, les ruines et les monuments à la manière d’un plongeur qui essaie de reconstituer la vie du bateau qui gît sur le sable marin depuis des siècles. Chaque objet éveille en lui l’imaginaire mais cet imaginaire n’est pas à confondre avec la fantaisie. Ce que l’historien rêve est soumis au filtre de la raison et des critères scientifiques de vérification. L’étude du passé projette une lumière sur la vie présente,et il est vrai que rien ne peut être bien saisi sans la perspective historique. La recherche historique comporte une quête du sens de la propre vie de l’historien qui aborde la problématique d’hier avec ses questions, ses doutes et ses convictions.

Le père Lagrange a fait œuvre scientifique dans ses études bibliques et historiques. Il avait constaté que « tout ce qui a l’apparence de l’histoire n’est pas de l’histoire ». Sa méthode historico-critique plaçait les textes et les personnages historiques dans leur contexte, en tenant compte des genres littéraires et de la manière de faire de l’histoire dans l’Antiquité qui ne ressemble pas aux méthodes modernes d’analyser les faits et les coutumes des sciences humaines. Ses conférences à Toulouse sur la méthode historique marqueront d’une pierre blanche l’histoire de l’exégèse. Cela dit, son interprétation biblique s’enrichissait de l’apport des Pères de l’Église avec les sens spirituels de l’Écriture comme le propose aujourd’hui le pape Benoît XVI. L’exégèse est au service de la théologie. La Bible reçoit aussi la lumière de la Tradition, c’est-à-dire de la Bible commentée dans la lumière de la foi au cours de l’histoire de l’Église, ainsi que du Magistère guidé par l’Esprit.

En son temps, le père Lagrange a été perçu comme un pionnier audacieux au point que certains lui ont reproché un esprit progressiste et rationaliste. Aujourd’hui il n’est pas rare de le voir cité dans des ouvrages de théologie et d’exégèse comme faisant autorité. Des chrétiens de sensibilité traditionnelle l’invoquent parfois comme un homme de foi et de fidélité au Magistère au grand étonnement de ceux qui connaissent les difficultés qu’il a rencontrées en son temps, en raison de son attachement à « la Vérité en marche ». 

La dimension sacramentelle de la Parole de Dieu

Dès le premier numéro de la Revue biblique en 1892, le père Lagrange met en relief la dimension sacrée de la Bible : « J’oserai dire que l’Écriture sainte est, comme les sacrements, une chose sainte[17] » ; « L’Écriture sainte, comme substance divine, comme manne de l’intelligence, dans son dogme et dans sa morale, dans ses conseils pratiques par les religieux, et par conséquent connus dans leur saveur intime, est vraiment pour l’Église catholique, après l’Eucharistie, le Verbe de Dieu qui nourrit[18]. »

C’est dans la célébration liturgique, haut lieu de la pédagogie de l’Église, que le père Lagrange ressentait en lui-même la grâce de la Parole : « J’aime entendre l’Évangile chanté par le diacre à l’ambon, au milieu des nuages de l’encens : les paroles pénètrent alors mon âme plus profondément que lorsque je les retrouve dans une discussion de revue[19]. »

Défendre la dimension surnaturelle de la Bible et son inspiration par le Saint-Esprit a été la fin du labeur et des sacrifices du père Lagrange : « La Bible est un livre inspiré. Quelque part qu’on fasse à la collaboration de l’homme, c’est un livre dont Dieu est l’auteur et dont l’interprétation authentique n’appartient qu’à l’Église. Dès les premiers siècles, on la considéra comme un dépôt sacré ; durant la persécution de Dioclétien, des chrétiens moururent pour ne pas la livrer aux infidèles : c’eût été selon leur forte expression empruntée au Livre saint lui-même, jeter les perles aux pourceaux. Peinte en or et en argent sur fond de pourpre, elle composait le plus riche trésor des bibliothèques monastiques. Saint Dominique, en la méditant, mouillait de ses larmes les pages divines[20]. »

Soucieux de s’adresser au grand public, il rédige « L’Évangile de Jésus-Christ » en 1928 qu’il dédie au pape Léon XIII, grand apôtre de la prière du Rosaire, résumé de l’Évangile. Dans son avant-propos daté du mois de mai 1928 à Jérusalem, le père Lagrange manifeste son désir de rejoindre « des personnes absorbées par un travail manuel« [21] ».

Témoignages en faveur de l’œuvre du père Lagrange

Parmi les très nombreux soutiens, aux intuitions et aux publications du père Lagrange, méritent d’être cités plusieurs papes[22]. Léon XIII (+20 juillet 1903) brille dans l’histoire de l’Église comme promoteur des études bibliques. Il avait pensé faire de la Revue biblique l’organe officiel de la Commission biblique qu’il avait fondée. C’est lui aussi qui approuva la fondation de l’École biblique de Jérusalem. Pie XI (+ 1939) sera un fidèle abonné de la Revue biblique.

Le bienheureux pape Paul VI lui a rendu hommage lors de son discours aux membres de la Commission biblique pontificale le 14 mars 1974 : « Pour vous défendre des fausses pistes dans lesquelles l’exégèse risque de se fourvoyer, nous allons emprunter les paroles d’un grand maître de l’exégèse, d’un homme dans lequel ont brillé de façon exceptionnelle la sagacité critique, la foi et l’attachement à l’Église : Nous voulons dire le père Lagrange[23]. »

Le saint pape Jean-Paul II a fait ressortir son discernement dans des moments difficiles et sa critique saine : « Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu’il fallait rejeter des conclusions historiques, sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. L’œuvre d’un pionnier comme le père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs[24]. »

Les Maîtres de l’Ordre des Prêcheurs ont aussi soutenu le père Lagrange dans sa mission[25]. Lors de l’ « exode » du père Lagrange vers Dieu le Père, le 10 mars 1938, le frère Martin-Stanislas Gillet, maître de l’Ordre, envoya une forte et émouvante lettre à tout l’Ordre pour mettre en lumière la trajectoire intellectuelle et spirituelle du fondateur de l’École biblique : « Tout le monde sait qu’il fut un exégète incomparable, un savant d’une rare culture, un esprit très fin, un travailleur acharné, mais la plupart ignorent qu’il fut en même temps et resta toute sa vie un saint religieux[26]. »

Plus récemment, le cardinal Carlo Maria Martini, jésuite, ancien recteur de l’Institut biblique de Rome, archevêque émérite de Milan, a manifesté sa reconnaissance envers le père Lagrange dont « la prière était feu » : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures[27]. »

Une multitude de témoignages furent rédigés en hommage au père Lagrange. Ses élèves l’aimaient. Parmi eux figurent le cardinal Eugène Tisserand et Jean Guitton.

Le rayonnement spirituel du père Lagrange

Outre son influence sur l’exégèse, le père Lagrange a impressionné son entourage par son exemple au quotidien : vie de prière intense, combat spirituel, travail acharné, magnanimité dans les conflits, humilité…

Parmi les témoignages d’admiration porteurs de symboles bibliques, je voudrais citer ici celui d’un frère dominicain espagnol, ancien élève du père Lagrange, le frère Vicente Berecibar : « Voici la silhouette du Maître vénéré, qui le 10 mars 1938 monta au Ciel, nous laissant comme un nouvel Élie, le riche héritage du merveilleux manteau de ses œuvres et de son esprit »[28] ; ainsi que le témoignage du poète Paul Claudel, qui malgré son approche si éloignée de l’exégèse littérale, comparait le père Lagrange à Néhémie restaurant les murs de Jérusalem au retour de l’exil, avec le concours du grand-prêtre Elyashiv[29].

La sainteté du père Lagrange apparaît dans sa fidélité au travail. Par son travail, il a sanctifié l’exégèse ; il s’est sanctifié dans l’exégèse et il a sanctifié les autres par l’exégèse. C’est ainsi qu’il a incarné dans son existence la prière du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». Le Nom de Dieu a été sanctifié en lui et par lui à travers le labeur, jour après jour, de l’interprétation de la révélation biblique.

Son attachement à l’Immaculée Conception et à la prière du Rosaire ont touché le cœur de ses contemporains. Il vivait en présence de la Vierge Marie. Très souvent, il commençait la rédaction de chaque feuille de travail en inscrivant en haut de la page, dans le milieu : « Ave Maria ». Au couvent Saint-Étienne de Jérusalem, le père Lagrange priait chaque après-midi le rosaire à genoux dans le silence de la basilique, ce qui édifiait ses confrères.

Récemment, le journal italien L’Avvenire [30] l’appelait « le mystique de la Bible » à l’occasion de la présentation de son Journal spirituel inédit[31]. L’exégèse, la théologie, la prédication, la morale et la mystique trouvaient en cet homme complet unité et harmonie.

Étudiant en théologie au couvent de Salamanque, le père Lagrange aimait se rendre en pèlerinage à Alba de Tormes pour vénérer les reliques de la grande mystique espagnole, sainte Thérèse d’Avila. C’est à ses enseignements qu’il devait sa formation à l’oraison et son initiation aux voies de la contemplation.

Nous avons célébré à Rome, le 18 octobre 2015, la canonisation des parents de la petite Thérèse Martin. Dans son Journal spirituel, le père Lagrange s’émerveille de la simplicité de Thérèse et il lui confie des intentions de prière[32] : « Lu la vie de Ste Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets… on se sent si loin de S. Augustin ou de Ste Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est « ama et fac quod vis« (« Aime et fais ce que tu veux« , saint Augustin). Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de choses qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée…[33]. » Le père Lagrange, si sobre et scientifique dans ses propos, est entré par connaturalité dans l’âme mystique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

Conclusion

Le père Lagrange a partagé sa foi et ses connaissances toute sa vie au service de l’Évangile. À la suite de saint Thomas d’Aquin, il a transmis aux autres le fruit de sa divine contemplation. Religieux dominicain, il aimait la vie communautaire. Homme complet, comme aimait à en témoigner son disciple le frère Roland de Vaux, il établit l’École pratique d’études bibliques au couvent dominicain Saint-Étienne de Jérusalem. Pour lui, l’exégète non seulement étudiait la Bible dans les bibliothèques et sur le terrain en Israël, mais il l’accueillait dans son cœur dans la prière et la lectio divina de manière à la communiquer dans la prédication. Il fallait surtout que cette Parole soit mise en pratique dans la charité fraternelle comme le dit l’apôtre saint Jacques : « Mettez la Parole en pratique[34]. » La Traduction Œcuménique de la Bible (T.O.B.) traduit : « Soyez les réalisateurs de la Parole. » Ici le mot grec utilisé par saint Jacques peut nous surprendre : poiétai. Il s’agit de devenir « les poètes du Verbe ». Le verbe grec poiesis  se traduit en français par faire. Il est beau de relier l’action à la poésie. La poésie représente une création. Les saints embellissent le monde en le transformant par l’énergie de l’amour. Dans son Journal spirituel, le père Lagrange revient souvent sur le cœur du christianisme : la charité. En choisissant et rassemblant des mots, le père Lagrange « poétisait » la vie. Le prophète Isaïe compare la fécondité de la prédication à la puissance vivifiante de la pluie par qui la terre porte du fruit. Le père Lagrange réalisait la Parole dans l’étude et l’enseignement, actes de charité, la charité de la vérité. La Vérité étant le don par excellence. Si de nombreux saints ont servi l’humanité par des aumônes et des soins médicaux, les prêcheurs accomplissent le service de la Vérité par l’annonce de la Parole de Dieu. Pour saint Thomas d’Aquin, le but de la vie religieuse n’est rien d‘autre que la charité. « Enseigner, c’est aimer », écrivait le philosophe espagnol Joaquim Xirau (1895-1946), pour qui la transmission du savoir passe par la bonté. Enseigner l’Évangile, c’est aimer l’autre en lui donnant Dieu. L’évangélisation engendre en ce sens une nouvelle création avec des mentalités et des relations nouvelles.

Le père Lagrange a toujours manifesté sa piété filiale envers ses maîtres au petit séminaire d’Autun et au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Il s’est toujours montré fils de l’Église, aimant la vie communautaire et le travail en équipe. Pour lui, transmettre supposait recevoir la Tradition et vivre les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité au cœur d’un couvent. Aussi a-t-il tenu à relier l’École biblique au couvent des frères dominicains de Jérusalem pour que la recherche aille de pair avec la liturgie et la charité fraternelle. À la suite de saint Dominique, il voulait parler de Dieu après avoir parlé avec Dieu.

Saint Anselme (1033-1109) parlait de « la foi qui cherche l’intelligence ». L’apôtre Pierre exhorte au témoignage : « rendre compte de l’espérance qui est en vous » (I P 3,15). Le père Lagrange a essayé de relever ce grand défi, capital, pour son temps et pour le nôtre.

Il représente un modèle de sainteté non seulement par ses enseignements mais par toute sa vie. Dans le contexte académique, il brille par sa pédagogie au moment où l’institution universitaire connaît un basculement culturel avec l’arrivée des nouvelles technologies de la communication qui suscitent un nouveau modèle d’éducation basé non sur la transmission mais sur l’apprentissage des savoirs[35]. L’évangélisation se fait de personne à personne, au cœur de l’Église, par l’intelligence de la foi. Une foi qui ne s’oppose point à la raison mais qui la conduit encore plus loin.

Le père Lagrange apporte une lumière à la Nouvelle Évangélisation par son ardeur, par ses méthodes de travail et par son nouveau langage qui continue d’être cité comme une autorité dans la matière.

« Que restera-t-il son œuvre ? En 1928, il écrivait au frère Vosté : « Après ma mort, peut-être rendra-t-on justice, non pas à mes livres trop hâtifs, mais à l’impulsion donnée[36]. » Cet élan, le père Lagrange l’a reçu et donné dans l’Esprit Saint à l’image de l’amour qui ne passe jamais (cf. I Cor 13,8).

Sa cause de béatification est en cours. Le procès diocésain mené par le diocèse de Fréjus-Toulon a été validé. L’Église le présente comme un Serviteur de Dieu.

Puisse son intercession vous apporter les grâces dont vous avez besoin !

Fr. Manuel Rivero o. p., Président de l’Association des amis du P. Lagrange

Pour information sur la cause de béatification du père Lagrange :
site de l’Association des amis du père Lagrange :https://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

[1]Rivero, Manuel, Prier 15 jours avec le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem,Paris, Éditions Nouvelle Cité, 2008.

[2]Revue biblique, janvier 1892, p. 8.

[3]Benoît XVI, La Parole du Seigneur, Verbum Domini, Exhortation apostolique, Paris, Bayard, Cerf, 2010.  Voir le n° 56 sur la sacramentalité de la Parole.

[4]J.M. Cabodevilla, Palabras son amores. Límites y horizontes del dialogo humano,Madrid,BAC,1980,p. 251.

[5]Pape François, Exhortation apostolique « La joie de l’Évangile », Paris, Téqui, 2013, n°24.

[6]Mt 13, 52 : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ».

[7]Montagnes, Bernard, « Le thomisme du père Lagrange », in Ordo sapientiae et amoris. Hommage au professeur Jean-Pierre Torrell, o.p. Fribourg (Suisse), 1993, pp. 487-508.

[8]P. Lagrange. RB (Revue biblique), 1903, 299.

[9]Discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, le 15 novembre 1890. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels,Paris, Cerf, 1967, p. 104.

[10]Pape François. Discours à la Communauté de l’Université Pontificale Grégorienne et aux Membres de l’Institut Biblique et de l’Institut Oriental Pontifical, 10 avril 2014, AAS 106 (2014), 374.

[11]Fr. Marie-Joseph Lagrange, Le Déluge, pp. 109-138. Jérusalem, le 25 février 1899.

[12]Il est dommage que cet article soit resté sans publication car il mérite d’être porté à la connaissance des exégètes et des théologiens.

[13]Ch. Théobald dans « L’exégèse catholique au moment de la crise moderniste », in Le monde contemporain et la Bible,Éditions Beauchesne, 1985, p. 388.

[14]Jean-Michel Poffet, L’écriture de l’histoire : du P. Lagrange à Paul Ricœur. P. 5. In Cahiers de la Revue biblique 65. « La Bible : Le Livre et l’Histoire », Actes du Colloque de l’École biblique de Jérusalem et de l’Institut catholique de Toulouse (nov. 2005) pour le 150eanniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange, O.P. sous la direction de J.-M.Poffet, O.P., directeur de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Gabalda, 2006.

[15]Bernard Montagnes, Lagrange dénoncé à Pie X en 1911, in Archivum fratrum praedicatorum, vol LXXVI, Istituto Storico Domenicano, Roma, 2066, p. 217-239.

[16]Voir à ce propos : Los Dominicos y el Nuevo Mundo siglos XIX-XX. Actas del V° Congreso Internacional Querétaro, Qro. (México) 4-8 septiembre 1995, José Barrado Barquilla, OP., Santiago Rodriguez, OP.,(Coordinadores), Salamanca, Editorial San Esteban, 1997, Discours inaugural prononcé par le Dr. D. Enrique García Burgos, Gouverneur de l’État de Querétaro, le 4 de septembre 1995, PP. 21-22.

[17]RB, 1892, p. 2.

[18]RB,1892, p. 8.

[19]RB,1892, p. 2.

[20]RB,1892, p.1-2.

[21]LAGRANGE, (Marie-Joseph), L’Évangile de Jésus-Christ, avec la synopse évangélique traduite par le frère Lavergne,O.P., Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero,O.P, Paris, Arège/Lethielleux. 2017. Avant-propos du père Lagrange.

[22]Bernard Montagnes, Les papes du père Lagrange, inLa Revue du Rosaire,décembre 2007 (n°196) et janvier 2008 (n°197).

[23]Paul VI, Discours aux membres de la Commission biblique pontificale, le 14 mars 1974, Osservatore Romano,édition française du 22 mars 1974.

[24]Jean-Paul II, Discours aux membres de l’Académie pontificale des sciences, 31 octobre 1992.

[25]Bernard Montagnes, Les maîtres généraux du père Lagrange,in La Revue du Rosaire,  juin 2008 (n°202) et juillet-août 2008 (n°203).

[26]Lettre du Maître de l’Ordre Martin (Stanislas) Gillet, O.P., New York, le 28 mars 1938. Aux T.R.PP. provinciaux, maîtres en sacrée théologie, prédicateurs généraux, prieurs, pères et frères de notre Ordre (Analecta S.O. Fratrum Praedicatorum, 46, (1938), pp. 414-420). Il était demandé de la lire au réfectoire de tous les couvents.

[27]Lettre du cardinal Martini au frère Manuel Rivero en faveur de la béatification du père Lagrange, Jérusalem, 22 juillet 2007.

[28]Fr. Vicente Berecibar, El Padre Lagrange, Ciencia Tomista, Salamanca, n° 171-172, vol. 57, p. 183. Article écrit à Salamanque le 2 juillet 1938.

[29]Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth. Texte intégral de l’ouvrage de l’abbé Tardif de Moidrey, DDB, 1938, p. 23-24.

[30]L’Avvenire, 7 mars 2015, « Lagrange, il mistico della Bibbia », p. 22.

[31]Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel(1879-1932), Paris, Cerf, 2014.

[32]Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 427 : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin … Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée … » (30 septembre 1924. Saint Jérôme).

[33]Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014, p. 432. En date du 16 octobre 1925.

[34]Épître de saint Jacques 1, 22. Traduction de la Bible de Jérusalem.

[35]Voir Vermersch, Dominique, La raison prodigue. Revisiter la mission éducative et universitaire. Paris. Éditions Emmanuel, 2018, p. 16.

[36]Lettres du P. Lagrange à Mgr de Solages (1925-1937), Bulletin de littérature ecclésiastique, avril-juin 1990, XCI, 2, p. 85).

Grâces reçues par l’intercession du père Lagrange

 

16 décembre 2018, M.-Th. Nice. Par mail.

Je suis hospitalisée en urgence, le 13 novembre 2017, pour une fracture du col du fémur, l’opération se déroule bien. Fortes douleurs au niveau des côtes et dans le dos, suite à la chute, qui m’empêche de respirer. Pose d’une sonde …. Infection urinaire. Maison de convalescence : pour enrayer l’infection on me fait boire une grande quantité d’eau, mais, c’est sans compter sur la faiblesse de mon cœur qui n’arrive pas à suivre… d’où apparition d’œdème dans les jambes et les poumons. Perte de l’appétit. Manger devient une corvée, impossible de déglutir sans m’étouffer. Ne pouvant presque pas bouger, des escarres apparaissent sous chaque talon et au milieu du dos. (Ils mettront plus de 7 mois à guérir.) Un électro cardiogramme effectué à la maison de convalescence laisse apparaître quelques anomalies. Des tests complémentaires sont faits en clinique et il est découvert une dissection aortique. Hospitalisation en urgence en cardiologie : étant donné les antécédents familiaux (père, mère, frère, sœur et neveu), le diagnostic est réservé. Deux solutions possibles : 1) opération avec peu de chance de survie étant donné la faiblesse du patient ; 2) la fissure ne semblant pas récente et étant donné qu’elle n’a pas évolué, il est décidé de laisser en l’état, avec soins appropriés. Retour en maison de convalescence. Les œdèmes ne diminuant pas, il s’ensuit une nouvelle hospitalisation pour résorber la rétention avec prescription de forte dose de diurétique et ponction pulmonaire. Mise sous oxygène à forte dose pendant plusieurs jours. La surdose diurétique affecte le fonctionnement des reins. Pour palier à la douleur incessante, il m’est administrée de fortes doses de calmant qui me font délirer et m’assomme. Retour à la maison de convalescence. Deux jours après, l’infirmière n’arrive pas à me réveiller. Je suis envoyée aux urgences. De ce passage aux urgences, je n’en ai aucun souvenir. J’avais l’impression que je n’étais plus sur terre… Il m’a été dit, que j’avais déliré toute la journée. Il m’a fallu plusieurs jours pour retrouver mes esprits. Mon état général était de plus en plus critique : crises d’angoisses, perte de repère, impossible de me lever seule. Rester 1h assise était un supplice. J’étais totalement dépendante. Je ne pesais plus que 35kg. Enfin, en mars 2018, il a été décidé une hospitalisation à domicile. Aujourd’hui, en soin continu, il y a une nette amélioration de l’état général et je retrouve peu à peu ma mobilité. J’ai repris un peu de poids.

Depuis novembre 2017, avec ma famille, nous n’avons cessé de prier le père Lagrange pour obtenir une grâce de guérison. Nous sommes certains que ce « retour à la vie » est dû à nos ferventes prières à l’intercession du père Lagrange et nous tenons à en témoigner.

 

08 février 2018, C.C. La Réunion. Lettre.

Je me permets de vous écrire pour vous raconter ce que j’ai pu obtenir comme grâce. Je suis incarcérée depuis 15 mois pour complicité dans un trafic d’héroïne dans l’engrenage où j’étais mon fils aîné a voulu participer, même si aujourd’hui il a minimisé sa participation, je ne lui en veux pas. Il a demandé à mon second fils de nous aider, et j’ai insisté pour qu’il vienne. Chance ou malchance, on s’est fait arrêté. Mon fils aîné a fait 8 mois d’incarcération et le second sous contrôle judiciaire. Lors d’une messe, l’aumônier nous a remis une prière pour la glorification du frère Marie-Joseph Lagrange, prière que je fais tous les jours. Dans ma demande grâce j’ai souhaité qu’il puisse intercéder pour que lors de notre jugement la justice humaine laisse mes 2 fils en liberté et que moi je puisse bientôt les rejoindre. Je me souviens juste que j’ai reçu cette précieuse prière un dimanche 10. On a été jugé le 5 février, l’un de mes fils, l’aîné, a eu un an ferme, il avait déjà purgé 8 mois. Il est sorti libre. Pour mon second fils, il a été relaxé. Je suis condamnée à 4 ans de prison ferme. La moitié est effectuée. Je pourrai bientôt retrouver mes enfants. Je remercie sincèrement frère Marie-Joseph Lagrange pour les grâces obtenues et je parlerai de lui à mon entourage. Je n’ai pas pour autant cesser de le prier. J’espère qu’avec son intercession je pourrai me réinsérer dans la vie. Je suis incarcérée, j’ai perdu beaucoup, je n’ai pas perdu ma foi, la confiance en Dieu et ses saints. Corine.

 

14 mars 2014, A. D. St-Malo. Lettre

« C’est un merci au Père Lagrange en reconnaissance d’une faveur reçue après lui avoir demandé d’intercéder auprès du Père, pour une cause qui n’en finissait pas d’aboutir. C’est la troisième fois que j’obtiens des grâces après l’avoir invoqué. »

 

28 octobre 2013, H. T Nice. Lettre

« Samedi 26 octobre 2013, après avoir dit l’office des vêpres, j’ai prié une dizaine de chapelet avec la méditation du père Lagrange. Pour la première fois de ma vie de prêtre, j’ai eu de la joie au moment de la Consécration. »

 

10 octobre 2013, M.-A. Dogneville. Lettre

« Voilà plus d’un an que les « Esculapes » qui venaient de me pourvoir d’un peace-maker se sont donné beaucoup de mal pour me découvrir un cancer […] d’où leur offre insistante d’une opération, soi-disant indispensable […] précédée de trois mois de chimiothérapie, et en milieu hospitalier […]. Je me suis une fois de plus tournée vers mon cher Père Lagrange, en le priant, lui et lui seul, comme l’avait précisé le père Manuel, d’être mon médecin, suivant ce que le Bon Dieu permettrait. Je m’en suis totalement remise à son intercession, et j’ai refusé tout traitement. Il y a plus d’un an à présent, et je ne ressens toujours AUCUN des malaises qui m’avaient été prédits ! »

 

Septembre 2010, Josette, Monique et Françoise. Lettre

« Nous prions tous les soirs le Père Lagrange avant de nous séparer pour la nuit et après le Salve. Nous avons toute une liste. Nous nommons les personnes, Ces personnes sont très diverses : des personnes de la paroisse, des Frères, des membres de nos familles, mais aussi des personnes qui ne fréquentent pas l’Église, le fils de notre marchand de journaux qui est resté dans le coma après un accident de travail… aujourd’hui il a eu le ‘feu vert’ pour recommencer à travailler. »

 

Décembre 2009. A. L. carte de visite

« Je tiens à remercier le père Lagrange qui m’a accompagnée durant mes deux années de formation théologique. Je redoutais de faire le travail personnel qui nous était demandé pour la fin de la formation et j’avais pour cette raison souvent envie d’abandonner. J’ai 70 ans et je n’avais plus rien fait de tel depuis longtemps. Je crois donc que le père Lagrange, que je priais souvent, m’a été d’un grand soutien car le travail a été bien apprécié. Merci pour son aide. »

 

10 septembre 2008, F. G. courriel

Nous prions tous les soirs le Père Lagrange avant de nous séparer pour la nuit et après le Salve. Nous avons toute une liste. Nous nommons les personnes. Ces personnes sont très diverses : des personnes de la paroisse, des Frères, des membres de nos familles, mais aussi des personnes qui ne fréquentent pas l’Église, le fils de notre marchand de journaux qui est resté dans le coma après un accident de travail, hier il a eu le « feu vert » pour reprendre son travail.

 

20 avril 2008, D. B. Chalais, à fr. Manuel Rivero o.p.

« Je viens te remercier pour ton courrier avec les images du Père Lagrange. S’il n’a pas fait de ‘miracle’ pour moi, proprement dit, j’ai eu une amélioration rapide et inattendue à la suite d’une opération. »

 

Mars 2008, J. E. Lettre

« Je voudrais remercier le Père Marie-Joseph Lagrange de m’avoir guérie  d’une verrue dont j’ai souffert pendant trente-quatre ans. Après maintes visites chez le médecin – sans résultat – je me suis adressée au Père Lagrange et je tiens à le remercier sincèrement car c’est à lui que je dois cette guérison. Je vous envoie donc un chèque pour une messe à son intention, et je continue à prier avec lui. Pendant toutes ces années je m’étais résignée et je souffrais. Aujourd’hui je sais que rien n’est impossible à Dieu. Je vous prie d’allumer une bougie de ma part.  Merci. »

 

8 février 2008, M.-A. P. Dogneville. Lettre

J’ai une vénération pour le cher Père Lagrange. J’ai tant reçu de lui, autant par son intercession que par la lecture de nombres de ses écrits, du moins de ceux qu’il nous est permis de connaître, en attendant que sa Béatification lève les interdits !

 

17 décembre 2007, M.-R. H. La Réunion. Lettre

« Je voudrais remercier le Père Marie Joseph Lagrange de m’avoir guérie d’une verrue dont j’ai souffert pendant 34 ans, sous un orteil du pied droit. Après maintes visites du docteur, rien n’y faisait. Je me suis adressée au Père Lagrange et je tiens à le remercier sincèrement car c’est à lui que je dois cette guérison. Je continuerai à prier avec lui car je m’étais résignée et aujourd’hui je sais que rien n’est impossible à Dieu. Encore un grand merci au Père. »

 

16 novembre 2007, M.-R. H. La Réunion. Lettre

« Je viens vous faire part des grâces que j’ai reçues par l’intercession du père Lagrange.

1) C’était pendant la pénurie d’eau. Pas d’eau à la maison. J’ai eu l’idée de prier le père Lagrange. C’était un dimanche. Le lendemain, à ma grande surprise, l’eau était revenue grâce à son intervention. Je le remercie beaucoup.

2) C’était pendant la période du cyclone. Nous n’avons pas d’aliments à la maison. Malgré la pluie et les grosses rafales de vent je suis partie à la boutique. J’ai invoqué le père Lagrange et ô miracle, il y eut un moment de répit et j’ai pu arriver à la maison sans incident. Merci au père Lagrange. »

 

9 août 2007, A. M. Fontvieille.  À fr. Manuel Rivero o.p.

« Ayant invoqué dans prières plusieurs le Père Lagrange, j’ai été exaucée. Je continue à le prier et à l’invoquer. »

 

22 avril 2007, S. S. Grand Bourg, Martinique. Lettre

« J’ai commencé une neuvaine au père Lagrange. Ma fille, catholique, avait un copain évangéliste. Elle voulait le faire changer de pratique, mais rien n’avançait à ce sujet. En avril 2006, elle me dit maman, je ne peux plus continuer, je ne veux pas abandonner mon baptême. Je lui ai dit ‘Tu n’as pas le droit d’emmener une personne où elle ne veut pas aller. Lui aussi n’a pas le droit de t’emmener où tu ne veux pas aller.’ Je lui ai donné la neuvaine pour la glorification du père Lagrange, je lui ai dit de demander au père Lagrange une bonne décision pour tous les deux. Je l’ai accompagnée dans cette neuvaine. Je peux vous dire la décision : elle a un autre copain catholique. Je prie toujours pour la glorification du père Lagrange. »

 

Avril 2007, A. Y., La Réunion

« Lors de sa venue à La Réunion en octobre 2006, le Frère Manuel Rivero nous avait donné le texte de la neuvaine au père Lagrange. Il nous avait dit que ce père était un fervent partisan de la réconciliation. J’ai commencé à faire cette neuvaine. Or au bout de 4 jours, j’ai eu une grâce de réconciliation : j’ai rencontré mon fils que je n’avais pas vu depuis 10 ans et qui était en froid avec moi. La rencontre s’est bien passée. J’ai invité mon fils  à venir chez moi. Il a accepté sans réticence et est venu à la maison. Cela s’est bien passé. Je remercie le Seigneur pour cette grâce. »

 

18 janvier 2007, J.-D. Etrépagny à fr. Manuel Rivero o.p.

« Au printemps 2006, j’ai lu le dernier livre sur le Père Lagrange et j’ai été persuadée de sa sainteté. J’ai eu la prière demandant sa béatification et me suis mise en campagne pour trouver un cas certain pour mes prières. J’ai fini par trouver un cas sûr ! Le frère de l’une de nos sœurs, atteint d’un lymphosarcome ! Or, il y a deux formes de cette maladie : une forme guérissable à 94%, une mortelle. Renseignement pris auprès de ses médecins, ils ont été formels : c’est la forme mortelle. Pas d’hésitation ! J’ai donc commencé à réciter la prière demandée. Il y eut assez rapidement amélioration : meilleurs examens, un peu de forces récupérées. Il rentre chez lui, reprend sa voiture. Un peu fatigué par la canicule, mais qui ne l’a pas été ? Je suivais les événements. Enfin, aux dernières nouvelles, il y a environ 15 jours, voici : il n’est plus question de cancer. »

 

6 novembre 2006, A. D. St-Malo à fr. Manuel Rivero o.p.

« J’ai renouvelé ma confiance dans le père Lagrange pour une histoire de succession compliquée. Tout c’est bien terminé. »

 

4 septembre 2006, A.-M. Ste-Marie « Je prie le père Lagrange pour demander son intercession avec notre Saint-Père Jean-Paul II et les grâces abondent. Union de prières. »

 

Novembre 2005. A Hostess of the Rosary Pilgrimage to Lourdes. Lettre à fr. Manuel Rivero.

Brother Manuel,

In the Revue du Rosaire it is requested that those who have received any graces through the intercession of Father Lagrange share them with you. Since I believe myself to be amongst those who have, I am writing to you.

To start with, the Revue’s first article about Fr. Lagrange did not interest me so very much – he had died in 1938, the year of my birth, and it seemed like a long time ago.

But during the pilgrimage we received a booklet and prayer card inviting us to ask for the intercession of Fr. Lagrange. So, on the train coming back from Lourdes I confided to him all my family (husband, children and grand-children) with their many problems (divorce, loss of the Faith etc). That evening, an hour after getting back home, one of my children arrived. They looked different. I asked for another sign a few days later concerning my children once again, and once again, after my prayer, a new response.

For All Saints, another problem, this time with my brother who can become aggressive with my sister and me. I turned in prayer once again to Fr. Lagrange and two days later my brother made clear a desire to make his peace with us.

Thursday evening this time – and my 11 year old grand-daughter – whose parents are separated – really did not want to take the train to see her mother. Her father was insistent that she go. Seeing her distress and not knowing what to say or do I entrusted the situation to Fr. Lagrange. A series of imbroglios (which I shall spare you – it would take up too much time) resulted in her staying with her father after all. Once again I saw the smiling complicity of Fr. Lagrange in all this.

I have made a point of sharing all of this with my friends and family. And I say the prayer for the glorification of this saintly man. Please find enclosed a cheque for a mass to be said for his rapid beatification.

 

12 novembre 2005, A.-D. St-Malo à fr. Manuel Riveroo.p.,une hospitalière du Rosaire de Lourdes.

« Au pèlerinage nous avons eu un livret et des signets nous invitant à demander l’intercession du Père Lagrange. Aussi, dès le voyage retour dans le train, je lui ai confié tous les miens (enfants, petits-enfants, mari), ayant beaucoup de difficultés (divorce, incroyance, etc.). Le soir, une heure après mon arrivée, l’un d’eux arrive avec quelque chose de changé dans son look. J’ai demandé un autre signe quelques jours après, toujours pour les enfants, et après ma prière, une nouvelle réponse.

Pour la Toussaint, un problème cette fois avec mon frère qui nous agresse en paroles violentes ma sœur et moi. Je me tourne encore vers le Père Lagrange et, deux jours après, mon frère nous manifeste son désir de faire la paix. Jeudi soir, ma petite-fille de onze ans, dont les parents sont séparés, n’avait vraiment pas envie de prendre le train, St Malo-Paris, pour aller voir sa mère. Son père insiste pour qu’elle y aille. Je l’emmène à Rennes. Voyant la détresse de la gamine et ne sachant que dire ou faire, je confie tout cela au Père Lagrange. Une série d’imbroglios (que je ne peux vous raconter, ce serait trop long) a fait qu’elle est restée là. J’ai encore vu là le sourire malicieux du Père Lagrange. Je ne manque pas de faire part à mon entourage de ce qui m’arrive. Je dis aussi la prière pour la glorification de ce saint homme. »

 

6 septembre 2005, M.-P. Taulignan. Lettre

« Ma nièce est sortie indemne d’une très lourde épreuve de santé. On ne peut pas parler de ‘miracle’ au sens précis, car il a fallu des mois de souffrances et de grand courage, mais je crois qu’au dire même des médecins, le résultat final tient du miracle, un miracle de foi, de grand courage, de grand amour maternel – car elle a trois jeunes enfants – que nous attribuons à l’intercession du P. Lagrange prié chaque jour. »

 

8 juillet 2005, G. L. Larrivière-St-Savin à fr. Manuel Rivero o.p.

« Je prie pour la glorification du Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange et d’un autre côté j’attends beaucoup de son intercession pour moi-même, des problèmes très graves. »

 

18 avril 2005, D. R. à fr. Manuel Rivero o.p.

Cher Manuel, je te remercie de ton message et j’ai en effet été guéri après avoir prié le Père Lagrange. Du moins est-ce ainsi que je l’interprète. Je compte bien, en effet, laisser un écrit à ce sujet au postulateur ici (ou à toi). Mais je ne ferai qu’après la fin de mon mandat ici, et je ne souhaite pas que cela soit publié où que ce soit. Je pense que tu en comprendras aisément les raisons. Merci en tout cas de tes prières et de ton amitié fraternelle.

 

11 mars 2002, A. D. Toulouse. Lettre

« Vénéré Père Lagrange. Sœur  Élise est malade, et c’est grave. Je vous la confie, intercédez pour elle auprès du Seigneur : que Sa Volonté s’accomplisse, que Sa Grâce l’accompagne à chaque instant dans cette épreuve. Que cette même Grâce vienne sur nous qui l’entourons dans l’inquiétude et l’espérance. » Le 2 janvier 2002, dans la suite immédiate d’une intervention chirurgicale, Sœur Élise a sombré dans un coma profond. Dès le 4 janvier, j’ai demandé pour elle le Sacrement des Malades. À partir du 18 janvier, un début de sevrage partiel du lourd traitement médicamenteux est décidé par le corps médical. La prière d’intercession ne s’est pas relâchée, le Père Lagrange était à l’œuvre, et nous étions avec lui. Sœur Élise est revenue dans sa Communauté, qui est aussi la mienne, le 8 mars, pour la plus grande joie de tous et la sienne d’abord. Elle va poursuivre sa remise en forme. Le Père Lagrange nous a permis de nous reconnaître en famille, et l’évocation de son visage a renforcé bien des liens d’amitié fraternelle.

 

3 mars 2001, J.-M. T. carte

Ci-joint la photocopie d’une enveloppe et du petit mot qu’elle contenait, témoignant d’une dévotion au Père Lagrange. L’enveloppe vient d’être trouvée, déposée anonymement sur la pierre tombale du Père Lagrange, dans la basilique… Il s’agit des Petites Sœurs Dominicaines de l’Agneau. « Merci pour la guérison de notre petite sœur, Claire, et sa persévérance à faire ses soins. Toute la Communauté se confie encore à toi pour la guérison de notre petite sœur Marie-Ange. Que la gloire de tous les saints t’enveloppe de sa clarté et nous illumine. Les petites sœurs de l’Agneau o.p. »

 

Lettre du président, fr. Manuel Rivero o.p., aux membres de l’association, le 28 novembre 2018

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange
Dominicains. Cure de la cathédrale.
97400 Saint-Denis (La Réunion), le 28 novembre 2018

https://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

Courriel :manuel.rivero@free.fr
 

Lettre aux membres de l’Association des amis du père Lagrange

Objet : Cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange
Saint-Denis (La Réunion), le 28 novembre 2018.

Chers membres de l’Association des amis du père Lagrange,

Nous avons l’honneur et le bonheur de compter sur la belle et grande figure spirituelle et intellectuelle du père Lagrange.

Depuis la naissance de l’Ordre des prêcheurs, les frères se sont peu intéressés à la promotion des causes de béatification en commençant par celle de saint Dominique. Il arrive que les frères disent qu’il vaut mieux se sanctifier aujourd’hui que de sanctifier nos prédécesseurs. Mais nous avons besoin de références et de modèles pour notre vie chrétienne. Le père Lagrange demeure une lumière sur le chemin de la sainteté.

Fils de la province dominicaine de Toulouse, le père Lagrange représente une grâce et une tâche pour nous chargés de mettre en relief et, si possible, sur les autels ce frère, scientifique et mystique de la Bible. Jean Guitton, ancien élève du père Lagrange à Jérusalem, m’avait fait part lors d’une rencontre à Paris du besoin de béatifier le père Lagrange aujourd’hui car le problème de l’homme contemporain, souvent agnostique, est de ne voir dans la Bible qu’un livre du patrimoine littéraire sans dimension surnaturelle d’inspiration ni de révélation.

Dans la Positio de la cause de béatification du père Lagrange, il importe de présenter des témoignages de sa réputation de sainteté : grâces spirituelles de foi et de réconciliation, grâces de guérison physiques aussi. Saint Thomas d’Aquin dans son commentaire au Credo, lors de prédications à Naples, sa ville natale, en 1273, un an avant sa mort, prêchait ceci : « Si vous me dites : des miracles, personne n’en a vu l’accomplissement, je vous réponds : Le monde tout entier adorait les idoles et persécutait la foi du Christ. C’est là un fait certain, attesté même par les historiens païens : cependant, actuellement, tous, et les sages et les nobles, et les riches et les puissants et les grands, se sont convertis au Christ, par la prédication d’un petit nombre de pauvres et de simples leur annonçant Jésus-Christ. De deux choses l’une, ou bien ceci a été fait à l’aide de miracles, ou bien non. Si oui, j’ai répondu à votre objection. Et si c’est non, je dis qu’il ne peut pas y avoir de plus grand miracle que de convertir le monde entier sans miracles. Ne cherchons donc pas d’autre démonstration. »[1]

La cause de béatification du père Lagrange a besoin de témoignages de miracles physiques, des grâces reçues et de conversions au Christ : « Il ne peut pas y avoir de plus grand miracle que de convertir sans miracle. ». Le frère Gianni Festa, postulateur de l’Ordre, les requiert. Chacun de nous peut œuvrer à faire connaître la figure bienfaisante du fondateur de l’École biblique.

Le rayonnement du père Lagrange se déploie encore aujourd’hui à travers ses livres et articles. Il s’agit d’une sainteté de l’intelligence de la foi et de la miséricorde de la Vérité, partage de la Parole de Dieu expliquée pour devenir nourriture de la foi.

Le père Bernard Montagnes a accompli un travail remarquable pour faire connaître la vie et l’œuvre du père Lagrange. Son livre « Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique » (Cerf, 2004) reflète son labeur pendant plus de deux décennies. Le père Maurice Gilbert S.J., ancien recteur du Biblicum de Rome, a étudié pendant trois ans « gratis pro Deo » tous les écrits du père Lagrange. Il aimait à dire en riant que « de tous les écrits du père Lagrange, il n’y avait que le père Lagrange et lui qui les avait lus », car il en avait trouvé qui ne figuraient pas dans les bibliographies connues. Il affirme aussi que « celui qui lira tous les textes du père Lagrange ne trouvera rien de nouveau ».

Il reste évidemment l’impact spirituel et intellectuel du père Lagrange toujours en croissance. S’il fallait choisir un seul mot pour définir le père Lagrange, je n’hésiterai pas à reprendre le mot « progrès » utilisé le 15 novembre 1890 lors du discours d’inauguration de l’École biblique de Jérusalem : « Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité. » Pour le père Lagrange, l’humanité avance de progrès en progrès. Cela s’avère juste aussi de son rayonnement. Peut-être suivra-t-il les traces de son saint patron de baptême, saint Albert le Grand, qui fut béatifié, canonisé et déclaré docteur de l’Église des siècles après sa mort ? C’est le pape Pie XI qui le proclama saint et docteur de l’Église, suite au culte ininterrompu dans l’Ordre des prêcheurs depuis le XIVsiècle. Le père Maurice Gilbert voit dans le père Lagrange, « un docteur que l’Église écoute », comme le montrent les témoignages des saints papes Paul VI et Jean-Paul II en faveur de son œuvre.

Le frère Vito Tomás Gómez, précédent postulateur de l’Ordre, avait présenté dans un rapport ce qu’il fallait faire pour adapter la Positio du père Lagrange aux nouvelles normes de la Congrégation pour la cause des saints ainsi que des compléments à ajouter de manière assez brève compte tenu du nombre de pages demandé par la Congrégation. C’est en ce sens que j’ai demandé le certificat d’ordination presbytérale du père Lagrange au diocèse de Zamora et que j’ai rédigé une note historique sur le contexte politique, ecclésial et dominicain du séjour du père Lagrange à Salamanque de 1880 à 1886. Au mois de mai dernier, à l’invitation du prieur du couvent Saint-Étienne de Salamanque, j’ai donné une conférence sur le père Lagrange et j’ai pu consulter la bibliothèque et les archives du couvent aidé par les frères espagnols, historiens et archivistes.

La promotion de la cause de béatification du père Lagrange se fait notamment à travers la diffusion de ses propres écrits. C’est pourquoi l’Association des amis du père Lagrange a édité « Le père Marie-Joseph Lagrange, sa vie et son œuvre » par le frère Louis-Hugues Vincent (Parole et Silence, 2013), le « Journal spirituel inédit » (Cerf, 2014) et « L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique » (Artège-Lethielleux, 2017). Par ailleurs, j’ai publié « Prier 15 jours avec le père Lagrange » (Nouvelle Cité, 2008) ; « Le père Lagrange et la Vierge Marie. Mystères du Rosaire » (Cerf, 2012) ; « Pour une théologie de la communication » (Parole et Silence, 2016). La revue « Angelicum » (Roma. vol. 92. 2015. 4) a publié les actes du Colloque sur le père Lagrange qui a eu lieu à Rome en 2015.

Plus récemment, l’Université catholique de Madagascar, vient de publier les Actes des Journées Interdisciplinaires « L’appel universel à la sainteté dans le monde d’aujourd’hui », Ambatoroka (Tananarive), 8-9 mars 2018 (Collection UCM ; n°2-2018). J’y ai donné une conférence : « Le père Lagrange : la sainteté de l’intelligence de la foi ». 

Les réalisations de l’ « Association des amis du père Lagrange » relèvent en bonne partie du travail de sa secrétaire bénévole, Madame Myriam Stagnaro. Chaque semaine des textes sont publiés sur la page facebook « Marie-Joseph Lagrange, dominicain » et sur le site « https://www.mj-lagrange.org/Plus de 1270 « likes » montrent l’impact du facebook. Nombreux sont les courriels qui demandent des reliques du père Lagrange. Nous ne pouvons évidemment envoyer que des images et des publications.

Le postulateur de l’Ordre a choisi Madame Elisabetta Deriu, historienne et archiviste, comme collaboratrice externe pour la rédaction de la Positio et nous lui souhaitons la réussite. L’Association des amis du père Lagrange lui a toujours fait parvenir les résultats de nos études et de nos publications ainsi que le dossier des courriers sur la « fama sanctitatis ».

Le père Lagrange demeure un exemple de vie dominicaine, apte à éveiller et à nourrir les vocations de frère prêcheur aujourd’hui. Qu’il est beau de vivre le mystère du Christ et de continuer sa prédication à travers la prière, l’étude et l’exégèse biblique pour le faire connaître et aimer. Grandeur de la vocation dominicaine, mystique et intellectuelle ! Mais son exemple est de nature à illuminer le chemin de chaque chrétien !

En comptant sur votre collaboration au service de la cause de béatification du père Lagrange, je vous confie à la Vierge Immaculée, patronne de l’École biblique de Jérusalem, si aimée de notre frère Marie-Joseph Lagrange.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange

[1]Saint Thomas d’Aquin. Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Éditions Latines. Paris. 1969. Prologue. N°11. P. 28-29.

 

Écho de notre page Facebook : janvier 2019

30 janvier 2019

L’accomplissement

Madone avec l’Enfant parmi les lys
Carlo Dolci (17e)

Dans le monde entier, la Vierge est associée au grand signe que Dieu a donné à la maison de David. C’est la Vierge byzantine, triste et majestueuse, avec une douceur compatissante ; la Vierge espagnole, transfigurée et radieuse ; la Vierge d’Angelico de Fiesole, consumée d’amour, la Vierge de Raphaël, aimable et gracieuse… Chaque peuple, chaque artiste a marqué sur ses traits sa conception de la beauté et de la bonté, et quand l’artiste a échoué, quand il n’a fait qu’une œuvre sans proportions, ni expression, ni couleur, l’âme du peuple a fait le reste, et il n’aime pas moins sa Vierge rustique que les chefs d’œuvres des Maîtres.  Elle a son enfant sur ses bras, comme la fleur repose sur la tige, et s’il y a parmi les hommes de douces joies, les plus intimes et les plus confiantes s’expriment encore par la parole du prophète : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, la souveraineté est sur son épaule. On le nommera Conseiller, Admirable, Dieu fort, Père éternel, Prince de paix ! » Les âmes tentées d’abandonner le droit et la justice viennent chercher la force auprès de ce berceau : des milliers d’enfants pauvres sont recueillis et traités avec des soins maternels, parce que Jésus a été enfant. Si l’on pèche encore sur la terre, Dieu trouve dans le cœur des saints des compensations dont seul il connaît la valeur, et tous savent dans l’Église catholique que les plus beaux triomphes de l’Enfant, Père éternel, Prince de paix, auront lieu dans le ciel, quand le péché aura disparu de la montagne sainte.

(extrait de Marie-Joseph Lagrange, o.p., La Vierge et Emmanuel, RB(1892) pp. 481-497 ou lire le texte entier sur site : https://mj-lagrange.org/wp-content/uploads/2014/02/Ancien-Testament-LA-VIERGE-ET-EMMANUEL.pdf

28 janvier 2019

Saint Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église et glorieux docteur de l’ordre de Saint Dominique

Le P. Lagrange a toujours eu un très grand attachement à la doctrine de saint Thomas d’Aquin « ce qui m’avait empêché d’errer », dit-il dans une lettre au père Cormier en novembre 1912.

Dans son livre La Méthode historique et avant de commencer sa première conférence : « L’exégèse critique et le dogme ecclésiastique – Les ‘nouveautés dans l’Église’ », le père Lagrange annonce : « Je voudrais me mettre sous le patronage du glorieux docteur de l’ordre de Saint-Dominique, saint Thomas d’Aquin. Ce qu’il représente aujourd’hui pour nous, c’est le poids vénérable d’une tradition déjà ancienne. Ce qui frappa surtout ses contemporains, ce fut l’extrême nouveauté de sa doctrine. Guillaume de Tocco, son biographe autorisé, reflète bien cette impression en employant huit fois le mot nouveau pour caractériser sa manière : ‘Il soulevait dans ses leçons de nouveaux articles, découvrait pour résoudre ses questions une méthode nouvelle et claire, et apportait dans les solutions qu’il donnait de nouvelles preuves. C’est au point qu’en l’entendant enseigner de nouveaux points de doctrine et définir, par de nouvelles raisons, les doutes proposés, personne n’hésitait à reconnaître que Dieu l’avait éclairé d’une lumière nouvelle. Il eut, dès le début, un jugement si sûr qu’il n’hésitait pas à enseigner et à écrire des opinions nouvelles que Dieu, par une inspiration nouvelle, avait daigné lui faire connaître’. » (La Méthode historique, Cerf, 1966, pp. 23-24.)

 

Le P. Bernard Montagnes o.p. dans son article « Le thomisme du P. Lagrange » nous dit : « La fidélité à saint Thomas a maintenu Lagrange et son École dans le droit fil de la vérité. […] Ce que le P. Lagrange a trouvé dans le thomisme peut se résumer en trois observations : 1) Une école de rigueur. 2) Une école de liberté. 3) Une école de sagesse. »
Pour lire le texte en entier : https://mj-lagrange.org/wp-content/uploads/2014/03/Montagnes-Le-thomisme-du-père-Lagrange.pdf

 

Photo : Saint Thomas d’Aquin. Fontaine de Sagesse, par Antoine Nicolas (1648)
Pour la lecture d’image : http://www.notredamedeparis.fr/la-cathedrale/linterieur/peintures/saint-thomas-daquin/

 

25 janvier 2019

La conversion de Saint Paul

De même que Luther acquit peu à peu dans la vie religieuse l’expérience de son impuissance en face de la concupiscence, et ose enfin se proclamer pécheur, n’ayant d’autre justice que la justice imputée du Christ, Paul aurait compris, à la suite d’une lutte prolongée lorsqu’il allait à Damas, et, quand il eut reconnu Jésus pour le Christ, il fut aussitôt décidé à s’en remettre à lui du soin de son salut. Avant qu’il ait trahi la cause de la Loi, la Loi avait trahi ses efforts. Elle l’avait abandonné la première. Il cherchait dès lors ailleurs un appui plus assuré pour sa vie morale. Et sans doute Paul a tracé mieux que personne le tableau de la lutte entre la raison humaine et la chair, sous le regard de la Loi qui ne sert qu’à exaspérer le conflit. Mais c’est dans l’Épître aux Romains (Rom. VII), sans aucune allusion à son histoire personnelle, car le moi qu’il met en scène est celui de chacun de nous. Dans l’Épître aux Galates, la lutte est entre l’esprit et la chair, c’est celle où sont engagés les chrétiens. Et lorsque Paul parle de sa conversion, c’est pour marquer la pleine confiance qu’il avait dans la Loi avant la révélation. […] Oui, c’est en pleine fougue pharisienne que Paul a reçu la révélation, dans une telle clarté qu’il n’eut besoin de consulter personne, ni d’être instruit par personne pour suivre une nouvelle voie.

(Marie-Joseph Lagrange, extrait de l’Épître aux Galates, p. LXXIII, éd. Lecoffre, Paris, 1926.)

Lecture d’image proposée :
(http://artbiblique.over-blog.com/article-la-conversion-de-paul-73986736.html)

La Conversion de Paul (1527) – par Francesco Mazzola, dit le Parmesan (1503-1540), au Kunsthistorische museum de Vienne.

Le Christ est absent, Paul entend mais ne voit rien.

Le cheval occupe la place centrale. Ce cheval blanc est signe de triomphe surtout quand il est cabré. Triomphe antique, papal mais aussi celui de l’apocalypse = triomphe et puissance

La peau de panthère qui le couvre est signe de noblesse mais c’est surtout la peau d’un animal assimilé au Christ (selon le Physiologos qui est un bestiaire chrétien de l’antiquité qui a eu une influence considérable au Moyen Âge). La panthère exhale un bon parfum qui séduit tous les animaux sauf le serpent qui fuit et le dragon qui se fige ; quand elle revient dans sa caverne, elle dort et ne se réveille que le 3ème jour ; sa peau tachetée évoque les vertus du Christ : compassion, foi, paix, pureté… donc ce cheval est l’image du Christ victorieux, séducteur et conquérant.

Position de Paul : il ne voit rien mais n’est pas aveuglé, il doit ouvrir les yeux, mais à quoi ? à l’Évangile et aux nouveaux chrétiens (cf. Actes, ch. 26), il essaie de se relever pour se tenir prêt pour la mission. Il se lève comme l’Adam de Michel Ange, c’est une création. Ses bras sont en croix, il imite le Christ. Il se relève comme Christ du tombeau, c’est une résurrection.

Paul se fait le témoin de la mort et de la Résurrection

Les compagnons  sont absents, le peintre isole Paul dans un baptême de lumière, il le montre recevant une révélation intérieure. Il exalte  la puissance de la grâce individuelle et le pouvoir d’une conversion radicale. Cela peut être vu comme une position luthérienne ou plutôt celle des « spirituels » de la grande Église dans ces années 1520-1530, le commanditaire, un professeur de médecine de l’université de Bologne en fait partie.

22 janvier 2019

L’expérience du désert par le P. Marie-Joseph Lagrange o. p.
« Garde ma loi, observe mes commandements »

Se reporter à la rubrique « Quelques articles du père Lagrange »

19 janvier 2019

Serviteur et fils de la Bienheureuse Vierge Marie

Vierge avec l’Enfant ou Madone à la grenade
Fra Angelico

L’attitude intérieure du père Lagrange envers Marie est celle du saint esclavage (il ne semble pas en avoir pris l’inspiration chez Grignion de Montfort). Beatae Mariae servus et filius, se proclame-t-il le 22 octobre 1927. (Bernard Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, 2008, p. 561.

« Demeurons un petit serviteur de Marie, humble et caché… » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel 22 septembre 1927.)

 

 

 

18 janvier 2019

Pour ceux qui sont intéressés, nous venons de mettre sur site une page : chronologie du père Lagrange par fr. Bernard Montagnes o.p.  Rendez-vous sur www.mj-lagrange.org

Bonne chronologie développée sur le père Lagrange, à lire avec plaisir. Bon samedi avec la Vierge Marie. Dans la prière au Seigneur. Fr. Manuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13 janvier 2019

Le baptême de Jésus

Vous souvenez-vous de la date de votre baptême ?
Le père Lagrange faisait souvent mémoire dans la prière du 12 mars 1855, date où il avait été plongé dans les eaux baptismales dans la collégiale Notre-Dame de Bourg-en-Bresse.

Ce baptême de Jésus reçu des mains du dernier et du plus grand des prophètes est le symbole du baptême de l’Esprit que les fidèles chrétiens recevront par leur foi en la mort et en la résurrection de Jésus.
Le père Lagrange y voit une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation de la divinité du Christ que l’Église célèbre de manière solennelle dans le rayonnement de la fête de Noël. En ce temps-là, des rois s’attribuaient une nature divine. Jésus ne se fait pas Dieu comme l’ont prétendu certains empereurs romains morts de façon malheureuse. En tant que Fils unique de Dieu, il reçoit l’Esprit Saint du Père. Au Jourdain, l’Esprit Saint relie le ciel et la terre puisqu’il est le nœud du Père et du Fils, dont toutes ses œuvres sont communion.
En recevant le baptême, Jésus annonce l’union des pécheurs avec la divinité de son Père.

(extrait de Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditation des mystères du Rosaire, Cerf, 2012, pp. 79-81.)

 

10 janvier 2019

Voici venir le jour de notre rendez-vous mensuel de prière, en commun avec fr. Manuel Rivero o.p., au cours de la messe qu’il célèbre aux intentions personnelles des membres de l’association des amis du père Lagrange et pour la béatification de cet humble serviteur de Dieu que fut le P. Marie-Joseph Lagrange.

« Ave Maria ! Le monde est si peu de chose, les choses vont si de travers qu’on ne songe d’abord qu’à s’absorber dans la pensée, mais alors l’œuvre de Dieu ne se fait pas, car chose inouïe, il ne la fait pas tout seul, lui, le Tout-Puissant, ne fera rien sans nous, ni pour nous, ni pour les autres, – c’est au moins dans ce sens que les grâces (ordinairement) ne fructifient pas sans le concours des secours qu’on trouve dans l’Église. Tout se ramène à l’Église où sont les grâces, même celles qui sont données en dehors de l’Église et qui y conduisent plus ou moins directement –. (P. Lagrange dans son Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 313.)

Nous prions aussi pour le chapitre provincial de Toulouse qui se tient en ce moment dans « la ville rose » où vécut le père Lagrange comme professeur au retour de Salamanque en 1886. Belle Epiphanie à vous, avec ma prière au Seigneur. Fr. Manuel.

7 janvier 2019

Saint Raymond de Peñafort, o. p. fut canonisé pour sa « sainteté au service de la justice »

Saint Raymond de Peñafort
Fra Angelico, XVe

 

Le P. Marie-Joseph Lagrange, Frère prêcheur, voua sa vie au service apostolique de la vérité. (Bernard Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Biographie critique, Cerf, 2013, p. 549.)

Dans son Journal spirituel, le 7 janvier 1881, fr. Marie-Joseph Lagrange, propose à notre réflexion :
« La charité fraternelle est le grand moyen de sanctification. 

 

 

 

 

 

 

6 janvier 2019

Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

Adoration des Mages
Patriarcat latin de Jérusalem

[…] Or, les mages avaient vu se lever à l’Orient un astre nouveau, vraisemblablement une comète. Tout le monde se tenait pour assuré que c’était le présage d’un règne glorieux. Eux ont pensé au futur roi des Juifs, dont ceux-ci disaient des choses si merveilleuses. Pensant donc qu’il était né, ils vinrent à Jérusalem, la cité sainte du judaïsme.

 

 

 

(extrait de Marie-Joseph-Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ, Artège-Lethielleux, 2017.)

1er janvier 2019

Bonne année 2019 en la confiant à la Vierge Immaculée, si vénérée par le père Lagrange. Fr. Manuel.

 

Sainte Marie, Mère de Dieu

Vénérer la Vierge Marie

extrait de l’article de fr. Manuel Rivero o.p. : Pourquoi appeler la Vierge Marie, Mère de l’Église ?

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin :

« La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance[1]. »

L’histoire de l’Église montre aussi comment la fréquentation de la Vierge Marie dans la prière loin d’éloigner les fidèles du Christ les a rapprochés avec justesse de son mystère.

Aussi, le concile Vatican exhorte-t-il les chrétiens à vénérer la Vierge Marie, avec amour, en lui adressant des prières d’invocation, et en cherchant à imiter sa foi[2].

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens ayant subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ médiateur entre Dieu et les hommes.

Mère de Dieu, Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait aux noces de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2,5.)

[1]Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16  novembre 1880. P. 104.

[2]Concile Vatican II. Lumen gentium. Chapitre VIII. « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église »,n°66-67.

 

La dévotion du père Lagrange à sainte Marie-Madeleine par fr. Manuel Rivero o.p.

Tout au long de sa vie dominicaine, le père Marie-Joseph Lagrange a été attiré par la figure de sainte Marie-Madeleine. Le couvent royal de Saint-Maximin où il a reçu l’habit le 6 octobre 1879 avait été bâti pour honorer les reliques de l’amie fidèle de Jésus, présente sur le Calvaire et dans le jardin de Jérusalem au matin de Pâques. Les Frères prêcheurs de Saint-Maximin l’invoquaient souvent. Ils avaient la coutume de prier l’office quotidien de Marie-Madeleine calqué sur le petit office de la Vierge Marie.

Sainte Marie-Madeleine
Basilique Saint-Étienne, Jérusalem

Sainte Marie-Madeleine veille aussi comme patronne sur la Province dominicaine de Toulouse. La tradition provençale adhère à sa présence à la grotte de la Sainte-Baume (Var) et ses reliques seraient conservées en la basilique de Saint-Maximin, objet de la dévotion populaire depuis des siècles.

En contemplant la conversion de l’ « apôtre des apôtres » comme l’appelle la liturgie byzantine, le père Lagrange a senti au plus profond de lui-même « un doux encouragement » venant de la sainte à entrer dans la vie religieuse alors qu’il s’inquiétait des exigences de l’idéal de saint Dominique : « Entrer dans un Ordre dont les saints ont été si purs m’effrayait ; Ste Marie-Madeleine m’encourageait doucement. »

Pendant son noviciat, il note dans son « Journal spirituel » ses prières à sainte Marie-Madeleine : « Ste Marie-Madeleine, priez pour nous. »

Novice, il admirait l’amour de sainte Marie-Madeleine envers le Seigneur et il aspire à vivre la charité envers ses frères dominicains en imitant l’humilité de Marie-Madeleine agenouillée devant Marie comme fra Angelico aimait à le représenter reliant la toute-pécheresse jadis habitée par sept démons et la toute-pure Marie. Dans la vision théologique du patron des artistes, Fra Angelico montre Marie-Madeleine qui soutient Marie, debout sur le Calvaire, au plus haut de sa douleur. Marie-Madeleine manifeste l’œuvre de la grâce divine qui relève les pécheurs les remettant à la première place : « Ô Jésus, je n’ai rien à moi, vous avez pris mon âme comme une fille sans dot : mais cela même rend votre amour persévérant, généreux, libéral ; vous connaissez mes besoins, vous savez que je ne puis les satisfaire, vous êtes tout-puissant et vous m‘aimez. Si j’avais quelque chose de bon de mon fond, je me hâterais de le jeter loin de moi pour m’abandonner à votre amour ; je n’ai rien et je m’en glorifie : c’est un titre à votre amour.

Nos faiblesses sont la raison de nos privilèges. Le Fils de Dieu a exposé son honneur aux yeux des anges pour épouser la pauvre humanité tombée ; il a voulu une Mère Immaculée ; mais au-dessous, dans la région des saints, celle dont il est dit qu’elle a beaucoup aimé est Marie-Madeleine. (On dit qu’au ciel elle occupe la place de Lucifer). Me considérer auprès de mes frères comme Ste Marie-Madeleine aux pieds de Marie Immaculée. »

Dans sa prière de feu, le père Lagrange prie au pied de la Croix de Jésus à la suite de saint Dominique tel que Fra Angelico le représente dans le cloître du couvent saint Marc de Florence (Italie). Il désire partager la foi douloureuse de la Vierge Marie, de sainte Marie-Madeleine et de saint Jean : « Permettez-moi, ô Jésus, de me tenir constamment au pied de la Croix avec votre Mère Immaculée, Ste Marie-Madeleine et St Jean. »

Bénéficiaire des grâces reçues par la prière de sainte Marie-Madeleine, le père Lagrange n’hésite pas à exprimer sa reconnaissance : « Je remercie tous les saints et singulièrement St Dominique, St Joseph, St Paul, le vénérable curé d’Ars, St Thomas d’Aquin, Ste Marie Madeleine, Ste Philomène et tous ceux qui ont intercédé particulièrement pour moi sans que je le sache. »

Plus tard, dans ses épreuves spirituelles, le père Lagrange se tournera aussi vers sainte Marie-Madeleine : « J’entre en retraite comme un malade à l’hôpital : vos plaies, ô Jésus, et mes plaies …

Ste Marie, je m’abandonne à votre conduite. Refugium peccatorum, ne me rejetez pas. Ste Marie-Madeleine, St Joseph, St Dominique, mon St ange gardien, aidez-moi, priez pour moi. »

Le 3 septembre 1889, le père Lagrange se fit inscrire à la confrérie de sainte Marie-Madeleine à la grotte de la Sainte-Baume , signe manifeste de sa dévotion à la sainte.

Lors de la pose de la première pierre de l’École biblique de Jérusalem, le 5 juin 1891, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, le père Lagrange, vicaire de la maison, place une médaille de sainte Marie-Madeleine dans les fondements de la nouvelle institution : « Des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du rosaire, de Saint Benoît, de Sainte Madeleine et du pape Léon XIII étaient jointes au parchemin. »

Le père dominicain, archéologue de l’École biblique, Louis-Hugues Vincent, ami et disciple fidèle du père Lagrange, signale que son maître appelait la sainte « Marie-Magdeleine » plutôt que Marie-Madeleine.

Lors de son année terrible en 1912, quand il doit quitter Jérusalem, victime des dénonciations sans fondement objectif, le père Lagrange choisit le jour du sermon sur sainte Marie-Madeleine , le 7 juillet, pour présenter sa démission.

À l’occasion de la rédaction du commentaire de la Synopse en 1927, après son opération à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille, le père Lagrange choisit la vulgarisation de ses travaux exégétiques, au service de la foi des prêtres et des laïcs, pour le salut des âmes, « L’Évangile de Jésus-Christ » : « À ma joyeuse surprise, dans la soirée du 22 juillet, fête de sainte Marie-Magdeleine – comme le P. Lagrange disait le plus volontiers -, mon maître m’annonça très incidemment qu’il avait commencé le matin même d’écrire « sur l’Évangile » ; et comme je demandais naïvement quel nouveau commentaire il se proposait d’entreprendre, il répondit : « celui de la Synopse » : par quoi il m’était facile de saisir qu’il abordait enfin une Vie de Notre-Seigneur. »

Après la Vierge Immaculée, le père Lagrange ne cachait pas sa prédilection pour sainte Marie-Madeleine, « à cause de son héroïque esprit de pénitence et de son ardent amour pour Notre-Seigneur. »

De retour à Saint-Maximin en 1935, au sommet de sa vie, le père Lagrange aimait célébrer la messe en la crypte de la basilique. Mystique de la Bible, homme complet, le père Lagrange rayonnait spirituellement et intellectuellement unissant la foi et la science, la prière et l’enseignement.

Saint-Denis (La Réunion), le 26 décembre 2018, en la fête de saint Étienne.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange
Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

Écho de notre page Facebook : décembre 2018

 

30 décembre 2018

Fête de la Sainte Famille, modèle de tout foyer

L’éducation reçue par le père Lagrange dans une chaude intimité familiale

L’enfance d’Albert Lagrange s’est déroulée dans un milieu familial heureux. Claude-Pierre [son père] était un peu intimidant, quoique très affectueux […]. Sa réserve inspirait autant le respect que la tendresse. « Je savais que j’avais une très grande place dans son cœur. » Il est le chef de famille au sens le plus traditionnel de la « vieille France ». Chrétien jusqu’aux moelles, comme le décrit Albert, il se montre strictement fidèle aux observances de l’Église.

[…] [Sa mère], la frêle Élisa, comme on disait d’elle au moment de son mariage, est une femme d’intérieur, vouée à faire le bonheur des siens, sur lesquels elle règne avec tendresse. […] Elle puise sa force dans la prière, mais sa mystique, toute lyonnaise est pratique. Avec Albert, elle ne manque ni d’intuition (elle a eu, dès l’enfance de celui-ci, comme une vision de son sacerdoce ; elle avait remarqué de bonne heure son attrait pour l’histoire), ni de fermeté (séminariste à Autun, elle l’invite à faire preuve de moins de mollesse ; novice dominicain, elle l’exhorte à l’humilité et à l’obéissance).

(Bernard Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, Paris, 2004, pp. 25-26.)

 

27 décembre 2018
Saint Jean, apôtre et évangéliste

Saint Jean, apôtre et évangéliste
par Guido Reni (1621)

Jean a eu conscience de ce qu’il devait être comme docteur et comme historien. Sans doute les paroles de Jésus, déposées dans son cœur, ont été souvent méditées par lui, se sont éclairées l’une par l’autre, ont pris, sous l’influence de l’Esprit Saint, comme un aspect nouveau. Et que sa manière de comprendre et de dire ait eu quelque influence sur toute sa rédaction, nous ne voudrions pas le nier. Mais lui-même nous a permis, en comparant ce qu’il a mis sur les lèvres de Jésus, et ce qu’il présente plus ou moins nettement comme son interprétation, de reconnaître comme deux états de la doctrine, le second étant notablement plus systématique. Sa valeur comme témoin fidèle ressort donc de cet examen, comme aussi de la distinction entre les discours de controverse et les confidences aux siens, dont la physionomie et même le contenu ne devaient pas être les mêmes. Jésus se révèle selon la loi de sa mission ; Jean est son témoin et son théologien.

(Marie-Joseph Lagrange des frères prêcheurs,  « Jean le théologien » dans l’Évangile selon saint Jean, extrait de l’Introduction, Lecoffre-Gabalda, Paris, 1936.)

 

26 décembre 2018
Saint Étienne, protomartyr

Saint Étienne
par D. Ghirlandaio (15e)

[…] Étienne parlant à des Juifs puisait tous ses arguments dans l’Écriture sainte dont l’Esprit Saint lui avait fait connaître le sens divin. De nos jours, cette prédication est encore la plus opportune de toute, comme nous l’enseigne Léon XIII, dans l’encyclique Providentissimus Deus, sans parler de la nécessité de résister aux ennemis de notre foi, qui font de la Bible le but principal de leurs attaques.

[…] Dans cette mort endurée pour la vérité, les chrétiens ont vu une victoire, et les Pères, qui savaient peu de choses sur les origines d’Étienne, ont reconnu dans son nom même de Couronne, une harmonie préétablie dans les conseils de Dieu.

Pierre est la pierre sur laquelle Jésus Christ bâtit l’Église, Étienne (couronne) reçoit le premier la couronne du martyre.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., extraits Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem,  éd. Picard, 1894.)

25 décembre 2018

Joyeux et Saint Noël,  à vous qui lisez cette page consacrée au fr. « Marie-Joseph Lagrange o.p., serviteur éminent de la Parole de Dieu pour les croyants ! » (Bernard Montagnes, o.p.)

Nativité
Domenicano Ghirlandaio (15e)
Pinacothèque vaticane

 

Le chant des anges et la musique céleste résonnent dans le cœur de Marie faisant resplendir son regard sur Jésus. C’est pourquoi le père Lagrange perçoit dans le cœur de Marie « l’écho le plus fidèle de toutes ces paroles, la pénétration la plus intime de toutes ces choses où convergeaient tous les desseins de Dieu ».

(extrait du livre de Manuel Rivero o.p., Le P. Lagrange et la Vierge Marie, Cerf, 2012 et de celui de Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la Synopse évangélique traduite par Ceslas Lavergne o.p., éd. Artège-Lethielleux, 2017, p. 64.)

Nous rendons grâces à Dieu pour avoir écouté les demandes de grâces qui lui ont été présentées par l’intercession du P. Lagrange et dont nous avons été informés.

Nous les déposons en témoignage de reconnaissance aux pieds du Saint Enfant Jésus.

 

 

23 décembre 2018
Quatrième dimanche de l’Avent

Visitation
Sebastiano del Piombo (16e) – Louvre

Magnificat

Et Marie répondit par les strophes du cantique que nous nommons le Magnificat.

Il est dans toutes les mémoires chrétiennes, et nous n’avons pas à le commenter. Sous l’empire de la joie, il arrive encore aujourd’hui à de simples femmes arabes d’improviser un chant. […] Ce qui est propre au Magnificat, c’est que cette fois les expressions ne sont pas trop fortes pour dire ce qui s’est opéré en Marie, et qu’elles paraissent à peine suffisantes pour exprimer l’humilité de celle qui glorifie le Seigneur. Pour que toute gloire Lui soit rendue, elle avoue sa bassesse, et cependant, répondant à la félicitation d’Élisabeth, elle avoue que toutes les générations la nommeront bienheureuse. Tandis que le chant d’Anne aurait pu être placé dans la bouche d’un héros, celui de Marie est bien celui de la mère de Jésus.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ, éd. Artège-Lethielleux, 2017, p.50.)

 

18 décembre 2018

 

 

En cette année 2018, nous fêtons les 80 ans de l’exode du père Lagrange vers le Père, le 10 mars 1938. Le samedi 22 décembre, ce sera l’anniversaire de son ordination presbytérale à Zamora et le dimanche 23 décembre, l’anniversaire de sa première messe à l’autel de Notre-Dame-du-Rosaire au couvent Saint-Étienne de Salamanque.

 

 

 

 

16 décembre 2018

Troisième dimanche de l’Avent 

Saint Jean-Baptiste
par Leonardo da Vinci (1508-1513)

 

Le Seigneur est proche

« Il faut surtout être plus charitable. Souvent je me laisse aller, malgré les avertissements de ma conscience, à des boutades qui dépassent ma pensée… Être plus avenant pour tous, ne pas me retirer sous ma tente, faire des avances aux nouveaux, être un élément de conciliation, de paix et de joie. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal Spirituel, décembre 1900, p. 325, Cerf, 2014.)

 

 

 

 

 

10 décembre 2018

« Le 10 décembre 1895, le père Lagrange (7 mars 1855-10 mars 1938) indique dans son Journal spirituel : Première pierre basilique. »

En ce temps de l’Avent, nous marchons vers Bethléem. Et, comme le 10 de chaque mois, nous nous retrouvons en union de prières avec fr. Manuel Rivero o.p. Confions nos intentions à l’intercession du père Lagrange o.p. et pour sa prochaine béatification.

Pour confier vos intentions de prières, écrire à fr. Manuel Rivero : manuel.rivero@free.fr. Faites connaître les grâces obtenues par votre prière à l’intercession du père Lagrange. C’est important.

 

 

9 décembre 2018

Deuxième dimanche de l’Avent

Tout ravin sera comblé et toute montagne et colline abaissée ; et les chemins sinueux deviendront [une voie] droite, et les raboteux des chemins unis.

Et toute chair verra le salut de Dieu. (Luc 3, 6.)

Si Luc continue  seul la citation [d’Isaïe], c’est sans doute pour aboutir à l’idée importante du verset 6. Cependant il a pu avoir en vue le sens symbolique. Les vallées comblées, ce sont probablement les affamés remplis de bien (1, 52) ; les montagnes abaissées, ce sont les puissants déposés (1, 52) ; désormais le Seigneur trouvera des âmes droites, et des chemins aisés pour pénétrer les cœurs. […] Luc omet : « et on verra la gloire du Seigneur », qui ne convenait ni pour son sens dans l’A. T., ni pour caractériser le premier avènement de Jésus. Au contraire le dernier mot (v. 6) emprunté aux LXX (héb. et toute chair ensemble la verra [la gloire de Iahvé]) répond parfaitement à la prophétie du vieillard Siméon touchant Jésus (2, 30 s.), et à l’idée de l’universalité du salut (Act. 28, 28).

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gavalda, 1941, pp. 105-106.)

8 décembre 2018

Inmaculada Concepción (c. 1700)-Colección Carmen Thyssen-Bornemisza

Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie

L’union du Fils de Dieu avec la nature humaine eût pu comporter une naissance ordinaire – les théologiens ne le nient pas – mais quelle suprême convenance à ce qu’il ne donne à personne autre qu’à Dieu le nom auguste de Père ! Quelle clarté plus grande sur le fait des deux natures unies en une personne ! Quelle dignité plus haute pour Marie, qui seule avec le Père peut dire : « Mon Fils Jésus ! » Quelle consécration de la vie de parfaite chasteté si féconde en biens spirituels parmi les hommes !

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège-Lethielleux, 2017, p. 49.)

 

 

 

4 décembre 2018

Grâces reçues

Le 10 de chaque mois, en communion avec fr. Manuel Rivero o.p., nous prions Notre Père Saint « afin que par l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange o.p. nous obtenions des grâces dont nous avons besoin, et en particulier nous précisons laquelle ». Pour certains même, cette demande de grâces fait partie de leur prière journalière. Des grâces sont reçues. Aussi toutes celles et tous ceux qui souhaitent témoigner de ces grâces reçues par l’intercession du père Lagrange peuvent écrire au Fr. Manuel Rivero o.p. Courriel : manuel.rivero@free.fr

 

 

 

1erdimanche de l’Avent

Redressez-vous !
V. Dionne

« Redressez-vous, et relevez vos têtes, car elle approche votre délivrance ! » Luc 21, 28.

[…] Et saint Luc reproduit la parabole du figuier. Il a donc entendu cette parabole de l’aurore du règne de Dieu sur la terre. Le figuier a ses premières feuilles aux jours du printemps. Cette saison existe à peine en Palestine. L’été succède presque aussitôt à l’hiver. Or, l’été, pour saint Luc, c’est le Règne de Dieu. Cette génération n’aura pas tout à fait disparu, que déjà seront survenus le règne et la délivrance : « Le ciel et la terre passeront », dit Jésus, « mais mes paroles ne passeront pas », ces paroles qui furent la prédication du règne, qui sont encore vivantes et efficaces, et qui le seront toujours.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 525.)