Lettre du président, fr. Manuel Rivero o.p., aux membres de l’association, le 28 novembre 2018

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange
Dominicains. Cure de la cathédrale.
97400 Saint-Denis (La Réunion), le 28 novembre 2018

https://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

Courriel :manuel.rivero@free.fr
 

Lettre aux membres de l’Association des amis du père Lagrange

Objet : Cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange
Saint-Denis (La Réunion), le 28 novembre 2018.

Chers membres de l’Association des amis du père Lagrange,

Nous avons l’honneur et le bonheur de compter sur la belle et grande figure spirituelle et intellectuelle du père Lagrange.

Depuis la naissance de l’Ordre des prêcheurs, les frères se sont peu intéressés à la promotion des causes de béatification en commençant par celle de saint Dominique. Il arrive que les frères disent qu’il vaut mieux se sanctifier aujourd’hui que de sanctifier nos prédécesseurs. Mais nous avons besoin de références et de modèles pour notre vie chrétienne. Le père Lagrange demeure une lumière sur le chemin de la sainteté.

Fils de la province dominicaine de Toulouse, le père Lagrange représente une grâce et une tâche pour nous chargés de mettre en relief et, si possible, sur les autels ce frère, scientifique et mystique de la Bible. Jean Guitton, ancien élève du père Lagrange à Jérusalem, m’avait fait part lors d’une rencontre à Paris du besoin de béatifier le père Lagrange aujourd’hui car le problème de l’homme contemporain, souvent agnostique, est de ne voir dans la Bible qu’un livre du patrimoine littéraire sans dimension surnaturelle d’inspiration ni de révélation.

Dans la Positio de la cause de béatification du père Lagrange, il importe de présenter des témoignages de sa réputation de sainteté : grâces spirituelles de foi et de réconciliation, grâces de guérison physiques aussi. Saint Thomas d’Aquin dans son commentaire au Credo, lors de prédications à Naples, sa ville natale, en 1273, un an avant sa mort, prêchait ceci : « Si vous me dites : des miracles, personne n’en a vu l’accomplissement, je vous réponds : Le monde tout entier adorait les idoles et persécutait la foi du Christ. C’est là un fait certain, attesté même par les historiens païens : cependant, actuellement, tous, et les sages et les nobles, et les riches et les puissants et les grands, se sont convertis au Christ, par la prédication d’un petit nombre de pauvres et de simples leur annonçant Jésus-Christ. De deux choses l’une, ou bien ceci a été fait à l’aide de miracles, ou bien non. Si oui, j’ai répondu à votre objection. Et si c’est non, je dis qu’il ne peut pas y avoir de plus grand miracle que de convertir le monde entier sans miracles. Ne cherchons donc pas d’autre démonstration. »[1]

La cause de béatification du père Lagrange a besoin de témoignages de miracles physiques, des grâces reçues et de conversions au Christ : « Il ne peut pas y avoir de plus grand miracle que de convertir sans miracle. ». Le frère Gianni Festa, postulateur de l’Ordre, les requiert. Chacun de nous peut œuvrer à faire connaître la figure bienfaisante du fondateur de l’École biblique.

Le rayonnement du père Lagrange se déploie encore aujourd’hui à travers ses livres et articles. Il s’agit d’une sainteté de l’intelligence de la foi et de la miséricorde de la Vérité, partage de la Parole de Dieu expliquée pour devenir nourriture de la foi.

Le père Bernard Montagnes a accompli un travail remarquable pour faire connaître la vie et l’œuvre du père Lagrange. Son livre « Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique » (Cerf, 2004) reflète son labeur pendant plus de deux décennies. Le père Maurice Gilbert S.J., ancien recteur du Biblicum de Rome, a étudié pendant trois ans « gratis pro Deo » tous les écrits du père Lagrange. Il aimait à dire en riant que « de tous les écrits du père Lagrange, il n’y avait que le père Lagrange et lui qui les avait lus », car il en avait trouvé qui ne figuraient pas dans les bibliographies connues. Il affirme aussi que « celui qui lira tous les textes du père Lagrange ne trouvera rien de nouveau ».

Il reste évidemment l’impact spirituel et intellectuel du père Lagrange toujours en croissance. S’il fallait choisir un seul mot pour définir le père Lagrange, je n’hésiterai pas à reprendre le mot « progrès » utilisé le 15 novembre 1890 lors du discours d’inauguration de l’École biblique de Jérusalem : « Dieu a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité. » Pour le père Lagrange, l’humanité avance de progrès en progrès. Cela s’avère juste aussi de son rayonnement. Peut-être suivra-t-il les traces de son saint patron de baptême, saint Albert le Grand, qui fut béatifié, canonisé et déclaré docteur de l’Église des siècles après sa mort ? C’est le pape Pie XI qui le proclama saint et docteur de l’Église, suite au culte ininterrompu dans l’Ordre des prêcheurs depuis le XIVsiècle. Le père Maurice Gilbert voit dans le père Lagrange, « un docteur que l’Église écoute », comme le montrent les témoignages des saints papes Paul VI et Jean-Paul II en faveur de son œuvre.

Le frère Vito Tomás Gómez, précédent postulateur de l’Ordre, avait présenté dans un rapport ce qu’il fallait faire pour adapter la Positio du père Lagrange aux nouvelles normes de la Congrégation pour la cause des saints ainsi que des compléments à ajouter de manière assez brève compte tenu du nombre de pages demandé par la Congrégation. C’est en ce sens que j’ai demandé le certificat d’ordination presbytérale du père Lagrange au diocèse de Zamora et que j’ai rédigé une note historique sur le contexte politique, ecclésial et dominicain du séjour du père Lagrange à Salamanque de 1880 à 1886. Au mois de mai dernier, à l’invitation du prieur du couvent Saint-Étienne de Salamanque, j’ai donné une conférence sur le père Lagrange et j’ai pu consulter la bibliothèque et les archives du couvent aidé par les frères espagnols, historiens et archivistes.

La promotion de la cause de béatification du père Lagrange se fait notamment à travers la diffusion de ses propres écrits. C’est pourquoi l’Association des amis du père Lagrange a édité « Le père Marie-Joseph Lagrange, sa vie et son œuvre » par le frère Louis-Hugues Vincent (Parole et Silence, 2013), le « Journal spirituel inédit » (Cerf, 2014) et « L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique » (Artège-Lethielleux, 2017). Par ailleurs, j’ai publié « Prier 15 jours avec le père Lagrange » (Nouvelle Cité, 2008) ; « Le père Lagrange et la Vierge Marie. Mystères du Rosaire » (Cerf, 2012) ; « Pour une théologie de la communication » (Parole et Silence, 2016). La revue « Angelicum » (Roma. vol. 92. 2015. 4) a publié les actes du Colloque sur le père Lagrange qui a eu lieu à Rome en 2015.

Plus récemment, l’Université catholique de Madagascar, vient de publier les Actes des Journées Interdisciplinaires « L’appel universel à la sainteté dans le monde d’aujourd’hui », Ambatoroka (Tananarive), 8-9 mars 2018 (Collection UCM ; n°2-2018). J’y ai donné une conférence : « Le père Lagrange : la sainteté de l’intelligence de la foi ». 

Les réalisations de l’ « Association des amis du père Lagrange » relèvent en bonne partie du travail de sa secrétaire bénévole, Madame Myriam Stagnaro. Chaque semaine des textes sont publiés sur la page facebook « Marie-Joseph Lagrange, dominicain » et sur le site « https://www.mj-lagrange.org/Plus de 1270 « likes » montrent l’impact du facebook. Nombreux sont les courriels qui demandent des reliques du père Lagrange. Nous ne pouvons évidemment envoyer que des images et des publications.

Le postulateur de l’Ordre a choisi Madame Elisabetta Deriu, historienne et archiviste, comme collaboratrice externe pour la rédaction de la Positio et nous lui souhaitons la réussite. L’Association des amis du père Lagrange lui a toujours fait parvenir les résultats de nos études et de nos publications ainsi que le dossier des courriers sur la « fama sanctitatis ».

Le père Lagrange demeure un exemple de vie dominicaine, apte à éveiller et à nourrir les vocations de frère prêcheur aujourd’hui. Qu’il est beau de vivre le mystère du Christ et de continuer sa prédication à travers la prière, l’étude et l’exégèse biblique pour le faire connaître et aimer. Grandeur de la vocation dominicaine, mystique et intellectuelle ! Mais son exemple est de nature à illuminer le chemin de chaque chrétien !

En comptant sur votre collaboration au service de la cause de béatification du père Lagrange, je vous confie à la Vierge Immaculée, patronne de l’École biblique de Jérusalem, si aimée de notre frère Marie-Joseph Lagrange.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange

[1]Saint Thomas d’Aquin. Le Credo. Introduction, traduction et notes par un moine de Fontgombault. Collection Docteur Commun. Nouvelles Éditions Latines. Paris. 1969. Prologue. N°11. P. 28-29.

 

Écho de notre page Facebook : janvier 2019

30 janvier 2019

L’accomplissement

Madone avec l’Enfant parmi les lys
Carlo Dolci (17e)

Dans le monde entier, la Vierge est associée au grand signe que Dieu a donné à la maison de David. C’est la Vierge byzantine, triste et majestueuse, avec une douceur compatissante ; la Vierge espagnole, transfigurée et radieuse ; la Vierge d’Angelico de Fiesole, consumée d’amour, la Vierge de Raphaël, aimable et gracieuse… Chaque peuple, chaque artiste a marqué sur ses traits sa conception de la beauté et de la bonté, et quand l’artiste a échoué, quand il n’a fait qu’une œuvre sans proportions, ni expression, ni couleur, l’âme du peuple a fait le reste, et il n’aime pas moins sa Vierge rustique que les chefs d’œuvres des Maîtres.  Elle a son enfant sur ses bras, comme la fleur repose sur la tige, et s’il y a parmi les hommes de douces joies, les plus intimes et les plus confiantes s’expriment encore par la parole du prophète : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, la souveraineté est sur son épaule. On le nommera Conseiller, Admirable, Dieu fort, Père éternel, Prince de paix ! » Les âmes tentées d’abandonner le droit et la justice viennent chercher la force auprès de ce berceau : des milliers d’enfants pauvres sont recueillis et traités avec des soins maternels, parce que Jésus a été enfant. Si l’on pèche encore sur la terre, Dieu trouve dans le cœur des saints des compensations dont seul il connaît la valeur, et tous savent dans l’Église catholique que les plus beaux triomphes de l’Enfant, Père éternel, Prince de paix, auront lieu dans le ciel, quand le péché aura disparu de la montagne sainte.

(extrait de Marie-Joseph Lagrange, o.p., La Vierge et Emmanuel, RB(1892) pp. 481-497 ou lire le texte entier sur site : https://mj-lagrange.org/wp-content/uploads/2014/02/Ancien-Testament-LA-VIERGE-ET-EMMANUEL.pdf

28 janvier 2019

Saint Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église et glorieux docteur de l’ordre de Saint Dominique

Le P. Lagrange a toujours eu un très grand attachement à la doctrine de saint Thomas d’Aquin « ce qui m’avait empêché d’errer », dit-il dans une lettre au père Cormier en novembre 1912.

Dans son livre La Méthode historique et avant de commencer sa première conférence : « L’exégèse critique et le dogme ecclésiastique – Les ‘nouveautés dans l’Église’ », le père Lagrange annonce : « Je voudrais me mettre sous le patronage du glorieux docteur de l’ordre de Saint-Dominique, saint Thomas d’Aquin. Ce qu’il représente aujourd’hui pour nous, c’est le poids vénérable d’une tradition déjà ancienne. Ce qui frappa surtout ses contemporains, ce fut l’extrême nouveauté de sa doctrine. Guillaume de Tocco, son biographe autorisé, reflète bien cette impression en employant huit fois le mot nouveau pour caractériser sa manière : ‘Il soulevait dans ses leçons de nouveaux articles, découvrait pour résoudre ses questions une méthode nouvelle et claire, et apportait dans les solutions qu’il donnait de nouvelles preuves. C’est au point qu’en l’entendant enseigner de nouveaux points de doctrine et définir, par de nouvelles raisons, les doutes proposés, personne n’hésitait à reconnaître que Dieu l’avait éclairé d’une lumière nouvelle. Il eut, dès le début, un jugement si sûr qu’il n’hésitait pas à enseigner et à écrire des opinions nouvelles que Dieu, par une inspiration nouvelle, avait daigné lui faire connaître’. » (La Méthode historique, Cerf, 1966, pp. 23-24.)

 

Le P. Bernard Montagnes o.p. dans son article « Le thomisme du P. Lagrange » nous dit : « La fidélité à saint Thomas a maintenu Lagrange et son École dans le droit fil de la vérité. […] Ce que le P. Lagrange a trouvé dans le thomisme peut se résumer en trois observations : 1) Une école de rigueur. 2) Une école de liberté. 3) Une école de sagesse. »
Pour lire le texte en entier : https://mj-lagrange.org/wp-content/uploads/2014/03/Montagnes-Le-thomisme-du-père-Lagrange.pdf

 

Photo : Saint Thomas d’Aquin. Fontaine de Sagesse, par Antoine Nicolas (1648)
Pour la lecture d’image : http://www.notredamedeparis.fr/la-cathedrale/linterieur/peintures/saint-thomas-daquin/

 

25 janvier 2019

La conversion de Saint Paul

De même que Luther acquit peu à peu dans la vie religieuse l’expérience de son impuissance en face de la concupiscence, et ose enfin se proclamer pécheur, n’ayant d’autre justice que la justice imputée du Christ, Paul aurait compris, à la suite d’une lutte prolongée lorsqu’il allait à Damas, et, quand il eut reconnu Jésus pour le Christ, il fut aussitôt décidé à s’en remettre à lui du soin de son salut. Avant qu’il ait trahi la cause de la Loi, la Loi avait trahi ses efforts. Elle l’avait abandonné la première. Il cherchait dès lors ailleurs un appui plus assuré pour sa vie morale. Et sans doute Paul a tracé mieux que personne le tableau de la lutte entre la raison humaine et la chair, sous le regard de la Loi qui ne sert qu’à exaspérer le conflit. Mais c’est dans l’Épître aux Romains (Rom. VII), sans aucune allusion à son histoire personnelle, car le moi qu’il met en scène est celui de chacun de nous. Dans l’Épître aux Galates, la lutte est entre l’esprit et la chair, c’est celle où sont engagés les chrétiens. Et lorsque Paul parle de sa conversion, c’est pour marquer la pleine confiance qu’il avait dans la Loi avant la révélation. […] Oui, c’est en pleine fougue pharisienne que Paul a reçu la révélation, dans une telle clarté qu’il n’eut besoin de consulter personne, ni d’être instruit par personne pour suivre une nouvelle voie.

(Marie-Joseph Lagrange, extrait de l’Épître aux Galates, p. LXXIII, éd. Lecoffre, Paris, 1926.)

Lecture d’image proposée :
(http://artbiblique.over-blog.com/article-la-conversion-de-paul-73986736.html)

La Conversion de Paul (1527) – par Francesco Mazzola, dit le Parmesan (1503-1540), au Kunsthistorische museum de Vienne.

Le Christ est absent, Paul entend mais ne voit rien.

Le cheval occupe la place centrale. Ce cheval blanc est signe de triomphe surtout quand il est cabré. Triomphe antique, papal mais aussi celui de l’apocalypse = triomphe et puissance

La peau de panthère qui le couvre est signe de noblesse mais c’est surtout la peau d’un animal assimilé au Christ (selon le Physiologos qui est un bestiaire chrétien de l’antiquité qui a eu une influence considérable au Moyen Âge). La panthère exhale un bon parfum qui séduit tous les animaux sauf le serpent qui fuit et le dragon qui se fige ; quand elle revient dans sa caverne, elle dort et ne se réveille que le 3ème jour ; sa peau tachetée évoque les vertus du Christ : compassion, foi, paix, pureté… donc ce cheval est l’image du Christ victorieux, séducteur et conquérant.

Position de Paul : il ne voit rien mais n’est pas aveuglé, il doit ouvrir les yeux, mais à quoi ? à l’Évangile et aux nouveaux chrétiens (cf. Actes, ch. 26), il essaie de se relever pour se tenir prêt pour la mission. Il se lève comme l’Adam de Michel Ange, c’est une création. Ses bras sont en croix, il imite le Christ. Il se relève comme Christ du tombeau, c’est une résurrection.

Paul se fait le témoin de la mort et de la Résurrection

Les compagnons  sont absents, le peintre isole Paul dans un baptême de lumière, il le montre recevant une révélation intérieure. Il exalte  la puissance de la grâce individuelle et le pouvoir d’une conversion radicale. Cela peut être vu comme une position luthérienne ou plutôt celle des « spirituels » de la grande Église dans ces années 1520-1530, le commanditaire, un professeur de médecine de l’université de Bologne en fait partie.

22 janvier 2019

L’expérience du désert par le P. Marie-Joseph Lagrange o. p.
« Garde ma loi, observe mes commandements »

Se reporter à la rubrique « Quelques articles du père Lagrange »

19 janvier 2019

Serviteur et fils de la Bienheureuse Vierge Marie

Vierge avec l’Enfant ou Madone à la grenade
Fra Angelico

L’attitude intérieure du père Lagrange envers Marie est celle du saint esclavage (il ne semble pas en avoir pris l’inspiration chez Grignion de Montfort). Beatae Mariae servus et filius, se proclame-t-il le 22 octobre 1927. (Bernard Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, 2008, p. 561.

« Demeurons un petit serviteur de Marie, humble et caché… » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel 22 septembre 1927.)

 

 

 

18 janvier 2019

Pour ceux qui sont intéressés, nous venons de mettre sur site une page : chronologie du père Lagrange par fr. Bernard Montagnes o.p.  Rendez-vous sur www.mj-lagrange.org

Bonne chronologie développée sur le père Lagrange, à lire avec plaisir. Bon samedi avec la Vierge Marie. Dans la prière au Seigneur. Fr. Manuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13 janvier 2019

Le baptême de Jésus

Vous souvenez-vous de la date de votre baptême ?
Le père Lagrange faisait souvent mémoire dans la prière du 12 mars 1855, date où il avait été plongé dans les eaux baptismales dans la collégiale Notre-Dame de Bourg-en-Bresse.

Ce baptême de Jésus reçu des mains du dernier et du plus grand des prophètes est le symbole du baptême de l’Esprit que les fidèles chrétiens recevront par leur foi en la mort et en la résurrection de Jésus.
Le père Lagrange y voit une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation de la divinité du Christ que l’Église célèbre de manière solennelle dans le rayonnement de la fête de Noël. En ce temps-là, des rois s’attribuaient une nature divine. Jésus ne se fait pas Dieu comme l’ont prétendu certains empereurs romains morts de façon malheureuse. En tant que Fils unique de Dieu, il reçoit l’Esprit Saint du Père. Au Jourdain, l’Esprit Saint relie le ciel et la terre puisqu’il est le nœud du Père et du Fils, dont toutes ses œuvres sont communion.
En recevant le baptême, Jésus annonce l’union des pécheurs avec la divinité de son Père.

(extrait de Le père Lagrange et la Vierge Marie. Méditation des mystères du Rosaire, Cerf, 2012, pp. 79-81.)

 

10 janvier 2019

Voici venir le jour de notre rendez-vous mensuel de prière, en commun avec fr. Manuel Rivero o.p., au cours de la messe qu’il célèbre aux intentions personnelles des membres de l’association des amis du père Lagrange et pour la béatification de cet humble serviteur de Dieu que fut le P. Marie-Joseph Lagrange.

« Ave Maria ! Le monde est si peu de chose, les choses vont si de travers qu’on ne songe d’abord qu’à s’absorber dans la pensée, mais alors l’œuvre de Dieu ne se fait pas, car chose inouïe, il ne la fait pas tout seul, lui, le Tout-Puissant, ne fera rien sans nous, ni pour nous, ni pour les autres, – c’est au moins dans ce sens que les grâces (ordinairement) ne fructifient pas sans le concours des secours qu’on trouve dans l’Église. Tout se ramène à l’Église où sont les grâces, même celles qui sont données en dehors de l’Église et qui y conduisent plus ou moins directement –. (P. Lagrange dans son Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 313.)

Nous prions aussi pour le chapitre provincial de Toulouse qui se tient en ce moment dans « la ville rose » où vécut le père Lagrange comme professeur au retour de Salamanque en 1886. Belle Epiphanie à vous, avec ma prière au Seigneur. Fr. Manuel.

7 janvier 2019

Saint Raymond de Peñafort, o. p. fut canonisé pour sa « sainteté au service de la justice »

Saint Raymond de Peñafort
Fra Angelico, XVe

 

Le P. Marie-Joseph Lagrange, Frère prêcheur, voua sa vie au service apostolique de la vérité. (Bernard Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Biographie critique, Cerf, 2013, p. 549.)

Dans son Journal spirituel, le 7 janvier 1881, fr. Marie-Joseph Lagrange, propose à notre réflexion :
« La charité fraternelle est le grand moyen de sanctification. 

 

 

 

 

 

 

6 janvier 2019

Solennité de l’Épiphanie du Seigneur

Adoration des Mages
Patriarcat latin de Jérusalem

[…] Or, les mages avaient vu se lever à l’Orient un astre nouveau, vraisemblablement une comète. Tout le monde se tenait pour assuré que c’était le présage d’un règne glorieux. Eux ont pensé au futur roi des Juifs, dont ceux-ci disaient des choses si merveilleuses. Pensant donc qu’il était né, ils vinrent à Jérusalem, la cité sainte du judaïsme.

 

 

 

(extrait de Marie-Joseph-Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ, Artège-Lethielleux, 2017.)

1er janvier 2019

Bonne année 2019 en la confiant à la Vierge Immaculée, si vénérée par le père Lagrange. Fr. Manuel.

 

Sainte Marie, Mère de Dieu

Vénérer la Vierge Marie

extrait de l’article de fr. Manuel Rivero o.p. : Pourquoi appeler la Vierge Marie, Mère de l’Église ?

Le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, notait dans son Journal spirituel au cours de son noviciat au couvent royal de Saint-Maximin :

« La bienheureuse Vierge Marie a détruit dans sa personne toutes les hérésies : elle est Mère de Dieu, donc, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, n’est qu’une seule personne, et il a deux natures puisqu’il est aussi vraiment son Fils, né de sa substance[1]. »

L’histoire de l’Église montre aussi comment la fréquentation de la Vierge Marie dans la prière loin d’éloigner les fidèles du Christ les a rapprochés avec justesse de son mystère.

Aussi, le concile Vatican exhorte-t-il les chrétiens à vénérer la Vierge Marie, avec amour, en lui adressant des prières d’invocation, et en cherchant à imiter sa foi[2].

Il arrive que des sociologues s’étonnent de l’impact de la spiritualité mariale auprès des chrétiens ayant subi la violence, l’emprisonnement, la pauvreté et toutes sortes de persécutions. Avec la Vierge Marie, ils ont gardé la foi au Christ médiateur entre Dieu et les hommes.

Mère de Dieu, Mère spirituelle des chrétiens, Mère de l’Église, la Vierge Marie, femme au regard pénétrant, active dans son amour, conduit au Christ comme elle l’a fait aux noces de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2,5.)

[1]Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel. Paris. Édition du Cerf. 2014. 16  novembre 1880. P. 104.

[2]Concile Vatican II. Lumen gentium. Chapitre VIII. « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église »,n°66-67.

 

La dévotion du père Lagrange à sainte Marie-Madeleine par fr. Manuel Rivero o.p.

Tout au long de sa vie dominicaine, le père Marie-Joseph Lagrange a été attiré par la figure de sainte Marie-Madeleine. Le couvent royal de Saint-Maximin où il a reçu l’habit le 6 octobre 1879 avait été bâti pour honorer les reliques de l’amie fidèle de Jésus, présente sur le Calvaire et dans le jardin de Jérusalem au matin de Pâques. Les Frères prêcheurs de Saint-Maximin l’invoquaient souvent. Ils avaient la coutume de prier l’office quotidien de Marie-Madeleine calqué sur le petit office de la Vierge Marie.

Sainte Marie-Madeleine
Basilique Saint-Étienne, Jérusalem

Sainte Marie-Madeleine veille aussi comme patronne sur la Province dominicaine de Toulouse. La tradition provençale adhère à sa présence à la grotte de la Sainte-Baume (Var) et ses reliques seraient conservées en la basilique de Saint-Maximin, objet de la dévotion populaire depuis des siècles.

En contemplant la conversion de l’ « apôtre des apôtres » comme l’appelle la liturgie byzantine, le père Lagrange a senti au plus profond de lui-même « un doux encouragement » venant de la sainte à entrer dans la vie religieuse alors qu’il s’inquiétait des exigences de l’idéal de saint Dominique : « Entrer dans un Ordre dont les saints ont été si purs m’effrayait ; Ste Marie-Madeleine m’encourageait doucement. »

Pendant son noviciat, il note dans son « Journal spirituel » ses prières à sainte Marie-Madeleine : « Ste Marie-Madeleine, priez pour nous. »

Novice, il admirait l’amour de sainte Marie-Madeleine envers le Seigneur et il aspire à vivre la charité envers ses frères dominicains en imitant l’humilité de Marie-Madeleine agenouillée devant Marie comme fra Angelico aimait à le représenter reliant la toute-pécheresse jadis habitée par sept démons et la toute-pure Marie. Dans la vision théologique du patron des artistes, Fra Angelico montre Marie-Madeleine qui soutient Marie, debout sur le Calvaire, au plus haut de sa douleur. Marie-Madeleine manifeste l’œuvre de la grâce divine qui relève les pécheurs les remettant à la première place : « Ô Jésus, je n’ai rien à moi, vous avez pris mon âme comme une fille sans dot : mais cela même rend votre amour persévérant, généreux, libéral ; vous connaissez mes besoins, vous savez que je ne puis les satisfaire, vous êtes tout-puissant et vous m‘aimez. Si j’avais quelque chose de bon de mon fond, je me hâterais de le jeter loin de moi pour m’abandonner à votre amour ; je n’ai rien et je m’en glorifie : c’est un titre à votre amour.

Nos faiblesses sont la raison de nos privilèges. Le Fils de Dieu a exposé son honneur aux yeux des anges pour épouser la pauvre humanité tombée ; il a voulu une Mère Immaculée ; mais au-dessous, dans la région des saints, celle dont il est dit qu’elle a beaucoup aimé est Marie-Madeleine. (On dit qu’au ciel elle occupe la place de Lucifer). Me considérer auprès de mes frères comme Ste Marie-Madeleine aux pieds de Marie Immaculée. »

Dans sa prière de feu, le père Lagrange prie au pied de la Croix de Jésus à la suite de saint Dominique tel que Fra Angelico le représente dans le cloître du couvent saint Marc de Florence (Italie). Il désire partager la foi douloureuse de la Vierge Marie, de sainte Marie-Madeleine et de saint Jean : « Permettez-moi, ô Jésus, de me tenir constamment au pied de la Croix avec votre Mère Immaculée, Ste Marie-Madeleine et St Jean. »

Bénéficiaire des grâces reçues par la prière de sainte Marie-Madeleine, le père Lagrange n’hésite pas à exprimer sa reconnaissance : « Je remercie tous les saints et singulièrement St Dominique, St Joseph, St Paul, le vénérable curé d’Ars, St Thomas d’Aquin, Ste Marie Madeleine, Ste Philomène et tous ceux qui ont intercédé particulièrement pour moi sans que je le sache. »

Plus tard, dans ses épreuves spirituelles, le père Lagrange se tournera aussi vers sainte Marie-Madeleine : « J’entre en retraite comme un malade à l’hôpital : vos plaies, ô Jésus, et mes plaies …

Ste Marie, je m’abandonne à votre conduite. Refugium peccatorum, ne me rejetez pas. Ste Marie-Madeleine, St Joseph, St Dominique, mon St ange gardien, aidez-moi, priez pour moi. »

Le 3 septembre 1889, le père Lagrange se fit inscrire à la confrérie de sainte Marie-Madeleine à la grotte de la Sainte-Baume , signe manifeste de sa dévotion à la sainte.

Lors de la pose de la première pierre de l’École biblique de Jérusalem, le 5 juin 1891, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, le père Lagrange, vicaire de la maison, place une médaille de sainte Marie-Madeleine dans les fondements de la nouvelle institution : « Des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du rosaire, de Saint Benoît, de Sainte Madeleine et du pape Léon XIII étaient jointes au parchemin. »

Le père dominicain, archéologue de l’École biblique, Louis-Hugues Vincent, ami et disciple fidèle du père Lagrange, signale que son maître appelait la sainte « Marie-Magdeleine » plutôt que Marie-Madeleine.

Lors de son année terrible en 1912, quand il doit quitter Jérusalem, victime des dénonciations sans fondement objectif, le père Lagrange choisit le jour du sermon sur sainte Marie-Madeleine , le 7 juillet, pour présenter sa démission.

À l’occasion de la rédaction du commentaire de la Synopse en 1927, après son opération à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille, le père Lagrange choisit la vulgarisation de ses travaux exégétiques, au service de la foi des prêtres et des laïcs, pour le salut des âmes, « L’Évangile de Jésus-Christ » : « À ma joyeuse surprise, dans la soirée du 22 juillet, fête de sainte Marie-Magdeleine – comme le P. Lagrange disait le plus volontiers -, mon maître m’annonça très incidemment qu’il avait commencé le matin même d’écrire « sur l’Évangile » ; et comme je demandais naïvement quel nouveau commentaire il se proposait d’entreprendre, il répondit : « celui de la Synopse » : par quoi il m’était facile de saisir qu’il abordait enfin une Vie de Notre-Seigneur. »

Après la Vierge Immaculée, le père Lagrange ne cachait pas sa prédilection pour sainte Marie-Madeleine, « à cause de son héroïque esprit de pénitence et de son ardent amour pour Notre-Seigneur. »

De retour à Saint-Maximin en 1935, au sommet de sa vie, le père Lagrange aimait célébrer la messe en la crypte de la basilique. Mystique de la Bible, homme complet, le père Lagrange rayonnait spirituellement et intellectuellement unissant la foi et la science, la prière et l’enseignement.

Saint-Denis (La Réunion), le 26 décembre 2018, en la fête de saint Étienne.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’Association des amis du père Lagrange
Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain

Écho de notre page Facebook : décembre 2018

 

30 décembre 2018

Fête de la Sainte Famille, modèle de tout foyer

L’éducation reçue par le père Lagrange dans une chaude intimité familiale

L’enfance d’Albert Lagrange s’est déroulée dans un milieu familial heureux. Claude-Pierre [son père] était un peu intimidant, quoique très affectueux […]. Sa réserve inspirait autant le respect que la tendresse. « Je savais que j’avais une très grande place dans son cœur. » Il est le chef de famille au sens le plus traditionnel de la « vieille France ». Chrétien jusqu’aux moelles, comme le décrit Albert, il se montre strictement fidèle aux observances de l’Église.

[…] [Sa mère], la frêle Élisa, comme on disait d’elle au moment de son mariage, est une femme d’intérieur, vouée à faire le bonheur des siens, sur lesquels elle règne avec tendresse. […] Elle puise sa force dans la prière, mais sa mystique, toute lyonnaise est pratique. Avec Albert, elle ne manque ni d’intuition (elle a eu, dès l’enfance de celui-ci, comme une vision de son sacerdoce ; elle avait remarqué de bonne heure son attrait pour l’histoire), ni de fermeté (séminariste à Autun, elle l’invite à faire preuve de moins de mollesse ; novice dominicain, elle l’exhorte à l’humilité et à l’obéissance).

(Bernard Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, Paris, 2004, pp. 25-26.)

 

27 décembre 2018
Saint Jean, apôtre et évangéliste

Saint Jean, apôtre et évangéliste
par Guido Reni (1621)

Jean a eu conscience de ce qu’il devait être comme docteur et comme historien. Sans doute les paroles de Jésus, déposées dans son cœur, ont été souvent méditées par lui, se sont éclairées l’une par l’autre, ont pris, sous l’influence de l’Esprit Saint, comme un aspect nouveau. Et que sa manière de comprendre et de dire ait eu quelque influence sur toute sa rédaction, nous ne voudrions pas le nier. Mais lui-même nous a permis, en comparant ce qu’il a mis sur les lèvres de Jésus, et ce qu’il présente plus ou moins nettement comme son interprétation, de reconnaître comme deux états de la doctrine, le second étant notablement plus systématique. Sa valeur comme témoin fidèle ressort donc de cet examen, comme aussi de la distinction entre les discours de controverse et les confidences aux siens, dont la physionomie et même le contenu ne devaient pas être les mêmes. Jésus se révèle selon la loi de sa mission ; Jean est son témoin et son théologien.

(Marie-Joseph Lagrange des frères prêcheurs,  « Jean le théologien » dans l’Évangile selon saint Jean, extrait de l’Introduction, Lecoffre-Gabalda, Paris, 1936.)

 

26 décembre 2018
Saint Étienne, protomartyr

Saint Étienne
par D. Ghirlandaio (15e)

[…] Étienne parlant à des Juifs puisait tous ses arguments dans l’Écriture sainte dont l’Esprit Saint lui avait fait connaître le sens divin. De nos jours, cette prédication est encore la plus opportune de toute, comme nous l’enseigne Léon XIII, dans l’encyclique Providentissimus Deus, sans parler de la nécessité de résister aux ennemis de notre foi, qui font de la Bible le but principal de leurs attaques.

[…] Dans cette mort endurée pour la vérité, les chrétiens ont vu une victoire, et les Pères, qui savaient peu de choses sur les origines d’Étienne, ont reconnu dans son nom même de Couronne, une harmonie préétablie dans les conseils de Dieu.

Pierre est la pierre sur laquelle Jésus Christ bâtit l’Église, Étienne (couronne) reçoit le premier la couronne du martyre.

(Marie-Joseph Lagrange o.p., extraits Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem,  éd. Picard, 1894.)

25 décembre 2018

Joyeux et Saint Noël,  à vous qui lisez cette page consacrée au fr. « Marie-Joseph Lagrange o.p., serviteur éminent de la Parole de Dieu pour les croyants ! » (Bernard Montagnes, o.p.)

Nativité
Domenicano Ghirlandaio (15e)
Pinacothèque vaticane

 

Le chant des anges et la musique céleste résonnent dans le cœur de Marie faisant resplendir son regard sur Jésus. C’est pourquoi le père Lagrange perçoit dans le cœur de Marie « l’écho le plus fidèle de toutes ces paroles, la pénétration la plus intime de toutes ces choses où convergeaient tous les desseins de Dieu ».

(extrait du livre de Manuel Rivero o.p., Le P. Lagrange et la Vierge Marie, Cerf, 2012 et de celui de Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la Synopse évangélique traduite par Ceslas Lavergne o.p., éd. Artège-Lethielleux, 2017, p. 64.)

Nous rendons grâces à Dieu pour avoir écouté les demandes de grâces qui lui ont été présentées par l’intercession du P. Lagrange et dont nous avons été informés.

Nous les déposons en témoignage de reconnaissance aux pieds du Saint Enfant Jésus.

 

 

23 décembre 2018
Quatrième dimanche de l’Avent

Visitation
Sebastiano del Piombo (16e) – Louvre

Magnificat

Et Marie répondit par les strophes du cantique que nous nommons le Magnificat.

Il est dans toutes les mémoires chrétiennes, et nous n’avons pas à le commenter. Sous l’empire de la joie, il arrive encore aujourd’hui à de simples femmes arabes d’improviser un chant. […] Ce qui est propre au Magnificat, c’est que cette fois les expressions ne sont pas trop fortes pour dire ce qui s’est opéré en Marie, et qu’elles paraissent à peine suffisantes pour exprimer l’humilité de celle qui glorifie le Seigneur. Pour que toute gloire Lui soit rendue, elle avoue sa bassesse, et cependant, répondant à la félicitation d’Élisabeth, elle avoue que toutes les générations la nommeront bienheureuse. Tandis que le chant d’Anne aurait pu être placé dans la bouche d’un héros, celui de Marie est bien celui de la mère de Jésus.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ, éd. Artège-Lethielleux, 2017, p.50.)

 

18 décembre 2018

 

 

En cette année 2018, nous fêtons les 80 ans de l’exode du père Lagrange vers le Père, le 10 mars 1938. Le samedi 22 décembre, ce sera l’anniversaire de son ordination presbytérale à Zamora et le dimanche 23 décembre, l’anniversaire de sa première messe à l’autel de Notre-Dame-du-Rosaire au couvent Saint-Étienne de Salamanque.

 

 

 

 

16 décembre 2018

Troisième dimanche de l’Avent 

Saint Jean-Baptiste
par Leonardo da Vinci (1508-1513)

 

Le Seigneur est proche

« Il faut surtout être plus charitable. Souvent je me laisse aller, malgré les avertissements de ma conscience, à des boutades qui dépassent ma pensée… Être plus avenant pour tous, ne pas me retirer sous ma tente, faire des avances aux nouveaux, être un élément de conciliation, de paix et de joie. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal Spirituel, décembre 1900, p. 325, Cerf, 2014.)

 

 

 

 

 

10 décembre 2018

« Le 10 décembre 1895, le père Lagrange (7 mars 1855-10 mars 1938) indique dans son Journal spirituel : Première pierre basilique. »

En ce temps de l’Avent, nous marchons vers Bethléem. Et, comme le 10 de chaque mois, nous nous retrouvons en union de prières avec fr. Manuel Rivero o.p. Confions nos intentions à l’intercession du père Lagrange o.p. et pour sa prochaine béatification.

Pour confier vos intentions de prières, écrire à fr. Manuel Rivero : manuel.rivero@free.fr. Faites connaître les grâces obtenues par votre prière à l’intercession du père Lagrange. C’est important.

 

 

9 décembre 2018

Deuxième dimanche de l’Avent

Tout ravin sera comblé et toute montagne et colline abaissée ; et les chemins sinueux deviendront [une voie] droite, et les raboteux des chemins unis.

Et toute chair verra le salut de Dieu. (Luc 3, 6.)

Si Luc continue  seul la citation [d’Isaïe], c’est sans doute pour aboutir à l’idée importante du verset 6. Cependant il a pu avoir en vue le sens symbolique. Les vallées comblées, ce sont probablement les affamés remplis de bien (1, 52) ; les montagnes abaissées, ce sont les puissants déposés (1, 52) ; désormais le Seigneur trouvera des âmes droites, et des chemins aisés pour pénétrer les cœurs. […] Luc omet : « et on verra la gloire du Seigneur », qui ne convenait ni pour son sens dans l’A. T., ni pour caractériser le premier avènement de Jésus. Au contraire le dernier mot (v. 6) emprunté aux LXX (héb. et toute chair ensemble la verra [la gloire de Iahvé]) répond parfaitement à la prophétie du vieillard Siméon touchant Jésus (2, 30 s.), et à l’idée de l’universalité du salut (Act. 28, 28).

(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gavalda, 1941, pp. 105-106.)

8 décembre 2018

Inmaculada Concepción (c. 1700)-Colección Carmen Thyssen-Bornemisza

Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie

L’union du Fils de Dieu avec la nature humaine eût pu comporter une naissance ordinaire – les théologiens ne le nient pas – mais quelle suprême convenance à ce qu’il ne donne à personne autre qu’à Dieu le nom auguste de Père ! Quelle clarté plus grande sur le fait des deux natures unies en une personne ! Quelle dignité plus haute pour Marie, qui seule avec le Père peut dire : « Mon Fils Jésus ! » Quelle consécration de la vie de parfaite chasteté si féconde en biens spirituels parmi les hommes !

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège-Lethielleux, 2017, p. 49.)

 

 

 

4 décembre 2018

Grâces reçues

Le 10 de chaque mois, en communion avec fr. Manuel Rivero o.p., nous prions Notre Père Saint « afin que par l’intercession du frère Marie-Joseph Lagrange o.p. nous obtenions des grâces dont nous avons besoin, et en particulier nous précisons laquelle ». Pour certains même, cette demande de grâces fait partie de leur prière journalière. Des grâces sont reçues. Aussi toutes celles et tous ceux qui souhaitent témoigner de ces grâces reçues par l’intercession du père Lagrange peuvent écrire au Fr. Manuel Rivero o.p. Courriel : manuel.rivero@free.fr

 

 

 

1erdimanche de l’Avent

Redressez-vous !
V. Dionne

« Redressez-vous, et relevez vos têtes, car elle approche votre délivrance ! » Luc 21, 28.

[…] Et saint Luc reproduit la parabole du figuier. Il a donc entendu cette parabole de l’aurore du règne de Dieu sur la terre. Le figuier a ses premières feuilles aux jours du printemps. Cette saison existe à peine en Palestine. L’été succède presque aussitôt à l’hiver. Or, l’été, pour saint Luc, c’est le Règne de Dieu. Cette génération n’aura pas tout à fait disparu, que déjà seront survenus le règne et la délivrance : « Le ciel et la terre passeront », dit Jésus, « mais mes paroles ne passeront pas », ces paroles qui furent la prédication du règne, qui sont encore vivantes et efficaces, et qui le seront toujours.

(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 525.)

Écrits de circonstances-Discours inaugural du président le Révérend Père Lagrange – The Journal of the Palestine Oriental Society, Jérusalem 1920

The Journal of the Palestine Oriental Society
vol. 1, october, 1920-1921, n° 1, p. 7
Jerusalem
Printed by W. Drugulin, Leipzig (Germany)

Discours inaugural du président le Révérend Père Lagrange, Jérusalem

 

Mesdames et Messieurs,

Que faisons-nous ? Nous offrons vraiment un spectacle étrange. L’Europe, l’Asie, le monde entier, vient d’être en proie à la plus effroyable tourmente que l’histoire ait connue. Le sol tremble encore. À la guerre entre les nations succède le malaise, sinon partout la lutte ouverte entre les classes. Il se forme des comités pour assurer le bon ordre, pour essayer de pourvoir au pain quotidien. On se demande si l’humanité pourra vivre dans des conditions économiques nouvelles. Tous les regards se portent anxieux vers l’avenir. Et nous voilà réunis pour traiter de menus problèmes qui ont à peine intéressé le passé, pour discuter du sens des mots et des règles de la grammaire, nous occuper de la géographie ancienne, des fleurs des champs, des vieilles mélopées, des lettres gravées sur les rochers de la Palestine !

En vérité, je crains qu’on ne nous reproche de jouer à la poupée dans un monde adulte, inquiet de ses destinées et que des problèmes plus urgents préoccupent.

Mais d’abord, Messieurs, nous travaillons, et c’est un excellent exemple que nous donnons dans un temps où les bras qui ont tenu l’épée répugnent à reprendre les outils ou la charrue. Nous travaillons, et la journée de huit heures nous paraît trop courte pour assouvir notre curiosité. Autant que la crise du pétrole le permet, vous prolongez vos veilles studieuses bien avant dans la nuit, et si l’insécurité du pays n’y faisait obstacle, on vous verrait reprendre l’exploration du sol pour lui arracher ses secrets. Travailler, c’est la vieille loi, opportune si l’on ne veut pas que notre humus palestinien se recouvre de nouveau de ronces et d’épines, et le travail de l’esprit n’est pas moins pénible parfois que celui de défricher la steppe. Nous proclamons à notre manière qu’il est bon que chacun reprenne son poste et s’emploie au bien général.

Il est vrai que nous portons nos efforts ailleurs que les utiles ouvriers qui nous fournissent le pain, mais j’ose dire qu’à eux-mêmes nous ne sommes pas inutiles. Car l’homme d’aujourd’hui, si fier qu’il soit des progrès de son industrie, si haut qu’il élève son vol, n’est point un titan qui vienne de sortir du sein de la terre. C’est l’héritier de générations nombreuses, et il est soumis, quoiqu’il en pense peut-être, aux obscures influences de son hérédité et à des lois éternelles ; un poids de plus de quarante siècles le courbe vers la terre, un appel non moins ancien l’invite aux choses d’en haut. Si quelque jour pouvait percer les ténèbres de l’avenir, si quelque chose d’humain peut éclairer le présent, nous guider dans notre route, nous fortifier dans l’épreuve, raviver nos plus nobles espérances, c’est la leçon du passé, c’est la lumière de l’histoire. Seulement nous ne voulons plus de cette histoire, fille de l’imagination, qui brosse de grands tableaux et range dans un bel ordre des faits éclatants dont elle n’a pas contrôlé l’exactitude. Notre méthode exige des données précises, fussent-elles de médiocre apparence. C’est par une étude attentive, patiente, à la suite d’une enquête poursuivie dans tous les milieux, que se fait aujourd’hui l’histoire. Les forces d’un homme n’y suffisent plus. Nous ne sommes plus au temps d’Hérodote, ni même de Bossuet ou de Macaulay.

Et voilà pourquoi, Messieurs, nous nous sommes groupés. Il serait assurément difficile de rencontrer ailleurs qu’à Jérusalem des compétences aussi diverses, sur un sol plus profondément transformé par les civilisations les plus variées. Nous y rencontrons l’empreinte de l’antique Babylone, mère du droit, des sciences exactes, de l’astronomie, d’un art réaliste et vigoureux. Pour lire les plus antiques annales de la Palestine, il faut être assyriologue. Mais ces annales ont été exhumées des sables de l’Égypte, parce que l’Égypte elle aussi avait foulé les plaines du pays de Canaan, l’Égypte d’où est venu Moïse avec les fils d’Israël. Et déjà la Grèce avait abordé à nos rivages, représentée par des ancêtres qu’elle avait oubliés depuis, les Philistins, fils de la Crète aux cent villes, chantée par Homère, et la première maîtresse des eaux orientales de la Méditerranée. Alexandre poussa jusqu’à Tyr et à Gaza sa course triomphale, et les Romains voulurent associer ce fleuron à la couronne d’empires que baignait leur mer. Enfin l’Islam vint, puis les Tartares, immense débordement de l’Asie qui provoqua le reflux européen.

Car vous le savez, Messieurs, et tous, Palestiniens d’origine ou d’adoption, nous en sommes fiers, cette contrée déshéritée avec ses collines arides du haut desquelles Jérusalem regarde vers le désert et vers la mer, ce pays aux dimensions étroites, mais si grand dans l’histoire, surtout religieuse, est au confluent des grandes civilisations antiques et bien des races humaines, nourries sur ce sol, s’y sont endormies du sommeil de la terre. Il en est d’elles comme de ces couches de sédiment qui se forment au fond des mers, et qui révèlent aux géologues la flore et la faune disparues des temps écoulés. Mais s’il arrive dans ce domaine paisible de la nature que des couches plus basses se soulèvent tout à coup et remontent à la surface, que penser de ces stratifications humaines, toujours vivantes dans leurs descendants ? Aussi, avouons-le, Jérusalem et la Palestine ont dans le monde entier la réputation d’un sol remué par l’ardeur des passions nationales et religieuses, et plus il appelle le concours des spécialistes les plus divers, plus il semble fait pour provoquer la mésintelligence et la discorde.

Eh bien, Messieurs, c’est à nous à faire à notre pays une meilleure réputation. Plus précieux encore que l’encouragement au travail, plus utile que les leçons de l’histoire, vous donnerez l’exemple de la concorde. Ou plutôt vous montrerez par l’histoire que la haine est stérile et destructrice, tandis que la concorde édifie, féconde, assure le bonheur de tous.

Sans doute cependant, et quelle que soit la bonne volonté générale, sera-t-il opportun de prendre ses assurances. Nous ne parlerons pas de ce qui pourrait nous diviser. J’ose dire que par ma robe même on peut voir à qui appartiennent ma vie, mon cœur et mon âme, mais je n’ai pas prononcé le mot de religion. Les études religieuses, les plus graves de toutes, et comme je pense les seules définitivement nécessaires, ne font point partie de notre programme. On ne devra les aborder que comme les abeilles font les fleurs, d’une touche délicate et ailée, et afin de composer du miel. Et quant à la politique, le mieux sera d’ignorer qu’elle existe et que quelques personnes puissent s’y intéresser.

Il ne me reste plus, Mesdames et Messieurs, qu’à vous exprimer ma gratitude pour l’honneur qui m’a été fait de présider cette première séance, à remercier Monsieur le gouverneur-militaire qui a bien voulu nous accueillir ici, et à déclarer fondée la Société orientale de Palestine, en vous souhaitant une cordiale bienvenue.

Document reproduit par Association des Amis du Père Lagrange

Voir également le format PDF : Écrits de circonstances-The Journal of the Palestine Oriental Society-Discours inaugural
https://www.mj-lagrange.org

Écrits de circonstances : À Jérusalem pendant la guerre [1914-1918] par le père Marie-Joseph Lagrange o.p.

Écrits de circonstances

À Jérusalem pendant la guerre [1914-1918][1] 

Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs

 

In Le Correspondant, Paris, 23 février 1915, t.258, pp. 640-658.

 

Le 2 août [1914], au matin, le bruit se répandit à Jérusalem que tous les chevaux et les mulets avaient été réquisitionnés pendant la nuit. L’opération avait commencé peu après minuit. Aucune voiture ne circula ce jour-là. Puis on afficha la mobilisation générale, de dix-neuf à quarante-huit ans, et l’état de siège.

Nous ignorions encore ce qui se passait en Europe, mais le branle-bas de la Turquie ne pouvait être qu’un contrecoup, sur un signal venu d’Allemagne. Aussi attendions-nous d’un moment à l’autre l’ordre du départ pour nos mobilisables. Tout le jour s’écoula dans le calme. C’est seulement le 3 août, à deux heures du soir,

Port de Jaffa (1898-1914)

que les mesures prises en France furent annoncées par le Consulat. On y courut. Précisément un bateau français abordait le lendemain à Jaffa, en partance pour Alexandrie. Quelques heures suffirent pour examiner les livrets militaires, signer des feuilles de route provisoires, boucler les valises. Les mobilisables, sauf quatre ou cinq, étaient tous religieux ou prêtres. Ils partaient dès le matin du 4 août, accompagnés d’une foule sympathique ; l’un d’eux cria joyeusement quand le train s’ébranla : À nous la victoire !

Le soir, ce fut le tour des Allemands. Mais leur bonne volonté se heurta à une difficulté qu’ils n’avaient pas voulu prévoir : la mer leur échappait. Le même instinct et le même accord, qui entraînait le Goeben et le Breslau des extrémités de la Méditerranée à Constantinople, les décida à prendre la voie de terre, coûteuse et pénible. Malgré tout, le plus grand nombre atteignit ainsi l’Allemagne.

Durant ces premiers jours, l’opinion était favorable à la France. Peu de personnes savaient à Jérusalem à quel point la fortune de la Turquie était liée à celle des Allemands par les Jeunes-Turcs. On ne trouvait dans le passé aucune cause de haine et, récemment encore, la France, en avançant cinq cents millions à la Turquie, lui avait rendu un service signalé. Les journaux illustrés avaient montré Djemal Pacha, alors ministre de la marine, visitant les ateliers du Creusot, assistant aux exercices de tir. On savait qu’il avait souhaité bonne chance aux mobilisés français à leur départ de Constantinople. La pensée ne venait donc ni aux chrétiens, ni aux musulmans, que les préparatifs de la Turquie dussent être tournés contre nous. On les poursuivait cependant, avec une énergie et un succès également inconnus jusqu’alors.

J’avais déjà assisté personnellement en Turquie à plusieurs crises de guerre : contre la Grèce, seule, d’abord, puis contre l’Italie, puis contre la Bulgarie, la Serbie et la Grèce. Le recrutement se faisait pour ainsi dire à domicile. Les zaptiès ou gendarmes racolaient dans les villages les gars les plus solides et ne paraissant pas trop décidés à se soustraire au service.

Car, on s’y soustrayait sans grand’peine, les ports n’étant guère surveillés. Mais, durant ces premières journées d’août, ce fut, dans tout le pays, un ébranlement général. Il est peu probable qu’il ait été spontané. On comprit que les ordres étaient sérieux et que la répression serait inflexible. Les paysans accoururent de toutes parts. Le bureau de recrutement étant en face du couvent de Saint-Étienne, nous ne pouvions sortir sans les voir alignés le long du mur, attendant leur tour pour être inscrits, habillés, armés. Le tout se faisait assez rapidement et sans désordre.

Nous étions surpris de cet empressement, mais beaucoup moins que les officiers turcs eux-mêmes. Ils témoignèrent plusieurs fois de leur stupéfaction. La mobilisation dépassait leurs espérances et l’on peut affirmer que ce succès sans précédent contribua à monter la tête au comité des Jeunes-Turcs. Ils n’exagéraient pas en notant que jamais la Turquie n’avait mis plus d’hommes sous les armes. Et cette innovation ne fut pas la seule. On vit ces soldats improvisés faire l’exercice ! Je ne sais ce qui se passait aux environs de la capitale, mais à Jérusalem, naguère encore, de simples exercices d’assouplissement auraient crevé toutes les coutures des pantalons et des vestons. Maintenant des tentes étaient dressées, alternant avec des rangées de fusils dernier modèle, et dont on apprenait le maniement. Les soldats tiraient même à la cible et le ravissement fut à son comble quand on les vit jouer à la vraie guerre, avec des blessés que ramassaient les infirmiers du Croissant-Rouge. Le secret de cette ardeur transpira bien vite. On avait aperçu des officiers blonds qui se tenaient à cheval à la manière allemande. Et l’on commença à se demander à quoi servirait ce gigantesque effort ?

L’idée la plus naturelle était que la Turquie profiterait du trouble général pour prendre sa revanche de la guerre désastreuse des Balkans. La Serbie était envahie par l’Autriche. La Bulgarie boudait ses anciens alliés. En juillet, la Porte[2] avait menacé la Grèce d’un conflit si elle maintenait l’annexion de Mytilène. Et cependant personne ne crut, même dans cette province éloignée, que la Grèce dût être attaquée. Les relations devinrent au contraire plus cordiales entre le gouverneur et le Patriarcat grec.

Que penser ? Il y eut dès lors deux attitudes. Officiellement, c’était toujours la neutralité et l’on essayait de donner un motif plausible aux armements. Avait-on assez reproché aux Turcs de n’être jamais prêts ? La guerre des Balkans les avait surpris. Cette fois, ils étaient sur leurs gardes. Ils s’y prenaient d’avance, sans prétendre, toutefois, intervenir dans un conflit entre les grandes puissances, si indifférentes à leur mauvaise fortune. Mais il fallait prévoir les occasions. Quand les chrétiens auraient épuisé leurs forces, la Turquie apparaîtrait comme l’arbitre des destinées. Le raisonnement était naïf, et plus que naïf, et cependant plus d’une personne à Jérusalem et ailleurs s’y laissa prendre. Il était, pensait-on, digne des Turcs. En réalité, les officiers turcs, les seuls dont l’opinion comptât en Turquie, ne croyaient nullement que la balance demeurerait égale entre les belligérants. Le triomphe de l’Allemagne avait pour eux la valeur d’un axiome évident, ils l’ont souvent répété, comme la belle lumière de leur soleil. Ils comptaient sur les Allemands, leurs frères d’armes, pour conquérir l’Égypte et le Caucase, mais trop fiers pour les recevoir comme un pourboire jeté à leur neutralité, ils entendaient les obtenir. C’est ce qu’on rêvait à Jérusalem dans les cercles militaires dès la fin d’août. Il fallait y préparer l’opinion et ce fut l’œuvre combinée de l’agence Wolff et de l’agence ottomane.

Le pays fut inondé de dépêches, rédigées en allemand, en arabe et en français. J’en avais commencé la collection, édifiante à plus d’un titre. L’emphase orientale et les outrances les plus chimériques s’y mêlaient à des perfidies savamment calculées.

Notre départ brusqué ne nous permit d’emporter aucune note, et je n’ose me fier à ma mémoire pour reproduire des textes. C’était peu d’enfler outre mesure les succès des Allemands, de dissimuler les nôtres ou de les nier. Nous étions accusés d’empoisonner les sources ; les femmes belges crevaient les yeux des blessés dans les hôpitaux, jetaient les malades allemands dans l’eau bouillante, s’acharnaient sur le cadavre des morts.

Les musulmans surtout faisaient leurs délices de cette littérature. Pour quelques Arméniens qu’on avait fait disparaître afin de résoudre la question d’Arménie, pour quelques femmes bulgares mises à mal, qui n’auraient pas dû se trouver en Macédoine, l’Europe avait grondé et envoyé des gendarmes. Ces petites horreurs n’étaient rien en comparaison des fureurs où se complaisait l’Europe. Et maintenant, les Allemands se ruaient sur la Belgique pacifique. Sans compter que les chrétiens, disciples de l’Évangile, étaient tenus à une loi de justice et de charité, mais non les Turcs dont la foi s’est fondée et a grandi par la guerre. Ainsi la publicité allemande manquait son but. D’autant que ses mensonges n’avaient pas raison du scepticisme qui fait le fond de l’esprit oriental. S’il se complaît au merveilleux, c’est à la condition de n’y pas croire. Et bientôt les communiqués français, par leur précision, leur ton assuré, mais exempt de toute jactance, leur franchise refoulèrent cette inondation de calomnies. La lutte s’engagea, devant une foule réservée, mais attentive et passionnée, entre les dépêches de notre ambassadeur à Constantinople, affichées à la Poste française, puis au Crédit lyonnais, et les dépêches turco-allemandes qui s’étalaient de l’autre côté de la rue, à la Banque allemande, rehaussées des portraits du Kaiser marquant le pas de parade avec ses fils, et du maréchal de Hindenburg. Les communiqués allemands, s’ils ne furent jamais complètement sincères, devinrent plus sobres, étant dominés et réglés par la manière française, et renoncèrent à ces commérages méchants, indignes d’une grande nation, et que M. le baron de Vangenheim n’avait pas rougi de signer.

Bientôt même le public hiérosolymitain s’aperçut que les Allemands affectaient de rendre hommage à la bravoure et à la générosité des Français. C’était sans doute pour relever les avantages qu’ils se donnaient ; c’était plus encore pour accabler par le contraste nos alliés, les Anglais. Les prisonniers allemands en France – et il y en avait donc ? – étaient traités avec humanité. Ceux qu’avait envoyés en Angleterre la « méprisable petite armée anglaise » étaient victimes des plus effroyables sévices. D’ailleurs que pouvait-on attendre de l’Angleterre, ennemie acharnée de l’Islam ? Partout où régnait son influence, les mosquées étaient fermées ou confisquées, le culte musulman interdit ou persécuté.

À ces attaques directes, venant surtout de l’agence ottomane, les Anglais crurent devoir répondre. On afficha à côté des dépêches françaises des monitoires de l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à Constantinople, qui donnèrent à réfléchir aux Ottomans. Ils annonçaient en termes voilés, mais suffisamment clairs, le sort réservé à certaine puissance, si elle prenait parti dans un conflit qui ne la regardait pas. La fidélité des troupes musulmanes à la France et à l’Angleterre montrait assez que la religion n’était point en cause. On citait le nom de ces troupes, et je me rappelle l’embarras d’un certain nombre d’indigènes en lisant les hauts-faits de nos turcos. Il fallut leur expliquer qu’ils n’avaient de turc que le nom.

Cependant, insensiblement, l’opinion se modifia. Au début, je l’ai déjà dit, elle nous était favorable. Ce n’est compromettre personne que de noter ici un fait connu de tous : les catholiques latins, clients traditionnels de la France, avaient très ouvertement manifesté leur sympathie. Les Grecs orthodoxes inclinaient vers la Triple-Entente par suite de leurs attaches avec la Grèce et la Russie. Parmi les Juifs, la partie de beaucoup la plus nombreuse de la population, l’opinion libérale penchait aussi vers nous, sans souhaiter le succès des Russes. Enfin, je tiens pour assuré que les musulmans auxquels leur situation prêtait quelque autorité voyaient avec déplaisir et inquiétude le mouvement qui entraînait la Turquie dans l’orbite de l’Allemagne. Déjà la colonie commerciale allemande avait pris une large place au soleil. Les Juifs ne supportaient la concurrence qu’en se réduisant à un régime de famine ; les chrétiens ne réussissaient guère que dans les articles de piété ou par la clientèle des maisons religieuses ; les musulmans n’entreprenaient même pas la lutte commerciale, et trop souvent les banques allemandes avaient absorbé leurs terres en échange de capitaux prêtés à des taux exorbitants.

Quel mal avaient fait les Français ?

On s’irritait de les voir bâtir des édifices de belle apparence, mais encore était-ce la fortune du pays. Ces bâtiments étaient des hôpitaux et des écoles, quelques-uns des couvents consacrés à la prière, institutions que l’Islam sait comprendre. Je ne parle pas de la dette de gratitude contractée par la Turquie envers la France et l’Angleterre. On savait très bien, même dans le peuple, que les deux puissances occidentales avaient défendu contre la Russie l’intégrité de l’empire ottoman. L’Angleterre était en train de s’installer sur le Nil, mais ce n’était pas au détriment de la Porte, puisque l’Égypte demeurait sa vassale comme par le passé. L’Italie n’avait-elle pas pris la Tripolitaine de haute lutte ? Ne détenait-elle pas Rhodes et le Dodécanèse ? L’Autriche n’avait-elle pas confisqué la Bosnie et l’Herzégovine ? Le temps n’était pas éloigné où les mariniers de Jaffa avaient hardiment boycotté les bateaux autrichiens. J’ai vu moi-même une foule hostile poursuivre et conspuer M. M., l’agent du Lloyd. Comment cette même population en vint-elle à porter en triomphe les consuls d’Allemagne et d’Autriche ? C’est le secret de l’aberration la plus folle peut-être dont l’histoire ait à faire mention.

La seule explication plausible de cet égarement, c’est le prestige incomparable de l’Allemagne dans la Turquie d’Asie. C’est au désert, et parmi les Bédouins, que nous avons entendu dire : « La France autrefois, l’Allemagne aujourd’hui. » Je ne voudrais pas faire ici de politique ; il s’agit seulement d’analyser un état d’âme oriental. Il est certain que, pour un Oriental, un gouvernement démocratique et presque anonyme manque de prestige. Les Ottomans n’en sont plus à se réjouir, comme au dix-huitième siècle, que la République française ne puisse épouser une archiduchesse d’Autriche, mais ils disent volontiers : la France est un pays riche, qui a de braves soldats, mais pas de sultan ! Or c’est précisément comme un sultan, admirateur et rival des fils d’Othman, que leur est apparu l’empereur d’Allemagne.

Assurément, par certains côtés, son entrée à Jérusalem manquait de prestige. Nous l’avons vu chevaucher, en grand costume de touriste impérial, derrière M. Thomas Cook coiffé d’un chapeau mou ; et la France a souri. Les Ottomans n’ont retenu qu’un geste : le monarque le plus puissant de l’Occident posant une couronne au tombeau de Saladin. Et c’est là qu’est née cette légende que les Allemands avaient une certaine affinité avec l’Islam. « D’abord, disaient les Turcs, ils ne nous ont jamais rien pris. » Et c’était un singulier mérite, car quel peuple de l’Europe n’avait arraché sa feuille du gigantesque artichaut légendaire des Osmanlis ? Nous répondions qu’ils étaient en train de s’approprier le cœur de l’artichaut, en mettant la main sur l’armée, sur la marine, sur les chemins de fer… Mais c’était, pensait-on, pour le bien de l’empire. Et comme on projetait déjà de proclamer la guerre sainte, des théologiens subtils préparèrent l’opinion en faisant des Allemands une catégorie religieuse spéciale. Ils n’étaient pas tout à fait musulmans, mais ils n’étaient pas non plus tout à fait des infidèles, puisqu’ils admettaient l’unité de Dieu, par où l’on entendait qu’ils niaient la Trinité et la divinité de Jésus-Christ. Ce serait là une grave injure et une calomnie à l’adresse des Allemands catholiques ou protestants conservateurs. Mais combien de professeurs de théologie protestante libérale auraient le droit de protester ? Comme les meneurs s’en prenaient à une plèbe grossière et ignorante, on alla jusqu’à présenter l’empereur Guillaume comme un cousin éloigné du sultan. Ils étaient si bien faits pour s’entendre qu’on leur donnait le même prénom : Mohammed Guillaume et Mohammed Rechid. Ce sont des choses que nous avons entendues.

Toutefois chacun comprenait que la partie se jouait en Belgique et en Galicie et que la Turquie serait nécessairement à la merci du vainqueur. L’opinion demeurait prudente, même après la défaite de Charleroi si brillamment compensée par la victoire de la Marne. Un Allemand avait affirmé bruyamment que le 15 septembre les uhlans seraient à Paris. « Si Dieu le veut », répondit son interlocuteur, employant la forme polie d’acquiescement usitée en pareil cas. – « Qu’il le veuille ou ne le veuille pas », répondit le pseudo-infidèle, et l’événement ne lui avait pas donné raison. En attendant le choc décisif, le parti Jeune-Turc crut avisé de réaliser un programme sur lequel tous les Ottomans devaient être d’accord, proclamer la pleine indépendance de la Turquie par rapport à tous les États d’Europe. On était sûr que les Allemands et les Autrichiens ne protesteraient pas, puisqu’ils étaient du complot, et l’on espérait que les réclamations de la Triple-Entente exciteraient enfin le sentiment national ou plutôt le feraient naître, car il ne s’était pas encore manifesté. On escomptait même une déclaration de guerre. Autant que j’en puis juger par le petit théâtre où nous étions placés, le gouvernement a tenu absolument à faire croire que la guerre lui a été imposée et déclarée.

La première mesure hostile fut la suppression des postes étrangères. À Jérusalem, nous avions, outre la poste ottomane, l’autrichienne, la russe, la française, l’allemande, l’italienne. C’était évidemment un empiètement sur les droits souverains du sultan. Sauf les postes russe et autrichienne, la dernière la plus achalandée, ces bureaux ne rapportaient pas grand profit. Personne ne voulait céder seul, mais il semble qu’on eût consenti volontiers à laisser aux Turcs le soin des lettres, s’il y avait eu des chances sérieuses qu’elles parvinssent à leur destination. Je ne m’attarderai pas ici à dire quelques uns des quiproquos de leur service, qui n’étaient pas toujours amusants. Mais la suppression des postes, telle qu’elle fut opérée, avait un caractère de provocation et d’insolence qui inaugurait une attitude.

La France comprit l’atteinte portée à sa dignité. Elle ne répondit qu’en assurant l’inviolabilité des correspondances qui lui avaient été confiées. Aucune lettre venant de France ne fut remise aux bureaux turcs ; les agents du gouvernement n’eurent pas la satisfaction de lire ce que pensaient d’eux les réfugiés.

Cette modération parut faiblesse. D’un trait de plume, les Jeunes-Turcs effacèrent des siècles d’histoire en supprimant les capitulations. Il ne serait point aisé de dire en quelques lignes tout ce que comportait cette mesure ; moins encore l’était-il d’expliquer aux gens de Jérusalem en quoi consistait, ce qu’on nomma, « la suppression des privilèges des étrangers ». « Cela veut dire », expliqua un docteur du droit nouveau, « que si un étranger te donne une gifle, tu peux et tu dois la lui rendre ». Passe pour ce cas et le retour à la loi orientale du talion. L’ensemble était beaucoup plus compliqué. Car le « privilège » des étrangers de ressortir à une juridiction spéciale tient à la nature même du droit ottoman qui est une loi religieuse. Devant cette loi, le chrétien n’a aucun droit d’aucune sorte. Il est un vaincu de l’Islam, il s’est rendu, il a capitulé. C’est bien le moins qu’on lui applique le droit spécial des capitulations.

Mais il est bien vrai qu’en fait les capitulations pouvaient passer pour un privilège. Les étrangers, que les indigènes regardaient depuis si longtemps comme des personnes presque sacrées auxquelles il n’était pas prudent de toucher, étaient dépouillés de leur auréole. L’enthousiasme fut à son comble. On organisa, avec le concours des israélites, un cortège triomphal, on prononça des discours, on institua une fête commémorative, on ajouta sur les timbres-poste : « Suppression des privilèges des étrangers. »

Ainsi fut aboli un régime qui remontait à François Ier. On poursuivit le passé jusqu’à Charlemagne et Haroun-al-Raschid en abolissant le protectorat de la France sur les Lieux Saints. Par une confusion étrange, on en conclut qu’aucun établissement religieux ne relèverait d’aucun consul, ce qui était, en fait, dissoudre des établissements dont plusieurs étaient reconnus par firman[3] impérial. Et, par cette exagération puérile que l’on rencontre si souvent chez les Turcs, quand ils se piquent d’imiter certains procédés des civilisés, les religieux eux-mêmes étaient censés déchus de la protection de leurs consuls nationaux. On ne fit qu’en rire, mais la déchéance dont on frappait la France annulait la clause du traité de Berlin qui reconnaissait son droit traditionnel à protéger les Saints Lieux. L’insulte était voulue et d’autant plus sensible que le privilège français était purement honorifique. Cependant, cette fois encore, la France ne bougea pas. On était décidé à sauver, s’il se pouvait et malgré elle, la Turquie de ses imprudences. La Triple-Entente, elle, sérieusement, voulait aussi avoir la main forcée.

La politique du gouvernement jeune-turc était-elle suffisamment avisée ? Je n’ai pas à en juger, et l’on pensait, à tort peut-être, que le sort n’en serait tranché qu’en Europe. Il est certain qu’elle était très hardie, avec des allures d’indépendance et de fierté qui allaient au cœur de tous les Ottomans. Elle justifiait même la mobilisation. Car, disaient les habiles, sans la mobilisation nous n’aurions jamais obtenu ce résultat. C’était un succès, provisoire si l’on veut, mais un succès. On trouvait de bonne guerre, et de guerre économique, de profiter des embarras des grandes puissances pour s’affranchir de leur tutelle. L’opinion applaudissait frénétiquement, mais ne demandait rien au delà. Et peut-être – ceux qui ont été dans la coulisse pourraient nous le dire –, l’élément civil du Comité Union et Progrès, lui-même, n’aurait jamais été plus loin si l’Allemagne n’avait exigé davantage. Or l’Allemagne disposait de l’armée.

Dans l’intervalle, il était devenu évident que cette armée n’était pas l’armée nationale, composée de tous les éléments ethniques et religieux de l’empire, que supposait la constitution libérale. Tous avaient été appelés. Mais on déclarait ouvertement aux juifs et aux chrétiens qu’ils étaient autorisés à se racheter pour une somme d’environ 1 000 francs, et on les y invitait. Un très grand nombre eut la faiblesse de financer, quoiqu’ils eussent déjà payé une, et même deux fois, lors des précédentes guerres. Ceux qui eurent le courage de tenir bon n’obtinrent pas toujours d’être habillés et armés comme les autres. On les tenait en marge de l’armée, sous la tentation persistante de s’en retirer. Au début, tous les hommes avaient été pris, valides ou invalides. Sous le contrôle des officiers allemands, plusieurs furent renvoyés, si bien que la mobilisation, qui avait englobé d’abord 1 100 000 hommes, fut réduite, ce qu’on m’a assuré d’assez bonne source, à 800 000. Mais ces troupes étaient plus homogènes que dans la guerre précédente et mieux préparées à la prédication de la guerre sainte.

Et, en dépit des dénégations officielles, il devenait évident que la mobilisation aboutissait, dans notre région, à une expédition contre l’Égypte. Des Bédouins venus de l’est avaient vu le chemin de fer de Damas à Médine transporter des bataillons qu’on dirigeait ensuite vers Aqaba. Jérusalem était traversée de files interminables de chameaux chargés de farine, de blé, de munitions de guerre dans des boîtes à l’estampille allemande.

À la fin d’octobre, le bruit se répandit que plusieurs officiers allemands avaient entrepris de violer la frontière égyptienne. Les renseignements que nous prîmes alors ne laissaient aucun doute. Accompagnés d’un petit détachement de soldats turcs, ces officiers avaient voulu contraindre les Bédouins à les conduire au delà de la limite anglo-égyptienne. Les Bédouins avaient refusé. D’où une bagarre, après laquelle les Allemands, assez mortifiés, revinrent à Jérusalem, sans pouvoir arracher au gouvernement de Constantinople l’approbation de leur raid compromettant.

À ce moment, on crut à Jérusalem que la Porte serait assez forte pour résister à la pression germanique. Mais, en recevant dans la Corne d’Or le Gœben et le Breslau, les Turcs s’étaient donné des maîtres. Ce qui avait échoué dans le sud contre les Anglais réussit dans la mer Noire contre les Russes. Le bombardement des environs d’Odessa et de Théodosia en pleine paix commençait la guerre.

Le bruit s’en répandit à Jérusalem dès le vendredi soir 30 octobre. Le jeudi 5 novembre, un pavillon de forme et de couleurs inusitées flottait sur le consulat de France. Nous avions passé sous la protection de l’Espagne et le dimanche suivant nous arborâmes le drapeau jaune et rouge, pendant que les Anglais hissaient le pavillon américain et les Russes le pavillon italien.

On sait que la protection des citoyens français en Turquie a été confiée aux États-Unis, mais le district qui comprend Jérusalem et Jaffa avait un régime à part. Ce fut une pensée délicate de confier des intérêts, qui étaient surtout religieux, et aux Lieux saints, à la catholique Espagne.

Il faut dire hautement que nous n’avons pas eu à le regretter. M. le comte de Ballobar, consul d’Espagne à Jérusalem, a prouvé en toutes circonstances que son pays n’a pas oublié ses nobles traditions, il a parlé en son nom aussi fièrement que l’eût fait un contemporain de Don Juan d’Autriche. Qu’il veuille bien agréer l’expression de notre reconnaissance pour un dévouement inlassable qui n’eut que trop souvent l’occasion de s’exercer parmi des contradictions incessantes et arbitraires. Quand nous en étions excédés, nous nous consolions en pensant que la même incohérence devait régler – ou désorganiser – les choses militaires.

***

J’ose affirmer que le sentiment qui domina à Jérusalem, quand il devint évident que les Turcs avaient commencé la guerre, fut la consternation. Les patriotes déploraient cette immolation d’un grand empire aux intérêts d’un peuple étranger. Et, à supposer que les Allemands victorieux dussent intervenir pour obtenir des compensations à la Turquie, qui défendrait les particuliers contre la ruine prochaine ? Les réquisitions de chevaux, de chameaux, de mulets, de denrées, dont aucune n’était payée, même en papier-monnaie, se poursuivaient systématiquement et d’une façon complète que bien des indigènes se demandaient si les Turcs ne prenaient pas plaisir à ruiner les Arabes. On savait très bien que la Triple-Entente avait la maîtrise absolue de la mer et on la provoquait à attaquer un empire dont les villes les plus florissantes étaient la parure d’un rivage sans défense, Jaffa, Caïffa, Beyrouth, Tripoli, Alexandrette, Smyrne… ! Les calomnies stupides qu’on avait répandues contre nous, et plus encore contre les Anglais, obtenaient le résultat inattendu d’augmenter l’épouvante. Il fallait fuir ces bêtes féroces. Les femmes des musulmans riches de Jaffa se réfugièrent à Jérusalem et, pour mettre en sûreté leur fortune, qui consiste surtout en bijoux, elles les déposèrent… au Crédit lyonnais ! Si bien que cet établissement, en même temps que l’Anglo-Banque, fut crocheté dès les premiers jours de la guerre. On prit tout, et quelques jours après on rendit tout.

Pour rassurer la population de Jaffa, l’autorité recourut à une mesure d’apparence fort énergique. M. le Consul d’Espagne nous fit savoir officiellement que, d’après un ordre verbal – on n’en donna jamais d’autres – tout belligérant qui tenterait de quitter la Turquie serait fusillé. Nous sûmes depuis qu’on avait été moins excessif à Beyrouth et à Constantinople. Les magistrats de Jérusalem professaient une crainte respectueuse du caïmacan[4] de Jaffa, leur inférieur, mais une créature d’Enver-Pacha.

Nous demeurions donc comme otages et l’on nous fit savoir que, si les villes de la côte étaient bombardées, nous serions fusillés. Menace vaine, car nous savions bien que les alliés n’avaient pas l’intention d’imiter les Allemands en brûlant des villes ouvertes et que, s’il leur plaisait d’opérer un débarquement, les otages ne leur manqueraient pas pour des représailles. Aussi les gens de Jaffa et de Caïffa, y compris quelques représentants des colonies allemandes, continuèrent à affluer à Jérusalem et à Naplouse. Chaque jour on croyait voir apparaître les escadres anglo-françaises. Pour paralyser leurs mouvements on déchaîna enfin le spectre de la guerre sainte. Jérusalem était, après la Mecque qui demeura muette, croyons-nous, le centre religieux le plus favorable pour la proclamer, puisqu’elle est la ville sainte par excellence, el-Qods. Il y eut donc une grande réunion à la mosquée d’Omar et un musulman fanatique, dont je tairai le nom, y prononça, en effet, des paroles incendiaires. Mais il faut rendre cette justice aux autorités religieuses et militaires, qu’elles se montrèrent fort modérées. Le commandant militaire et le mufti déclarèrent nettement que toute atteinte aux droits des chrétiens, Ottomans ou étrangers, serait sévèrement punie. La même consigne fut imposée à Damas et les journaux ont raconté le geste très authentique d’un scheik vénéré qui foula aux pieds son turban, pour symboliser le châtiment réservé à tout musulman qui maltraiterait un chrétien. Aussi, pendant notre séjour à Damas, avons-nous vu promener l’étendard vert du Prophète, avec des cris de mort vaguement proférés, et un grand cliquetis de cimeterres, sans que personne s’avisât de nous insulter. Certains regards étaient chargés de haine, mais ils se détournaient.

C’est que la guerre sainte n’avait pas pour but d’exciter dans l’empire des troubles qui auraient amené l’intervention des États-Unis, de l’Italie et de l’Espagne. Elle était exclusivement d’exportation étrangère et visait à soulever contre la France l’Afrique du Nord, contre l’Angleterre l’Égypte et les Indes, contre la Russie le Lazistan et le Turkestan. Des dépêches annonçaient de partout la révolution libératrice, et trois millions de Persans étaient en armes pour chasser les Russes du Caucase de concert avec les armées turques d’Anatolie.

Les Allemands avaient vraiment persuadé aux Turcs que l’Égypte était prête à se révolter « comme un seul homme », aussitôt qu’un soldat musulman aurait paru sur les frontières. Ce premier point était facile. En un tournemain, l’armée de la guerre sainte eut conquis le désert. Les Anglais avaient jugé inutile de défendre El-Arich, oasis qui abrite quelques maisons, Nahel, situé entre Suez et Aqaba, point d’eau de très minime importance. Aussitôt, la Porte nomma – ainsi du moins s’exprimèrent les dépêches – un directeur des douanes égyptiennes. Mais la frontière d’Égypte, ce n’était pas le canal de Suez. Les imaginations se montaient à Jérusalem, et c’était à qui trouverait le moyen d’opérer ce nouveau passage de la mer Rouge. Sept cents pelles et des couffins sans nombre furent achetés, sans doute pour former un passage en rejetant les sables. D’autres proposaient des radeaux portés sur des boîtes à pétrole vides, et le fait est qu’on les recueillît et qu’on les transporta non pas par milliers, mais par dizaines de mille. Ce furent probablement les Allemands qui conseillèrent la fabrication de bateaux en tôle que nous vîmes sur des trains de chemin de fer en Galilée. Je ne dis rien des suites de cette campagne, car mon but n’est pas de rivaliser avec nos stratégistes hiérosolymitains. Au fond, ils demeuraient fort sceptiques sur le résultat de cette tentative hasardeuse et je doute comme eux qu’elle soit jamais poussée bien loin sans artillerie lourde. C’est de l’autre côté du canal, c’est de l’Égypte que devait venir le salut. Or l’Égypte est demeurée silencieuse ; le Sphinx n’a rien dit ou il a dit que la Chimère volait trop haut et faisait trop de bruit. Pourtant les musulmans des bords du Nil n’étaient point dans leur cœur insensibles à l’appel du Prophète et les masses préféraient, dit-on, être exploitées et tondues de près par des coreligionnaires que de jouir des bienfaits très réels de l’occupation anglaise. Mais on ne leur demanda pas leur avis, et leur préférence intime pour des oppresseurs de leur choix n’est pas telle qu’ils s’exposent de plein gré à perdre le fruit de leur docilité présente.

La guerre sainte était, entre les mains de l’Islam, une arme redoutée. C’est un fusil qu’il fallait avoir toujours sur l’épaule, mais sans tirer. La Turquie a tiré et le fusil a fait long feu, du moins dans les pays où le fanatisme musulman n’est point très ardent. Peut-être en Tripolitaine aurait-on encore quelque chose à surveiller de très près si l’incendie n’était pas éteint à son foyer ?

***

Ce n’est sûrement pas l’agitation produite par la guerre sainte qui amena les mesures prises contre les religieux français et les religieuses. Nos relations avec les autorités et la population avaient toujours été excellentes. Les Filles de la charité, en particulier, jouissaient en Turquie, depuis la guerre de Crimée, d’une popularité incomparable. Quand la municipalité de Jérusalem se résolut à organiser un hôpital après la création de tant d’hôpitaux étrangers, c’est à leur dévouement qu’on fit appel.

La guerre n’avait rien changé à cet état de choses. Si la population avait été surexcitée contre nous, elle eût, à tout le moins, témoigné sa satisfaction quand religieux et religieuses quittèrent leurs demeures. Il n’en fut rien. Quant aux autorités civiles et militaires, je puis dire, sans compromettre personne, qu’elles ne firent qu’obéir à des ordres impératifs et réitérés. Ne pouvant rester fidèles à leur ancienne sympathie, ne voulant pas se départir en notre présence de ménagements courtois, elles se montrèrent le moins possible, et la police, gênée dans son rôle nouveau, me rappelait l’embarras des excellents gendarmes qui nous ont expulsés en 1880, priant à voix basse que nous les dispensions de nous mettre la main au collet. L’exécution ne se produisit pas le même jour, et j’en note rapidement les phases principales, sans entrer dans le détail des ordres et des contre-ordres où je ne me reconnaîtrais plus.

Dès le 7 novembre, avant même le départ de M. le Consul de France, les établissements de Sainte-Anne et de Saint-Pierre étaient désignés pour servir de casernes. Les religieux eurent cinq jours pour les évacuer. On mit dans les églises et les bibliothèques tous les objets mobiliers ; les scellés furent apposés sur les portes et furent respectés, du moins jusqu’à notre départ. Les Pères franciscains de Terre sainte offrirent alors l’hospitalité aux Pères bénédictins, aux Pères blancs et aux communautés de religieuses situées en dehors de la ville : Carmélites, Clarisses, Bénédictines du Calvaire. Notre-Dame de France, le grand hospice des Assomptionnistes, accueillit les Pères de Saint-Pierre et quelques Français expulsés de Jaffa, tout en devenant le siège de l’état-major ottoman. Le commandant militaire avait exprimé le désir qu’on se groupât, le plus possible, afin d’assurer plus facilement la sécurité de tous.

Personne n’a cru sérieusement à un massacre, ni même à des sévices exercés par la population. On pensait, sans oser le dire, que les troupes, quand elles reviendraient battues et débandées de leur entreprise contre l’Égypte, se vengeraient par des cruautés. Cette crainte, encore suspendue sur ce qui est resté de chrétiens à Jérusalem, n’est malheureusement pas chimérique. Mais alors, en novembre 1914, aucun massacre n’était à craindre, si le gouvernement ne donnait le signal. Aussi demeurâmes-nous, pour notre part, parfaitement tranquilles, dans notre couvent de Saint-Étienne. On allait et venait, comme de coutume. Avant la guerre, on s’était plaint souvent de voleurs qui ne respectaient pas les étrangers ; depuis la proclamation de la loi martiale, tout était rentré dans l’ordre. Nous n’avons jamais refusé de l’eau aux mobilisés qui attendaient leur tour devant le bureau de recrutement, souvent pendant des heures, mais si, une fois ou deux sur mille, elle fut demandée avec arrogance, il était aisé d’obtenir justice des impertinents.

Cependant, le 3 décembre, le Père prieur nous avertit, au sortir de table, que nous devions être prêts en deux heures à partir pour Orfa avec les autres religieux appartenant aux nations belligérantes, les Belges compris. Orfa est l’ancienne Édesse, située entre Alep et Diarbékir, dans la haute Mésopotamie, éloignée de deux journées de caravane du point terminus du chemin de fer d’Alep. La perspective de passer l’hiver dans cette solitude, où il serait très difficile d’arriver, de se loger et de se nourrir, n’avait rien d’agréable. Cependant, Français demeurés à Jérusalem, réformés déjà deux fois ou trop âgés pour être utiles en France, obligés, pensions-nous, par devoir, à ne pas déserter des positions françaises, nous éprouvâmes un certain orgueil d’être associés par nos ennemis aux épreuves de la patrie.

Ces ennemis, ce n’étaient pas les Turcs, instruments malavisés d’une haine plus profonde ; il n’y avait pas à s’y méprendre, c’étaient les Allemands. Ce mot même de « camp de concentration », dont la police avait plein la bouche, n’avait pas été inventé par des Turcs. Comme je me plaignais à un religieux allemand, qui fréquentait, même alors, notre bibliothèque, de ce que le procédé avait d’odieux. « C’est », me répondit-il du tac ou tac, « ce qui s’est passé pour les religieux allemands que les Français ont transportés en Corse. » Ainsi c’était donc la querelle des Allemands que vengeaient les Turcs, sans distinguer entre les mobilisables et les invalides ! Il est d’ailleurs aussi honorable pour nos hôtes, que pour nous, qu’ils n’aient pas prononcé le mot de cet « espion-envahissement », réalité si redoutable en France, et qui y justifiait la mesure qu’on prétendait nous appliquer.

Les Allemands avaient étalé bruyamment les sentiments religieux du Kaiser, affectant de traiter en officiers les prêtres français prisonniers ; nous avions bien droit aux mêmes égards, et l’on nous invitait à partir à pied, sous l’œil de la police, pour une région à peine accessible durant l’hiver ! Était-ce donc pour nous massacrer en route ? Plusieurs l’appréhendaient. D’autres qui prétendaient mieux connaître les Turcs ne voyaient, dans leur grosse voix, qu’un artifice pour nous renvoyer en Europe sans passer par Jaffa, dont on craignait les mariniers. Et c’est ainsi qu’en Turquie on ne sait jamais si l’on joue la comédie ou si l’on prépare le dénouement le plus tragique. Les deux solutions sont toujours également probables. Prendre tout du bon côté, c’est donner un démenti à l’histoire, même la plus récente, qui fut aussi atroce durant les massacres d’Arménie qu’aux plus mauvais jours du passé. Et lorsqu’on traite avec les Turcs, diplomates si déliés, esprits fertiles en ressources, figures graves qui dissimulent à peine le sourire intérieur, on se dit qu’il ne faut jamais désespérer de rien. Ce qui tourna franchement à la comédie, ce fut l’examen médical qu’on nous imposa durant deux jours, devant un jury de quatre majors, dont un juif allemand. Le résultat fut de former trois catégories. Sur environ cent cinquante religieux, on exemptait trois vieillards qu’on jugeait décidément invalides, quoique l’un d’eux ait préféré faire le voyage, et très allègrement. La masse était divisée en deux groupes : ceux qui pouvaient aller à pied, et ceux qu’on ne devait faire voyager qu’en voiture, jusqu’au point le plus voisin du chemin de fer, au delà de Naplouse. Or les premiers furent autorisés à se fournir des voitures et les seconds y furent invités ! M. le Consul d’Espagne pourvut à tout, et nous nous acheminâmes vers Naplouse par groupes. On partit le 13, le 14 et le 15 décembre. Le temps fut admirablement beau. En cours de route, quelques femmes marquèrent agréablement, par un geste, qu’on devait nous couper le cou. Aucune autre manifestation hostile, et cependant nous rencontrâmes des piétons de toutes races conduisant d’innombrables chameaux à toutes bosses, des régiments en marche, des soldats désœuvrés. Des Français auraient-ils toujours été aussi maîtres d’eux-mêmes devant des « otages » confortablement installés dans des voitures découvertes ? Ces Orientaux, issus de tant de pays divers, auraient sans doute la dent plus dure, mais, pour le moment, cela ne les regardait pas. Ils accomplissaient froidement la consigne de ne rien dire, comme ils auraient accompli celle de taper ferme.

La police, digne et cependant bénigne, nous comptait deux fois par jour. À Naplouse, elle crut ingénieux, dans ce but, de nous faire monter et descendre un escalier. Mais, comme le troupier qui ne trouve jamais le même nombre de marches en montant à l’Arc de Triomphe et en en descendant, elle « s’embrouilla dans la série ». Emportés dans un torrent d’événements grandioses, les lecteurs ne supporteraient pas le récit des menus incidents de notre voyage. Naturellement, nous protestâmes quand on mit quelques-uns d’entre nous dans un wagon à bestiaux. Mais le chef de gare s’excusa, s’empressa de rectifier la situation quand ce fut possible et puis…, quand on est en plein mouvement de troupes !

Enfin nous arrivâmes à Damas ; on nous répartit entre divers hôtels et l’on nous annonça que dans une nuit ou deux nous continuerions sur Orfa. Les optimistes s’avouèrent vaincus quand nous apprîmes que déjà les Lazaristes et les Jésuites de Damas étaient partis. Et cependant, après deux jours d’attente, on nous avertit tout à coup que nous allions être conduits à Beyrouth pour nous embarquer à la première occasion.

Et après quelques nouvelles tergiversations, nous partîmes en effet de Beyrouth pour le Pirée sur un bateau italien, avec des religieuses qui attendaient, elles aussi, la permission. Ce départ des religieux et des religieuses fut une expulsion. Les religieuses françaises demeurées à Jérusalem pendant l’exode furent embarquées à Jaffa sur un ordre exprès du gouvernement. Comme l’avait annoncé Djemal-Pacha, aux premiers jours de janvier, il ne restait plus en Syrie ni en Palestine de religieux ni de religieuses françaises. D’infimes exceptions ne sauraient faire compte.

***

Comment expliquer cette série de mesures incohérentes ? Le but principal était de supprimer l’action française en Syrie, et c’est l’œuvre des Allemands. Les Français ont été renvoyés de tous les services publics, chemin de fer et autres, qu’ils avaient fondés, pour être remplacés le plus souvent par des Allemands. Environ deux cents Français de Beyrouth sont encore, au moment où j’écris, internés à Damas. Les religieux et les religieuses, même hospitalières[5], ont été expulsés, et il n’est pas douteux qu’on ait visé surtout les écoles. On a chassé tout le monde, mais dès le premier jour on s’est acharné sur les écoles, où l’on a prétendu remplacer les Frères par des maîtres de fortune qu’on a d’ailleurs le plus grand mal à recruter.

Ce dessein est parfaitement net. Il était nécessaire, pour le remplir, d’éloigner les Français et les Françaises dont on craignait l’influence, mais il suffisait, pour cela, de les envoyer dans un camp de concentration. Cette solution fournissait des otages, gage de tranquillité pour les ports. Si donc on a laissé partir pour la France les religieux et les religieuses, mais eux seuls, c’est que la Porte a déféré aux désirs du Saint-Père. Je ne crois pas être indiscret en disant ici que Benoît XV lui-même a bien voulu m’en donner l’assurance. Si le Pape avait obtenu notre départ pendant que nous gardions nos positions acquises par un long labeur, la démarche eût été

Benoît XV

prématurée, car notre éloignement eût facilité l’usurpation. Mais, comme les faits le prouvent, notre expulsion était décidée et en grande partie exécutée, quand il est parvenu à faire révoquer l’ordre vraiment barbare qui nous parquait à Orfa. Il a donc rendu à des Français un bon office signalé, ce qui est bien rendre service à la France, d’autant qu’il se préoccupe encore, je le sais, du salut des Français laïques et de la préservation de tous les établissements religieux français. Je suppose qu’il en a été remercié par qui de droit, après que les expulsés, pour la plupart de passage à Rome, ont été admis à lui témoigner leur profonde gratitude.

À Rome, il est vrai, quelques Allemands ont essayé de donner le change. Ils ont persuadé à des neutres, presque à des Français, qu’ils s’étaient employés pour nous délivrer des mains des Turcs. Il est certain, en effet, que les Turcs n’ont rien fait sans leur permission. Mais ils n’avaient non plus rien fait sans leur ordre. Après avoir expulsé les Français de leurs situations, les Allemands, s’étant emparé des positions utiles et lucratives, n’avaient aucun intérêt à laisser en Turquie, à l’état de persécutés, des religieux et des religieuses que les populations ne connaissaient que pour leurs bienfaits. On n’avait jamais osé parler d’emmener à Orfa les religieuses et, si elles étaient demeurées en Syrie, les miséreux dont elles prenaient soin se seraient accrochés à leurs manteaux. Maintenant le champ est complètement libre, l’influence allemande peut s’exercer. Mais il faudrait de l’impudence pour faire valoir auprès du Saint-Siège un acte qui, pris en bloc, est un acte de destruction. Ce fut un des crimes de l’Allemagne, au cours de cette guerre, d’avoir engagé les Turcs à chasser de pauvres filles qu’ils honoraient comme des reines. Il ne sert à rien aux Turcs de dire qu’ils ont imité la pratique du gouvernement français envers les congrégations. Ils l’ont souvent alléguée et non sans un sourire. Même alors nous ne consentions pas à baisser la tête comme Français ; ce sont là des affaires intérieures qui ne regardent pas les étrangers. Nous avons toujours été loyalement protégés et soutenus par notre gouvernement et, si la guerre au cléricalisme n’est pas un article d’exportation, l’opposition n’est pas non plus de mise au dehors. C’est à nos compatriotes à se demander s’ils ont été justes envers nous, car notre œuvre a toujours été la même en France et à l’étranger. Les Turcs feraient mieux d’avouer que cette lourde ironie leur a été suggérée, comme tout le reste, par les compères qui sont devenus leurs patrons. D’eux-mêmes ils ne se seraient pas résolus à se passer des services des congrégations, dans un pays où l’instruction publique est à peine organisée et l’assistance publique pas du tout.

Les Allemands, et les Autrichiens surtout, plus exposés aux coups des Turcs, ont eu des reproches sanglants pour l’alliance immorale de la France et du Croissant. La France chrétienne usa du moins de son influence en faveur des chrétiens. Ce qu’a fait l’Allemagne, nous l’avons dit. Que fera-t-elle ? On peut tout craindre quand on voit les feuilles allemandes appréhender que l’indiscipline des soldats turcs ne les conduise aux pires excès. Les bons apôtres ! Les soldats ottomans ne feront que ce qu’on les laissera faire. C’est aux Allemands de faire respecter la discipline ; ils ont pris la responsabilité de ce qui se passe en Turquie. Plus d’un officier ottoman, dont je tairai le nom, a été jugé trop tiède pour les intérêts allemands, trop timoré dans l’exécution des mesures prises contre les Français.

Mais les Allemands seront-ils toujours les maîtres ? Beaucoup le croient encore en Turquie, de nombreux officiers ont engagé leur fortune sur cette carte, mais combien peu, même de musulmans, le désirent ! De temps en temps le bruit court qu’une révolution a éclaté à Constantinople. Depuis le 4 août, Enver-Pacha a été assassiné tous les quinze jours. Je suis persuadé pour ma part qu’aucune révolution ne se fera toute seule, mais que le pays est à bout de souffrances ; il en connaît les auteurs et il est mûr pour qu’on lui fasse une révolution.

On m’a souvent reproché d’être turcophile.

Je pense, en effet, que les longues et cordiales relations entre la Turquie et la France n’ont pas été inutiles aux Turcs et ont laissé chez eux un souvenir toujours vivant, même parmi les officiers. Plusieurs n’ont pas hésité à nous le dire en exprimant le vœu de n’être pas obligés à combattre directement contre les Français.

Peut-être ai-je pris trop en bonne part des procédés qui, somme toute, sont injustifiables. On avait besoin de casernes et d’hôpitaux, soit ; on pouvait exiger de nous des abris pour les soldats, et nous offrions volontiers de soigner les blessés. La guerre obligeait-elle à mettre sur le pavé tant d’enfants des écoles et tant de vieillards et d’infirmes hospitalisés ? Il y eut aussi, même à la Custodie de Terre-Sainte, des visites de police insolentes autant qu’inutiles. Ce n’était pas non plus la peine de démolir l’autel de l’église anglicane de Jérusalem pour y chercher des canons.

Mais pourquoi ne dirions-nous pas que la manière allemande n’a pas complètement déteint sur les Turcs ? Ils n’ont pas été aussi brutaux, ni surtout aussi systématiques. Il faut toujours revenir au mot d’incohérence. Quelques-uns s’abandonnaient au rêve grandiose d’une Turquie régénérée et conquérante, avec un reste d’illusion chevaleresque et idéaliste qu’ils tiennent de nous, comme Saladin a reflété quelque chose des façons courtoises de la chevalerie. Les esprits positifs croyaient entreprendre une affaire, mais, sachant bien qu’ils jouaient quitte ou double, étaient soucieux de ne pas s’engager à fond pour ne pas payer trop cher.

Le grand art des Allemands fut de les contraindre à se compromettre et ils ont réussi, parce qu’il y a, dans le comité Union et Progrès, une vague réminiscence du jacobinisme de 1793 qui s’est imposé par des crimes que l’Europe ne pourrait plus pardonner. Cette disposition est la seule qui soit actuellement redoutable. Se sentant perdus, les Jeunes-Turcs n’entraîneront-ils pas tout ce qui reste de Français en Orient dans leur ruine ? Quelques bons esprits ne le pensent pas et croient savoir que les principaux membres du parti seraient bien aises de ne point pousser les choses au pire. Quoi qu’il en soit, la meilleure manière d’éviter des malheurs, ce serait d’agir vite.

Chaque jour, depuis que la guerre est déclarée, on s’attend, de Jaffa à Alexandrette, à voir surgir du fond de la mer les trois couleurs, jadis libératrices. Elles le seraient encore. Je n’affronterai point le ridicule d’esquisser un plan de campagne. Mais je puis bien déclarer, comme témoin oculaire, que nous ne comptons guère d’autres ennemis acharnés en Syrie que ceux qui ont remplacé notre influence par un joug odieux. Il est naturel qu’en France on soit excédé contre les Turcs dont l’ingratitude dépasse vraiment la mesure. Mais les vrais coupables ne sont peut-être pas très nombreux. Et je suis sûr que personne chez nous ne songe à châtier sévèrement des populations entraînées malgré elles dans une sinistre aventure. Il s’agit bien plutôt de leur rendre un peu de paix, de justice, et en somme plus d’indépendance qu’elles n’en ont.

 

Paris, 10 février [1915].

Fr. Marie-Joseph Lagrange des Frères prêcheurs

Association des Amis du Père Lagrange
https://www.mj-lagrange.org

 

 

[1]M. le Directeur du Correspondant a eu souvent l’obligeance de me demander des notes sur les choses de Turquie. J’avais toujours eu le regret de ne pas répondre à son appel, résolu de ne pas m’immiscer dans les affaires d’un pays qui nous laissait chez lui toute licence de poursuivre en paix nos études. Les circonstances actuelles me rendent plus libre. Encore verra-t-on que je n’ai point perdu la mémoire des excellents rapports que j’ai eu durant vingt-cinq ans avec les autorités ottomanes.

[2][La Sublime Porte= Empire ottoman]

[3][autorisation]

[4][Dignitaire de l’empire ottoman]

[5]Dans leur empressement à tout prendre, les commissaires ont emporté des hôpitaux des instruments de chirurgie fort inutiles à des guerriers, du moins après le moment de leur naissance.

Écho de notre page Facebook : novembre 2018

25 novembre 2018

Christ, Roi de l'Univers - Sant'Alfonso, Rome

Christ, Roi de l’Univers – Sant’Alfonso-Rome

Christ, Roi de l’Univers

Notre Père, Que votre règne arrive

« La prière enseignée par le Seigneur est la prière de l’Église, qui ne connaît ni Juifs, ni Gentils, qui bénit les nations comme les familles, mais les veut toutes filles du Père.

(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège Lethielleux, 2017, p. 356.)

 

 

 

 

 

22 novembre 1880-22 novembre 2018

Sainte Cécile-Löfgren (19e)

 

Sainte Cécile chante maintenant pour Dieu seul !

Ceux qui disent que le christianisme est une suite naturelle de la philosophie païenne n’ont pas lu les Actes des Martyrs. C’est là que paraît le triomphe de la Croix sur une fausse sagesse : ce sont des femmes et des enfants qui ont vaincu la résistance acharnée de la nature contre la grâce.

« Ô saints martyrs, colonnes inébranlables de notre foi, donnez-moi votre courage généreux : vous avez aimé Jésus Christ et vous êtes morts pour lui ; votre amour l’a vengé des calomnies absurdes des païens, de la lâcheté des tièdes ; vous êtes jusqu’à la fin des temps notre modèle et notre soutien.

Ste Cécile, chantez maintenant pour Dieu seul ; obtenez-nous la grâce d’être purs de cœur et de corps, afin que cette grâce en attire une autre : que pouvons-nous demander à Dieu ? Gratiam pro gratia [Grâce sur grâce.(Jean 1, 16)]. »

(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014, pp. 106-107.)

 

21 novembre 1880-21 novembre 2018

Présentation de la Vierge Marie (détail) Giotto, (1304) Chapelle Scrovegni, Padoue

Présentation de Notre-Dame

 

« Ste Mère de Dieu, Marie Immaculée, daignez me donner la Sagesse, votre Fils Jésus : la Sagesse d’où procède l’amour, mais préservez-moi de la science qui enfle. Je vous conjure de m’accorder la grâce d’être plus fidèle :
1° à la mortification de la vue,
2° à l’attention en récitant votre office et votre rosaire,
3° à la charité parfaite envers mes frères, et de me préparer ainsi à célébrer avec joie la fête de votre Immaculée Conception. »

(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 106.)

 

 

 

 

 

16 novembre 2018

Sainte Gertrude d’Helfta (détail) par Miguel Cabrera, Mexico, 1763

 

 

« Sainte Gertrude, priez pour moi : je loue Dieu des grâces qu’il vous a faites, surtout d’avoir si bien compris sa bonté. Combien ce sentiment de la bonté de Dieu répond bien à ce que nous devons être par rapport à lui. Esprit filial, destruction de l’amour-propre. »

(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 405.)

 

 

 

15 novembre 2018

En la fête de Saint Albert le Grand

Des serviteurs dévoués et soumis de la Sainte Église :

Saint Albert le Grand, Maître de Saint Thomas d’Aquin

Saint Albert le Grand, Saint Thomas d’Aquin, Cardinal Cajetan, Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange

« […] au XIIIesiècle, […] pour réagir contre un faux sentimentalisme introduit en théologie, le rationalisme le plus sec s’attaque aux assises même de la Foi, Albert le Grand et Thomas d’Aquin conjuguèrent leurs efforts pour rétablir les rapports normaux entre la raison et la Foi, et sauver du même coup la philosophie et la théologie.

Au XVIesiècle lorsque la Réforme s’en prit à l’autorité même de l’Église et lui contesta le droit d’enseigner toutes les nations, un de nos plus grands théologiens, le cardinal Cajetan employa toute sa science et tout son génie à démontrer le Magistère infaillible de l’Église en matière d’enseignement.

Enfin de nos jours, quand éclata soudain, au cœur de la Chrétienté, la crise biblique, l’Ordre eut alors la gloire de posséder, en la personne du P. Lagrange, un religieux exemplaire qui pouvait d’autant mieux combattre ces nouveaux hérétiques sur leur propre terrain, que ceux-ci, par la plume de leurs chefs de file, n’avaient jamais osé contester son savoir ni son orthodoxie.

On se rendra mieux compte, à mesure que les années passeront sur la tombe du P. Lagrange, sans crainte d’offenser sa réelle modestie, de quelle hauteur il dépasse les exégètes de ce temps dont les meilleurs l’ont toujours tenu pour un Maître. »

(Bernard Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, extrait de la Lettre encyclique du Maître de l’Ordre* au sujet de la mort du père Lagrange, Cerf, 2004, p. 527.)

*Fr. Martin-Stanislas Gillet, o.p., New York, 28 mars 1938.

 

10 novembre 2018

Père Marie-Joseph Lagrange (7 mars 1855-10 mars 1938)

Aujourd’hui, en la fête du saint pape Léon le Grand, docteur de l’Église, et jour-anniversaire de la « naissance au Ciel »  du père Marie-Joseph Lagrange o.p., nous nous retrouvons en communion de prières avec fr. Manuel Rivero o.p. qui célèbre la messe de ce jour aux intentions particulières confiées à l’intercession du père Lagrange et pour sa prochaine béatification.

Pour confier vos intentions de prières à l’intercession de la Vierge Marie et du père Lagrange, nous écrire : pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com. Ou bien directement à : manuelrivero921881772@gmail.com. Ces intentions seront présentées par Fr. Manuel Rivero o. p. au cours de la messe-anniversaire qu’il célèbre le 10 de chaque mois.

 

7 novembre 2018

All Dominican Saints-Dominican Friars Province of St-Joseph.jpg

All Dominican Saints-Dominican Friars Province of St-Joseph.jpg

Tous les saints de l’Ordre des Prêcheurs

« […] J’ai abandonné par mollesse une foule de bonnes pratiques, puis je me suis étonné de me voir moins près de Dieu, et je n’ai pas compris que je me rendais de plus en plus indigne de sa grâce. Oui, il m’a aimé, il ne me sert de rien de nier qu’il m’ait comblé de ses faveurs ; je n’en n’étais pas meilleur pour cela et l’ingratitude me rendrait pire. Comment avez-vous pu, mon Rédempteur, entreprendre ce travail, travail dans la boue de mon âme… Non, je ne puis rien, je ne suis que vanité et mollesse, mais j’ai toujours espéré en Marie, elle peut et veut, je l’espère, me sauver. Du courage et de l’humilité, à l’œuvre pour Jésus. Dévotion plus grande aux saints de notre Ordre. » (Fr. Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 243.)

 

3 novembre 2018

Saint Martin de Porrès, dominicain (Lima, 1569-1639), modèle de charité universelle, canonisé en 1962 par le saint pape Jean XXIII.

San Martín de Porres et les malades

« La charité c’est l’amour du bien en soi. Dieu est la bonté : Dieu se veut infiniment, il se voit infiniment ; cette conformité entre sa Volonté et son Intelligence, c’est sa Bonté. Les êtres finis et contingents sont bons lorsque leur être est conforme à la volonté de Dieu. La charité est donc l’amour de Dieu. Dieu est tout à la fois l’objet premier de la charité, et le motif. C’est en passant par l’amour de Dieu que nous aimons le prochain pour chercher sa conformité avec la volonté de Dieu comme la nôtre propre » (Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, éd. Cerf, 2014, p. 23).

 

 

1er novembre 2018

The Communion of Saints, détail d'une tapisserie par John Nava (2003) Cathédrale catholique de Notre-Dame des Anges-Los Angeles. Tous droits réservés.

The Communion of Saints, détail d’une tapisserie par John Nava (2003) Cathédrale catholique de Notre-Dame des Anges-Los Angeles. Tous droits réservés.

L’humilité des saints dans lesquels Dieu, « caché », se révèle 

La vaine gloire voltige tout autour mais grâce à Dieu, elle ne pénètre pas… Ce qui frappe tout d’abord, ce qui est le cachet de toutes ces âmes, c’est une profonde humilité, un sentiment qui ne les abandonne jamais de leur faiblesse, une préoccupation habituelle de ne pas paraître tellement impérieuse qu’elles ont dû souvent faire effort pour agir, tant elles craignaient l’éclat qui accompagne les bonnes actions.

Ce grand vide d’eux-mêmes, les saints l’ont comblé en se remplissant vraiment de la grâce et de la vertu de Dieu. Aussi peut-on dire en toute vérité que par les saints Dieu rayonne. On ne peut plus douter de sa présence, puisqu’il vit en eux ; on ne peut douter de son action, puisqu’il inspire de tels actes. Avouons-le, mes frères, le grand défaut de Dieu pour nous, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, c’est qu’il est caché ; aussi a-t-il ménagé notre faiblesse en se révélant dans ses saints.

(Père Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel, 1ernovembre 1908).

Écho de notre page Facebook : octobre 2018

 

27-28 octobre 2018

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Mc 10, 51, par le père Lagrange o.p.

Christ healing Bartimeus par Carmel Cauchi-1994-George Eliot Hospital Chapel, Nuneaton
Copyright George Eliot Hospital Chapel / Supplied by The Public Catalogue Foundation

« Comme Jésus allait entrer , une demi-heure environ après avoir quitté la vieille ville [de Jéricho], une foule nombreuse le suivait. On se disait son nom, on l’acclamait. Un aveugle se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi. » Il se nommait Bartimée, d’après saint Marc qui l’avait sûrement connu parmi les frères. Il est vraisemblable qu’il se tenait là avec un autre aveugle, selon l’usage de ces malheureux de cheminer deux à deux ; cet autre partagea sa guérison, mais est demeuré inconnu. Bartimée, d’un caractère ardent et spontané, criait si fort, qu’on lui imposa silence. Mais lui de crier encore plus haut : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus était déjà passé. Touché de son malheur, et aussi de tant de confiance, il s’arrêta : « Appelez-le ! » La foule, mobile comme toujours, s’intéresse maintenant à l’aveugle. « Courage ! lève-toi ; il t’appelle. » Alors l’homme au lieu de s’avancer en tâtonnant pour bien faire constater qu’il était aveugle et inspirer la pitié, jette son manteau pour être plus libre, bondit, et d’un instinct très sûr se trouve en face de Jésus. Afin de lui permettre d’exprimer publiquement sa foi, le Sauveur demande à l’aveugle : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Mais que peut désirer un aveugle ? « Maître, que je voie ! » Et Jésus lui dit : « Va ; ta foi t’a sauvé. » Aussitôt il fut guéri et il le suivit, et sa reconnaissance éclatant en louanges envers Dieu, la curiosité de la foule se transforma en une pieuse admiration » (Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, p. 456, Artège-Lethielleux, 2017).

Un autre commentaire de ce même évangile nous est donné pour ce dimanche par le fr. Jean-François Rauscher o.p. nous montrant, à l’exemple de Bartimée, comment « suivre Jésus sur le chemin ». cath.ch

 

22 octobre 2018

Saint Jean-Paul II loue le père Lagrange

En septembre 2010, nous diffusions dans la Revue du Rosaire le texte suivant que nous partageons, à nouveau volontiers, avec vous en ce jour de la fête de Saint Jean-Paul II :

S’adressant aux membres de l’Académie pontificale des sciences le 31 octobre 1992, le pape Jean-Paul II a comparé la crise provoquée par la condamnation de Galilée à celle qui occasionna le désaveu du Père Lagrange :

« En vertu de sa mission propre, l’Église a le devoir d’être attentive aux incidences pastorales de sa parole. Qu’il soit clair, avant tout, que cette parole doit correspondre à la vérité. Mais il s’agit de savoir comment prendre en considération une donnée scientifique nouvelle quand elle semble contredire des vérités de foi. Le jugement pastoral que demandait la théorie copernicienne était difficile à porter dans la mesure où le géocentrisme semblait faire partie de l’enseignement lui-même de l’Écriture. Il aurait fallu tout ensemble vaincre des habitudes de pensée et inventer une pédagogie  capable d’éclairer le peuple de Dieu. Disons, d’une manière générale, que le pasteur doit se montrer prêt à une authentique audace, évitant le double écueil de l’attitude timorée et du jugement précipité, qui l’un et l’autre peuvent faire beaucoup de mal.

Une crise analogue à celle dont nous parlons peut être ici évoquée. Au siècle passé et au début du nôtre, le progrès des sciences historiques a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur la Bible et le milieu biblique. Le contexte rationaliste dans lequel, le plus souvent, les acquis étaient présentés, a pu sembler les rendre ruineux pour la foi chrétienne. Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu’il fallait rejeter des conclusions historiques, sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. 

L’œuvre d’un pionnier comme le Père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base des critères sûrs. (1) »

(1)  Acta Apostolicae Sedis 85 (1993) 764-772, Cité par Bernard MONTAGNES, o.p, Le serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange, o.p. (1855-1938), Biographie critique, Rome 1999, p. 460.

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/speeches/1992/october/documents/hf_jp-ii_spe_19921031_accademia-scienze.html

 

18 octobre 2018

Saint Luc, évangéliste, 1er siècle, par le père LagrangeSaint Luc peignant la Vierge par Luca Giordano (17e)

Saint Luc peignant la Vierge par Luca Giordano (17e)

Le père Lagrange dans son introduction de l’Évangile selon saint Luc (1941, p. XVIII) nous dit que : « Saint Luc est le patron de la peinture chrétienne. Et certes elle lui doit plus qu’à personne. C’est dans son évangile que les peintres du Moyen Âge et de la Renaissance ont pris leurs thèmes favoris, l’Annonciation, la Visitation, l’adoration des bergers, la présentation au Temple, l’enfant Jésus parmi les docteurs, la pècheresse, les disciples d’Emmaüs, et tant d’autres. Lui-même aurait été peintre, en même temps que médecin.

Cette tradition vient de l’Église de Jérusalem. Nicéphore Calliste, du XIVsiècle, la récite d’après Théodore le Lecteur. L’impératrice Eudocie, fondatrice de l’église de la lapidation de saint Étienne, aurait envoyé à Pulchérie une icône de la mère de Dieu peinte par saint Luc. Si ce Théodore anagnostès est de 530 environ, comme le dit Krumbacher, il aurait été postérieur de moins d’un siècle à Eudocie. Et si l’on possédait alors à Jérusalem une très antique image de la Vierge, pourquoi l’attribuer à un médecin si la tradition n’en faisait pas un peintre ? Ce peut être toutefois l’expression d’une autre tradition que suggère le texte lui-même, sur le soin que prit l’évangéliste de s’informer auprès de la mère de Jésus. »

Note : Lorsqu’il était au petit séminaire d’Autun, Albert Lagrange fit d’excellentes études secondaires. On apprenait alors, par cœur, l’évangile de saint Luc en grec !

15 octobre 2018

Sainte Thérèse d’Avila, vénérée par le père Lagrange

Santa Teresa de Jesùs-Carmelitas Delcalzas. Jaèn

Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), « la grande Thérèse »

Docteur de l’Église, réformatrice du Carmel et patronne de l’Espagne

Durant l’exil des frères de Saint-Maximin en Espagne, à Salamanque, en 1883, le frère Marie-Joseph Lagrange, avec la proximité de sainte Thérèse d’Avila, vénérée à Alba de Tormès, où les frères se rendent en pèlerinage à plusieurs reprises : Marie-Joseph Lagrange devient pour toujours un fidèle dévot de la Madre. Expériences spirituelles, trop discrètement rapportées, dans des passages de son Journal spirituel. (B. Montagnes o.p., Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, 2004.)

Dans l’un de ses articles, le père Montagnes nous précise ce que le père Lagrange doit à Thérèse d’Avila : une « belle doctrine », une « belle pensée » « Mon Dieu, votre lumière est admirable ! Soyez béni de l’avoir prodiguée à votre fidèle, Thérèse de Jésus ! » « Ma bonne et chère sainte, ma courageuse sainte, donnez-moi quelque chose de votre amour pour « Jésus. » « La lecture des lettres de sainte Thérèse – toujours elle – me donne beaucoup d’estime du courage, de l’action. »

Pour lire l’article en entier : Ce que le père Lagrange doit à Sainte Thérèse d’Avila

 

14 octobre 2018

Canonisation du pape Paul VI

Rappelons-nous : le 14 mars 1974, le pape Paul VI prononçait un discours aux membres de la Commission biblique pontificale réunie à la suite du concile Vatican II, le rôle essentiel du père Lagrange dans le progrès de l’exégèse : Le pape Paul VI loue le père Lagrange

 

13 octobre 2018

La foi de l’Église, la foi de la Vierge Marie pour le père Lagrange o.p.

Vierge du Rosaire et Saint Dominique-Toulouse

La foi de l’Église est la foi de la Vierge Marie. Imprégné dès son enfance de la dévotion à la Vierge Immaculée si chère aux Lyonnais, le père Lagrange a vécu en communion quotidienne avec la Mère de Jésus qu’il priait dans le Rosaire.

En bon dominicain, cette relation filiale envers la Vierge Marie se traduisait en fruits apostoliques. L’École biblique ainsi que plusieurs ouvrages exégétiques ont été mis sous le patronage de la Mère de Dieu. Il aimait choisir les fêtes de la Vierge pour signer ses études bibliques.

Disciple et missionnaire de son Fils, la Vierge Marie joue un rôle important dans la foi des chrétiens et dans la Nouvelle Évangélisation. (Le père Lagrange, lumière pour la nouvelle évangélisation(extrait) par Fr. Manuel Rivero, o.p.) Pour relire l’article en entier : Le père Lagrange, lumière pour la nouvelle évangélisation

Aujourd’hui, plus que jamais, le pape François nous demande de prier chaque jour la Vierge Marie pour l’Église. La prière du chapelet nous y aide, chez soi, en équipe…

11 octobre 2018

L’institution de l’eucharistie par fr. Marie-Joseph Lagrange o.p. et l’eucharistie par saint Jean XXIII

Fra Angelico-Institution de l’eucharistie-Cell 3

Le chef-d’œuvre, le trait divin de l’eucharistie, est d’avoir surpassé l’ambition insensée des désirs par la plénitude du don, mais sous une forme délicatement spirituelle qui écarte toutes les images grossières, et donne à entendre que la véritable union ne s’arrête pas à la manducation. Cet acte extérieur atteindra toujours la réalité du corps du Christ, mais le fidèle ne se nourrira vraiment de lui que si l’amour opère le rapprochement de notre esprit à l’Esprit du Christ. Laissons des critiques malins articuler le sarcasme de «magie». Toute la vie spirituelle de l’Église, amour de Dieu et amour du prochain, est suspendue à ce charme d’énergie divine, et de délices pour le cœur des croyants.
(Marie-Joseph-Lagrange O.P., L’Évangile de Jésus Christ, p. 549, Artège-Lethielleux, 2017.)

L’eucharistie du saint pape Jean XXIII
« Oh ! comme je sens la signification et la tendresse du « Domine non sum dignus » de chaque matin avec l’Hostie sainte en main et comme sceau d’humilité et d’amour. » (Henri Fesquet, Les fioretti du bon pape Jean, Fayard, 1963.)

10 octobre 2018

Jour-anniversaire (10 mars 1938) de la « montée au ciel » du père Marie-Joseph Lagrange o.p.

Aujourd’hui, nous sommes en communion de prières avec frère Manuel Rivero o.p. qui célèbre la messe pour la béatification du père Lagrange. Comme le père Lagrange, accueillons Marie comme Mère de la Parole faite chair ! et n’oublions pas qu’il intercède pour nous avec la Vierge Marie et tous les saints.

Notre intention de prière de ce jour pour : Emma, 9 mois et Hugo, 34 mois qui souffrent de maladie lysosomale, et pour leurs parents.

Vous pouvez confier vos intentions ainsi que les grâces reçues : pere.marie.joseph.lagrange@gmail.com.

9 octobre 2018

Saint Louis Bertrand-Friesach- Dominikanerkirche-Kanzel

Le père Lagrange dans son Journal spirituel priait saint Louis Bertrand o.p.

Le père Lagrange dans son Journal spirituel priait saint Louis Bertrand.

Saint Louis Bertrand, priez pour nous.

Pour ceux qui ne connaissent pas cette grande figure dominicaine, se reporter à la page internet des Dominicains du Canada : http://www.dominicains.ca/Histoire/Figures/bertrand.htm

 

 

8 octobre 2018

La figure du père Lagrange reste une grande inspiration, par le P. Jean-Jacques Pérennès o.p.

Au cours d’une interview de fr. Jean-Jacques Pérennès o.p., directeur de l’École biblique de Jérusalem, l’une des questions était la suivante :

P. Jean-Jacques Pérennès, directeur de l’École biblique

Une figure reste indissociable de l’École biblique, celle du père Lagrange. Que vous inspire cette grande figure aujourd’hui ? Que reste-t-il de son intuition ?

La figure du père Lagrange reste en effet une grande inspiration pour nous, car il a su mener une étude savante de la Bible, prenant en compte l’apport parfois déroutant des sciences modernes, tout en le faisant in medio ecclesiae, et ce, malgré les critiques très dures et parfois injustes dont il a été l’objet de la part de la hiérarchie et/ou de certains de ses membres. Nous espérons que l’aboutissement de sa cause de béatification permette de mettre en lumière cette possibilité d’être à la fois un grand savant et un grand croyant. (Lire la suite : http://www.op.org/…/125-ans-pour-lecole-biblique-de-jerusal…)

6 octobre 2018

Le secret de la vie du père Lagrange

Vierge du Rosaire-François Brea (1555)-église de Saint-Martin-d’Entraunes Alpes-Maritimes-panneau central de la Vierge du Rosaire.

 

 

 

Le secret de sa vie, c’était ce grand amour pour « Marie Immaculée, Reine du Rosaire » : le Père cachait jalousement ce trésor semblable à ces fleurs délicates et si belles que l’on craint de les cueillir en bouquet de peur qu’elles ne se fanent

(Fr. Marie-Réginald Loew, o.p., la Revue du Rosaire, n° 10-11, octobre-novembre 1939.)

 

 

 

 

 

5 octobre 2018

La foi de Marie demeure un modèle et une référence pour le père Lagrange

Sainte Marie, mère de Dieu-Autun

« Si Jésus sur la Croix a dû subir l’abandon de son Père, pourquoi l’âme de Marie n’aurait-elle pas connu des épreuves mystérieuses qui la plongeaient dans une sorte d’obscurité ? Peut-être ? Cependant Luc n’aurait pas écrit cette phrase, si l’on n’en avait recueilli l’expression de la bouche de Marie. Au moment où la Mère de Jésus rappelait aux premiers chrétiens les souvenirs qu’elle avait conservés dans son cœur, elle pouvait bien dire que dans ces premiers et heureux temps elle n’avait pas compris tout ce que comportaient la nature et la mission de son Fils. Pourquoi avait-il dû se séparer d’eux pour être chez son Père ? Première douleur imposée à la Mère, qui en présageait bien d’autres. » M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Luc, p. 97-98.

(Manuel Rivero, o.p., Le père Lagrange et la Vierge Marie– La spiritualité mariale du père Lagrange, p. 38, Cerf, 2012.

4 octobre 2018

Saint François d’Assise, l’encyclique Laudato si’ et l’avis du père Lagrange sur la rédaction d’une encyclique par le Saint-Père

Saint François d’Assise remettant la règle à ses disciples-Nicolo Antonio Colantonio (15e)-Musée national de Capodimonte-Naples-Italie_

« Laudato si’, mi’ Signore » – « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe »

C’est par ces paroles que le Saint-Père François commence son encyclique qui nous invite à protéger la Création et à respecter la sacralité de la vie humaine.

Le P. Lagrange nous dit que « L’Encyclique n’est pas un document ex cathedra, mais en l’adressant aux catholiques, le Souverain Pontife a rempli son office de Pasteur universel, indiquant aux fidèles la direction à suivre dans les questions agitées. Elle a donc droit au respect et à l’obéissance » (RB 4, 1895, p. 54b).

 

 

 

3 octobre 2018

La prière du Rosaire (en communion avec les pèlerins du Rosaire à Lourdes) par le père Lagrange o.p.

Chapelle du rosaire-basilique Saint-Étienne, Jérusalem

Dans une conférence donnée aux laïcs dominicains et publiée à Saint-Maximin, le frère Lagrange définissait ainsi la prière du Rosaire, la reliant à la lecture de la Bible dans une dialectique féconde, un renvoi permanent de la prière du Rosaire à la Bible et de l’étude de la Bible ou de la lectio divina à la prière du Rosaire :  le révélateur de la foi, la source de la grâce, c’est Jésus, mais on a recours pour s’unir à lui à l’intercession de sa très Sainte Mère. Vous entendez bien que c’est là tout le Rosaire. Le Rosaire est un résumé de l’Évangile, nous orientant vers la fin que nous font espérer l’Incarnation et la Passion de Notre-Seigneur Jésus Christ. […] Mais alors le Rosaire supplée à la lecture de l’Écriture,  et la rend inutile ? Disons plutôt qu’il la fait désirer, qu’il nous la rend même nécessaire, si nous voulons réellement avoir devant les yeux les mystères que nous devons méditer.

Photo : La chapelle du rosaire de la basilique Saint-Étienne à Jérusalem où le père Lagrange, devant l’autel de la Vierge, vers deux heures et quart au plus tard, jusqu’à l’heure des Vêpres, égrenait son rosaire à genoux. (Le père Marie-Joseph Lagrange. Sa vie et son œuvrepar le père Louis-Hugues Vincent, o.p., Parole et Silence, 2013.)

2 octobre 2018

Les Saints Anges Gardiens

L’archange Raphaël et Tobie-Giovanni Girolamo Savoldo (16e)-galerie Borghese, Rome, Italie

Le père Lagrange ne manquait jamais d’invoquer son ange gardien :

« Mon saint ange gardien, protégez-moi ! »

Ces anges auxquels nous sommes confiés :
Ce sont nos anges gardiens, ces anges auxquels nous sommes confiés, précisément pour qu’ils nous aident dans le combat spirituel lorsque la tentation nous menace. Ces anges peuvent prendre le visage d’une consolation reçue dans la prière, une force intérieure qui vient nous conforter et nous permettre de surmonter une tentation et de la vaincre. Ces anges peuvent manifester leur action par le témoignage stimulant de frères ou de sœurs qui nous manifestent au bon moment leur sollicitude par un sourire, un conseil, une invitation, une lettre qui arrive au moment opportun et nous évite de céder à une forte tentation. (Fr. Alain Quilici o.p., extrait homélie 9 mars 2003.)

1er octobre 2018

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (1897)

Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) et le père Lagrange (1855-1938) par Bernard Montagnes o.p.

[…] Peut-on raccorder le père Lagrange au char de triomphe de Thérèse de Lisieux ?

Après une enquête difficile sur la provenance du logion [parole], j’ai abouti aux archives du Carmel de Lisieux. Là se trouve une lettre du chanoine Terrillon (1893-1969), prêtre du diocèse de Meaux et vice-postulateur de la cause de Mme Martin, qui avait rencontré le père Lagrange, au printemps de 1927, alors en convalescence dans la maison d’accueil des Franciscaines de Sainte-Marie des Anges à Hyères. Le témoignage du chanoine Terrillon se présente ainsi : « Le R.P. Lagrange, dit un jour à [son] interlocuteur, en parlant du livre du P. Petitot sur sainte Thérèse de Lisieux : « Pourquoi avoir voulu enfermer dans la cage de nos cadres théologiques cette petite sainte, qui était faite pour voler librement en plein ciel du bon Dieu ? » Et il ajoutait finement : « Je lui dois de n’être pas devenu un vieux rat de bibliothèque. Je lui dois tout, car, sans elle, j’aurais dû me racornir, me dessécher l’esprit ». »

(Bernard Montagnes o.p., « Le père Lagrange d’une Thérèse à l’autre », revue Carmel, n° 139, mars 2011, p. 110-119.) Voir le texte en entier : https://www.mj-lagrange.org/?p=2106

Photo : Sainte Thérèse présente deux images de son bréviaire l’une dessinée par elle-même sur laquelle est inscrit : Je suis le Jésus de Thérèse : « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. » L’autre représente le portrait de la Sainte Face, dessiné par sa soeur Céline, en 1905, d’après le Saint Suaire.

Le Journal spirituel inédit de fr. Marie-Joseph Lagrange

Le Journal spirituel inédit du P. Marie-Joseph Lagrange o.p.
Le père Marie-Joseph Lagrange tenait un journal spirituel qu’il remplissait notamment lors des retraites spirituelles annuelles commandées par les Constitutions de l’Ordre des prêcheurs.

Au cours de sa formation au noviciat de Saint-Maximin en 1879-1880, son père des novices avait exhorté les débutants dans la vie religieuse à tenir leur journal spirituel afin de mieux comprendre l’action de Dieu dans leur histoire. Le frère Marie-Joseph Lagrange vénérait son père maître avec qui il partageait un profond amour envers la Vierge Immaculée. Une partie de son Journal spirituel a été déjà publié : Le Père Lagrange au service de la Bible, Souvenirs personnels, Paris, Éditions du Cerf. 1967.  Deux autres cahiers figurent dans les archives de l’Ordre, l’un dans la province dominicaine de Toulouse et l’autre à l’École biblique de Jérusalem, qui n’ont pas encore été édités. Ces pages, après avoir été disponibles sur le site Internet consacré au père Lagrange pour éveiller le sens de la prière et du combat spirituel à sa suite, sont aujourd’hui éditées (Cerf, 2014) grâce à l’Association des amis du père Lagrange avec la précieuse collaboration de fr. Bernard Montagnes o.p., docteur en philosophie et docteur en histoire de l’art, membre de l’Institut historique dominicain, ancien archiviste de la province dominicaine de Toulouse, historien des mouvements de réforme dans l’Ordre des Prêcheurs.

Fr. Manuel Rivero O.P.
Vice-postulateur de la cause de béatification du père Lagrange
Président de l’Association des amis du père Lagrange