Neuvaine de prières proposée par le Diocèse de Belley-Ars
Écho de notre page Facebook : décembre 2020
31 décembre 2020
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Lc 1, 1).
Ce dogme du Verbe est donc le dernier mot de l’évangile sur Jésus Christ, mais tel que saint Jean l’a compris, il rappelle un autre sens encore de l’évangile. L’Évangile n’est pas seulement un livre, car il serait ainsi l’apanage d’une catégorie savante, et il a été donné à tous. Il n’est pas seulement une doctrine, car la doctrine suppose encore des recherches et un privilège des lettrés, et il a été donné au petits et aux simples.
Il faut donc que nous le considérions tel que saint Paul l’a défini : « La vertu de Dieu pour le salut de quiconque croit. » Conçu de la sorte, l’Évangile n’est plus une réalité du passé : il est présent à toutes les générations et à tous dans chaque génération. C’est le Verbe, Parole divine, qui use de son privilège d’éternité pour adresser à tous les siècles son appel.
(Marie-Joseph Lagrange L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 674.)
Photo : Saint Jean l’Évangéliste, In principio de Jean Colombe, enlumineur (15e). Musée du Louvre.
30 décembre 2020
Cependant l’Enfant grandissait et se fortifiait, se remplissant de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui (Lc 2, 40).
Jésus était donc rentré à Nazareth avec Marie, sous la conduite prudente de Joseph.
[…] Jésus eut en lui, comme en d’autres, quelque chose de l’influence de sa Mère. Sa grâce, sa finesse exquise, sa douceur indulgente n’appartiennent qu’à lui.
Mais c’est bien là que se distinguent ceux qui ont senti souvent leur cœur comme détrempé par la tendresse maternelle, leur esprit affiné par les causeries avec la femme vénérée et tendrement aimée qui se plaisait à les initier aux nuances les plus délicates de la vie.
Et si Joseph a appris à son fils adoptif l’art de raboter des planches, ne s’est-il pas offert à lui comme le modèle de l’ouvrier consciencieux, du plus pieux des Israélites ? Nous n’entendrons plus parler de Joseph dans l’Évangile. Il ne devait pas avoir de part à la prédication, étant le grand silencieux », contemplateur du mystère. Il était mort quand commença à annoncer le règne de Dieu celui que les gens de Nazareth nommaient : « Le fils de Marie ».
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017.)
Photo : Atelier de Joseph, charpentier, avec Jésus enfant et Marie par Modesto Faustini (1886-90) Sanctuaire de la Santa Casa (Loreto), intérieur.
29 décembre 2020
Les observances légales ou Présentation de Jésus au Temple : Jésus lumière des nations. (Luc 2, 22-35).
« Le Sauveur promis et annoncé à Israël, né dans Israël, devait se présenter comme l’héritier de la promesse faite à Abraham sanctionnée par l’institution religieuse de la circoncision. La Loi de Moïse avait conservé ce rite. Les parents de Jésus, sa mère et son père adoptif, n’ayant reçu du ciel aucune autre instruction, ne pouvaient que se conformer à cette loi, en pieux Israélites. Jésus fut donc circoncis le huitième jour, et on lui donné le nom de Jésus, indiqué par l’ange à Marie et à Joseph. […] Siméon prenant l’enfant dans ses bras, ce véritable héritier d’Isaïe salue celui qui répandra le salut sur tous les peuples, étant la lumière des nations, sans cesser d’être la gloire d’Israël. Mais cette lumière ne percera pas toutes les ténèbres. […] et parce que l’enfant paraissait endormi dans la passivité de son âge, c’est au cœur de sa Mère qu’il adresse le trait douloureux de sa prophétie : « Voici qu’il est place pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël, et pour être en butte à la contradiction, et ton âme sera transpercée d’un glaive ». Première douleur profonde de la Mère, frappée la première en attendant d’être associée à la Passion de son Fils.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration : Présentation de Jésus au Temple (détail) Fresque de Fra Angelico (1440-1441). Couvent St-Marc-Florence.
29 décembre 2020
Fête de La Sainte Famille, modèle de tout foyer chrétien
Un héritage de famille
La tradition chrétienne parvient à Albert Lagrange par héritage de famille.
« Vous avez reçu un solide esprit de foi dans votre famille, dont le cardinal de Reims me faisait l’éloge il y a quelques jours. » Ainsi s’adressait, en 1907, le [bienheureux] P. Cormier, maître de l’ordre des Prêcheurs, au P. Lagrange. (Cité par B. Montagnes, Exégèse et obéissance. Correspondance Cormier-Lagrange (1904-1916) et dans Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique.)
Illustration : La Sainte Famille à l’agneau par Raphaël (1507) Musée du Prado.
28 décembre 2020
Les Saints Innocents
[…] Un ange du Seigneur vint donc prévenir Joseph, toujours dans son sommeil. Il lui ordonnait de fuir en Égypte avec l’enfant et sa mère, car Hérode allait chercher à faire périr l’enfant. Joseph obéit aussitôt.
[…] Hérode pensait-il encore aux mages ? On lui rappelle qu’ils ne revenaient pas ; il s’informa, apprit qu’ils avaient disparu sans tenir compte de ses ordres. Ainsi il avait été joué par ces naïfs contemplateurs de planètes ! Il entra dans une de ces fureurs qui ont rendu son nom exécrable, qui faisaient dire à Auguste que mieux valait être le porc d’Hérode que son fils ; car il ne mangeait pas de porc et faisait périr ses propres enfants. Son testament contenait des clauses barbares, afin que l’on fût bien obligés de pleurer à sa mort. Il n’est pas rare qu’une terreur superstitieuse succède à l’incrédulité. Le meurtre d’une vingtaine d’enfants comptait peu pour assurer la tranquillité de son trône contre une tentative effrontée. Ne pouvant atteindre les mages, il se vengea sur les compétiteurs désignés par eux et fit massacrer les enfants nouveau-nés à Bethléem et sur son territoire. Pour faire bonne mesure, on remonta jusqu’à deux ans en arrière.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration : Les Saints Innocents par William Charles Thomas Dobson (19e)
26 décembre 2020
Saint Étienne, premier martyr, saint patron des diacres, saint patron de la Basilique St-Étienne et de l’École biblique et archéologique de Jérusalem
Chargé par les apôtres du soin des pauvres et des veuves, le diacre Étienne ne devait pas tarder à prendre dans l’esprit du peuple de Jérusalem une place qui le mît en vue, aux yeux des ennemis du Christ, comme à ceux de ses fidèles. Objet de suspicion, puis de haine pour les scribes et les pharisiens, il fut bientôt appelé au tribunal des Princes et des Prêtres, accusé d’impiété et mis en demeure de défendre sa tête. Peu soucieux de sa vie, mais empressé à glorifier son Maître, il le montra, dans la lumière des prophéties, promis au peuple d’Israël comme l’unique rédempteur auquel il fallait croire pour être sauvé dans le temps et dans l’éternité.
Un arrêt de mort punit son courage. Traîné hors de la ville par la populace dont Saul excitait la rage, il fut lapidé à quelques pas de la porte de Damas, et mourut en pardonnant à ses bourreaux, les yeux au ciel, où il voyait Jésus dans la gloire de son Père.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem – Introduction du P. Marie-Joseph Ollivier o.p., extrait.)
[…] l’évidence [archéologique] traditionnelle fixe la basilique d’Eudocie au lieu du martyre de saint Étienne. La cause est donc jugée de toutes manières : c’est bien le sanctuaire de la lapidation de saint Étienne que la Providence a rendu à des mains catholiques et qu’il s’agit de relever. […] Ce n’est donc pas sans une sage disposition de la Providence qu’une école biblique a été fondée au lieu du martyre de saint Étienne. Il ne suffisait pas du culte religieux à ce confesseur de la foi. Ceux qui sont chargés de l’honorer par la prière publique doivent aussi hériter de son amour pour la vérité, et de son zèle à la prêcher sans crainte.
Or, nous l’avons vu, Étienne parlant à des Juifs puisait tous ses arguments dans l’Écriture sainte dont l’Esprit Saint lui avait connaître le sens divin. […] En inaugurant les études scripturaires, théologiques, historique à l’emplacement de l’ancien monastère d’Eudocie, les dominicains ne font d’ailleurs que reprendre la tradition de son premier abbé, Gabrielos, merveilleusement doué pour les études, qui parlait le grec, le syriaque et le latin. […] L’Écriture sainte a Dieu pour auteur, mais il a plu à Dieu de se servir pour l’écrire d’instruments humains ; la pensée divine avant d’arriver à l’homme a dû, par conséquent, passer par l’esprit et par le cœur d’autres hommes.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Saint Étienne et son sanctuaire à Jérusalem, extraits, éd. Picard, 1894).
Illustration : Saint Étienne (auteur inconnu)
Statue de saint Étienne dans la cour du cloître de la Basilique et de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.
Joyeuse fête de la Nativité !
La Vierge Marie et l’Enfant Jésus, le Prince de la Paix, vénérés, en la Basilique St-Pierre de Rome, par le pape François. Comme nous l’avons vu lors de la célébration de ce 24 décembre.
Nous pouvons, nous aussi, prier devant cette belle œuvre de Sassoferrato (Giovanni Battista Salvi), (Madonna col Bambino), ca. 1650. (NDLR)
Illustration La Madone et l’Enfant par Sassoferrato (Giovanni BattistaSalvi).ca 1650.
25 décembre 2020 : Sainte Fête de la Nativité du Seigneur à tous !
« Aujourd’hui dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ! » (Lc 2, 11)
L’ange dit [aux bergers] : « Ne craignez point ! » Car il venait lui aussi annoncer la bonne nouvelle. L’évangile est donc bien un message du ciel à la terre […] Ils trouveront un enfant dans une mangeoire, non pas abandonné dans sa nudité comme cet étrange berceau le donnerait à croire, mais enveloppé de langes. Et comme si le ciel s’associait à cette joie, une troupe nombreuse de l’armée céleste apparut encore, louant ce Dieu d’Israël qui avait voulu être nommé Iahvé des armées d’En-Haut, et qui allait être reconnu pour l’unique Dieu du monde :
« Gloire à Dieu dans les hauteurs,
Et paix sur la terre parmi les hommes de bonne volonté ! »
(Marie-Joseph Lagrange avec la synopse évangélique, p. 64, Artège, 2017.)
Illustration : Gloria in excelsis Deo (détail) par D. Ghirlandaio (15e).
L’Adoration des bergers (détail) par Georges de la Tour (1643).
De Nazareth à Bethléem pour le recensement de tout l’empire romain ordonné par l’empereur Auguste. (Lc 2, 1-3)
Marie et Joseph, désormais inséparables, furent amenés à prendre le chemin de Bethléem. C’est là que Jésus devait naître d’après les prophéties. […] Joseph devait donc, comme descendant de David, se rendre à Bethléem. […] Joseph et Marie s’engagèrent donc sur la route qui de Nazareth conduisait à Jérusalem, puis à Bethléem, distance longue à parcourir dans la situation de Marie. (Marie-Joseph Lagrange o.p. Extraits de l’Évangile de Jésus Christ, Artège, 2017.)
Illustration : Marie et Joseph sur la route de Bethléem (auteur inconnu).
23 décembre 2020
« Que sera donc cet enfant ? » Et en effet, la main du Seigneur était sur lui (Lc 1,66)
« Jean est son nom. » Le cas était jugé et sans réplique. Avec cet acte de foi et d’obéissance, sa langue fut déliée, et il parla, bénissant le Seigneur avec plus de sentiment encore que les autres. Enfin son silence était rompu ! Que de questions sur son mutisme, sur cette vision qu’il avait eue dans le Temple, sur ce qu’elle avait fait pressentir de cet enfant du miracle ! La curiosité, satisfaite pour le passé, se faisait plus vive pour l’avenir, mais avec un accent d’espérance : Que sera donc cet enfant, sur lequel s’étendait si visible la main de Dieu ?
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ p. 52-53, Artège, 2017.)
Illustration : Fra Angelico (1453) – Zacharie privé de paroles écrit « Jean est nom »
22 décembre 2020
Magnificat
Ce qui est propre au « Magnificat », c’est que cette fois les expressions ne sont pas trop fortes pour dire ce qui s’est opéré en Marie, et qu’elles paraissent à peine suffisantes pour exprimer l’humilité de celle qui glorifie le Seigneur. […] Tout est donc en situation dans le « Magnificat » même dans cette part indispensable d’honneur rendu aux attributs du Seigneur ; ce n’est point l’enthousiasme d’un disciple de Jésus, écrivant à la lumière de ses miracles et de sa résurrection, mais la joie discrète d’une fille de David, d’une fille d’Abraham, remontant le cours des âges pour y rencontrer la promesse, et qui la sait accomplie en elle, rayonnante déjà de l’auréole promise à son front de mère par l’acclamation suppliante de toutes les générations. Et, en effet, toutes les générations accomplissent cette prophétie en la saluant Mère de Dieu.
(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration : Vierge Marie, un détail de Fra Angelico (15e)
21 décembre 2020
Heureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui a été dit de la part du Seigneur (Lc 1, 45)
Marie put arriver le quatrième jour après avoir quitté Nazareth, et entrant dans cette maison amie elle rencontra Élisabeth. La première, elle la salua avec la cordialité d’une parente, la déférence d’une jeune fille pour une femme âgée, une grâce souriante indiquant qu’elle n’ignorait rien. Alors s’opéra ce qu’avait annoncé l’ange à Zacharie, que son fils serait rempli de l’Esprit Saint avant sa naissance : l’enfant tressaillit dans le sein d’Élisabeth. C’était comme un pressentiment obscur de l’approche de Celui dont il devait annoncer la venue parmi les hommes. Sa mère, elle aussi, fut rempli de l’Esprit de Dieu et pleinement éclairée sur la dignité de la Mère du Messie. Elle l’a salua donc à son tour en s’écriant dans un transport sacré : « Vous êtes bénie parmi les femmes, et le fruit de votre sein est béni ! Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Dès que le son de votre salutation est arrivé à mes oreilles, l’enfant a tressailli dans mon sein. Bienheureuse celle qui a cru que s’accomplirait ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur. »
(Extraits de L’Évangile de Jésus Christ par Marie-Joseph Lagrange o.p., p.50-51, Artège, 2017.)
Illustration : La Visitation par Giotto di Bondone (1306), détail, Chapelle Scrovegni, Padoue (Italie).
20 décembre 2020 – 4e Dimanche de l’Avent
« Il sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35).
Cette foi, c’est la pleine lumière, celle du moins que projette dans la raison un mystère qui la surpasse. L’enfant qui doit naître n’aura d’autre Père que Dieu. Certes ce n’est pas l’opération divine dans le sein de Marie qui en fera ce qu’il est déjà, le Fils de Dieu. Sa génération reste éternelle, et le Messie n’aura pas d’autre personnalité que Lui. Mais cette opération donnant naissance à une nature humaine sans autre action humaine, on peut dire qu’elle sera la cause de la sainteté hors pair de l’enfant, et la raison pour laquelle on lui donnera un titre auquel il a droit éternellement, celui de Fils de Dieu. […] Le salut du genre humain commençait. Cette bonne nouvelle fut aussitôt connue au ciel. Elle allait se répandre peu à peu sur la terre. (M.-J. Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique), p. 45-49, Artège, 2017).
Illustration : Madonna del Parto de la Pieve de Montefiesole, Pontassieve (Italie). Antonio di Francesco da Venezia (14e).
19 décembre 2020
« Ne crains pas ! » (Lc 1, 13)
L’ange lui dit: « Ne crains pas ! », parole que Jésus prononcera souvent, car désormais le message de Dieu n’est point une menace : c’est la bonne nouvelle.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration Apparition de l’ange à Zacharie (William Blake-1799-1800)
18 décembre 2020
Se mettre à l’écoute du Seigneur
Voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe, disant : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme, car ce qui est conçu en elle est l’ouvrage de l’Esprit Saint (Mt 1, 20).
Comme Luc, Matthieu a conscience de l’élévation de ces âmes choisies. Tandis que les Apôtres seront si longtemps sans comprendre le vrai rôle du Messie, Joseph est averti, comme Zacharie, qu’il sera le Libérateur du péché. Puis, selon sa coutume, dont nous avons ici le premier exemple, l’évangéliste fait allusion à la prophétie de l’Emmanuel dans Isaïe, la plus claire sur l’enfant-Dieu : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ». […] Réveillé de son sommeil, digne par sa confiance des confidences de Marie, Joseph prit sa femme chez lui, et, quand elle eut un fils, il lui donna son nom de Jésus. C’est donc lui qui introduisit Jésus dans le monde comme descendant de David. (Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, p. 57-58, Artège, 2017.)
Illustration : Le songe de Joseph par López Portaña, Vicente en 1791-1792, (Valencia, 1772-Madrid, 1850). Musée national du Prado, Madrid.
17 décembre 2020
La généalogie de Jésus (Mt 1, 1-17) (Lc 3, 23-38) suivant la synopse évangélique
Joseph en effet descendait de David. Saint Luc et saint Matthieu sont d’accord sur ce point, qui ne semble pas avoir été contesté du vivant du Sauveur. On ne pouvait le saluer Messie sans le croire fils de David. Il l’était par Joseph, que tout le monde regardait comme son père.
Saint Matthieu a fourni dès le début de son évangile son livret de généalogie. Jésus étant l’objet de la promesse faite à Abraham, il convenait de remonter à ce père des autres patriarches, Isaac et Jacob. […] Il eût été plus intéressant à nos yeux de connaître la lignée de Marie, qui seule a transmis à Jésus le sang de David, et nous n’avons aucun élément pour la reconstruire. Dans la pensée de saint Luc, la descendance davidique intéressait surtout les Juifs. Et comme Jésus est le Sauveur du monde et non seulement le Messie des Juifs, il a voulu remonter plus haut que David, jusqu’au père du genre humain, Adam, qui fut de Dieu, non point comme fils, mais comme sa créature. De cette façon Jésus est dans l’humanité un nouveau point de départ qui correspond à celle de la création.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Extraits de L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration :
Painting from the Cathedral at Limburg showing the genealogy of Our Lady and Our Lord, also known as the Tree of Jesse. Spring Grove PA USA
15 décembre 2020
La parabole des deux fils (Mt 21, 28-32)
La doctrine de Jésus, tout en étant conforme aux fondements de la Loi, pouvait bien dérouter les chefs ; mais ils n’avaient pas à reprocher à Jean une innovation quelconque. Il ne prêchait que la pénitence, thème classique. Et vous ne l’avez pas cru ! C’est précisément le grief que craignaient les chefs […] Ces pécheurs, types de ceux qui disent non et après se convertissent, sont bien ceux qui font la volonté du Père. Pourquoi donc, en les voyant les chefs ne les ont-ils pas imités ? Ils sont convaincus par les faits de n’avoir pas reconnu l’autorité de Jean, et (par leur aveu) d’être plus éloignés du royaume de Dieu que les personnes qu’ils méprisent. L’argument suppose que la prédication de Jean et celle de Jésus ont le même terme ; c’était la doctrine du Sauveur. (Extrait de Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile selon saint Matthieu, Lecoffre-Gabalda, 1941, p. 412-413).
Illustration Les deux fils, Mt 21, 28-32 par A.N. Mironov, 2012.
14 décembre 2020
Saint Jean de la Croix, carme, mystique espagnol (1542-1591).
Par le Journal spirituel du père Lagrange on connaît la grande dévotion du père Lagrange pour sainte Thérèse d’Avila, laquelle aidée par saint Jean de la Croix réforma le Carmel.
Dans ce même Journal spirituel, le père Lagrange écrit : 18 octobre 1928 – Premier jour de la retraite prêchée par le R.P. Petitot sur la doctrine de S. Jean de la Croix – 28 octobre 1928 – Fin de la retraite sur S. Jean de la Croix […] La bonne résolution est d’être fidèle à une méditation de 10h10 à 11h40… et à une lecture spirituelle, le soir. « Ayez pitié de nous, Bon Jésus. Ô Dame Sainte Marie… Dieu, confirmez ce que vous avez opéré en nous. »
Illustration : Saint Jean de la Croix. Portrait attribué à Zurbaràn.
13 décembre 2020
Gaudete : Dimanche de la joie : « Chercher la lumière »
L’expérience de la vie porte à conclure que le monde n’est pas ordonné pour la vie présente, à moins de nier la Providence. C’est un monde détraqué, qui suit son cours, au milieu duquel Dieu opère des actes surnaturels, sans qu’ils servent à rétablir suffisamment l’ordre : tout commence ici-bas, mais tout finit ailleurs. Cette situation ne satisfait pas notre esprit, mais elle est conforme à l’enseignement de la foi, et dès lors il ne faut plus s’appuyer que sur la foi, rester dans son obscurité mystérieuse, faire taire les raisonnements humains, tout ce qui peut être un objet de scandale, à suivre son sens propre. Cela n’empêche pas de chercher la lumière, mais il la faut chercher le plus possible directement en Dieu, soit dans la Création, soit dans l’Écriture, soit dans les vérités que l’Église nous enseigne. (M.-J. Lagrange. Journal spirituel, 12 septembre 1894, Cerf, 2014).
Illustration : Dans la lumière de l’Esprit Saint
11 décembre 2020
Qui marche à ta suite, Seigneur, aura la lumière de vie (Ps 1)
La volonté qui aime Dieu est libre parce qu’elle s’agrandit : dès lors les objets bornés ne l’égalent plus. (Ils ne l’égalent jamais absolument, mais ils peuvent l’absorber presque tout entière). – Dieu.
Que de fois j’ai désiré trouver un homme éclairé de la lumière de Dieu, qui m’indiquât ses voies : la Sainte Vierge me l’a donné et m’a montré par des signes non douteux que je devais l’écouter comme son serviteur et son représentant. Il faut donc le faire.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014)
Illustration : Youngsung Kim
10 décembre 2020
Messe-anniversaire du départ au Ciel du père Marie-Joseph Lagrange o.p.
En ce temps de l’Avent, nous marchons vers Bethléem.
Et, comme le 10 de chaque mois, nous nous retrouvons en union de prières avec fr. Manuel Rivero o.p. Confions nos intentions de prières à l’intercession de la Vierge Marie et du père Lagrange o.p. pour la prochaine béatification de ce grand ami de Dieu.
Une intention fervente spéciale pour frère Hugues-François Rovarino o.p. Directeur général du pèlerinage du Rosaire toujours hospitalisé et dont la convalescence sera longue.
Ô Marie, sauvez votre enfant ! (P. Lagrange, dans son Journal spirituel)
8 décembre 2020
Solennité de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie
Prière du P. Lagrange à la Très douce Reine Immaculée
« Très douce Reine Immaculée, la fête de votre Grâce a été le point de départ de ma vocation et, l’année dernière, les marques d’un grand changement en moi : vous m’avez donné un peu goût de la prière et des inspirations si bonnes que je me serais sanctifié si je les avais suivies. Aujourd’hui, je me retrouve avec d’inénarrables misères, un orgueil effrayant : mais j’ai confiance en vous. Ces deux mois de noviciat profès, je les regarde comme une époque de tâtonnements ; maintenant je vais commencer avec votre grâce à servir votre Fils Jésus. Donnez-moi de l’aimer uniquement, plus que mon âme : je serai un fils si respectueux et si aimant pour vous si vous me rendez semblable à Jésus. Partout je glorifierai, j’exalterai votre glorieux privilège, j’inviterai les pécheurs à recourir à votre miséricorde ; je sais bien, moi, que vous les aimez. Ô ma Souveraine, puissé-je mourir pour votre honneur ; que votre nom soit gravé dans mon cœur ; je me donne à vous aujourd’hui encore et à jamais. »
(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, 7 décembre 1880, Cerf, 2014, p. 112.)
Photo : Solennité de L’Immaculée Conception, Ordo Praedicatorum.
7 décembre 2020
Une belle initiative du diocèse de Belley-Ars, diocèse de naissance du père Marie-Josep Lagrange o.p.
Nous nous unissons tous à cette prière.
Dieu notre Père, Seigneur de l’univers et Maître de l’histoire, toujours attentif aux cris de ceux qui t’invoquent, nous nous tournons vers toi avec confiance et nous te supplions de nous libérer de cette grave épidémie comme le firent nos ancêtres dans la foi.
Prions avec le Père Marie-Joseph LAGRANGE, pour que nous ayons à cœur de mieux vivre selon la Parole de Dieu méditée chaque jour :
Toi le Dieu de bonté et de tendresse qui nous a envoyé ton Fils pour nous sauver, écoute nos prières et prends pitié de nous.
Je vous salue Marie,
Viens Esprit de Sainteté…
Notre Père.
7 décembre 2020
La guérison du paralytique (Lc 5, 24-25)
« Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité sur la terre pour remettre les péchés, Jésus s’adressa à celui qui était paralysé : « Je te le dit, lève-toi ! et, prenant ta couchette, va dans ta maison ! » »
Aussitôt l’homme se lève et emporte son grabat. Tous éclatent en transports et bénissent Dieu, car il ne vient pas à la pensée que le dépositaire d’un pouvoir aussi extraordinaire ait blasphémé. L’inouï de cette rémission des péchés est couvert par un miracle facile à constater, l’état du malade étant désespéré pour que ses amis aient eu recours à ce stratagème. La foule est surtout sensible à l’éclat extérieur du miracle.
(Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017, p. 150-151).
Illustration : Guérison du paralytique par Jan Sanders van Hemessen (1495-1580) Art Institute Chicago.
5 décembre 2020
Dans son Journal spirituel, le père Lagrange note à la date du 5 décembre 1880 :
Lever de nuit (1) « Tout ce qui est fait n’est rien, j’ai besoin, ô mon Dieu, d’une grâce d’humilité plus grande que toutes les grâces que vous m’avez faites : ayez pitié de mon misérable orgueil, daignez me rendre humble. Très douce Marie, accordez-moi cette grâce le jour de la fête de la Grâce, Immaculée ! »
(1) Office de nuit, rétabli à Salamanque, ce jour-là jusqu’au jeudi 9 décembre.
(Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014, p. 111.)
Illustration : Par opposition au dogme de l’Immaculée Conception (Nouvelle cathédrale de Salamanque), cette représentation de l’Immaculée Conception (17e) fut profanée en 1864.


Convoqué par le pape Paul III dans le cadre de la réforme protestante, le concile de Trente (1545-1563) engendra un grand mouvement missionnaire dont la Compagnie de Jésus fait partie.
Quand j’étais lycéen au pays basque espagnol, j’ai eu la grâce de participer à une route spirituelle sur les pas de saint François-Xavier, en marchant depuis Pampelune en Espagne jusqu’au château de Xavier, ancienne propriété que la mère de saint François-Xavier, Maria de Azpilicueta, avait apportée en dot à son mariage. C’était un 3 décembre. Ce pèlerinage avait lieu dans la nuit. Il faisait tellement froid que nous avions mis des papiers journaux sur nos visages pour nous réchauffer. Mais la joie habitait nos cœurs !
3 décembre 2020
Bâtir sur le roc (Mt 7, 24-27)
Le père Lagrange nous dit : Il faut agir. Mais agir pour faire la volonté du Père : « Ce n’est pas quiconque me dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui fera la volonté de mon Père. » Depuis que cette parole a été dite, les penseurs chrétiens ont sondé la valeur des actions morales et les conditions de la perfection chrétienne. De plus en plus leur enseignement se résume en ce point que toute la perfection consiste à s’unir à la volonté de Dieu, à l’accomplir selon ses forces, ou du moins à s’y abandonner. Une seule parole de Jésus faisait déjà toute la lumière. (Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017, p. 177.)
Illustration de Thomas lettering Co.
2 décembre 2020
La compassion de Jésus (Mt 15, 29-37)
Dans son commentaire de cette parabole, le père Lagrange écrit : « Il se passa alors ce qu’on pouvait attendre de la bonté de Jésus. Toute cette foule était là depuis trois jours ; on amenait sans cesse de nouveaux malades ; avec les guérisons la masse augmentait. Ce spectacle inouï faisait tout oublier. Après avoir récompensé leur foi par ces miracles, Jésus eut pitié d’eux-mêmes, qui n’avaient rien à manger, et ne voulu pas les renvoyer à jeun, car quelques-uns étaient venus de loin et ils étaient exposés à défaillir en route. On était alors dans les chaleurs de l’été, si lourdes dans cette cuvette basse entourée de montagnes. Cette foi les Apôtres avaient une petite provision de sept pains, à peine suffisante pour eux, et quelques poissons fournis par la pêche. Jésus prit les pains et, rendant grâces, il les rompit et les fit distribuer par ses disciples. Il fit de même pour les poissons. Quatre mille hommes furent ainsi rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles des morceaux qui étaient restés. » (L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017, p. 275.)
Illustration : Milagro de los panes y los peces de Juan de Espinal-Ayuntamiento de Sevilla-1750.
1er décembre 2020
Dans la lumière de l’Esprit Saint, il revient à chacun de discerner en Jésus la présence du Messie révélé et d’orienter son existence par rapport à lui : « on tombe ou on se relève, selon qu’on prend parti pour lui » (M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Luc, p. 87).
Jésus deviendra cause – signe – de salut ou de catastrophe selon l’attitude prise à son égard. Le père Lagrange met l’accent sur la connaissance du Christ plutôt que sur la morale. C’est par le discernement de la vérité révélée en Jésus que l’homme parvient au salut par la foi. D’où la nécessité d’annoncer par la prédication la manifestation de Jésus Messie.
Illustration : The Virgin of the Holy Spirit (Peruvian, Cuzco School, Late 17e)
Private Collection, Madrid, since ca. 1940.
This visionary depiction of the Virgin Mary with attendant saints and angels is a superb example of the art of the Cuzco School. The arrival of the Spanish bishop Manuel de Mollinedo y Angulo in Cuzco in the early 1670’s led to the emergence of a distinctive regional school of painting in the Peruvian city—one that combined traditional European iconography with the artistic techniques and stylistic predilections of the local populace. The Bishop was a great patron and promoter of the arts, particularly of religious paintings, and painter’s workshops abounded in the city in the seventeenth and into the eighteenth centuries. Like so many paintings of the period, the Virgin of the Holy Spirit is a stylized and decorative treatment of the subject, one consonant with the ornamental preferences of the arts in the city, yet with a legibility permitting the communication of its religious content to the viewer.
The Virgin is here depicted in the center of the composition, floating before a brilliant blue sky, and dressed in a lavish, gold-trimmed red garment and blue mantle. Her halo is inscribed “Per Maria Cum Maria Et In Maria” (For Maria, With Maria, and In Maria), and the vignette in the lower center contains a version of Psalm 103 intended to be recited as a prayer for the intercession of the Virgin: “Interiora B[eata] Virginis/ Benedict anima mea Domin[o]/ et omnia Interiora mea/ Nomine Sancto eius” (Praise the Lord, O my soul: and all that is within me praise his holy Name). The Virgin is the central focus of the painting and the object both of the viewer’s devotion and that of the cast of holy figures that surround her. In the upper center, God the Father looks down upon her, blessing her. He is accompanied by two archangels—Michael on his left and Gabriel, the annunciate angel, on his right. On either side of the Virgin float two putti that hold banderoles inscribed “Ave” and “Maria.” In the lower register, Saint Dominic, the Christ child, and Saint Francis look up at her.
The iconographic type of our painting appears to be unique in Colonial Painting. Here the Virgin Mary is shown with the Holy Spirit descending upon her from heaven, represented by the white dove represented just above her folded hands. While most paintings of the period follow established iconographic models, no known prototype of this image, either in painted or print form, is known.
© 2020 Robert Simon Fine Art, Inc.
Écho de notre page Facebook : novembre 2020
30 novembre 2020
Saint André, l’apôtre
L’appel définitif, par Jésus, de ses deux premiers disciples : Simon – dit Pierre et André son frère.
« Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 18-20)
Dans son commentaire, le père Lagrange ne nomme pas André, mais il précise que Jésus fit comprendre à Simon dans quelle large mesure il serait associé à son œuvre, lui et d’autres avec lui.
Illustration : L’appel définitif de Jésus à André et à Pierre par Domenico Ghirlandaio (détail) (1481).
29 novembre 2020
Veillez !
1er dimanche de l’Avent (Marc 13, 33-37)
« Prenez garde, veillez, car vous ne savez pas quand ce sera le temps. »
Le P. Lagrange nous dit : Conclusion spéciale relativement à la venue du Fils de l’homme : il faut veiller. Jésus inculque cet avis au moyen d’une parabole parallèle à celle du figuier, mais d’un parallélisme antithétique. Le figuier représentait un signe ; il fallait donc être attentif aux signes des temps pour les interpréter. Quant au grand avènement, on ne sait rien et on ne peut rien prévoir. Il n’y a qu’une ressource, c’est de veiller, comme des serviteurs dont le maître viendra à l’improviste, peut-être tôt, peut-être tard. Dans le contexte de Marc, la parabole se rattache à la venue du Fils de l’homme pour juger. Mais chacun ne peut-il pas se dire que la mort est le moment où le Fils de l’homme viendra lui demander des comptes ?
(Marie-Joseph Lagrange o.p. Évangile selon saint Marc, « Études bibliques », Lecoffre-Gabalda, 4e éd., 1935)
26 novembre 2020
La prière
Quel que soit le sort que Dieu réserve aux siens dans ce monde, il veille sur eux, il entend leurs prières ; qu’ils ne se lassent pas de prier, ils seront délivrés selon les voies choisies par une Sagesse infinie. Ce qui ne signifie pas nécessairement une série de victoires miraculeuses qui convertiront le monde, car Jésus laisse ses disciples sous l’impression d’une inquiétude mélancolique : Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Il en trouvera, il vient de nous le dire, puisque tant d’âmes seront sauvées, mais ces derniers temps, avec leur incurie de la justice divine, seront des temps d’épreuve, et c’est alors que la prière devra redoubler ses efforts (Marie-Joseph Lagrange. L’Évangile de Jésus Christ).
AUDIENCE GÉNÉRALE, PAPE FRANÇOIS
Audience Générale Du 25 Nov. 2020 © Vatican Media
Catéchèse : « Le puissant moteur de l’évangélisation sont les réunions de prière »
NOVEMBRE 25, 2020 12:31 ANNE KURIAN-MONTABONEAUDIENCE GÉNÉRALE, PAPE FRANÇOIS
« Nous devons retrouver le sens de l’adoration » (texte intégral)
« Le puissant moteur de l’évangélisation sont les réunions de prière », a assuré le pape François à l’audience générale de ce mercredi matin, 25 novembre 2020 : dans ces réunions, l’on fait « l’expérience vivante de la présence de Jésus » et l’on est « touché par l’Esprit ». « La prière diffuse la lumière et la chaleur », a-t-il souligné.
Poursuivant ses catéchèses sur le thème de la prière, le pape s’est penché sur l’expérience des premières communautés chrétiennes. « Nous devons retrouver le sens de l’adoration. Adorer, adorer Dieu, adorer Jésus, adorer l’Esprit », a-t-il notamment invité. Car « si l’Esprit Saint manque… il n’y a pas l’Eglise. Il y a un beau club d’amis, c’est bien, avec de bonnes intentions, mais il n’y a pas l’Eglise ».
« C’est Dieu qui fait l’Eglise, pas la clameur des œuvres, a rappelé le pape depuis la bibliothèque du palais apostolique. L’Eglise n’est pas un marché; l’Eglise n’est pas un groupe d’entrepreneurs qui vont de l’avant avec cette entreprise nouvelle. L’Eglise est l’œuvre de l’Esprit Saint, que Jésus nous a envoyé pour nous rassembler. »
Le pape François a aussi évoqué « la racine mystique de toute la vie croyante », résumée ainsi : « Dieu donne de l’amour, Dieu demande de l’amour. »
Catéchèse – 16. La prière de l’Eglise naissante
Chers frères et sœurs, bonjour!
Les premiers pas de l’Eglise dans le monde ont été rythmés par la prière. Les écrits apostoliques et la grande narration des Actes des apôtres nous décrivent l’image d’une Eglise en chemin, une Eglise active, qui trouve cependant dans les réunions de prière la base et l’impulsion pour l’action missionnaire. L’image de la communauté primitive de Jérusalem est un point de référence pour toute autre expérience chrétienne. Luc écrit dans le Livre des Actes: «Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières» (2, 42). La communauté persévère dans la prière.
Nous trouvons ici quatre caractéristiques essentielles de la vie ecclésiale: premièrement, l’écoute de l’enseignement des apôtres; deuxièmement, la préservation de la communion réciproque; troisièmement, la fraction du pain et, quatrièmement, la prière. Celles-ci nous rappellent que l’existence de l’Eglise a un sens si elle reste solidement unie au Christ, c’est-à-dire dans la communauté, dans sa Parole, dans l’Eucharistie et dans la prière. C’est la manière de nous unir, nous, au Christ. La prédication et la catéchèse témoignent des paroles et des gestes du Maître; la recherche constante de la communion fraternelle préserve des égoïsmes et des particularismes; la fraction du pain réalise le sacrement de la présence de Jésus parmi nous: Il ne sera jamais absent, dans l’Eucharistie, c’est vraiment Lui. Il vit et marche avec nous. Et enfin, la prière, qui est l’espace de dialogue avec le Père, à travers le Christ dans l’Esprit Saint.
Tout ce qui dans l’Eglise grandit en dehors de ces “coordonnées”, est privé de fondement. Pour discerner une situation, nous devons nous demander comment sont, dans cette situation, ces quatre coordonnées: la prédication, la recherche constante de la communion fraternelle – la charité -, la fraction du pain – c’est-à-dire la vie eucharistique – et la prière. Toute situation doit être évaluée à la lumière de ces quatre coordonnées. Ce qui ne rentre pas dans ces coordonnées est privé d’ecclésialité, n’est pas ecclésial. C’est Dieu qui fait l’Eglise, pas la clameur des œuvres. L’Eglise n’est pas un marché; l’Eglise n’est pas un groupe d’entrepreneurs qui vont de l’avant avec cette entreprise nouvelle. L’Eglise est l’œuvre de l’Esprit Saint, que Jésus nous a envoyé pour nous rassembler. L’Eglise est précisément le travail de l’Esprit dans la communauté chrétienne, dans la vie communautaire, dans l’Eucharistie, dans la prière, toujours. Et tout ce qui grandit en dehors de ces coordonnées est privé de fondement, est comme une maison construite sur le sable (cf. Mt 7, 24). C’est Dieu qui fait l’Eglise pas la clameur des œuvres. C’est la parole de Jésus qui remplit de sens nos efforts. C’est dans l’humilité que se construit l’avenir du monde.
Parfois, je ressens une grande tristesse quand je vois certaines communautés qui, avec de la bonne volonté, se trompent de chemin, parce qu’elles pensent faire l’Eglise avec des rassemblements, comme si c’était un parti politique: la majorité, la minorité, que pense celui-là, celui-ci, l’autre… “C’est comme un synode, un chemin synodal que nous devons faire”. Je me demande: où est l’Esprit? Où est la prière? Où est l’amour communautaire? Où est l’Eucharistie? Sans ces quatre coordonnées, l’Eglise devient une société humaine, un parti politique – majorité, minorité –, on fait les changements comme s’il s’agissait d’une entreprise, par majorité ou minorité… Mais ce n’est pas l’Esprit Saint. Et la présence de l’Esprit Saint est précisément garantie par ces quatre coordonnées. Pour évaluer une situation, si elle est ecclésiale ou si elle n’est pas ecclésiale, demandons-nous s’il y a ces quatre coordonnées: la vie communautaire, la prière, l’Eucharistie… [la prédication], comment se développe la vie dans ces quatre coordonnées. Si cela manque, l’Esprit manque, et si l’Esprit manque nous serons une belle association humanitaire, de bienfaisance, c’est bien, c’est bien, également un parti, disons ainsi, ecclésial, mais il n’y a pas l’Eglise. Et c’est pourquoi l’Eglise ne peut pas grandir avec ces choses: elle grandit non par prosélytisme, comme n’importe quelle entreprise, mais par attraction. Et qui anime l’attraction? L’Esprit Saint. N’oublions jamais cette parole de Benoît XVI: “L’Eglise ne grandit pas par prosélytisme, elle grandit par attraction”. Si l’Esprit Saint manque, alors que c’est ce qui attire à Jésus, il n’y a pas l’Eglise. Il y a un beau club d’amis, c’est bien, avec de bonnes intentions, mais il n’y a pas l’Eglise, il n’y a pas de synodalité.
En lisant les Actes des apôtres, nous découvrons alors que le puissant moteur de l’évangélisation sont les réunions de prière, où celui qui participe fait l’expérience vivante de la présence de Jésus et est touché par l’Esprit. Les membres de la première communauté – mais cela est toujours valable, également pour nous aujourd’hui – perçoivent que l’histoire de la rencontre avec Jésus ne s’est pas arrêtée au moment de l’Ascension, mais continue dans leur vie. En racontant ce qu’a dit et fait le Seigneur – l’écoute de la Parole – , en priant pour entrer en communion avec Lui, tout devient vivant. La prière diffuse la lumière et la chaleur: le don de l’esprit fait naître en elles la ferveur.
A ce propos, le Catéchisme a une expression très riche. Il dit ainsi: «L’Esprit Saint […] rappelle ainsi le Christ à son Eglise orante, la conduit aussi vers la Vérité tout entière et suscite des formulations nouvelles qui exprimeront l’insondable Mystère du Christ, à l’œuvre dans la vie, les sacrements et la mission de son Eglise» (n. 2625). Voilà l’œuvre de l’Esprit dans l’Eglise: rappeler Jésus. Jésus lui-même l’a dit: Il vous enseignera et vous rappellera. La mission est rappeler Jésus, mais pas comme un exercice mnémonique. Les chrétiens, en marchant sur les chemins de la mission, rappellent Jésus alors qu’ils le rendent à nouveau présent; et de Lui, de son Esprit, ils reçoivent l’“élan” pour aller, pour annoncer, pour servir. Dans la prière, le chrétien se plonge dans le mystère de Dieu qui aime chaque homme, ce Dieu qui désire que l’Evangile soit prêché à tous. Dieu est Dieu pour tous, et en Jésus chaque mur de séparation est définitivement détruit: comme le dit saint Paul, Il est notre paix, c’est-à-dire «celui qui des deux n’a fait qu’un peuple» (Ep 2, 14). Jésus a fait l’unité.
Ainsi, la vie de l’Eglise primitive est rythmée par une succession incessante de célébrations, de convocations, de temps de prière aussi bien communautaire que personnelle. Et c’est l’Esprit qui donne la force aux prédicateurs qui se mettent en voyage, et qui par amour de Jésus sillonnent les mers, affrontent des dangers, se soumettent à des humiliations.
Dieu donne de l’amour, Dieu demande de l’amour. Telle est la racine mystique de toute la vie croyante. Les premiers chrétiens en prière, mais également nous qui venons de nombreux siècles après, vivons tous la même expérience. L’Esprit anime chaque chose. Et chaque chrétien qui n’a pas peur de consacrer du temps à la prière peut faire siennes les paroles de l’apôtre Paul: «Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi» (Ga 2,20). La prière te rend conscient de cela. Ce n’est que dans le silence de l’adoration que l’on fait l’expérience de toute la vérité de ces paroles. Nous devons retrouver le sens de l’adoration. Adorer, adorer Dieu, adorer Jésus, adorer l’Esprit. Le Père, le Fils et l’Esprit: adorer. En silence. La prière d’adoration est la prière qui nous fait reconnaître Dieu comme début et fin de toute l’histoire. Et cette prière est le feu vivant de l’Esprit qui donne force au témoignage et à la mission. Merci.
© Librairie éditrice du Vatican
25 novembre 2020
Ste Catherine [d’Alexandrie, Vierge et Martyre].
Le 25 novembre 1880, Journal spirituel, Fr. Marie-Joseph Lagrange écrit :
Nous sommes allés en promenade sans l’habit religieux : du moins ceux qui le portaient le dissimulaient par une douillette.
« Ô mon Jésus, nous sommes donc bien la balayure de la terre, puisque chassés de France nous ne pouvons marcher à découvert dans la catholique Espagne. Daignez nous fortifier par votre grâce et faire de nous des sauveurs d’âmes. »
Illustration : Miracle : le corps de sainte Catherine d’Alexandrie est transportée par les anges au Sinaï par Karl von Blaas (19e)
24 novembre 2020
Bonjour,
L’Eglise se réjouit de faire mémoire des martyrs du Vietnam canonisés par le saint pape Jean-Paul II le 19 juin 1988. Ce fut une grande joie personnelle que de participer à cette canonisation à Rome avec la paroisse vietnamienne de Paris après avoir réalisé le documentaire sur les martyrs des Missions Etrangères de Paris et de l’Ordre des prêcheurs, dominicains, à Paris et à Elorrio (Vizcaya. Espagne), pour le Jour du Seigneur (France 2).
L’an dernier, à l’occasion du chapitre général au Vietnam, jle Seigneur m’a fait la grâce de visiter un peu le Vietnam et de découvrir le fruit porté par tant de souffrances de la part des chrétiens au Vietnam : laïcs, religieux et religieuses, prêtres, évêques. Les vocations très nombreuses au Vietnam proviennent de la région des martyres, dans le nord du pays, au Tonkin.
Bonne fin de l’année liturgique avec ma prière au Seigneur qui vient.
Fr. Manuel
Saint Théophane Vénard
Missionnaire de la Société des Missions étrangères de Paris, missionnaire au Tonkin et martyr
Né le 21 novembre 1829 à Saint-Loup-sur-Thouet ; mort décapité à Hanoi le 2 février 1961. Canonisé le 19 juin 1988.
À son père
20 janvier 1861
« Très cher, honoré et bien-aimé Père,
Puisque ma sentence se fait encore attendre, je veux vous adresser un nouvel adieu qui sera probablement le dernier. Les jours de ma prison s’écoulent paisiblement. Tous ceux qui m’entourent m’honorent, un bon nombre me portent affection. Depuis le grand mandarin jusqu’au dernier soldat, tous regrettent que la loi du royaume me condamne à mort. Je n’ai point eu à endurer des tortures comme beaucoup de mes frères. Un léger coup de sabre séparera ma tête, come une fleur printanière que le maître du jardin cueille pour son plaisir.
Nous sommes tous des fleurs plantées sur cette terre et que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard. Autre est la rose empourprée, autre est le lys virginal, autre l’humble violette. Tâchons tous de plaire, selon le parfum ou l’éclat qui nous sont donnés, au Souverain Seigneur et Maître.
Je vous souhaite, cher Père, une longue paisible et vertueuse vieillesse. Portez doucement la croix de cette vie, à la suite de Jésus, jusqu’au Calvaire d’un heureux trépas. Père et fils se retrouveront en Paradis. Moi, petit éphémère, je m’en vais le premier. Adieu !
Votre très dévoué et respectueux fils.
J.T. Vénard, M.S.
………………………
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus sur les écrits de père Théophane Vénard : « Ce sont mes pensées, mon âme ressemble à la sienne. »
Deniers entretiens. Nous savons ainsi que, peu après avoir lu le livre consacré au missionnaire martyrisé à Hanoi, Thérèse exprima le désir d’être envoyée au carmel de cette ville, récemment fondé par celui de Saigon, qui devait lui-même son existence à Lisieux.
Thérèse demande une image de Théophane Vénard. Mère Agnès lui procura cette joie : elle lui remit un portrait de Théophane le 10 août 1897 et une relique le 6 septembre.
Poème composé par Thérèse pour Théophane Vénard :
« Ton court exil fut comme un doux cantique, dont les accents savaient toucher les cœurs. Et, pour Jésus, ton âme poétique, à chaque instant, faisait naître des fleurs …
En t’élevant vers la céleste sphère, ton chant d’adieu fut encore printanier : tu murmurais : « Moi, petit éphémère, dans le beau ciel, je m’en vais le premier ! »
Ah ! Si j’étais une fleur printanière que le Seigneur voulut bientôt cueillir descend du ciel à mon heure dernière, je t’en conjure, ô bienheureux Martyr !
De ton amour aux virginales flammes, viens m’embrasser en ce jour mortel et je pourrai voler avec les âmes qui forment ton cortège éternel. »
2 février 1897
23 novembre 2020
Mémoire de la Sainte Vierge Marie
« Ô Vierge Marie ! Ne m’abandonnez pas ! Je m’abandonne entièrement à vous. Je ne m’inquiète de rien, ni si cette retraite me changera, ni si elle sera le salut de tel frère, ni même si j’y recevrai beaucoup de grâces, je remets tout entre vos mains : je m’efforcerai seulement de bien faire les exercices dans les dispositions de votre Cœur Immaculé ! Aimer Jésus sans tant m’inquiéter de ce qui se passe en moi. » (Fr. Marie-Joseph Lagrange, o.p., Journal spirituel, Cerf, 2014.)
Illustration : La Vierge Marie et l’Enfant Jésus. Icône russe.
22 novembre 2020
Solennité du Christ Roi de l’Univers
Le Jugement dernier (Mt 31-46)
[Dans cette parabole,] Jésus se met lui-même en scène, à son avènement dernier, assis sur le trône de gloire qui était celui de Dieu, et qui devient le sien. Déclaration presque aussi solennelle que celle qu’il fera devant le Sanhédrin comme Fils de Dieu. Le voici donc entouré de tous les anges, séparant les élus des autres, comme un berger sépare les brebis, blanches et dociles, des boucs noirs et récalcitrants. Les élus sont à sa droite, comme ses amis, les boucs à la gauche représentent les réprouvés. […] Pourtant la parabole nous porte à espérer la miséricorde même en faveur des pécheurs s’ils ont assisté leur prochain charitablement [en vue du Christ].
(Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2018, p. 530-531.
Illustration : Christ, Sauveur du monde par Andrea Previtali (16e)
Jésus, Serviteur
21 novembre 2020
Mémoire de la Présentation de la Vierge Marie
La marque d’un véritable enfant de Marie, c’est la fidélité à la grâce : pour cela demander une profonde humilité et une contrition parfaite – les deux grâces que j’avais demandées.
(Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel, 21 novembre 1879, Cerf, 2014)
Illustration : Présentation de la Vierge Marie (détail), auteur inconnu.
« Ma maison sera une maison de prière ; et vous en avez fait une caverne de brigands ! » (Lc 19,46)
Dans l’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, p. 110 le père Lagrange nous dit :
Jésus ne toléra pas cette profanation. Sans autre mandat que son titre de Fils, il ne veut pas que la maison de son Père soit un marché. […] L’action de Jésus fut si vive que les disciples étourdis, ne songèrent pas à s’y associer. En y réfléchissant – peut-être assez longtemps après –, ils comprirent ce zèle et se souvinrent de ce que l’Écriture avait dit du zèle pour la maison de Dieu : « Le zèle de ta maison me consumera (Ps 69,10). » Cette parole du psalmiste s’appliquait bien à Jésus, dévoré de zèle, comme autrefois Élie (1 R 19,10), avec le pressentiment que ce zèle pourrait bien lui coûter cher.
Illustration : Jésus chassant les vendeurs du temple (détail) par Jean Jouvenet (17e)
19 novembre 2020
L’Apocalypse de Jean (5, 1-10)
Commenté par le père Lagrange dans son Journal spirituel :
4e vision X, 1-s.
Après la vision de celui qui est sur le Trône, comme au Sinaï, glorifié par les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards, et dans sa main droite un Livre, le Livre des destinées, et personne ne pouvait l’ouvrir et l’ange dit : Qui est digne ? et personne, et je pleurais… alors un des vieillards me dit : ne pleure point ; voici que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David a vaincu, de manière à pouvoir ouvrir le Livre et ses sept sceaux… Et je vis et voici qu’au milieu du Trône et au milieu des vieillards un Agneau était debout ; il semblait avoir été immolé… et quand il eut reçu le Livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfum qui sont les prières des saints. Ils chantaient un cantique nouveau en disant : Vous êtes digne d’ouvrir le Livre, car vous avez été immolé, et vous les avez rachetés pour Dieu, par votre sang, de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation, et vous les avez faits rois et prêtres, et ils règneront sur la terre… Puis l’immense multitude des anges : l’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la sagesse, la richesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction… Et toutes les créatures… À celui qui est assis sur le Trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles.
Nota : Quatre animaux ou Vivants : associés aux quatre évangélistes
Vingt-quatre Vieillards ou Prophètes
Le Livre des destinées : l’Apocalypse
Le lion de la tribu de Judas : le Messie
Les sept sceaux : annonce d’événements successifs
Illustration : Saint Jean recevant les révélations. Partie de la tapisserie monumentale de l’Apocalypse d’Angers commandée par Louis Ier d’Anjou (14e).
18 novembre 2020
L’Apocalypse de saint Jean (4, 1-11)
« C’est le livre de l’avènement : Venez, Seigneur Jésus, nous attendons votre avènement dans nos âmes… l’humilité, l’esprit de sacrifice, le don de soi, mais aussi l’énergie indomptable d’âmes qui se sont dévouées à vous, venez.
Ô Marie, sainte Mère de Dieu, rendez-nous dignes de le recevoir
Venez Seigneur Jésus.
Venez, Seigneur Jésus, nous attendons votre avènement dans nos âmes… l’humilité, l’esprit de sacrifice, le don de soi, mais aussi l’énergie indomptable d’âmes qui se sont dévouées à vous, venez.
Ô Marie, sainte Mère de Dieu, rendez-nous dignes de le recevoir
Venez Seigneur Jésus. »
(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014)
En avril 2020, fr. Jean-Michel Poffet o.p., ancien directeur de l’École biblique de Jérusalem, a donné sept cours sur l’Apocalypse : Une « Révélation » du Christ en vue du Bonheur. Vous pouvez retrouver ces cours sur youtube : L’Apocalypse. Cours de fr. Jean-Michel Poffet o.p.
Illustration ; L’Apocalypse par Giuseppi Papetti
L ‘une des visions de l’apôtre Jean interprétée par le peintre.
17 novembre 2020
« Le Fils de l’homme est venu pour chercher et pour sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10)
Le P. Lagrange nous dit à ce sujet que le fait de Zachée a servi aux disciples atténués de Pélage pour soutenir que dans l’œuvre du salut le premier mouvement devait venir de l’homme. – Serait-il cependant monté sur son sycomore, s’il n’avait été ému dans le cœur par la présence de Jésus, venu à Jéricho pour le convertir ? C’est donc bien Dieu qui commence, mais il faut suivre son impulsion comme Zachée, le saint ami du Sauveur que la France honore à Rocamadour. (L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017, p. 458.)
Illustration : Jésus appelle Zachée
16 novembre 2020
Près de Jéricho, guérison de l’aveugle Bartimée (Luc 18, 35-43)
« Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus était déjà passé. Touché de son malheur, et aussi de tant de confiance, il s’arrêta : « Appelez-le ! » La foule, mobile comme toujours, s’intéresse maintenant à l’aveugle. « Courage ! lève-toi ; il t’appelle. » Alors l’homme au lieu de s’avancer en tâtonnant pour bien faire constater qu’il était aveugle et inspirer la pitié, jette son manteau pour être plus libre, bondit, et d’un instinct très sûr se trouve en face de Jésus. Afin de lui permettre d’exprimer publiquement sa foi, le Sauveur demande à l’aveugle : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Mais que peut désirer un aveugle ? « Maître, que je voie ! » et Jésus lui dit : « Va ; ta foi t’a sauvé. » Aussitôt il fut guéri et il le suivit, et sa reconnaissance éclatant en louanges envers Dieu, la curiosité de la foule se transforma en une pieuse admiration.
(Marie-Joseph Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017)
Illustration : La guérison de Bartimée par Jésus, école italienne (17e).
14 novembre 2020
La prière instante
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité de prier sans se décourager (Luc 18, 1-8).
Dans son commentaire pour cette parabole le père Lagrange écrit : Quel que soit le sort que Dieu réserve aux siens dans ce monde, il veille sur eux, il entend leurs prières ; qu’ils ne se lassent pas de prier, ils seront délivrés selon les voies choisies par une Sagesse infinie. Ce qui ne signifie pas nécessairement une série de victoires miraculeuses qui convertiront le monde, car Jésus laisse ses disciples sous l’impression d’une inquiétude mélancolique : « Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Il en trouvera, il vient de nous le dire, puisque tant d’âmes seront sauvées, mais ces derniers temps avec leur incurie de la justice divine seront des temps d’épreuve, et c’est alors que la prière devra redoubler ses efforts. (L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017, p. 426.)
Illustration : Ego sum lux mundi.
Une des attitudes de saint Dominique en prière (image tirée d’un manuscrit de 1280 environ)
12-13 novembre 2020
La venue du Règne de Dieu, la révélation du Fils de l’homme et le jugement. (Lc 17, 20-37)
Commentaires (extraits) du père Lagrange :
« Il s’agit du Règne de Dieu, tel qu’il existe ici-bas. Dieu règne en nous par la justice, la paix et la joie dans l’Esprit Saint (Épître aux Romains 14, 17). »
« Le thème du discours est la révélation du Fils de l’homme et le jugement. Il se subdivise en cinq petites sections : Ne pas chercher le Fils de l’homme, parce qu’il se manifestera clairement (Lc 17, 22-25) ; les hommes seront dans l’insouciance (26-30) ; il faudra se détacher de tout (31-33) ; alors aura lieu le jugement (34-35), et le rassemblement des élus (37). » (Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941).
Illustration : Jésus et ses disciples (détail) par Masaccio (15e)
La ronde des élus (détail) Fra Angelico (15e)
8 novembre 2020
Parabole des vierges prudentes et des vierges folles (Mt 25 1-13)
Extrait du commentaire du père Lagrange :
La parabole de ce jour n’est pas une allégorie. L’époux ne juge pas comme le fera le Fils de l’homme qu’il ne représente pas directement, et ne fait pas le discernement des dispositions du cœur. La comparaison met seulement ce point en relief – mais avec quelle force ! – que tout est inutile si l’on n’est pas prêt au moment où le Fils de l’homme se présente pour introduire les invités à son festin. […]
Il faut donc laisser à Dieu le choix de ses interventions et de l’heure, et se tenir toujours prêt. Quant aux dispositions qu’il faut apporter au jugement, Jésus les a fait connaître, soit par la parabole des talents sur la fidélité à travailler pour lui en attendant sa venue, soit surtout par le tableau du jugement dernier (Mt 25 31-46).
(L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse, Artège, 2017.)
Illustration : Parabole de la vierge sainte et des vierges folles (détail) par Friedrich Wilhelm Schadow (19e)
7 novembre 2020
Fête de tous les saints de l’Ordre des Prêcheurs
« N’avons-nous pas éprouvé souvent, mes frères, ce sentiment de réconfort, cette consolation, et une nouvelle énergie en pensant à nos saints, à cette glorieuse assemblée présidée par Jésus, où Marie règne à sa droite, où les anges et les saints mêlés ensemble louent le Seigneur qu’ils contemplent et qu’ils possèdent. » (Marie-Joseph Lagrange o.p., Journal spirituel)
Illustration : Tous les saints de l’Ordre des Prêcheurs-Dominicana
6 novembre 2020
Sur l’usage des biens du monde (Lc 16, 1-8)
Commentaire du père Lagrange (extrait) :
Les paraboles sur la joie que donne à Dieu le retour d’un pécheur sont donc terminées par une vue sur l’intimité du juste avec son Seigneur. Elles ne changent rien au principe essentiel de la résolution qu’il faut prendre de le servir coûte que coûte. On dirait que Jésus est revenu cette fois sur ce thème du renoncement, pour en marquer l’aspect positif et encourageant. Il avait dit : « Celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple » (Lc 13, 33).
Mais fallait-il se dépouiller complètement ? Et que faire de ce qu’on rejetait pour suivre Jésus ? Sa doctrine n’est pas un nihilisme destructeur, mais une invitation à la charité envers le prochain. C’est aux pauvres qu’il faut donner ces richesses dont on se débarrasse, et, même si on les garde, on ne doit se considérer que comme un administrateur au nom de Dieu. Cet enseignement débute par la parabole de l’économe infidèle, qui passe pour difficile et qui est cependant très claire.
Illustration : Mosaico que representa a Jesús acompañado por dos discípulos –realizado por el Centro Aletti-Fuente: News. va Español
5 novembre 2020
Parabole de la drachme perdue et retrouvée
« Ainsi je vous le dis : il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15,10).
« La joie dans le ciel, parmi les anges, et aussi en Dieu ; car la vie de Dieu n’est-elle pas la béatitude et la joie ? Mais, comment lui attribuer quelque chose qui ressemble à de la sollicitude ? Et certes, nous savons par les philosophes que Dieu est impassible. Mais, à quoi cela nous sert-il religieusement ? Ce qui nous est bon, c’est de savoir qu’il y a dans la plénitude de ses perfections quelque chose qui remplace et qui dépasse infiniment la plus tendre sollicitude humaine. C’est cette connaissance qui fait que le pécheur ose aimer Dieu, et ce sont ces sentiments du Père que Jésus nous a révélés dans la parabole de l’enfant prodigue. » (Marie-Joseph Lagrange, o.p. dans L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège, 2017.)
Illustration : An angel band in Fra Angelico “Paradise,” 1431–35. (Greg Cook)
4 novembre 2020
Pensée du père Lagrange
« Heureux sommes-nous d’avoir été choisis par Jésus pour lui rendre témoignage dans des temps si durs aux croyants… » (Journal spirituel, 22 décembre 1907).
Icône Christ tendresse, Jésus et Jean de sœur Marie Paul, moniale bénédictine du Mont-des-Oliviers-Jérusalem.
3 novembre 2020
Saint Martin de Porrès, dominicain (1579-1639), surnommé « Martin de la Charité »
Canonisé par le saint pape Jean XXIII le 16 mai 1962.
Sur la charité, le père Lagrange écrit dans son Journal spirituel :
« Quant à ceux qui disent que désormais le monde est mûr pour les vertus naturelles, que la religion chrétienne a conduit au grand principe de la charité, mais que son dogme est désormais superflu… fade rêverie qui ne tient pas compte des faits : que sont les vertus naturelles sans religion, où sont-elles ? L’argument des vertus réservées, chasteté, humilité les touche peu, ils ne les regardent pas comme nécessaires à la bonne marche du monde. Il faut répondre que l’existence de ces vertus est une preuve du divin. »
Martin est né en 1579 à Lima, au Pérou. Sa mère est une descendante des esclaves noirs et son père est chevalier espagnol. Ils ne sont pas mariés et c’est sa mère qui l’élève seul. À cause de sa couleur, son père l’abandonne. L’étymologie de mulâtre et de mulâtresse dérive de l’espagnol « mulo » signifiant… mulet ! Martin de Porrès n’avait donc guère de valeur aux yeux des colons vivant à Lima, en cette fin de XVIe siècle.
À 12 ans, Martin devient plutôt barbier qu’infirmier. À l’époque, les barbiers soignent aussi les blessures. Martin donne son temps pour soigner les plus pauvres et va chaque jour à l’église. À 16 ans, au couvent dominicain Notre-Dame du Rosaire, il devient simple « donatus » (frère donné), plus bas « échelon » chez les prêcheurs, puis frère convers. Il balaye, lave le couvent et joue aussi le rôle d’infirmier, car se confirme en lui un vrai don pour soigner et même guérir.
Malgré l’interdiction qui lui est faite par son prieur, Martin se met à ramener dans sa cellule malades et blessés. Alors qu’on le morigénait d’avoir enfreint les consignes, il se serait exclamé avec une ingénuité :« J’ignorais que le vœu d’obéissance l’emportait sur le précepte de charité. » Il distribue à des personnes démunies de la nourriture et des soins sans différencier riches et pauvres, leur donnant parfois son propre repas. Le pape l’appellera « Martin de la Charité ».
On dit aussi qu’il parlait aux animaux, aux souris, aux dindons, aux chiens errants, qu’il nourrissait. C’est pourquoi on le représente souvent dans les peintures ou les statues accompagné d’un animal. (Monastère des Dominicaines d’Estavayer-Le-Lac)
Illustration : Saint Martin de Porrès (peintre inconnu)
À tous nos chers défunts
« La présence de Jésus en nous, qui m’a été on peut dire révélée, aide à comprendre le mystère de la vie éternelle.
[…] en ce moment les arbres semblent morts, ne croyez-vous pas que la vie agit en silence… c’est le mouvement, le mouvement de la foi, le mouvement de l’espérance, le mouvement de la charité » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel).
À la mémoire de Vincent, Nadine et Simone. Notre prière les accompagne ainsi que leurs chères familles dans ce deuil atroce.
« Pour moi je serai à jamais avec toi, quel autre ai-je au ciel que toi, avec toi je ne veux rien sur la terre, ma chair et mon cœur se consument, mon partage c’est Dieu à jamais. » [ls 72, 25-26] Cité par Fr. Marie-Joseph Lagrange o.p. dans son Journal spirituel.
Litanie des saints
Seigneur, prends pitié.
Seigneur, prends pitié.
Ô christ, prends pitié.
Ô christ, prends pitié.
Seigneur, prends pitié.
Seigneur, prends pitié.
I
Sainte Marie, priez pour nous.
Sainte Mère de Dieu, priez pour nous.
Sainte Vierge des Vierges, priez pour nous.
Saints Michel, Gabriel et Raphaël, priez pour nous.
Saints Anges et Archanges, priez pour nous.
Assemblée sainte des esprits bienheureux, priez pour nous.
Abraham et Élie, priez pour nous.
Saint Jean-Baptiste et saint Joseph, priez pour nous.
Saints patriarches et prophètes, priez pour nous.
II
Saint Pierre et saint Paul, priez pour nous.
Saint Jacques et saint Jean, priez pour nous.
Saint André et saint Thomas, priez pour nous.
Saint Jacques et saint Philippe, priez pour nous.
Saint Barthélémy et saint Matthieu, priez pour nous.
Saint Simon et saint Jude, priez pour nous.
Saint Mathias et saint Barnabé, priez pour nous.
Saint Luc et saint Marc, priez pour nous.
Saints apôtres et saints évangélistes, priez pour nous.
III
Sainte Marie-Madeleine, priez pour nous.
Vous tous, disciples du Seigneur, priez pour nous.
Tous les saints innocents, priez pour nous.
Saint Étienne et saint Laurent, priez pour nous.
Saint Ignace d’Antioche, priez pour nous.
Saints Corneille et Cyprien, priez pour nous.
Saintes Perpétue et Félicité, priez pour nous.
Sainte Agnès et sainte Cécile, priez pour nous.
Vous tous, saints martyrs, priez pour nous.
IV
Saint Basile et saint Athanase, priez pour nous.
Saint Ambroise et saint Augustin, priez pour nous.
Saint Grégoire et saint Jérôme, priez pour nous.
Sainte Catherine de Sienne, priez pour nous.
Sainte Thérèse d’Avila, priez pour nous.
Saints docteurs et confesseurs, priez pour nous.
Saint Clément et saint Martin, priez pour nous.
Saint Denis et Saint Germain, priez pour nous.
Saints évêques du Seigneur, priez pour nous.
V
Saint Jean-Marie Vianney, priez pour nous.
Saints ministres du Seigneur, priez pour nous.
Saint Bruno et saint Bernard, priez pour nous.
Saint Ignace de Loyola, priez pour nous.
Saint François-Xavier, priez pour nous.
Saints fondateurs et évangélisateurs, priez pour nous.
Saint Antoine et saint Benoît, priez pour nous.
Saint François et saint Dominique, priez pour nous.
Saints moines et réformateurs, priez pour nous.
VI
Sainte Jeanne-d’Arc, priez pour nous.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, priez pour nous.
Vous tous, vierges saintes, priez pour nous.
Saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II, priez pour nous.
Bienheureux Christian de Chergé [1], priez pour nous.
Saint Édouard et saint Emmanuel, priez pour nous.
Saint Marcel et sainte Geneviève, priez pour nous.
Tous les saints de notre Église, priez pour nous.
Et vous tous, saints et saintes de Dieu, priez pour nous.
VII
Montre-toi favorable, délivre-nous, Seigneur !
De tout péché et de tout mal, délivre-nous, Seigneur !
De la mort éternelle, délivre-nous, Seigneur !
Par ton Incarnation, délivre-nous, Seigneur !
Par ta mort et ta résurrection, délivre-nous, Seigneur !
Par le don de l’Esprit-Saint, délivre-nous, Seigneur !
VIII
Nous qui sommes pécheurs, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de conduire et de garder ton Église, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de garder dans la sainteté de ton service notre père le pape François, notre évêque Michel et tous les évêques, les prêtres et les diacres de ton Église, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de mettre entre les peuples une entente et une paix sincères, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de donner à tous les hommes de te reconnaître pour leur Seigneur et leur Sauveur, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de nous affermir et nous garder fidèles à te servir, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise d’établir comme témoins de ta vérité et comme artisans de ton amour tous les consacrés, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de bénir ceux que tu as appelés, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de les bénir et de les sanctifier, de grâce, écoute-nous !
Pour qu’il te plaise de les bénir, de les sanctifier et de les consacrer, de grâce, écoute-nous !
Jésus, Fils du Dieu vivant, de grâce, écoute-nous !
Ô Christ, écoute-nous !
Ô Christ, écoute-nous !
Ô Christ, exauce-nous !
Ô Christ, exauce-nous !
1er novembre 2020
Solennité de tous les saints
L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ : Enseignement du père Lagrange O.P. et du cardinal Tauran par Fr. Manuel Rivero O.P.


Les Sept Paroles du Christ en Croix – Fête de la Croix Glorieuse par Fr. Manuel Rivero O.P.
Saint-Denis (La Réunion), le 11 septembre 2020
Prier, ce n’est pas réciter des prières. Prier, c’est entrer dans la prière du Christ.
Sur la croix, Jésus a prié son Père. Les sept paroles du Crucifié nous introduisent dans le moi profond de Jésus où Dieu et l’homme ne font qu’un, mystère où la souffrance humaine et l’amour de Dieu se rencontrent.
Nous pouvons les méditer et les apprendre par cœur et par le cœur pour fêter la Croix glorieuse.
Première parole : « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34)
La mort est proche. Jésus invoque son Père. Non pas pour demander la vengeance ou la punition des grand prêtres, de Pilate ou de la foule, mais pour attirer le pardon divin.
Dieu a envoyé son Fils non pas pour condamner l’humanité mais pour la sauver. Jésus accomplit sur la croix sa mission de réconciliation des pécheurs avec la sainteté de Dieu.
Seul l’amour divin peut délivrer le cœur des hommes. Dans son agonie, Jésus appelle le pardon, c’est-à-dire le don de Dieu, l’Esprit Saint. Son dernier soupir annoncera physiquement le don en plénitude du Souffle saint à la Pentecôte.
Avocat des coupables et des condamnés, Jésus intercède pour ses propres bourreaux. Ce qu’il a enseigné pendant sa vie publique apparaît traduit en actes sur la croix : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous diffament » (Lc 6, 27-28).
Les avocats plaident pour leurs clients et en leur nom. Jésus plaide auprès de son Père pour les pécheurs frappés d’aveuglement : « ils ne savent pas ce qu’ils font ». Saint Paul dira plus tard que s’ils l’avaient connu « ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire » (I Cor 2, 8).
Faute d’intelligence du mystère de Jésus, ils l’ont condamné à mort.
L’amour rend intelligent car il est lumière. Inspiré par Dieu, saint Paul enseigne que l’amour donne le discernement (cf. Ph 1, 10). L’orgueil et la jalousie obscurcissent l’esprit.
Sans sagesse, des responsables religieux et politiques ont condamné à mort le Messie.
Néanmoins, Jésus ne les condamne pas mais il les pardonne en communion avec la volonté de salut du Père.
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36).
Les Pères de l’Église voient dans le bois de la croix « la chaire » d’où le Maître de la Vie enseigne les hommes à croire et à aimer.
Qui peut se dire sans blessures morales, psychologiques ou spirituelles ? Personne. Chacun se bat avec ses plaies ouvertes : des injures, des injustices ou des trahisons.
Le pardon du Christ appelle le pardon des hommes. Et pardonner demeure difficile. Le pardon ne se réduit pas à un désir d’oublier l’offense. Il ne s’agit pas de tourner la page. Jésus nous demande de bénir ceux qui nous maudissent en appelant le Saint-Esprit sur nos ennemis.
Si la fièvre de la vengeance agit en nous, faisons nôtre la première prière de Jésus en croix afin de pardonner comme le Christ Jésus et par la grâce du Saint-Esprit, don parfait de Dieu. Alors nos blessures pourront cicatriser.
Deuxième parole : « Femme, voici ton fils » : Voici ta mère » (Jn 19, 26-27)
Nous pouvons dire « à Jésus par Marie », mais en allant à l’Évangile, nous affirmons aussi « à Marie par Jésus ». C’est Jésus lui-même, dans ce moment solennel et capital, qui nous donne sa Mère pour Mère spirituelle.
Cette maternité spirituelle de la Mère du Messie fait partie du mystère de la Rédemption. Avant de dire « tout est accompli », Jésus a demandé à sa mère de prendre le disciple bien-aimé, Jean, comme fils. En se tournant vers le disciple qui avait reposé sur le cœur de Jésus à la dernière Cène, Jésus a dit : « voici ta mère ». Image de la communauté des disciples, Jean prit aussitôt la Mère deJésus « chez lui », c’est-à-dire non seulement dans sa maison mais surtout dans son cœur de croyant.
En quoi consiste cette maternité spirituelle ? Le Concile Vatican II précise que Marie, la mère de Jésus, agit comme notre Mère par son intercession (cf. Lumen gentium, chapitre VIII). Si lors des noces de Cana (Jn 2), l’intervention de la Mère de Jésus déclencha le premier miracle de la vie publique de Jésus par le changement de l’eau en vin, l’intercession de la Mère de Jésus obtient aux chrétiens le passage de la tristesse à la joie, du péché à la conversion, de la maladie à la guérison.
À la suite de saint Louis-Marie Grignion de Montfort (+1716), les catholiques sont exhortés à confier leur vie à la Mère de Dieu, « advocata nostra », comme le chante le Salve Regina, « notre avocate, la douce Vierge Marie.
Cette deuxième parole de Jésus en croix nous conduit au Cœur immaculée de Marie pour croire comme elle. La foi de Marie est la foi de l’Église.
En prenant la Mère de Jésus pour mère et pour modèle, en lui confiant notre vie et notre mort, ce que nous sommes et ce que nous avons, nous devenons davantage disciples de Jésus. Que pouvons-nous faire de mieux qu’aimer Jésus comme Marie l’a aimé et d’aimer Marie comme Jésus l’a aimé ?
Pour les catholiques, il n’y a qu’un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus. Il est le seul Sauveur. La Vierge Marie, la toute sainte, est la plus grande des sauvés, c’est pourquoi son nom apparaît en premier dans la mémoire des saints au cœur des prières eucharistiques de la messe, avant les apôtres et les martyrs.
Humble servante du Seigneur, Marie ne gêne pas l’unique médiation de son Fils entre Dieu et les hommes. Marie fait partie du mystère du Salut à l’intérieur de la médiation de Jésus, en tant que sa Mère, dont la grandeur réside dans sa foi.
Le saint curé d’Ars appelle la Vierge Marie non pas « la porte du Ciel » mais « la portière », celle qui se tient auprès de son Fils, « la Porte » (Jn 10,9), « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Dans l’Ave Maria, nous demandons à la Mère Dieu de prier pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort ». Humble portière, elle nous accueillera au dernier jour quand nous serons devant la Porte du Ciel, le Christ Jésus.
Troisième parole : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43)
Jésus n’a canonisé qu’un condamné à mort, crucifié à ses côtés.
Sur le Calvaire, trois hommes vivent différemment le même supplice. Dans son malheur, « le mauvais larron » injurie Jésus : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi » (Lc 23,39).
« Le bon larron » discerne la sainteté de Jésus et il met sa foi en lui. C’est pourquoi il reprend son compagnon de supplice : « Tu n’as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes, mais lui n’a rien fait de mal. » Et il prononce cette prière qui lui vaut l’ouverture du Ciel : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton Royaume. » La réponse de Jésus restera gravée dans la mémoire des pécheurs comme signe et assurance du pardon de Dieu accordé par la foi : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis. »
Nul ne peut invoquer ses propres mérites pour obtenir le salut. Dieu l’accorde gratuitement à ceux qui le lui demandent avec foi.
Le mot « aujourd’hui » montre que le sacrifice de Jésus en croix n’a pas été vain pour l’humanité. La porte du Paradis s’ouvre quand le côté de Jésus est transpercé par la lance du soldat romain.
« Le bon larron » entre dans le Paradis avec le Christ. La condamnation à mort de Jésus ne se réduit pas à un faux procès ou à une erreur judiciaire. Il s’agit d’un sacrifice choisi librement : « Ma vie nul ne la prend, c’est moi qui la donne » (Jn 10,18).
Le sang versé par Jésus sur la croix apportera « la rémission des péchés à une multitude » (Mt 26, 28).
C’est pourquoi un condamné à mort devient un modèle dans l’Église à cause de sa foi. Personne ne peut se dire juste. Tous peuvent devenir justifiés, ajustés à la sainteté de Dieu par la confession de foi.
Qui peut nous séparer de l’amour de Dieu ? Rien ni personne sauf nous-mêmes si nous refusons de croire en Jésus Sauveur.
Aussi le pharisaïsme est-il dénoncé dans la parabole de Jésus sur la prière du publicain et du pharisien (Lc 18,9s). Celui qui s’enorgueillit de ses actes en méprisant autrui s’éloigne de Dieu. Le pécheur repenti entre dans l’amour de Dieu.
En menant avec lui dans le Paradis « le bon larron », Jésus manifeste le salut universel obtenu et accordé à tous les pécheurs qui reconnaissent leurs torts.
Les ténèbres du Calvaire sont transpercées par la lumière de la miséricorde divine. Le bois de la croix donne un fruit doux et savoureux de miséricorde. « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » (Rm 5,20.) Le père Lataste, dominicain, apôtre des prisons, découvrit les merveilles accomplies par Dieu en la personne des femmes détenues de la prison de Cadillac (Gironde). Ces femmes condamnées se relevèrent comme les fleurs après la pluie en entendant la Bonne Nouvelle de la miséricorde de Jésus.
Illuminé par cette expérience, le père Lataste s’était exclamé : « Il y a chez les plus grands pécheurs ce qui fait les plus grands saints. »
Le bon larron cachait dans son cœur une grande soif de vérité, de miséricorde et d’amour.
Exemple de foi, la prière du bon larron illumine ceux qui sont dans les ténèbres des prisons et de l’emprisonnement des péchés.
Puissions-nous reprendre la confession de foi de ce crucifié pour entendre des lèvres de Jésus : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis ».
Quatrième parole : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46)
Cette parole de Jésus, le Fils de Dieu, choque la sensibilité du croyant. Comment peut-il parler d’abandon alors qu’il a dit « le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10,30) ? Comment celui qui appelait Dieu « papa », « Abba » (Mc 14, 36), peut-il éprouver la séparation d’avec Dieu ?
Il y a bien sûr, la douleur effrayante de l’étouffement et l’angoisse de la mort qui peut nous faire imaginer le sentiment de solitude et d’abandon de Jésus.
Mais la mort du Christ contient un mystère infini, divin, qui dépasse notre entendement.
Le saint Pape Jean-Paul II dans son encyclique « Salvifici doloris » (n°18) nous ouvre les yeux au mystère de la Rédemption de l’humanité par la souffrance de Jésus. Cette souffrance comprend évidemment la douleur terrible du supplice mais surtout elle relève du péché des hommes.
À l’image d’une éponge qui absorbe le fiel, le corps très saint de Jésus a pris en lui le péché des hommes. Le prophète Isaïe avait annoncé dans le quatrième chant du Serviteur : « Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. (…) Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à tous » (Is 53, 3-6).
Saint Paul reprend ce mystère de la rédemption par la croix en écrivant : « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous » (2 Cor 5,21).
Saint Jean-Paul II de commenter : « mesurant « tout« le mal — contenu dans le péché — qui consiste à tourner le dos à Dieu, le Christ, par la profondeur divine de l’union filiale à son Père, perçoit d’une façon humainement inexprimable la souffrance qu’est la séparation, le rejet du Père, la rupture avec Dieu. » (Salvifici doloris, n°18.)
C’est le péché de l’histoire de l’humanité, pris par lui dans son corps, qui fait éprouver au Christ le tragique sentiment de vide, de solitude et d’abandon propre au péché comme rejet de Dieu.
Saint Jean de la Croix (+1591) enseigne avec son charisme de docteur de l’Église que Jésus accomplissait sur la croix la plus grande œuvre de sa vie, bien au-delà des miracles et des prodiges, car il s’agissait de « la réconciliation du genre humain et de son union à Dieu par la grâce » (cf. La Montée du Carmel, livre 2, ch. 6).
Portons dans notre prière ceux qui sont abandonnés ou qui se sentent abandonnés même par Dieu. Présentons au Seigneur Jésus ceux qui tentent de se suicider ou qui y parviennent. Laissons le jugement à Dieu, le seul à connaître les secrets des âmes. L’Église désapprouve le suicide, mais elle se garde de condamner les personnes qui ont cherché à mettre fin à leur vie. Nous ignorons ce qui se passe dans la conscience des personnes dans les instants qui précèdent la mort où la foi et la prière peuvent changer la destinée d’une vie.
Jésus lui-même a crié sur la croix dans l’angoisse et le sentiment de séparation d’avec son Père.
Prions pour que le Seigneur soit l’espérance des hommes dans le désespoir.
Cinquième parole : « J’ai soif ! » (Jn 19, 28)
Jésus a soif. On lui donne du vinaigre.
Mais Jésus a soif de notre soif de Dieu, de notre conversion.
Lors de la rencontre avec une femme samaritaine autour du puits de Jacob, Jésus, assoiffé, avait demandé à boire au grand étonnement de cette femme qui ne partageait pas les mêmes coutumes religieuses que les Juifs.
Jésus lui avait déclaré : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire« , c’est toi qui l’aurait prié et il t’aurait donné de l’eau vive » (Jn 4,10). L’eau vive est le symbole du Saint-Esprit que Jésus accorde aux âmes assoiffées de Dieu :
Les sœurs de Mère Teresa affichent sur l’un des murs de tous leurs oratoires cette phrase de Jésus : « J’ai soif ».
En effet, Jésus a soif en la personne des pauvres. Ce que nous faisons au plus petit d’entre les hommes qui sont les frères de Jésus c’est à Jésus lui-même que nous le faisons. L’Évangile selon saint Matthieu (Mt 25) nous présente les rencontres avec le Christ vécues parfois à notre insu. Le Christ est présent en la personne de l’affamé, de l’assoiffé, du malade, du prisonnier et de l’étranger.
Les évangiles apocryphes ont rendu populaire Véronique, cette femme compatissante qui s’était approchée de Jésus au cours de sa marche vers le Calvaire. L’étymologie de Véronique, « véritable icône », « véritable visage », annonce la présence du visage du Christ dans les membres souffrants de l’humanité. Véronique a essuyé avec un linge le visage tuméfié de Jésus, couvert de crachats et de sang. Le Seigneur lui a offert en reconnaissance sa Sainte-Face imprimée sur le tissu de sa miséricorde.
Nous pouvons croire aussi que chaque fois que nous aidons ceux qui ont soif de notre aide le Seigneur Jésus imprime sur notre âme sa Sainte-Face. Nous faisons alors l’heureuse expérience de Véronique.
Sur la croix, Jésus a soif d’accomplir la volonté du Père et de s’unir à Lui dans la gloire qu’il avait dès avant la fondation du monde : « Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau » (Psaume 62).
Jésus a soif du salut et de la divinisation des hommes afin qu’ils partagent l’amour du Père : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la création du monde » (Jn 17, 24).
Sixième parole : « Tout est accompli » (Jn 19, 30)
Jésus ne dit pas « tout est fini » mais « tout est accompli ».
La mort du Christ ne représente pas la dégringolade finale mais le sommet de son existence et de sa mission. En donnant sa vie jusqu’à la mort, Jésus accomplit l’œuvre d’amour confiée par le Père.
La perfection apparaît dans la confiance absolue en Dieu et dans l’amour sans limite. La mort de Jésus dévoile le don total de lui-même au Père.
Dans l’Évangile, l’art d’aimer et l’art de mourir vont ensemble et ils ne font qu’un. Aimer, c’est mourir à soi-même, à son ego et à sa volonté de domination et d’indépendance. Qui veut garder sa vie la perd et qui perd sa vie à cause de Jésus la gagne.
La mort de Jésus brille comme l’acte parfait d’amour envers Dieu et envers les hommes. Confiance inconditionnelle de Jésus qui connaît l’anéantissement total jusqu’à l’ensevelissement au tombeau où il attendra la résurrection de son corps par la puissance de l’Esprit Saint envoyé par le Père.
En mourant, Jésus détruit la mort, et aux morts il donnera la Vie.
Pour saint Jean l’évangéliste, Jésus élevé en croix manifeste la gloire de Dieu. La gloire, le poids de l’amour de Dieu, resplendit sur la croix.
Dieu est amour (1 Jn 4,16). L’amour du Christ atteint son sommet sur la croix. C’est là que sa divinité, mystère d’humilité, apparaît à la face de tous les peuples.
C’est ainsi que les disciples de Jésus évaluent la grandeur ou l’insignifiance de leur existence en fonction du don total d’eux-mêmes à Dieu et aux hommes. Il s’agit d’une réalité intérieure. La personne humaine sait très bien si elle se donne au service de Dieu et des autres ou si elle vit pour elle-même, repliée sur la recherche de son bien-être avant tout.
Le cardinal François-Xavier NGUYEN Van THUAN (+2002), qui a subi la prison pendant treize ans au Vietnam à cause de sa fidélité au Christ, aimait à distinguer Dieu et les œuvres de Dieu. Il raconte cela dans la retraite prêchée à la Curie romaine en l’an 2000 : « Une nuit, une voix m’a dit, au profond de mon cœur : « Pourquoi te tourmenter ainsi ? Tu dois faire la différence entre Dieu et les œuvres de Dieu. Tout ce que tu as accompli et que tu désires continuer à faire : visites pastorales, la formation des séminaristes, des religieux, des religieuses, des laïcs, des jeunes, les constructions d’écoles, de foyers pour étudiants, les missions pour l’évangélisation des non chrétiens … tout cela est excellent, ce sont les œuvres de Dieu, mais ce n’est pas Dieu ! Si Dieu veut que tu abandonnes tout cela, fais-le tout de suite et aie confiance en lui. Dieu fera les choses infiniment mieux que toi, il confiera ses œuvres à d’autres qui sont bien plus capables que toi. Tu as choisi Dieu seul, non pas ses œuvres !«
Cette lumière m’a apporté une paix nouvelle, qui a totalement changé ma manière de penser et m’a aidé lors de moments physiquement à la limite du supportable. Dès cet instant, une force nouvelle a rempli mon cœur et m’a accompagné pendant treize ans.
Choisir Dieu et non pas les œuvres de Dieu. Voilà le fondement de la vie chrétienne, à chaque époque. Et c’est en même temps la réponse la plus vraie que l’on puisse donner au monde d’aujourd’hui. C’est le chemin par lequel se réalisent les desseins du Père sur nous, sur l’Église, sur l’humanité de notre temps.
Chaque pasteur pense en effet qu’il a choisi Dieu. Nous nous dépensons tous avec dévouement pour les œuvres de Dieu. Mais je sens qu’il me faut toujours m’examiner à nouveau sincèrement devant Lui : dans ma vie pastorale, quelle est la part de ce qui est à Dieu, et la part ce qui est pour ses œuvres (qui se révèlent d’ailleurs souvent être mes œuvres) ? Quand je refuse d’abandonner une charge ou lorsque j’en désire une autre, suis-je vraiment désintéressé ?[1]».
Seigneur Jésus, accorde-nous la grâce d’accomplir notre vie dans la foi et l’amour.
Septième parole : « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46)
Jésus en tant que Fils unique du Père reçoit tout de Lui.
Sa mission accomplie, Jésus remets sa vie entre les mains du Père.
Dans l’Évangile selon saint Luc, la première et la dernière parole de Jésus est bien « Père ». Lors du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem, à l’âge de 12 ans, Jésus déclare à Marie et à Joseph qui l’avaient cherché angoissés dans la caravane du retour : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2,49). Sur le Calvaire, la dernière parole de Jésus va vers son Père « Père, en tes mains je remets mon esprit ».
Dieu est relation et relation d’amour qui trouve son origine dans le Père, qui engendre le Fils unique bien-aimé dans la communion du Saint-Esprit.
Qui voit Jésus voit son Père qui l’a envoyé. Jésus est l’image du Père. Il a accompli le salut des hommes par l’amour absolu jusqu’à la mort. Et maintenant, il remet sa vie au Père.
Saint Luc précise que Marie et Joseph ne comprirent pas les paroles de Jésus « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2,49). Ils ont gardé dans leur cœur les paroles et les événements de la vie de Jésus, les méditant jour et nuit.
L’Église contemple et médite jour et nuit le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus.
« Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » (Lc 23, 28), leur disait Jésus au cours de son Chemin de croix. Il s’agit de changer de vie en pleurant pour les péchés commis et de transmettre aux enfants la Bonne Nouvelle du Salut par la croix.
En mourant, Jésus entre dans la Vie de son Père. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus voyait dans la mort une pâque, un passage : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».
Les chrétiens célèbrent la mort comme « la naissance au Ciel » ; c’est pourquoi les saints sont fêtés non pas le jour de leur naissance du ventre de leur mère mais le jour de leur naissance au Ciel, c’est-à-dire le jour de leur mort.
Il importe de célébrer les funérailles chrétiennes dans la lumière de la foi en Jésus, mort et ressuscité. Sa mort et sa résurrection forment les deux faces inséparables d’une même monnaie. Pas de résurrection sans mort. Pas de mort sans mouvement pascal vers la résurrection.
Grâce à La Croix Glorieuse de Jésus.
[1] Cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan, Témoins de l’espérance. Le testament du cardinal Van Thuan. Paris. Traduction de Sylvie Garoche. Troisième édition. Éditions Nouvelle Cité. 2000. PP. 63-67.
Écho de notre page Facebook : octobre 2020
2 octobre 2020
Les Saints Anges gardiens
« J’étais décidé à quitter le monde. Comment avertir mes parents ? M. Duchêne vint à la maison le 2 octobre, fête des saints Anges gardiens, l’une de mes trois communions des vacances tout le temps de mon enfance. Mes parents acceptèrent l’appel de Dieu. »
Marie-Joseph Lagrange O.P. Journal spirituel (1879-1932). Avant-propos de Fr. Manuel Rivero O.P. Cerf. 2014.
Illustration : Ange musicien. Melozzo da forli (1480 env.) Pinacothèque Vaticane.
Saints anges gardiens, la troisième communion des vacances au temps de mon adolescence…
Cette retraite devient très douce, s’il n’est rien de plus doux que de mieux servir Dieu, l’offenser moins, penser à lui davantage. Pourquoi n’en est-il pas toujours ainsi ?
Marie-Joseph Lagrange O.P. Journal spirituel (1879-1932). Avant-propos de Fr. Manuel Rivero O.P. Cerf. 2014.
Illustration : Melozzo da forlì, chérubins, 1480 ca. Pinacothèque Vaticane.
3 octobre 2020
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (1873-1897)
« Aimer Jésus et le faire aimer. »
Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée…
(Marie-Joseph Lagrange O.P. Journal spirituel, Cerf, 2014.)
Pour les « anciens », la fête de Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus est restée au 3 octobre.
Bonne fête à toutes les Thérèse.
Illustration : Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus (mosaïque).
4 octobre 2020
Notre Père Saint François d’Assise, diacre
« Il faut épouser l’humilité comme saint François a épousé la pauvreté, par un vrai mariage mystique. Ne pas se pousser au premier plan, affirmer son moi, occuper les autres de son estime, de son affection. » (Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014.)
« Commençons par servir le Seigneur Dieu, car c’est à peine si nous avons accompli quelques progrès… » Ainsi parle François au moment où il achève sa course le 3 octobre 1226. Né en 1192, il a traversé le luxe, la frivolité, la conversion dans la rencontre avec le lépreux et avec le Christ en croix, la foi en l’eucharistie… la découverte de l’évangile… C’est Dieu, toujours, qui conduit. L’amitié entre les deux ordres mendiants des Prêcheurs et des Mineurs (franciscains) est très profonde ; elle se traduit notamment par l’adoption des mêmes textes liturgiques pour la fête de leurs fondateurs respectifs. » Ainsi nous fêtons « Notre Père Saint François ».
L’amitié entre les deux ordres mendiants des Prêcheurs et des Mineurs (franciscains) est très profonde ; elle se traduit notamment par l’adoption des mêmes textes liturgiques pour la fête de leurs fondateurs respectifs. Ainsi nous fêtons « Notre Père Saint François ».
Calendrier dominicain-Ste-Baume
Illustration : S. François d’Assise et S. Dominique. Ordo Praedicatorum.
4 octobre 2020
« La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue le faîte de l’angle. » (Mt 21, 42)
En rejetant avec mépris cette pierre angulaire, les infortunés bâtisseurs préparaient leur ruine. « Quiconque tombera sur cette pierre sera brisé ; et celui sur qui elle tombera sera réduit en miettes. »
Tel est l’avertissement mémorable que Jésus donna à ceux qui s’opiniâtraient à ne pas reconnaître sa mission et ses droits.
(Marie-Joseph Lagrange O.P., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique. Préface de Jean-Michel Poffet O.P. Présentation de Manuel Rivero O.P. Préliminaire de Louis-Hugues Vincent O.P. Artège-Lethielleux. 2017.)
6 octobre 2020
Notre-Dame du Rosaire
Ave Maria
» Le matin du Rosaire, j’étais à Marseille avec mon cousin Langeron, dans cette même église du Rosaire, le soir à Saint-Maximin. Le lendemain 6 octobre, je prenais l’habit ; j’avais stipulé de ne plus faire de retraite ; on me donna le nom de Marie-Joseph. »
(Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Cerf, 2014.)
6 octobre 2020
Le père Lagrange et le Rosaire
Le 3 mai 2008, lors de son discours en la basilique de Sainte-Marie-Majeure, à Rome, le pape Benoît XVI confirmait : « Aujourd’hui la prière du Rosaire n’est pas une pratique reléguée au passé, comme une prière d’un autre temps à laquelle on pense avec nostalgie. Le Rosaire connaît en revanche un nouveau printemps. C’est sans aucun doute un des signes les plus éloquents de l’amour que les jeunes générations nourrissent pour Jésus et pour sa mère Marie. Dans le monde actuel qui est si fragmenté, cette prière nous aide à placer le Christ au centre, comme le faisait la Vierge, qui méditait intérieurement tout ce qui se disait sur son Fils, et ensuite ce qu’Il faisait et disait ».
Le 16 octobre 2002, dans sa lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, le pape Jean-Paul II nous proposait de méditer les mystères lumineux du rosaire. Il est intéressant de découvrir la pensée théologique et spirituelle du frère Lagrange en 1936 telle qu’il la manifestait au cours d’une conférence donnée aux laïcs dominicains appelés à l’époque « tertiaires », c’est-à-dire du Tiers Ordre des Prêcheurs. Pour lui, le rosaire éveille le désir d’approfondir toute la Bible.
« Le Rosaire, comme reflet de la vie de Jésus, est incomplet. On y constate une grande lacune, car il ne dit rien de ce qui est proprement l’Évangile, c’est-à-dire l’enseignement du Sauveur. Cette lacune, il ne pouvait l’éviter, étant une prière qui passe par Marie.
Par une dispensation de sa Sagesse, Dieu n’a pas voulu que la très Sainte Vierge ait pris part ordinairement au ministère de son Fils. Elle apparaît au début, pour solliciter le premier miracle : elle est debout auprès de la Croix pour être constituée par notre Mère par son Fils mourant. Le plus souvent, presque toujours au cours de la prédication, elle est absente. Elle n’avait plus besoin d’être instruite des vérités de l’Évangile telles que Jésus les proposait aux auditeurs, avec mille ménagements appropriés à leur faiblesse.
C’était assez que le Messie fût discuté, méconnu, par un peuple récalcitrant ; la Virginité de sa Mère ne devait pas être jetée en pâture à des enquêteurs malveillants. Elle, absente, le rosaire était interrompu. Mais il en disait assez pour provoquer une curiosité bien légitime.
On ne peut être attentif aux mystères de l’Enfance et de la Passion sans en être porté invinciblement à considérer l’œuvre de l’homme mûr, celle que faisait présager son Enfance, celle qui l’a conduit à sa Passion.
De sorte que l’âme dominicaine, formée par le Rosaire, sera la plus inclinée à se pencher sur l’Évangile pour mieux connaître ce que Jésus exige de nous et l’apprendre dans les faits de sa vie, dans son attitude envers les hommes qu’il est venu sauver, dans les paroles où se répand la lumière, et surtout cette révélation que Dieu est un Père, et qu’il est amour : « Deus caritas est ».
Une fois sur cette voie, le tertiaire dominicain, selon ses facultés et ses loisirs, sera entraîné à la suivre dans les épîtres des Apôtres et surtout de saint Paul, dans les Actes qui conduisent l’Église de Jérusalem à Rome où sera fondé le Siège de Pierre, et même jusque dans cette Jérusalem nouvelle, dont saint Jean nous fait entrevoir dans l’Apocalypse la splendeur encore voilée à nos yeux.
Puis ayant constaté avec quelle fermeté saint Paul affirme que la valeur de l’Ancien Testament est de préparer les âmes au Christ, le dévot du Rosaire voudra connaître ces prophéties auxquelles font allusion les évangélistes et les apôtres, il remontera le cours du temps jusqu’à Jérémie, image du Messie méconnu et souffrant, jusqu’à Isaïe qui eût voulu déchirer les cieux pour en faire descendre l’Emmanuel, jusqu’à David, le type du Roi oint de l’onction divine, jusqu’à Moïse, le législateur dont l’œuvre n’est plus qu’une figure.
Il atteindra Abraham, dont la tente plantée dans le désert contenait toute l’Église, et enfin au premier Adam dont le Christ, le second Adam dans l’histoire, mais le premier par son origine divine, avait expié et réparé la faute.
Alors lui apparaît le Dieu créateur, dont les desseins ne sauraient faillir et qui avait annoncé au couple coupable l’avènement du fils de la femme qui devait triompher du serpent.
Tout cela, l’Église le lui a appris dès ses plus jeunes années, mais le contact avec le livre inspiré, qui est un contact avec l’Esprit de Dieu, le lui rendra plus vivant et par là même plus vivifiant. Le Rosaire aura porté tous ses fruits. » (Fr. Manuel Rivero o. p. dans la Revue du Rosaire, n° 161, octobre 2004)
Illustration N.D. du Rosaire, sculpture de Georges Serraz. Photo O. de St-Martin à Bien Hoa-Viet Nam-07/2019.jpg
6 Octobre 2020
Notre-Dame du Rosaire
« Immaculée Vierge Marie, faites que la récitation de votre rosaire soit pour moi chaque jour, au milieu de mes devoirs multiples, un lien d’unité dans les actes, un tribut de piété filiale, une douce récréation, un secours pour marcher joyeusement dans les sentiers du devoir.
Faites surtout ô Vierge Marie, que l’étude de vos quinze mystères forme peu à peu dans mon âme une atmosphère lumineuse, pure, fortifiante, embaumée, qui pénètre mon intelligence, ma volonté, mon cœur, ma mémoire, mon imagination, tout mon être.
Ainsi contracterai-je l’habitude de prier en travaillant sans le secours des formules, par des regards intérieurs d’admiration et de supplication ou par les aspirations de l’amour.
Je vous le demande, ô Reine du saint Rosaire, par Dominique, votre fils de prédilection, l’insigne prédicateur de vos mystères et le fidèle imitateur de vos vertus. Ainsi soit-il. »
Bx Hyacinthe-Marie Cormier, op
Page FB Dominicains de Bordeaux
La figure du père Cormier est indissociable de celle du père Lagrange. On sait en quelle vénération, bien méritoire, le P. Lagrange tenait le P. Cormier qui l’aimait beaucoup. (P. Bernard Montagnes).
Illustration : Madonna del Rosario par Simone Cantarini (1612-1648) Pinacothèque Tosio Martinengo. Brescia. Italie.
7 octobre 2020
Le père Lagrange, le père Cormier et la prière du Rosaire
Le 6 octobre 1879, au couvent de Saint-Maximin (Var), le Père Lagrange avait reçu l’habit dominicain des mains du prieur provincial le Père Hyacinthe Marie Cormier, apôtre fervent du Rosaire, qui comparait la prière du Rosaire au parfum qui enivre toute l’existence du chrétien :
« Semblable à l’arbre du Liban auquel on n’a point fait d’incision, j’ai rempli toute mon habitation d’un parfum délicieux. »
« C’est Marie dans son Rosaire qui nous parle ainsi. Mais pour comprendre l’application de cette figure, transportons-nous en Orient, sur la belle montagne du Liban si souvent citée, ou plutôt chantée par les Livres saints. Là vous trouvez certains arbres dont les branches, le feuillage et les fleurs ont la propriété de répandre une odeur délicieuse, non seulement dans leur voisinage immédiat, mais même à une certaine distance. Tout le jardin, toute l’atmosphère, l’arbre fût-il totalement caché, sont imprégnés de cette vapeur embaumée, dont les chastes parfums, en même temps qu’ils réjouissent l’odorat, sont des éléments de santé et de vie.
Le Rosaire est figuré par cet arbre à parfum ; et ses émanations étendent leur bienfaisante influence à toute l’habitation, c’est-à-dire à toute la vie. »
Ces deux hommes ont été fortement marqués l’un par l’autre. Le Père Cormier a été pendant de longues années, le supérieur du Père Lagrange qui lui a toujours voué une obéissance loyale. De son côté, le Père Cormier n’a jamais caché son estime et son affection pour ce fils spirituel en saint Dominique.
Le pape Pie X disait souvent en parlant du Père Cormier : « Comme il est saint ! » Puisse la fréquentation de ces deux grandes figures de la foi et de la prédication nous partager le parfum de la sainteté.
Le pape Jean-Paul II a béatifié, le 20 novembre 1994, le père Hyacinthe-Marie Cormier o.p. (1832-1916). Fêté dans la liturgie de l’Église, le 21 mai.
Fr. Manuel Rivero o. p.
Vice-postulateur pour la Cause de béatification du Père Lagrange
Illustration : Madonna en prière. Sassoferrato (1640). National Gallery of Victoria.
8 octobre 2020
L’Esprit Saint, l’avez-vous reçu pour avoir pratiqué la Loi, ou pour avoir écouté le message de la foi ? (Lettre de saint Paul apôtre aux Galates 3, 2)
Le père Lagrange s’est laissé guider par l’Esprit Saint pour conduire l’Église sur le chemin de l’interprétation scientifique de la Bible, accomplissant ainsi l’enseignement de Jésus : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » (Évangile selon saint Jean 8,32). Dieu, qui fait toutes choses nouvelles, a fait du neuf à travers la vie et l’œuvre du père Lagrange.
(Extrait de « Marie-Joseph Lagrange O.P. et Pedro Arrupe S.J., prophètes » par Manuel Rivero O.P.)
Illustration : L’Esprit Saint
10 octobre 2020
Aujourd’hui, jour-anniversaire de la mort du Serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange O.P. (10 mars 1938)
En union de prières avec fr. Manuel Rivero O.P. qui célèbre la messe de ce jour aux intentions particulières des amis de l’association et pour la prochaine béatification du frère Marie-Joseph Lagrange O.P. https://www.mj-lagrange.org
11 octobre 2020
« Je peux tout en celui qui me donne la force. » (Lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens 4, 13)
« L’intelligence a pour objet l’universel et s’agrandit avec son objet : cependant liée aux puissances sensibles, elle peut, en abaissant ses regards sur elles, connaître les objets particuliers. Mais cette nourriture lui enlève sa force et sa vigueur. Il en est de même de la volonté : si elle s’attache à un objet particulier, cette attache cesse d’être purement spirituelle et devient sensible. La volonté n’est vraiment mue par son objet que lorsqu’elle aime toutes les créatures en Dieu et pour Dieu. » (Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel, Cerf, 2014.)
Illustration : Aimez-vous les uns les autres…
12 octobre 2020
Pas d’autre signe que Jésus
« Car ainsi que Jonas fut un signe aux Ninivites, ainsi le Fils de l’homme sera un signe pour cette génération. Luc 21, 30) »
« Jonas a donc été un prédicateur de pénitence […] et investi de l’auréole du miracle […]. Chez Luc, c’est le Fils de l’homme lui-même qui sera le signe, et, en parallèle avec Jonas, un signe ad persuadendum (pour convaincre), n’indiquant pas le jour du jugement, mais un futur indéterminé, parce que la mission du Christ n’est pas finie. » (Marie-Joseph Lagrange, L’Évangile selon saint Luc, Lecoffre-Gabalda, 1941)
Illustration : Psautier de Paris (grec 139), folio 431 (milieu 10e). Jonas jeté à la mer, Jonas craché par le monstre, Jonas et Dieu, prédication à Ninive.
15 octobre 2020
Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), Réformatrice du Carmel, Docteur de l’Église.
Le père Lagrange à Salamanque (1880-1886) par frère Manuel Rivero O.P.
Le contexte politique, ecclésial et dominicain de son séjour en Espagne
Introduction et problématique
Les frères dominicains de la province de Toulouse ont été expulsés de France en application des décrets signés le 29 mars 1880 par Charles de Freycinet, président du Conseil, et Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique. Ces décrets visaient l’expulsion des Jésuites et l’interdiction de vivre en communauté religieuse. 261 couvents furent fermés et 5 643 religieux expulsés.
Accueillis par les dominicains espagnols du couvent de Salamanque, les frères dominicains du Midi de la France – autour de soixante-dix –sont arrivés dans une ville baignée par le fleuve Tormes, le 4 novembre 1880. Ce n’est qu’en 1886 et en 1887 qu’ils sont repartis vers le sud de la France après sept ans de vie religieuse dans le célèbre couvent des maîtres en théologie qui ont marqué l’histoire de l’Église : Francisco de Vitoria, Soto, Melchor Cano …
Quelle était la vie politique, ecclésiale et dominicaine à cette époque en Espagne ? Pourquoi le couvent dominicain de Salamanque était-il presque en ruines ? Quelle était la situation de l’Église espagnole au cours du XIXe siècle ? Pourquoi les frères dominicains avaient-ils abandonné ce couvent glorieux ?
Il importe de bien connaître cet environnement politique et ecclésial pour situer et comprendre la vie du frère Marie-Joseph Lagrange pendant ces six années espagnoles.
Plusieurs historiens espagnols et français ont étudié le devenir des dominicains français de la province de Toulouse à Salamanque, à partir des documents sur l’histoire d’Espagne, ainsi que sur l’évolution de l’Église catholique et de la province dominicaine d’Espagne restaurée, en 1879,après quarante-cinq ans d’exclaustration. Les archives du couvent de Salamanque et de la province dominicaine de Toulouse fournissent assez de renseignements pour se faire une idée de ce que le frère Marie-Joseph Lagrange a vécu au milieu de ses frères en cette région castillane, Salamanque et Zamora, où il reçut l’ordination diaconale et presbytérale.
La situation politique au XIXe siècle
De l’Ancien Régime au libéralisme
Au cours du XIXe siècle la France passe de l’Ancien Régime au libéralisme. À partir des philosophes anglais dont Thomas Hobbes et David Hume, de l’Illustration, philosophie dite des Lumières, la France connaît une Révolution française hostile à l’Église catholique. L’Illustrationessaya de remplacer la vision chrétienne par une philosophie fondée uniquement sur la raison, la raison à la place de Dieu. La raison ne supportait aucune autorité au-dessus d’elle-même. En la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Raison fut fêtée comme une déesse alors que cet édifice sacré recevait un nouveau nom : Temple de la Raison et de la Liberté.
Il s’agissait de rompre avec le christianisme considéré comme une superstition, cause d’obscurantisme et de vie malheureuse, pour émerger à un ordre nouveau séculier, fait de progrès et de bonheur. La religion considérée comme un mythe au sens négatif du terme, vide de contenu, incompatible avec la raison, devait disparaître afin que l’homme devienne libre, égal en dignité et fraternel.
Dans l’Ancien Régime, la société était divisée en trois ordres : le haut clergé, l’aristocratie et le peuple. Au-dessus de tous se trouvait le roi avec son pouvoir absolu. Le haut clergé et l’aristocratie bénéficiaient de privilèges, sans charges fiscales, tandis que le peuple, en particulier, la masse des paysans, portait le poids du travail, des impôts et de la guerre tout en vivant dans la misère.
La Révolution française représenta un essai de dépassement des rapports de domination mais elle n’aboutit pas à la libération escomptée. Encore une fois, l’histoire prouve qu’il ne suffit pas de changer de structures et d’exécuter des personnes pour obtenir la justice et la paix. Sans une conversion de mentalités et des actions personnelles, les révolutions tombent dans l’échec et elles appellent d’autres renversements ; l’homme demeure alors un loup pour l’homme et les rapports de domination restent vivants. Les faibles subissent toujours la loi des forts et un nouveau groupe dominant remplace le précédent.
Le positivisme, le matérialisme et le marxisme nuiront pendant le XIXe siècle à l’Église dans son enseignement, dans ses biens et même dans ses personnes. L’Église subira la persécution et le dépouillement de ses possessions. La vie monastique sera considérée comme inutile ; les vœux comme allant contre la nature. D’où l’interdiction d’exister pour les moines et les religieux.
L’Illustration et le régime libéral vont séparer le trône et l’autel, l’Église et l’État. Cette séparation ne fut pas sans bienfaits pour l’Église qui retrouva une plus grande liberté.
Parmi les événements de l’histoire de l’Église au XIXe siècle nous pouvons signaler : le dogme de l’Immaculée Conception en 1854, les apparitions de la Vierge Marie à Lourdes en 1858, le Syllabus du Pape Pie IX en 1864, le Concile Vatican I et la disparition des États pontificaux en 1870 et l’encyclique du pape Léon XIII « Rerum novarum » le 15 mai 1891, texte de référence pour l’action sociale catholique comme l’était pour les socialistes « Le manifeste du parti communiste » (1848) et « Le Capital » de Karl Marx.
Les événements politiques en Espagne au XIXe siècle
L’Espagne reçut dans sa politique l’influence de l’Illustration et de la Révolution française. La politique espagnole au cours du XIXe siècle représente une succession de bouleversements dont l’Église en subit les contrecoups : le 2 mai 1808, la guerre d’indépendance contre la France ; le 6 juin 1808, José I Bonaparte, roi d’Espagne ; le 19 mars 1812, la Constitution espagnole avec le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et la monarchie constitutionnelle ; en 1814, le roi Fernando VII retrouve l’Espagne ; le 6 octobre 1833, la Première guerre carliste ; en 1835, Juan Alvarez Mendizabal, président du gouvernement ; en 1835, la loi sur l’exclaustration des religieux ; en 1836, la loi sur l’expropriation des biens du clergé (Desamortización) ; en 1851, Concordat de l’État espagnol avec le Saint-Siège (État confessionnel catholique, possibilité pour les religieux d’enseigner dans les écoles et reconnaissance par l’Église des biens expropriés) ; en 1855, loi sur l’expropriation des biens du clergé de Pascual Madoz ; 1868-1874, six ans de gouvernement libéral ; 1872, Troisième guerre carliste ; 11 février 1873, Première République espagnole ; 1874, Restauration des Bourbons avec le roi Alfonso XII ; 1876, Constitution avec la division du pouvoir politique en deux Chambres : le Congrès des députés et le Sénat. Au gouvernement, alternance des partis conservateur, Antonio Cánovas del Castillo (1828-1897) et libéral, Práxedes Mateo Sagasta (1825-1903) ; 1879, Pablo Iglesias fonde le Parti socialiste ouvrier espagnol ; 1885, après la mort du roi Alfonso XII, sa femme, María Cristina de Habsburg-Lorena, est proclamée reine régente. Son fils, Alphonse XIII, naît le 17 mai 1886.
L’Église espagnole au XIXe siècle[1]
Le pape Grégoire XVI condamna le libéralisme en 1832. En 1835, la loi sur l’exclaustration frappa 31 000 religieux et elle entraîna la fermeture de 1 940 couvents de religieux. L’Église catholique souffrit en Espagne pendant cette période : rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le gouvernement espagnol, absence de nominations d’évêques entre 1834 et 1847, plus de quarante diocèses sans évêques, difficile ministère épiscopal en de nombreux cas sous la pression du gouvernement.
La crise économique nationale étant très grave, le gouvernement chercha à la résoudre en saisissant les biens immeubles de l’Église avec les lois d’expropriation des biens du clergé par Mendizabal (1836-1837)[2] ; en réalité les biens furent récupérés par des gens riches qui devinrent plus forts et plus riches. Les pauvres restèrent dans la misère et ils perdirent souvent l’aide apportée par l’Église dans les écoles, les dispensaires, les œuvres de charité …
Le concordat entre l’État espagnol et l’Église en 1851 apporta un certain apaisement dans les relations bilatérales mais il ne suffit pas à restaurer les ordres religieux supprimés, ni à restituer les biens saisis.
Avec la Restauration des Bourbons, à partir de 1874, l’Église retrouve une plus grande liberté.
La restauration de la province dominicaine d’Espagne en 1879 : le couvent de Salamanque
La loi d’exclaustration de 1835 avait dispersé les frères dominicains de la province d’Espagne. Quarante-quatre ans plus tard, en 1879, a lieu la restauration officielle de la provincedominicaine d’Espagne comme le montre le document du 27 janvier 1879, signé par le vicairegénéral de l’ordre des Frères prêcheurs, le frère José María Sanvito, et par le socius espagnol, provincial titulaire de Grèce, le frère José María Larroca.
Le chapitre provincial fut convoqué le 2 mai 1879 au couvent de formation missionnaire à Corias et il se déroula entre le 2 et le 11 mai 1879[3]. Le province dominicaine d’Espagne comprenait à ce moment-là trois couvents représentés au chapitre provincial : Corias, Las Caldas et Padrón. Le frère Martin Clemente y Pulido, élu provincial, évoque dans les actes, les décrets de 1834 à 1836, qui provoquèrent la fermeture des couvents[4].
Le couvent de Salamanque avait souffert des pillages des troupes françaises en 1809[5]. Le décret d’exclaustration de 1835 avait forcé les frères à quitter le couvent. Il avait servi de caserne, d’hôpital et de musée provincial. Le roi Alphonse XII avait relevé la détérioration du bâtiment lors d’un passage dans cette ville en 1877. En 1879, ce glorieux couvent menaçait de s’effondrer[6].
Le frère Martín Clemente y Pulido avait demandé, dès février 1878, aux responsables politiques espagnols l’autorisation de fonder un noviciat qui formerait des missionnaires pour l’Asie (Philippines, Tonkin et Chine). Le gouvernement espagnol comptait sur l’apport de l’Église pour renforcer la paix dans les colonies. Les couvents de formation aux missions bénéficiaient ainsi d’un traitement privilégié par rapport aux autres.
Le 6 juin 1878 un Ordre royal, expédié le 26 juin par le Ministère des finances, demanda à la Direction nationale des propriétés de l’État de livrer l’édifice dominicain à l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo, tertiaire dominicain[7].
Deux ans plus tard, le 9 juin 1880, l’évêque de Salamanque reçut le couvent dominicain qu’il confia aux Dominicains représentés par le frère Andrés María Solla. À cette époque il y avait dans le diocèse de Salamanque plus de cinquante frères prêcheurs exclaustrés.
L’expulsion par la France des dominicains de la province de Toulouse, en 1880, poussa le frère José María Larroca, Maître de l’Ordre (1879-1891), à offrir le couvent de Salamanque comme lieu d’accueil au frère Hyacinthe-Marie Cormier, prieur provincial de Toulouse. Le frère Larroca avait subi lui-même l’exil en France entre 1836 et 1844. C’est déguisé en paysan qu’il avait fui le pays basque espagnol pour se réfugier à Saint-Jean-de-Luz et ensuite à Basusarry dans le pays basque français.
Le frère Larroca confia au frère Martínez Vigil la mission d’obtenir du gouvernement espagnol l’autorisation pour les frères dominicains français de s’installer dans le couvent de Salamanque. Les frères Solla et Manovel étaient chargés à leur tour de préparer sur place l’accueil des frères réfugiés.
Le frère Martínez Vigil rencontra le président du gouvernement, Antonio Cánovas del Castillo, et il obtint l’autorisation pour les différents dominicains français de s’établir dans plusieurs villes de l’Espagne : Salamanque, Vitoria et Belmonte[8]. C’est ainsi que les frères de la provincede Toulouse purent s’installer à Salamanque. Un article de la revue « L’Année dominicaine » en 1886 témoigne de la gratitude des dominicains français envers le frère Martínez Vigil O.P.[9]
Les frères dominicains espagnols étaient peu nombreux au couvent de Salamanque. En 1880, le prieur provincial, le frère Martin Clemente, y résidait accompagné uniquement d’un frère coopérateur, le frère José Barberá. En 1881, trois autres frères y arrivent pour assurer la prédication dans le couvent et dans le diocèse : les frères Cipriano Sáenz de Buruaga, Paulino Alvarez et Inocencio Fernández. Deux autres frères y sont aussi envoyés pour étudier à l’université : le frère Juan Tomás González Arintero, sous-diacre, et le frère Justo Cuervo, diacre. Ces deux frères étudiants atteindront par la suite un grand renom dans la théologie : le frère Juan Tomás González Arintero, dans la mystique, et le frère Justo Cuervo, comme historien.
Les frères de la province de Toulouse au couvent de Salamanque
Les frères de la province dominicaine de Toulouse arrivèrent à Salamanque le 4 novembre 1880, ils furent reçus par plusieurs dominicains espagnols exclaustrés, par l’évêque de Salamanque, Mgr Narciso Martínez Izquierdo qui deviendrait tertiaire dominicain, ainsi que par des chanoines et des personnalités de la ville.
Le frère Marie-Joseph Lagrange, qui aimait écrire et interpréter les événements, raconte le voyage depuis Saint-Maximin et la vie dans le couvent Saint-Étienne de Salamanque[10].
Accueillis chaleureusement, les frères de la province de Toulouse organisèrent à Salamanque leur vie religieuse et intellectuelle de manière autonome, en continuant la formation des jeunes frères. Grâce à cette hospitalité, ils purent vivre en communauté alors qu’en France ils auraient été dispersés.
Sainte Thérèse d’Avila à Alba de Tormes
La proximité du carmel d’Alba de Tormes, où sont vénérées les reliques de sainte Thérèse d’Avila, favorisa aussi la découverte de la « Madre », la grande mystique espagnole, fondatrice de nombreux carmels. Le frère Marie-Joseph Lagrange s’y rendait en pèlerinage à pied, à une vingtaine de kilomètres de Salamanque, comme le montrent ses signatures dans « Le livre des pèlerins et des visiteurs du sépulcre de sainte Thérèse » : deux fois en 1883. En décembre 1883 figurent aussi les signatures de sa mère, Élisabeth, et de sa sœur, Thérèse, qui s’étaient rendues en Espagne pour son ordination presbytérale[11]. Par ailleurs, ce livre de signatures manifeste les pèlerinages communautaires des frères français à Alba. Parmi les signatures de 1883 il convient de relever celle du secrétaire général de l’Ordre, le frère Henri Denifle. Plus tard, le frère Denifle, historien de l’Église, spécialiste de Luther, introduira le frère Lagrange à la connaissance du luthéranisme lors de ses visites à Rome[12].
Tout au long de sa vie dominicaine, le frère Lagrange reconnaîtra l’influence bienfaisante de sainte Thérèse sur la vie d’oraison et d’union à Dieu : « Il me semble que le résultat de l’étude de St Thomas (de Incarnatione) et de notre pèlerinage d’Albe (Alba de Tormes) doit être de me rapprocher davantage de la Très Sainte Humanité de Jésus. (…) L’amour de Jésus est la racine de la sainteté. » Ce doit être le point principal de la dévotion à Marie Immaculée. Noël m’a donné aussi quelque lumière à ce sujet ; union in persona »[13].
La sainte d’Avila, docteur de l’Église, manifestera aussi l’influence de son intercession à plusieurs moments importants de la vie du frère Marie-Joseph, comme son ordination au sous-diaconat à Avila. C’est aussi le chapitre général d’Avila qui décida, en 1985, le lancement de la cause de béatification du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
Les frères dominicains espagnols et le peuple chrétien admiraient la ferveur des dominicains français notamment dans les célébrations liturgiques et les observances religieuses. Parmi les exemples de sainteté figure le frère Raphaël Célestin Goulesque[14], novice diacre de la provincede Toulouse, décédé à Salamanque, le 26 janvier 1882, et qui était souvent donné en exemple de vie religieuse aux jeunes frères espagnols lors de leur formation. Le bienheureux frère Hyacinthe-Marie Cormier[15] contribua en tant que prieur provincial par ses exhortations au sacrifice et à la mission lors des visites canoniques, au rayonnement de la sainteté des frères de la province de Toulouse. Alors qu’ils étaient réfugiés et pauvres, ces frères répondirent positivement en 1881 à l’appel de l’évêque de Goïas, au Brésil, Mgr Gonçalves Ponce, pour y enraciner l’ordre des Prêcheurs, ce qu’ils firent en laissant un parfum de sainteté évoqué encore aujourd’hui malgré le passage du temps. Ils donnèrent de leur pauvreté.
L’Académie saint Thomas d’Aquin
Si les frères français trouvèrent à Salamanque un refuge vital, il n’en est pas moins vrai qu’ils apporteraient aussi aux frères espagnols et à la ville de Salamanque un beau rayonnement apostolique comme le prouve la création de l’Académie saint Thomas d’Aquin au service du dialogue entre la foi et la culture, œuvre du frère Gil Vilanova[16], d’origine espagnole et plus concrètement catalane, qui vit le jour grâce à plusieurs aides : les évêques de Salamanque, Mgr Martín Izquierdo et Mgr Tomás Cámara, des professeurs de l’université de Salamanque et des frères du couvent Saint-Étienne. Les séances avaient lieu deux fois par mois. Cette institution engendra des centres semblables dans d’autres villes espagnoles comme à Valladolid et Oviedo. Fondée en 1881, l’Académie de saint Thomas d’Aquin continue d’organiser à Salamanque des débats sur les relations entre la théologie et la science, entre la foi et la culture, entre la religion et la politique …
Le frère Marie-Joseph Lagrange, étudiant et professeur à Salamanque
C’est au couvent Saint-Étienne de Salamanque que le frère Marie-Joseph approfondira la doctrine de saint Thomas d’Aquin. En 1883, il déclame une poésie française dont il est l’auteur sur la vocation de saint Thomas d’Aquin[17].
Le frère Marie-Joseph Lagrange reçut à Salamanque l’ordination diaconale et à Zamora l’ordination presbytérale le 22 décembre 1883, en présence de sa mère et de sa sœur Thérèse.
C’est à Salamanque que le frère Lagrange étudie l’hébreu, le syriaque et l’arabe[18]. Il suivit les cours d’hébreu à l’université de Salamanque en compagnie du frère Justo Cuervo. Il était difficile à cette époque de trouver de bons professeurs et de bons manuels d’hébreu : « Le P. Gallais qui savait quelques mots d’hébreu, éprouvant des scrupules à remettre entre mes mains une bible hébraïque, me copiait de sa main quelques versets qu’il me faisait étudier »[19]. Par ailleurs, le frère Marie-Joseph évoque avec délicatesse et humour les classes d’hébreu suivies à l’université de Salamanque qui étaient loin de satisfaire la juste attente des élèves[20]. Le frère Marie-Joseph avait l’habitude de travailler seul et avec méthode. Il aimait suivre les cours mais il était un autodidacte qui réussissait ce qu’il entreprenait. Sa grande capacité de travail lui permit d’apprendre rapidement en consultant les ouvrages des bibliothèques.
La misère économique, la persécution politique et le retard du catholicisme en matière d’exégèse, manque relevé par le pape Léon XIII lui-même, font comprendre cette situation intellectuelle précaire qui ne fera qu’émoustiller davantage la passion du frère Lagrange pour l’exégèse scientifique. Défi qu’il relèvera en fondant l’École biblique de Jérusalem en 1890.
Dans ses « Souvenirs de Salamanque », le frère Marie-Joseph rappelle les tensions politiques et les menaces lors de son séjour en Espagne. Il serait erroné d’imaginer une Espagne majoritairement catholique vivant dans la paix avec une Église forte : « On craignait des troubles révolutionnaires à la mort du roi Alfonse XII. En revenant de la promenade, nous passâmes devant un ouvrier qui effilait un coutelas : « Frères, Frères, disait-il avec un geste significatif, on vous a chassés de France ; nous autres, Espagnols, nous ne nous payons pas de cette monnaie, nous exigeons le prix du sang« .
Et pourtant la noble Espagne du Cid Campeador fut prise alors d’un scrupule chevaleresque. La reine veuve Marie-Christine était enceinte. L’élite du pays ne consentit pas à se montrer brutale envers cette femme et cette mère. Le calme ne fut pas troublé un seul instant. Et quand Alphonse XIII naquit, on se félicita d’avoir un roi. La fermeté, le sens politique, surtout la bonne grâce de la pieuse souveraine avaient déjà gagné les cœurs.
Nous étions donc assurés de la paix religieuse. Mais enfin, nous étions sur un sol étranger. (…). Et maintenant, chers et cuisants souvenirs, de tant de grâces reçues, de tant de grâces rebutées, envolez-vous, mués en prières, vers l’autel du Rosaire[21] sur lequel, pour la première fois, j’ai dit la messe. Daigne la Vierge très pure que les Espagnols ont tant aimée, les sauver par sa toute-puissante intercession »[22]. »
De 1884 à 1886, le frère Lagrange enseigna l’histoire de l’Église à Salamanque au rythme de cinq classes par semaine ce qui lui permit d’étudier Origène et saint Augustin : « Les événements avaient pour nous moins d’importance que les idées : ce fut surtout une étude des controverses du premier siècle jusqu’à nos jours en insistant sur la doctrine des premiers Pères »[23]. Le Studium de la province de Toulouse assurait la formation interne des jeunes frères.
C’est au mois d’août 1886 que le frère Lagrange rentra à Toulouse avec la première vague des frères ; la deuxième et dernière vague quitta les rives du Tormes en 1887.
Ce n’est qu’en 1892, que le chapitre provincial de Palencia décida d’installer les études de théologie à Salamanque. En 1897, le studium général de la province d’Espagne sera érigé à Salamanque qui redevint ainsi le couvent le plus important de la province d’Espagne, comme jadis.
À Toulouse, le frère Lagrange enseignera la philosophie et la Bible pendant deux ans (1886-1888). Ensuite, il sera envoyé à Vienne pour étudier les langues et les civilisations orientales. La main de la Providence le guidera à Jérusalem pour y fonder l’École pratique d’études bibliques, inaugurée en la fête de son saint patron de baptême, saint Albert le Grand, le 15 novembre 1890.
Saint-Denis (La Réunion), le 22 juin 2018.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Président de l’association des amis du père Lagrange
Site de l’Association des amis du père Lagrange :
http://www.mj-lagrange.org/
[1] Vicente CARCEL ORTI, Historia de la Iglesia. III. La Iglesia contemporánea. Tercera edición revisada y ampliada. Madrid, 2009; M. REVUELTA GONZALEZ, La política religiosa de los liberales españoles. El trienio constitucional (Madrid, C.S.I.C., 1973); La Exclaustración (Madrid. B.A.C., 1976); R. María SANZ DE DIEGO, Medio siglo de relaciones Iglesia-Estado en España. El Cardenal Antolín Monescillo y Viso (1811-1892), Madrid, Universidad de Comillas, 1979; Guido ZANEGHI, La edad contemporánea. Curso de historia de la Iglesia IV. Madrid. San Pablo 1998.
[2] Au cours du XIXe siècle il y eut en Espagne six lois d’expropriation des biens de l’Église : 1) sous le roi José I Bonaparte (1808-1813) ; 2) lors des Cortes de Cádiz (1810-1813) ; 3) pendant les trois années libérales (1820-1823) ; 4) les lois de Mendizábal (1836-1837) ; 5) la loi d’expropriation d’Espartero (1841) ; 6) la loi d’expropriation de Madoz (1854-1856).
[3] Ramón HERNANDEZ, Hacia una historia de la restauración de la Provincia dominicana de España, in Archivo dominicano, anuario I, 1980, Salamanca. Instituto histórico dominicano de San Esteban. P. 235s.
[4] Acta Capituli electivi Provinciae Hispaniae celebrati en Collegio Sti Joanis Baptistae de Corias, anno Domini 1879.
[5] Jean-Marc DELAUNAY, Des réfugiés en Espagne : les religieux français et les décrets du 29 mars 1880. In Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 17, 1981. P. 302.
[6] Cf. Dictionnaire biographique des frères prêcheurs (en ligne). Dominicains des provinces françaises (XIXe-XXe siècles). Couvent Saint-Étienne. Salamanque. Vieille Castille. Espagne.
[7] J. Salvador y Conde, O.P., Restauración de la Provincia de España 1860-1900. Editorial San Esteban. Salamanca. 2011. Chapitre 19. Osadía de los restauradores. San Esteban de Salamanca.
[8] José BARRADO BARQUILLA O.P., Fray Ramón Martínez Vigil, O.P. (1840-1904), obispo de Oviedo. Monumenta histórica iberoamericana de la Orden de predicadores, volumen XI. Salamanca. 1996.
[9] L’Année dominicaine 307 (1886), p. 4.
[10] Marie-Joseph LAGRANGE, Souvenirs de Salamanque, in La Vie dominicaine, 3 (1937), p. 179-183, 221-225 et 244-248. Ces articles sont publiés aussi dans « Marie-Joseph Lagrange, O.P., L’Écriture en Église. Choix de portraits et d’exégèse spirituelle (1890-1937). Présentation par Maurice Gilbert, S.J. Paris, éditions du Cerf, 1990, chapitre « Souvenirs de Salamanque », pp. 85-99 ; « Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Paris, éditions du Cerf. 1967, pp. 280-288 ; Marie-Joseph LAGRANGE, des Frères prêcheurs, Journal spirituel (1879-1932), Paris, éditions du Cerf, 2014 ; Louis-Hugues VINCENT, Le père Marie-Joseph Lagrange, sa vie et son œuvre, Parole et silence, 2013, pp. 46-47.
[11] Cf. Libro 1° de firmas, peregrinos y visitantes del sepulcro de santa Teresa, 273 fol., firma A-I-1 et fol. 44 v. Je remercie le père carme Manuel Diego Sánchez, archiviste du carmel d’Alba de Tormes, de m’avoir apporté ces renseignements lors de ma visite à Alba en mai 2018.
[12] Outre leur commune passion pour l’étude critique de la Bible et de l’histoire, tous les deux aimaient jouer aux échecs !
[13] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel 1879-1932, avant-propos de Fr. Manuel Rivero O.P., Paris, Cerf, 2014, p. 125, (Salamanque, le 20 février 1881.)
[14] Vie d’un frère prêcheur expulsé, le R.F. Raphaël-Célestin GOULESQUE, Paris, éditions Téqui, 1882.
[15] Cf. Henry DONNEAUD, Augustin LAFFAY, Bernard MONTAGNES, La Province dominicaine de Toulouse, XIXe et XXe siècles. Une histoire intellectuelle et spirituelle. Paris. Karthala, 2015. Voir « La nouvelle Province de Toulouse. Une œuvre du P. Cormier », par Augustin Laffay, pp. 15-64 ; Fr. Clément BINACHON, Saint-Maximin au gré des expulsions, 1880-1920. Manuscrit.
[16] E.-M. GALLAIS, Le P. Gil Vilanova, Toulouse, Privat. 1906.
[17] Bernard MONTAGNES, Le thomisme du père Lagrange. In Ordo sapientiae et amoris, Fribourg (Suisse), 1993, p. 487-508.
[18] Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel 1879-1932, avant-propos de Fr. Manuel Rivero O.P., Paris, Cerf, 2014, p. 232.
[19] Le Père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Paris, Cerf, 1967, p. 283.
[20] Cf. Bulletin de littérature ecclésiastique, publié par l’Institut catholique de Toulouse, n°1. Janvier 1899. Paris. Libraire Victor Lecoffre. 1899. PP. 283-285. Voir aussi Bernard MONTAGNES, Marie-Joseph Lagrange, une biographie critique. Paris. Cerf. 2004. P. 39.
[21] Il s’agit de la chapelle latérale de l’église du couvent Saint-Étienne de Salamanque.
[22] Marie-Joseph Lagrange, O.P., L’Écriture en Église. Choix de portraits et d’exégèse spirituelle (1890-1937). Présentation par Maurice Gilbert, S.J. Paris, éditions du Cerf, 1990, chapitre « Souvenirs de Salamanque », pp. 98-99.
[23] Le Père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels, Paris, Cerf, 1967, p. 288.
Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582), Réformatrice du Carmel, Docteur de l’Église.
« Que rien ne te trouble. Que rien ne t’épouvante. Tout passe. Dieu ne change pas. La patience triomphe de tout ; Celui qui possède Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit ! » (Thérèse d’Avila)
La doctrine de sainte Thérèse attirait vers l’oraison qu’elle a décrite avec un charme inégalé, prêchée avec une conviction contagieuse. Comme le père Cormier aimait à le dire : « Le brasier étant allumé, il suffisait d’y répandre quelques grains pour que se dégageât et montât vers Dieu l’encens de la prière ». (Marie-Joseph Lagrange o.p., « Souvenirs de Salamanque (1880-1886) » In L’Écriture en Église, Paris, Cerf, 1990, pp. 85-99.)
« Si peu fervente que soit cette oraison, Dieu en fait toujours grand cas. » S. Teresa, 2 Morada. (Cité par Marie-Joseph Lagrange o.p. Journal spirituel. Cerf. 2014.)
Illustration : Sainte Thérèse d’Avila (peinture) inconnu.
Sainte Thérèse d’Avila (Teresa de Jesús), ocds. Fondatrice de l’Ordre des Carmes déchaux. Première femme Docteur de l’Église.
En 1880, après avoir été expulsés de France, les frères dominicains sont accueillis par les dominicains espagnols qui les accueillent dans leur couvent Saint-Étienne de Salamanque, en Espagne. Les frères se rendent en pèlerinage à plusieurs reprises à Alba de Tormes, où se trouve les reliques de sainte Thérèse d’Avila : Marie-Joseph Lagrange étudie la doctrine mystique de la sainte et devient pour toujours un fidèle dévot de la « Madre ».
« Mon ordination au sous-diaconat à Avila n’a pu qu’augmenter ma dévotion pour la noble et vaillante sainte. » (Souvenirs personnels)
Illustration : Santa Teresa de Jesus Avila par Eduardo Balaca (19e) Musée du Prado
16 octobre 2020
Sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), confidente et apôtre du Cœur de Jésus
« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris […] Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. »
« Combien la dévotion au Sacré-Cœur dans la vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie est sanctifiante. Quel feu consumant ! » (Marie-Joseph Lagrange. Journal spirituel).
Le père Lagrange avait une dévotion pour sainte Marguerite-Marie Alacoque. En effet, le nom de celle-ci vient plusieurs fois sous sa plume. Le 15 janvier 1935, il souhaite auprès de l’assistant français du maître de l’Ordre que le chapitre général introduise la fête de sainte Marguerite-Marie au calendrier des Prêcheurs. « Sa mission dans l’Église, écrit-il, se révèle de plus en plus efficace : il semble que sa fête nous attirerait les grâces du Sacré-Cœur. ». (Bernard Montagnes. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf. 2004).
Illustration à gauche : Sacré-Coeur de Jésus-Broderie d’or-H.van Severen, église St Niklaas (1900)-Ghent-Belgium
Illustration à droite : Sainte Marie-Marie Alacoque, étude pour l’apparition du Sacré-Cœur par Hamel Eugène (1883).
17 octobre 2020
Saint Ignace, Évêque d’Antioche, Martyr à Rome vers 110 env. Père de l’Église.
Le nom d’Ignace, on le souligne volontiers, vient du mot latin : ignis, le feu. Une âme de feu, telle est bien l’âme passionnée de l’humble et mystique évêque d’Antioche, et sa passion suprême, c’est le Christ, c’est lui que cherche Ignace, « Lui qui est mort pour nous ; lui qui est ressuscité à cause de nous » (Rom 6).
L’impression profonde de la doctrine johannique sur saint Ignace par Marie-Joseph Lagrange o.p.
Les lettres d’Ignace étant reconnues authentiques, soit qu’elles datent de l’an 107 ou de l’an 115, il est du plus haut intérêt de savoir si elles font allusion au quatrième évangile. Elles ne le nomment pas, cela est certain, mais il est certain qu’elles sont imbues de sa doctrine. La foi en Jésus-Christ et plus encore l’amour de Jésus-Christ sont le foyer de la religion d’Ignace. On ne peut contester sa dépendance de Jean que si l’on imagine une théologie d’Asie Mineure dont il aurait été l’un des représentants. […] Les textes nous paraissent décisifs. Ce ne sont pas des citations, mais il en résulte qu’Ignace avait reçu une impression profonde de la doctrine johannique, telle qu’elle est exprimée par Jean.
(L’Évangile selon saint Jean, p. XXV, 1936.)
Illustration : Saint Ignace d’Antioche (dessin mural)
18 octobre 2020
Nous nous rappelons sans cesse, en présence de notre Dieu et Père, l’activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance, qui sont l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ (1 Th. 1,3).
Disciple de Jésus, le frère Marie-Joseph Lagrange a suivi le Christ, obéissant au Père, pauvre et chaste. Sa prière personnelle dévoilée dans son Journal spirituel le montre toujours tourné vers Dieu et la Vierge Marie dans une attitude d’humilité et de repentir pour ses péchés.
Apôtre à la manière de saint Dominique, il a travaillé sans cesse « pour le salut des âmes » par l’étude, l’enseignement et la prédication.
Les vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité, ont dynamisé et orienté toutes ses actions vers le Christ en qui il a trouvé la paix et le bonheur. Les trois vœux d’obéissance, pauvreté et chasteté ont été ainsi vécus par lui dans le mouvement de la grâce. Plutôt que de s’étendre sur ses vœux en religion, le père Lagrange préférait les vivre. Il se savait chargé de mission par le Christ qui l’appelait à défendre la foi catholique avec les armes de l’exégèse scientifique. Ceux qui l’ont connu ont témoigné de son ardeur au travail. Il n’avait pas de temps à perdre dans son service « pour le salut des âmes », expression des Constitutions de l’Ordre des prêcheurs qu’il chérissait. À ceux qui lui reprochaient parfois un style littéraire imparfait, il répondait : « Le soldat qui combat ne peut s’astiquer pour la revue »
Manuel Rivero, o.p. « Un religieux fidèle à ses vœux. Les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance dans la vie du père Lagrange. »
Illustration : Foi-Espérance-Charité par Marie-Adelaide Kindt (1840)-Museum of Fine Arts-Boston.jpg
20 octobre 2020
« Que vos reins restent ceints et vos lampes allumées » (Luc 12, 32-38).
À ce sujet, le père Lagrange nous dit : « Un maître s’est fait attendre […]Les serviteurs veillaient, tenant les lampes allumées, et, quand il a heurté à la porte, ils lui ont ouvert aussitôt, prêts à le conduire chez lui à la lumière. Mais lui, ravi de ce zèle, les fera mettre à table, se ceindra et les servira. Hyperbole si l’on s’en tient aux usages, mais propre à indiquer une condescendance infinie de la part de Dieu, car on comprend que c’est lui qui va frapper à la porte. Les choses se passeront de la même façon pour le monde entier à l’avènement du Sauveur, mais ici le sort de chaque âme est en jeu, comme dans le cas du riche insensé ; l’arrivée du maître, c’est le moment qu’attend le bon serviteur, et c’est le Fils de l’homme qui vient, qui le fait asseoir à son banquet.
(M.-J. Lagrange o.p. L’Évangile de Jésus Christ. Se tenir prêt pour l’arrivée du Maître, 178.)
Illustration : Lampe allumée, Centro Aletti
21 octobre 2020
Le mystère de Jésus Christ
Le père Lagrange « a scruté le mystère de Jésus-Christ et son cœur est devenu brûlant ».
(Prière pour la glorification du serviteur de Dieu Marie-Joseph Lagrange)
Aujourd’hui, dans sa lettre aux Éphésiens, saint Paul apôtre précise : « 2En quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous ? : 3Par révélation, il m’a fait connaître le mystère, comme je vous l’ai écrit brièvement. 4En me lisant, vous pouvez vous rendre compte de l’intelligence que j’ai du mystère du Christ. 5Ce mystère n’avait été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. 6Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. 7De cet Évangile je suis devenu ministre par le don de la grâce que Dieu m’a accordée par l’énergie de sa puissance. 8À moi qui suis vraiment le plus petit de tous les fidèles, la grâce a été donnée d’annoncer aux nations l’insondable richesse du Christ, 9et de mettre en lumière, pour tous, le contenu du mystère qui était caché depuis toujours en Dieu, le créateur de toutes choses ; 10ainsi, désormais, les Puissances célestes elles-mêmes connaissent, grâce à l’Église, les multiples aspects de la Sagesse de Dieu. 11C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur. 12Et notre foi au Christ nous donne l’assurance nécessaire pour accéder auprès de Dieu en toute confiance. »
Et dans son Journal spirituel, le père Lagrange d’écrire : « Le sens de tous les mystères, c’est l’Amour divin : celui-là les comprend mieux qui répond à l’amour par un plus grand amour. D’où, ceux-là connaîtront mieux Dieu dans le ciel qui l’auront plus aimé sur la terre. »
Illustration : Christ par Joseph F. Brickey (20e)


Belle fête de Notre-Dame du Mont-Carmel en ce 16 juillet. Le père Lagrange vénérait profondément la Vierge Immaculée par Fr. Manuel Rivero O.P.
Saint Denis (La Réunion), le 16 juillet 2020.
Chers amis spirituels du père Lagrange,
Belle fête de Notre-Dame du Mont-Carmel en ce 16 juillet. Le père Lagrange vénérait profondément la Vierge Immaculée.
À la grotte de Lourdes, le 16 juillet 1858, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, la Vierge Marie était apparue pour la dernière fois à Bernadette Soubirous. Apparition silencieuse, où « la Dame de la grotte était plus belle que jamais », selon le témoignage de la sainte voyante. Par ailleurs, sainte Bernadette de Lourdes déclarait que la Vierge Marie était tellement belle que l’on voudrait mourir pour la revoir.
La mère de Jésus resplendit de la lumière de son Fils ressuscité. Celle qui a participé aux souffrances du Calvaire où « une épée a transpercé son âme » (Évangile selon saint Luc 2,35), rayonne maintenant du bonheur de Dieu lui-même.
À la grotte de Lourdes, le 16 juillet 1858, fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, la Vierge Marie était apparue pour la dernière fois à Bernadette Soubirous. Apparition silencieuse, où « la Dame de la grotte était plus belle que jamais », selon le témoignage de la sainte voyante. Par ailleurs, sainte Bernadette de Lourdes déclarait que la Vierge Marie était tellement belle que l’on voudrait mourir pour la revoir.
La mère de Jésus resplendit de la lumière de son Fils ressuscité. Celle qui a participé aux souffrances du Calvaire où « une épée a transpercé son âme » ( Évangile selon saint Luc 2,35), rayonne maintenant du bonheur de Dieu lui-même.
À la différence de l’apôtre saint Pierre qui a reçu la grâce et la mission du gouvernement et de la prédication, la Vierge Marie a été investie d’une mission de maternité physique mais surtout spirituelle. Vocation autre et très haute, la bienheureuse Vierge Marie occupe la première place dans le Peuple de Dieu. À chaque messe, l’Église la cite en premier lieu dans toutes les prières eucharistiques, avant les apôtres.
Avant tout, la Vierge Marie brille comme un modèle de foi et d’intercession auprès de l’humanité. Sa prière, confiante, respectueuse et attentive aux besoins des hommes, attire l’intervention salvifique de Jésus le Christ. À Cana, Jésus avait changé l’eau en vin en réponse aux paroles compatissantes de sa mère : « Ils n’ont pas de vin » (Évangile selon saint Jean 2,3).
Donnée comme mère spirituelle au disciple Jean, qui représentait la communauté chrétienne sur le Calvaire, la mère de Jésus devient la Mère spirituelle des disciples de Jésus. Tout au long de l’histoire de l’Église, sur les différents continents, les chrétiens ont témoigné de cette présence spirituelle et bienfaisante de la Vierge Marie.
Les sociologues ne cachent pas leur étonnement devant la force et le courage de tant de millions d’hommes, de femmes et des enfants, qui ont fait face à la persécution, à la maladie et à la pauvreté, grâce à leur attachement à la dévotion mariale notamment par la prière du chapelet.
Patronne des marins souvent exposés aux tempêtes, invoquée sous le vocable « Stella maris », « Étoile de la mer », Marie veille sur ses enfants. « Souvenons-nous que l’on n’a jamais entendu dire que ceux qui ont imploré son aide aient été laissés sans consolation. »
Le colloque sur le père Lagrange prévu au mois de février à Bologne (Italie) n’a pas pu avoir lieu à cause du Covid 19 mais les textes préparés par les intervenants seront prochainement publiés par la revue théologique Sacra Doctrina des Dominicains à Bologne. C’est ainsi que j’ai envoyé ma contribution « La Vierge Marie dans les textes et dans la vie du père Lagrange », en relevant notamment les commentaires du fondateur de l’École biblique de Jérusalem dans son Évangile de Jésus-Christ et dans son Journal spirituel.
Le page Facebook « Marie-Joseph Lagrange, dominicain » présente régulièrement des textes et des nouvelles sur la vie et la spiritualité du père Lagrange. Le nombre de personnes qui les lisent augmente jour après jour et les « partages » avec d’autres Facebook personnels et institutionnels multiplient le rayonnement de ses enseignements. Pour ceux qui n’ont pas Facebook, ils peuvent retrouver les mêmes textes sur le site internet. Nous regrettons beaucoup de ne pouvoir atteindre ceux qui n’ont pas internet. Dans ce cas, si vous souhaitez recevoir les textes du mois écoulé, il est possible de vous les faire parvenir, sur demande, par courrier (2 à 4 pages).
Nous pouvons compter sur l’intercession du père Lagrange au Ciel.
Membres de l’association, nous collaborons à l’évangélisation en faisant connaître la sainteté de l’intelligence de la foi en la Parole de Dieu dont témoigne le père Lagrange.
Le chapitre général de l’Ordre des prêcheurs qui s’est tenu au Vietnam l’an dernier a mis en valeur la synergie entre l’étude et la vie communautaire. À ce propos, le père Lagrange est cité dans les actes du Chapitre, grand et rare honneur, comme un modèle de vie apostolique, intellectuelle et dominicaine. Le père Lagrange a toujours travaillé en équipe avec d’autres chercheurs. Il n’a pas créé l’École biblique « à côté du couvent » saint Étienne de Jérusalem mais « dans le couvent » pour vivre l’unité de la vie spirituelle chrétienne et dominicaine : prière, vie fraternelle de charité, étude et prédication.
Présent à ce chapitre général de Bien-Hoa en 2019, j’ai porté les images et les feuillets de présentation de la vie et de l’œuvre du père Lagrange en plusieurs langues : français, espagnol, anglais et vietnamien. Les frais d’édition, de transport et de douane ont été importants mais ils ont permis la découverte du père Lagrange à de nombreux membres de la Famille dominicaine sur les cinq continents et en particulier au Vietnam.
Régulièrement nous recevons des demandes de reliques et d’informations sur le père Lagrange en provenance de différents pays et continents.
Il convient d’associer de nouveaux frères dominicains et de nouveaux membres à notre mission. J’espère que lors de notre prochaine assemblée générale nous pourrons étoffer notre bureau et développer encore nos activités. Pour cela, nous avons besoin de votre contribution à travers les cotisations et des dons. Merci pour tout ce que vous faites déjà dans ce sens.
Le 10 de chaque mois, je célèbre la messe pour la cause de béatification du père Lagrange et pour les membres de l’association.
En vous gardant dans ma prière à la messe et au rosaire si aimé du père Lagrange, je me confie à mon tour à votre intercession auprès du Père de qui vient tout don parfait.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Président
Le père Marie-Joseph Lagrange et le père Pedro Arrupe, deux prophètes en voie de béatification par Manuel Rivero O.P.
L’Église souhaite la béatification de deux grandes figures du XXe siècle : le père Marie-Joseph Lagrange[1], dominicain, et le père Pedro Arrupe[2], jésuite. Tous les deux ont relevé des défis apostoliques nouveaux et difficiles au point de souffrir des incompréhensions de la part de la hiérarchie. Le père Lagrange a voulu servir l’Église en fondant l’École biblique de Jérusalem. Le père Arrupe s’est dévoué au service de la justice. Tous les deux ont cherché « le salut des âmes », dans un contexte culturel d’éloignement de la foi en la divinité de Jésus. Le père Lagrange a manifesté la vérité de la révélation divine transmise dans la Bible face aux critiques du modernisme qui n’y voyait qu’un texte humain du patrimoine de la littérature, sans portée surnaturelle. Le père Arrupe s’est évertué à montrer, par des actes, la charité évangélique qui comprend la justice sociale et la dépasse, face aux critiques du marxisme et de l’athéisme.
Ces deux hommes ont beaucoup de points en commun. Tous les deux ont connu l’exil dans les premières années de leur formation. Le père Lagrange, au terme de son noviciat, fut obligé de quitter le couvent de Saint-Maximin et la France en octobre 1870 avec tous les autres frères dominicains de la province de Toulouse. Ils trouvèrent refuge au couvent Saint-Étienne de Salamanque. Le père Arrupe fut obligé de quitter l’Espagne en 1932 à la suite du décret de dissolution de la Compagnie de Jésus, pour continuer ses études en Belgique et recevoir l’ordination presbytérale à Valkenburg (Hollande).
Jésus de Nazareth était le centre et le but de leur vie. Leur attachement au Sacré-Cœur de Jésus, expression de l’amour divin absolu, représentait la réponse de Dieu au mystère du mal et de la mort.
Pour le père Arrupe, le Cœur de Jésus apportait l’énergie de l’Esprit Saint à la Compagnie, sa dynamis[3].
Le père Lagrange a enterré sous la première pierre de l’École biblique une médaille du Sacré-Cœur, symbole et logo de la Bible, révélation de l’amour du Christ. La première pierre de l’École biblique de Jérusalem fut posée le 5 juin 1891 en la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Le parchemin de l’inauguration signalait que cette École était destinée à développer les études bibliques sous le patronage de Notre-Dame du Rosaire. Le père Lagrange a averti que dans les fondations de l’École les fouilleurs trouveraient des médailles du Sacré-Cœur, de Notre-Dame de Lourdes, de Notre-Dame du Rosaire, de saint Benoît, de sainte Marie-Madeleine et du pape Léon XIII qui régnait à ce moment-là[4].
Il m’a semblé important de mettre en parallèle leurs vies, leurs missions et leurs passions pour la Vérité révélée en Jésus et par Jésus. Tous les deux n’ont rien voulu d’autre que de servir l’Église. Ils ont souffert pour elle et par elle. Il est plus dur de souffrir par l’Église que l’on aime et que pour l’Église, attaquée par des idéologies contraires à sa foi.
Tous les deux représentent des modèles d’humilité et de courage évangéliques en des temps de mutation et de crise. Ils ne se sont pas contentés de vivre la foi dans des milieux favorables. Comme aime à le dire le pape François, ils ont vécu « en sortie ». Ils sont allés sur « le champ de bataille » de leur temps : la valeur surnaturelle de la Bible, pour le père Lagrange, la justice sociale comme dimension essentielle de la foi, pour le père Arrupe.
Le pape François, évêque de Rome, a souhaité l’ouverture du procès de béatification du père Pedro Arrupe, qui fut Général de la Compagnie de Jésus, pendant dix-huit ans. Né à Bilbao, au pays basque espagnol, le 14 novembre 1907, Pedro Arrupe est parti vers le Seigneur à Rome le 5 février 1991.
C’est le père Pedro Arrupe qui a nommé le père Jorge Bergoglio S.J., maître des novices et provincial des jésuites. Devenu pape et ayant choisi saint François d’Assise comme modèle et patron, les décisions et les enseignements du pape François manifestent l’influence du père Arrupe.
Étudiant en médecine à Madrid, Pedro Arrupe décide de se donner à Dieu en entrant dans la Compagnie de Jésus. Aumônier de prison aux États-Unis pendant sa spécialisation en bioéthique, envoyé au Japon à sa demande, le père Pedro Arrupe subira le choc de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima le 6 août 1945.
Soupçonné d’espionnage à cause de sa connaissance des langues étrangères, il vivra un mois en prison à Tôkyô, en communion avec le Christ Jésus dans sa Passion. Expérience mystique d’union à Jésus dans la solitude de la prison japonaise. Des chrétiens de sa paroisse catholique se rendront près de sa cellule pour lui chanter des chants de Noël, de manière à adoucir sa peine dans ce mois de décembre 1941.
La justice et la miséricorde
Général de la Compagnie, le père Pedro Arrupe manifesta sa miséricorde dans l’option préférentielle pour les pauvres et dans le service aux réfugiés du Vietnam et d’autres pays d’Asie. Le Service jésuite des réfugiés a trouvé en lui son fondateur et son soutien.
Il s’adressait aussi aux anciens élèves des jésuites pour les exhorter à œuvrer pour la justice sociale dans son fameux discours sur « La formation à la promotion de la justice ». Ses paroles exigeantes provoquèrent la démission du président de l’Association des anciens élèves lors du congrès de Valence (Espagne), en 1973. Le père Arrupe attendait des anciens élèves qu’ils fussent des agents du changement social selon l’Évangile. S’il est vrai que des dictateurs cruels sont sortis des collèges dirigés par les jésuites, il demeure aussi vrai que des anciens élèves ont orienté la société en accord avec les enseignements de la doctrine sociale de l’Église.
Le père Arrupe voyait dans l’inaction la peur de se tromper, la plus grande des erreurs que l’on puisse commettre : rester sans rien faire[5].
De son côté, c’est dans l’enseignement de l’exégèse que le père Lagrange vécut la justice et la miséricorde, donnant « le pain de la Parole de Dieu » et expliquant la Bible, parfois lumineuse, parfois obscure, aux esprit critiques assoiffés de vérité et de Dieu.
L’inculturation
Apôtre de l’inculturation, le père Arrupe apprit la langue japonaise et il exhorta les membres de la Compagnie de Jésus à évangéliser la culture, la politique et l’économie… Saint Ignace de Loyola parlait basque et moins bien l’espagnol. Porteur d’une double culture, le fondateur de la Compagnie de Jésus connaissait bien l’importance des langues et des traditions culturelles.
Cette inculturation passait par l’abaissement et le service, en opposition à la volonté de puissance et de domination qui a pu marquer la colonisation. La kénose du Christ Jésus, qui s’était vidée de la gloire qui était la sienne dès avant la fondation du monde, décrite par saint Paul dans l’épître aux Philippiens (chapitre 2), devait à ses yeux caractériser l’humilité et le travail des missionnaires. Le père Arrupe rapportait la réaction des personnes pauvres qui recevaient l’aide caritative d’une association dans un pays du Tiers-Monde : « Oui, Père, ils nous aident. Mais au fond, ils nous méprisent.[6] »
Quant au père Marie-Joseph Lagrange, non seulement il connaissait les langues vivantes comme le français, l’anglais, l’allemand appelée « la première langue biblique » à cause des études germaniques en exégèse, l’espagnol, mais il maîtrisa, dès ses jeunes années au petit séminaire d’Autun, le latin et le grec, par la suite il étudia l’hébreu, l’arabe, l’égyptien … Pour le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, « l’histoire se fait avec des monuments et des documents ». Il importait aussi de vivre sur la terre qui avait reçu la révélation biblique. Les paysages d’Israël faisaient partie de la culture biblique. Il vécut l’inculturation en vivant une cinquantaine d’années à Jérusalem.
Pour la foi catholique, le Saint-Esprit est l’auteur de la Révélation mais cette manifestation de la volonté de Dieu aux hommes est passée par l’inspiration des prophètes, des évangélistes et des apôtres, de manière telle que leur message était cent pour cent humain et cent pour cent divin. Loin d’être une dictée, la Révélation a tenu compte de la culture du peuple d’Israël. D’où l’importance capitale des médiations humaines pour accéder à la connaissance divine : les langues, les coutumes, l’histoire, les paysages, l’archéologie… Le Verbe s’est fait chair dans le sein d’une femme juive, Marie, et il a dévoilé la plénitude du mystère de Dieu que personne n’a jamais vu. « La Parole s’est faite chair dans des mots », comme aimait à le dire le théologien espagnol Cabodevilla[7].
Le père Lagrange répondra à la critique scientifique par la critique scientifique. Fin connaisseur de l’exégèse allemande libérale et des philosophies rationalistes, il établira un dialogue précis et respectueux avec ceux qui rejettent la foi catholique et sa Tradition, c’est-à-dire sa transmission de la Parole de Dieu commentée par les docteurs de l’Église qui l’ont actualisée au cours de l’histoire. Ce faisant, il apprend à « prendre le taureau par les cornes ». Soucieux du salut des âmes, le père Lagrange étudie, dialogue, répond, corrige et montre la voie. Disciple de saint Thomas d’Aquin, il ne s’acharne point sur les personnes qui prônent des interprétations de la Bible opposées à la sienne, mais il relève les failles dans des démonstrations qui se veulent scientifiques.
Du neuf et de l’ancien
Dans l’Évangile, Jésus demande à ceux qui enseignent de faire « du neuf et de l’ancien »[8]. Dans son encyclique « La joie de l’Évangile », le pape François exhorte l’Église à vivre « en sortie, en partance » et à « primerear »[9], c’est-à-dire à prendre des initiatives missionnaires.
L’écrivain italien Giovanni Papini reprochait aux thomistes d’ « avoir arrêté l’horloge de l’histoire au XIIIe siècle ». Marie-Joseph Lagrange a toujours été habité par une vision dynamique et progressive de l’histoire et de l’exégèse. Pour lui, la vérité était « une vérité en marche ». Dans son discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, il avait déjà entrevu le beau chemin à parcourir : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité »[10]. À la suite de saint Vincent de Lérins, le père Lagrange tenait à l’idée du développement de la connaissance de Dieu qui s’exprime dans les dogmes. Il ne s’agit pas d’un changement mais d’un progrès à la manière de la maturation du grain de blé qui devient épi, ou de l’enfant qui parvient à l’âge adulte. D’une manière poétique, Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, reliait ainsi l’ancien et le nouveau : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines volent. » Cette découverte infinie de la vérité se trouve explicitée dans l’Évangile. Jésus exige du bon professeur qu’ « il tire de son trésor du neuf et de l’ancien ». Le chrétien n’est pas un répétiteur ni la vie spirituelle un moule. « Chacun va à Dieu par un chemin virginal », s’exclamait le poète Léon Felipe. Il n’y a pas un seul évangile, mais quatre approches différentes du mystère de la vie de Jésus et ces quatre évangiles vont engendrer une multitude de commentaires et d’approfondissement au cours de l’histoire de l’Église qui manifesteront la richesse inépuisable de la Parole de Dieu, transmise de génération en génération sous l’action de l’Esprit Saint.
Aussi bien le père Lagrange que le père Arrupe ont innové enracinés dans la tradition de l’Église.
Le 3 décembre 2018, le pape François déclarait aux membres de l’association Rondine : « Il faut des “leaders” avec une nouvelle mentalité » ; « Les politiciens qui ne savent pas dialoguer et se confronter ne sont pas des “leaders” de paix : un “leader” qui ne s’efforce pas d’aller à la rencontre de l’“ennemi”, de s’asseoir à une table avec lui… ne peut pas conduire son peuple vers la paix ». « Pour faire cela, il faut de l’humilité, et non de l’arrogance : que saint François vous aide à suivre cette route avec courage [11]».
Le père Lagrange et le père Arrupe, « ‘leaders’ avec une mentalité nouvelle », étaient humbles et hommes de dialogue intellectuel et interpersonnel, loin de tout autoritarisme.
L’œuvre de Dieu se fait dans la contradiction
Pour comprendre le travail du père Lagrange, il faut rappeler la situation de l’enseignement religieux de l’époque en contradiction avec les découvertes scientifiques : « Le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il savait parce qu’il apprenait à l’école primaire que ce n’était pas vrai »[12]. C’est pourquoi Jacques Maritain, philosophe chrétien, qui a été ambassadeur de France près le Saint-Siège, disait que les manuels de théologie de cette époque-là représentaient « un pieux outrage à l’intelligence »[13].
Les difficultés du père Lagrange atteignirent leur sommet en l’année 1912, année terrible, où il dut quitter Jérusalem après une note de la Consistoriale qui demandait aux séminaires de retirer les ouvrages de quelques exégètes dont ceux du fondateur de l’École biblique sans donner d’explications.
Récemment le frère Augustin Laffay, historien, a découvert dans les archives du saint pape Pie X une lettre de dénonciation du père Louis Heidet envoyé à Pie X le 10 juin 1911[14], ce qui provoqua sans doute la défiance du pape envers le père Lagrange. Il est à remarquer que dans sa lettre il n’y a aucune citation des enseignements du père Lagrange alors qu’il publiait régulièrement ses cours et ses recherches dans la collection « Études bibliques » et dans la Revue biblique. Il s’agit malheureusement d’un procès d’intention et de propos calomnieux et diffamatoires qui présentaient le père Lagrange comme rationaliste et hypocrite.
C’est en juillet 1913, que le père Lagrange fut autorisé à reprendre son enseignement à Jérusalem,sans explication particulière, après dix mois passés en France.
Il faut bien souligner que ni les enseignements ni le comportement du père Lagrange n’ont jamais fait l’objet de condamnation de la part des autorités de l’Église.
Ses idées développées dans « La Méthode historique » (1903), dans ses livres et articles passeront dans l’enseignement officiel de l’Église sur les genres littéraires notamment dans l’encyclique du pape Pie XII Divino Afflante Spiritu en 1943 et dans Dei Verbum (1965) du concile Vatican II.
Le père Arrupe connut aussi la contradiction à l’intérieur de la Compagnie de Jésus par ceux qui se voulaient les représentants de « la véritable Compagnie » et de la part des responsables de l’Église et, en particulier, par la condamnation du saint pape Jean-Paul II.
Le pape Jean-Paul II avait souffert du communisme en Pologne. Il redoutait le marxisme tout en enseignant une doctrine sociale de l’Église où le travail avait le primat sur le capital. Loin d’opposer le capital et le travail, dans son encyclique « Laborens exercens », Jean-Paul II montre comment le capital trouve sa source dans le travail et comment le but du capital est de servir le travail « On ne peut pas posséder pour posséder mais pour servir le travail ». Le principe de la destination universelle des biens et la dignité sacrée de la personne humaine ont été mis en lumière par ce saint pape. Karl Marx aspirait au dépassement de la division du travail dans le communisme. Il avait pris l’image de l’escargot et de la coquille pour symboliser l’union indissoluble du travail et du capital. Dans ses enseignements, le pape Jean-Paul II situe la personne humaine, le travailleur avec son travail, comme étant le sommet de la création tandis que le capital n’est qu’un instrument au service du travail et de la personne humaine.
Jean-Paul II connaissait peu l’Amérique latine avec les dégâts du capitalisme et du libéralisme sur ce continent, tandis que le père Arrupe avait éprouvé en sa chair la violence de la bombe atomique d’Hiroshima, lâché par les États-Unis, pays libéral et apôtre du capitalisme.
Certaines photos montrent le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardant en directions opposées ; d’où la légende explicative de la photo : « Deux regards divergents ». En réalité, le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardaient dans la même direction : le Christ Jésus et la justice sociale. Mais ils le faisaient à partir des expériences différentes, des pays différents avec des points de vue divers, sans opposition sur le fond. Saint Thomas d’Aquin enseignait : « Dans les choses qui ne sont pas de la nécessité de la foi, il a été permis aux saints, il nous est permis à nous d’opiner de diverses manières[15]. »
Malheureusement, l’attitude méfiante et la condamnation du pape Jean-Paul II provoquèrent une profonde douleur en la personne du père Arrupe. Le 7 août 1981, lors du retour du voyage aux Philippines et en Thaïlande, où il avait rendu visite aux jésuites qui travaillaient auprès des réfugiés au Vietnam, Laos et Cambodge, le père Arrupe subit une attaque cérébrale dans l’aéroport de Rome, attaque qui allait le paralyser pendant dix ans jusqu’à sa mort. Le 6 octobre 1981, le pape Jean-Paul II nomma le père Dezza S.J. comme délégué personnel pour gouverner la Compagnie, avec le concours du père Pittau S.J., coadjuteur. Le 3 septembre 1983, le père Arrupe présenta sa démission dans la Congrégation générale et quelques jours plus tard, le père Peter-Hans Kolvenbach fut élu Général de la Compagnie de Jésus.
Esprit d’obéissance dans l’amour de l’Église
Le père Lagrange et le père Arrupe ont accepté dans l’obéissance les condamnations de la hiérarchie. Ces condamnations ne portaient pas sur la foi ou les mœurs mais sur des choix intellectuels et pastoraux.
Tous les deux ont choisi le silence et l’humilité, confiants dans la Providence, au lieu de susciter des vagues de contestation. Ils avaient mis leur confiance en Dieu.
Le père Lagrange tenait à excuser le pape Pie X qui veillait à sauvegarder la foi et la paix dans l’Église. En quittant Jérusalem, « la mort dans l’âme », le 3 septembre 1912, le père Lagrange exhorta les professeurs et les étudiants à l’obéissance.
Le témoignage du père Arrupe pendant ses dix années de maladie et son attitude à l’approche de la mort révèlent son amour de l’Église et sa foi en Dieu. Il avait gardé dans sa prière trois mots : « Fiat », « Amen » et « Alléluia ». « Amen pour aujourd’hui, Alléluia pour demain », disait-il.
Conclusion
Le père Lagrange a été appelé « le mystique de la Bible ». Ses commentaires bibliques et son Journal spirituel révèlent une âme dont « la prière était feu », comme l’écrivait le cardinal Carlo Maria Martini S.J.[16], dans une lettre envoyée en faveur de sa béatification.
Le père Arrupe, mystique, a vécu au sens de vivre en profondeur « le mystère du Christ », il partageait avec le père Lagrange la dévotion à sainte Thérèse d’Avila. Il avait traduit en japonais ses œuvres ainsi que celles de saint Jean de la Croix, de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier.
Le laïc dominicain, ancien maire de Florence, Georgio La Pira, que le pape François cite souvent,attribuait au gouvernement une place d’honneur à la vie spirituelle après l’union intime avec Dieu dans la prière, car il s’agit de conduire les hommes et de les conduire à Dieu. Le but et la passion du père Arrupe fut de conduire la Compagnie, la vie religieuse, l’Église et l’humanité au Cœur de Jésus.
Dans la Bible, les prophètes transmettent la volonté de Dieu au peuple. Ils encouragent les croyants à accomplir la volonté de Dieu qui apportera le salut.
Le père Lagrange s’est laissé guider par l’Esprit Saint pour conduire l’Église sur le chemin de l’interprétation scientifique de la Bible, accomplissant ainsi l’enseignement de Jésus : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » Dieu, qui fait toutes choses nouvelles, a fait du neuf à travers la vie et l’œuvre du père Lagrange.
Le père Arrupe, habité par l’Esprit Saint, a orienté la Compagnie de Jésus sur le chemin de la justice sociale suivant le principe « Deus semper major et semper novus » (« Dieu toujours plus grand et toujours nouveau »). Il avait envisagé de se rendre lui-même au Vietnam au service des réfugiés lors de la présentation de sa démission au pape qui ne l’accepta pas.
Puisse l’Église reconnaître leur sainteté afin que leur exemple et leur intercession illumine de manière universelle ceux qui doutent et qui cherchent Dieu sur le chemin de la raison et de la foi.
Fr. Manuel Rivero O.P.
Elorrio (Biscaye), le 16 août 2020.
[1] Voir le site Internet et le facebook consacrés au père Lagrange : Site de l’Association des amis du père Lagrange :http://www.mj-lagrange.org/ ; Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain
[2] Voir : Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. Une trentaine d’auteurs ont participé à l’édition de ce livre dont vingt-sept jésuites qui ont connu de près le père Arrupe.
[3] Cf. Dernier grand discours du père Pedro Arrupe. Cf. Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. PP. 40-41.
[4] Cf. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels. Préface du P. Benoît, o.p. Paris. Éditions du Cerf. 1967. P. 38.
[5] Cf. New York Times, 25-11-66.
[6] Norberto Alcover, S.J. (ed.), Pedro Arrupe, memoria siempre viva. Bilbao. Ediciones Mensajero, 2001. P. 89.
[7] J.M. Cabodevilla, Palabras son amores. Límites y horizontes del diálogo humano, Madrid, BAC, 1980, p. 251.
[8] Mt 13, 52 : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien ».
[9] Pape François, Exhortation apostolique « La joie de l’Évangile », Paris, Téqui, 2013, n°24.
[10] Discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, le 15 novembre 1890. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels, Paris, Cerf, 1967, p. 104.
[11] Cf. ZENIT, le 3 décembre 2018.
[12] Ch. Théobald dans « L’exégèse catholique au moment de la crise moderniste », in Le monde contemporain et la Bible, Éditions Beauchesne, 1985, p. 388.
[13] Jean-Michel Poffet, L’écriture de l’histoire : du P. Lagrange à Paul Ricoeur. P. 5. In Cahiers de la Revue biblique 65. « La Bible : Le Livre et l’Histoire », Actes du Colloque de l’École biblique de Jérusalem et de l’Institut catholique de Toulouse (nov. 2005) pour le 150e anniversaire de la naissance du P. M.-J. Lagrange O.P. sous la direction de J.-M.Poffet, O.P., directeur de l’École biblique de Jérusalem, Paris, Gabalda, 2006.
[14] Bernard Montagnes, Lagrange dénoncé à Pie X en 1911, in Archivum fratrum praedicatorum, vol LXXVI, Istituto Storico Domenicano, Roma, 2066, p. 217-239.
[15] Saint Thomas d’Aquin, Sentenc. Lib. II, dist. 2a, quaest. 1a, art. III. Cité dans l’Avant-propos du premier numéro de la Revue biblique, 1892, Paris, P. Lethielleux, libraire-éditeur, P. 11-12.
[16] Cf. Lettre du cardinal Carlo Maria Martini au frère Manuel Rivero, depuis Jérusalem, le 22 juillet 2007 : « J’estime que le père Lagrange est comme l’initiateur de toute la renaissance catholique des études bibliques. Penser qu’au début de ce renouveau il y a eu un saint nous encourage à vivre ces études avec l’attitude de saint Jérôme et des autres exégètes qui ont cherché le visage de Dieu dans les Écritures. »
Octobre, le mois de la prière du Rosaire par Fr. Manuel Rivero O.P.
« N’abandonnez jamais la prière du Rosaire », conseillait le pape François lors de la clôture du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 2017.
D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.
Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.
Invisible, mais, proche et agissant, Dieu est invoqué particulièrement dans les épreuves. Alors que d’aucuns demandent « où est Dieu dans nos souffrances ? », la prière s’avère source de grâces. La Bible révèle un Dieu caché qui déploie sa puissance dans l’effacement. Maître Eckhart, le grand mystique dominicain du XIVe siècle, enseignait que « le Fonds de la Déité se trouve dans la puissance d’effacement de soi »[1]. Le mystère de l’Incarnation, fondement du christianisme, manifeste l’humilité et l’abaissement du Fils de Dieu, qui, par amour envers l’humanité, est devenu l’un de nous. La Vierge Marie l’a accueilli dans la foi en notre nom. D’où l’attachement des chrétiens à la figure de la Mère du Messie.
Prière face à la pandémie
En ces temps difficiles de pandémie et de crise économique, l’Église se tourne vers la Mère de Dieu,comme elle le fit en 1571 lors de la bataille de Lépante. Le saint pape Pie V, O.P. confia alors l’Église à l’intercession des confréries du Rosaire. La victoire obtenue fut saluée comme une grâce de Dieu à travers la prière de la Mère de Jésus. D’où la célébration de la fête de Notre-Dame de la Victoire,le 7 octobre, connue sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Dans le rayonnement de cette fête mariale, tout le mois d’octobre porte la marque du Rosaire.
L’Église se tourne vers Jésus qui est venu pour les malades. Les catholiques se confient à l’intercession de la Mère de Dieu. L’une des prières mariales les plus anciennes évoque la confiance des chrétiens dans la miséricorde de la Vierge Marie : « Sous ta miséricorde, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu ».
Prière contemplative, le Rosaire consiste à prier Jésus, le seul Sauveur et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes pour la foi chrétienne, avec la foi de Marie, qui est la foi de l’Église. Le fidèle regarde Jésus avec les yeux et le cœur de sa Mère, la Vierge Marie.
La prière du Rosaire a pour centre et pour but Jésus le Christ. Ceux qui égrènent le chapelet rejoignent le cœur de Marie pour y méditer les événements et les paroles de Jésus. L’évangéliste saint Luc précise que Marie gardait dans son cœur tout ce qu’elle découvrait du mystère de son Fils.
Le Rosaire conduit les disciples de Jésus jusqu’au cœur de sa Mère pour le contempler dans la lumière de la foi juive accomplie dans le mystère de la mort et de la résurrection du Messie.
Sans la Vierge Marie, « l’Église devient un orphelinat », s’exclame le pape François. Mais les chrétiens ne sont pas orphelins. Ils reçoivent l’Esprit-Saint promis par Jésus. Ils reçoivent aussi la Mère de Jésus pour Mère spirituelle. C’est elle qui veille sur les disciples de son Fils, comme elle a collaboré à sa naissance et à sa croissance en tant qu’homme. Éducatrice de Jésus, Marie joue aussi son rôle de Mère spirituelle, par son exemple de foi et par son intercession, auprès de son Fils Jésus.
Cela ne relève pas d’une dévotion inventée, mais d’une volonté du Sauveur lui-même manifestée sur le Calvaire quand il a dit à sa mère « Voici ton fils » (Jn 19) tout en orientant son regard vers l’apôtre bien-aimé, Jean. À celui-ci, le saint crucifié a déclaré : « Voici ta Mère ». Et l’apôtre fidèle la prit chez lui, c’est-à-dire dans sa maison et dans son cœur.
Précisions de vocabulaire
Le mot chapelet provient du mot « chapeau » ou « couronne » de roses que les amoureux offraient à leurs bien-aimées, et, que les dévots de la Vierge Marie plaçaient sur la tête des statues de la Mère de Jésus.
Le mot Rosaire rappelle le choix de cette fleur offerte en signe de foi à la Vierge Marie
Le bienheureux Alain de La Roche O.P. (1428-1475) préférait appeler cette prière « Le psautier de Notre-Dame » plutôt que Rosaire, en lien avec les 150 Psaumes qui trouvaient leur équivalent dans les 150 Ave Maria du Rosaire quand les trois séries du Rosaire (5 joyeux, 5 douloureux et 5 glorieux) comportaient 150 grains en tout. L’arrivée des mystères lumineux, décidée par le saint pape Jean-Paul II, a élevé à 20 mystères le cycle de la prière qui inclue ainsi la vie publique de Jésus, outre l’Enfant, la Passion et la Gloire de la vie de Jésus.
Voyage intérieur
En égrenant le chapelet, le croyant voyage en esprit vers Nazareth, Bethléem, Jérusalem …
Une marseillaise avait déclaré un jour à Mgr Roger Etchegaray : « Avec le chapelet, je fais le tour du monde à l’œil et sans bouger ».
Quand nous visitons un pays nous tenons à bénéficier d’un bon guide local qui connaisse l’histoire,non seulement par l’étude, mais aussi par expérience. Qui mieux que la Vierge Marie peut nous introduire dans la connaissance de son Fils Jésus ?
Nous pouvons l’appeler Notre-Dame des commencements, car Marie apparaît dans les Évangiles lors des événements fondateurs : l’Incarnation, la Visitation, Noël, Calvaire, Pentecôte …
Silence intérieur
Certaines personnes s’interrogent sur le sens de la répétition des Ave Maria. Mais le but de cette reprise des paroles de l’archange Gabriel à Marie n’est rien d’autre que le silence intérieur. Pour calmer, voire effacer le bruit intérieur, les discours et les films, toujours les mêmes dans la tête, il convient de se laisser purifier et habiter par la Parole de Dieu. En reprenant les Notre Père et les Ave Maria, le fidèle parvient à faire silence en soi pour faire de la place dans son cœur à Jésus le Christ.
À l’image du vol des oiseaux qui en refaisant toujours le même mouvement de leurs ailes s’élèvent vers le ciel, ceux qui prient reprennent les mêmes prières, mais jamais au même endroit, car leurs âmes se déplacent vers Dieu et vers leurs frères en humanité.
Plasticité de cette prière
Le chapelet permet l’intégration de toute la Bible par le moyen des clausules, c’est-à-dire des citations de l’Écriture sainte, à la suite du nom de Jésus dans la première partie de l’Ave Maria : « Je vous salue Marie … et Jésus, qui sauve les malades, est béni », par exemple.
Dans la deuxième partie de l’Ave Maria, il est possible d’actualiser la prière « et à l’heure de notre mort », en la remplaçant par « et à l’heure de la maladie », « et à l’heure de la recherche d’emploi », « et à l’heure de l’examen » …
Prière qui rassemble
La prière du chapelet facilite l’union à Dieu dans la solitude. Elle rassemble aussi les chrétiens comme le prouve l’existence séculière des Confréries du Rosaire, des Équipes du Rosaire ou de la Légion de Mar
Au Japon, des communautés chrétiennes ont gardé la foi en l’absence de prêtres pendant deux siècles grâce à la prière du Rosaire. À partir de 1614, des missionnaires dominicains connurent le martyre. Au XIXe siècle, lors de la reprise de l’évangélisation, les missionnaires découvrirent, avec émerveillement, que les chrétiens continuaient de célébrer le Christ Jésus au Japon en priant ensemble les mystères du Rosaire.
Le chapelet des enfants
Élément matériel, en bois ou en plastique, le chapelet aide à prier. Nombreux sont les enfants qui entrent dans la paix du cœur par cette prière.
Les systèmes éducatifs font rarement de la place à l’intériorité. Des méthodes de méditation, pour les enfants, deviennent à la mode dans le souci de les calmer au milieu d’une multitude d’activités et de sollicitations. La prière du chapelet offre une paix habitée par Jésus. Plutôt que de dire « om », les enfants chrétiens prient le nom de Jésus, source de l’Esprit Saint.
Enfant, à l’âge de sept ans, j’ai reçu comme cadeau pour ma Première communion un chapelet en argent. Il est beau. La date de cet événement heureux fut gravée sur la croix. C’est avec joie et gratitude que j’aime le reprendre et le prier bien des années après.
Pourquoi ne pas penser à offrir comme cadeau, pour la Première communion et la Confirmation, un beau chapelet que l’enfant gardera peut-être toute sa vie ?
Prière qui illumine
La foi est lumière dans les ténèbres de la maladie et de la mort. En tant que prêtre, je demeure admiratif devant la puissance pédagogique et spirituelle du chapelet lors de la maladie et du deuil.
Aux malades et aux personnes détenues en prison, je leur rappelle leur mission de prier pour l’Église et pour le monde. Ils deviennent ainsi acteurs de l’histoire car les événements relèvent aussi de la Providence qui répond à la prière.
Lors des veillées funéraires, la méditation des mystères douloureux et glorieux fait passer les familles de la tristesse à la lumière de la foi, de la fatigue à la force de la grâce, du désespoir à la communion avec Dieu et avec les proches qui partent.
Loin d’être « la dégringolade finale » d’une vie, la mort représente le sommet de l’existence et le passage, la « pâque », de ce monde au Père.
D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.
Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.
Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, fervent de la prière du Rosaire, « Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère »[2], même au cours de sa Passion.
Ce fut le cas sur le Calvaire, lors de la mort de Jésus, cela l’est aussi pour ceux qui se confient à l’intercession de la Mère de Jésus en devenant « fils et filles de Marie ».
Saint-Denis/ La Réunion, le 1er octobre 2020
[1] Cité par François Varillon, L’humilité de Dieu, Bayard, 2017, p. 31.
[2] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.